Les Connards Pro™, capter les données des cons–

–sommateurs. Les données des consommateurs. Cet épisode inédit des Connards Professionnels™ vous invite à découvrir le monde merveilleux du capitalisme de surveillance, où l’on donne ce qui nous est le plus personnel : notre attention.

Le retour des Connards Pros™ avec des épisodes inédits !

Afin de fêter leur retour, le Framablog souhaite publier, chaque semaine pendant un mois, un des épisodes inédits de ce travail… de connards, il faut bien le dire !

Le Guide du Connard Professionnel est un livre-BD scénarisé par Pouhiou et dessiné par Gee, placé dans le domaine public volontaire. Nos comparses viennent d’ailleurs de le publier en un joli livre, qui se télécharge librement mais s’achète aussi dans sa version papier si vous voulez soutenir les auteurs.

couverture du guide du connard professionnel, le livre
Cliquez sur l’image pour télécharger et/ou acheter le livre.

 

Pour réussir à votre tour dans la profession de consultant en connardise, vous pouvez :

En attendant, voici un nouvel épisode du guide, intitulé :

20. Capter l’attention des cons

Ce que l’on apprend lorsqu’on expérimente sur les humains, c’est que ce n’est qu’une première étape. C’est un marchepied, en quelque sorte, qui vous le mettra à l’étrier d’une aventure à laquelle tout Connard dans l’âme se doit d’aspirer : manipuler une culture, une civilisation entière.

Pour ce faire, il vous faudra œuvrer à façonner un système si complexe, si ingénieux, si empreint de tout votre art que tout apprenti connard ne pourra que vous considérer comme un Maître.

Le chef-d’œuvre qui m’a pris tout mon temps, durant ces quelques années de hiatus, a été nommé par des spécialistes le : « Capitalisme de surveillance ».

Il va de soi qu’un système aussi raffiné se doit d’être exhaustif et intègre. Il est ici nullement question de créer une mécanique dont moi et les miens serions exempts. Cela indiquerait aux rouages de ce système qu’ils pourraient s’en extraire, rendant tout le système caduc dès le départ.

Or, si l’on pense en bon connard, un bon système est un système où l’on se soustrait à toutes les contraintes, souffrances et autre pénibilités… en les faisant ruisseler sur autrui. Dans un système de type capitaliste, l’astuce consiste à être riche, pour se nicher au sommet de la pyramide, quitte à chier sur les épaules de ceux d’en dessous.

Ainsi, seuls les pauvres seront affectés par la pénibilité du système. Or, ne nous le cachons pas, ils l’ont bien mérité : ils (ou, pour user de leur argot vernaculaire : « iels ») sont pauvres.

Tout comme il est inutile de deviner qui de la poule ou de l’œuf… Ne perdons pas de temps à savoir qui était là en premier : la pauvreté ou la bêtise. Le fait est qu’il s’agit d’un cycle naturel où l’un entraîne l’autre.

C’est en profitant de ce cercle vertueux que j’ai pu imposer à la populace mes termes, mon vocabulaire. C’est ainsi grâce à ma connardise que l’on parle communément de « données personnelles ».

C’est intéressant d’appeler nos comportements des données. Cela fait penser à quelque chose que l’on donne. Comme si le commun des consommateurs avaient le pouvoir. Le choix. La responsabilité de leurs données.

En tant que connards professionnels, il ne faut jamais laisser nos cibles penser avec leurs propres mots : cela pourrait leur donner des idées. Ainsi, n’oublions pas que dans « données personnelles », j’ai ajouté le mot personnelles.

Voilà que le consommateur moyen va se dire que ses comportements sont ses données à lui, presque sa propriété. D’un simple mot, j’isole cette personne, je le condamne à être un individu, séparé des autres individus, ne pouvant plus s’allier à eux pour remettre collectivement en cause mon beau système.

Or, si l’on regarde d’un pur point de vue technique, le web a été fait par et pour des animaux sociaux, et n’existe que pour faire du lien. Aucun de vos comportements ne concerne que vous, ils racontent votre rapport aux autres, aux choses, au monde.

De votre date de naissance (qui indique ce que faisaient, ce jour-là, les corps qui vous ont fait naître), à votre géolocalisation (qui indique qui vous allez voir, avec qui, et souvent pourquoi), vos comportements sont quasi exclusivement sociaux.

De ces comportements sociaux, on peut très vite déduire un portrait assez fin de chaque personne dans sa relation aux autres. Dans le jargon, on appelle cela un « graphe social ».

Vous avez certainement, sur votre smartphone, des applications qui ont accès à votre carnet de contact (elles vous remercient, d’ailleurs). Ce qui signifie que si vous tournez autour d’un nouveau crush, cette application saura quand vous rentrez son 06 dans vos contacts.

Si, par ailleurs, j’ai accès à un autre fichier qui note la géolocalisation de téléphones identifiés par leur numéro, je peux donc savoir qui tourne autour de qui, quand est-ce que les téléphones passent la nuit ensemble et donc à quel moment leur faire afficher des publicités pour des sous-vêtements affriolants, des préservatifs ou des pilules du lendemain.

C’est bien là l’avantage des comportements sociaux : on peut noter ce que l’on veut sur qui l’on veut, car même les personnes qui n’ont pas de smartphone ou de comptes sur les plateformes ont des amis qui en ont.

Notez bien cependant qu’il est important de respecter la loi comme un connard. Ainsi, puisqu’en France il est interdit de ficher les opinions politiques ou orientations sexuelles, je m’interdis scrupuleusement de ficher quiconque comme « votant à droite » ou comme « pédé comme un sac à dos ». Par contre, j’ai beaucoup de monde dans les cases « souhaite la réduction de ces charges qui nous étouffent » et « intéressé par la culture gaie ».

Ne désespérons pas : la route est longue mais la loi change, et même un pas après l’autre : on avance. Récemment, le fichage des opinions politiques et orientations sexuelles a été autorisé à la police française. C’est là un signe d’espoir qui nous permet de rêver.

Il faut dire que, à l’instar de la délation et de la collaboration, le fichage est une tradition culturelle forte. Pour le web, cela a commencé avec les cookies. Le principe de base était simple : des nerds et des gratte-papier faisaient des sites web qui attiraient l’attention de gens, qui consommaient les contenus.

Les premiers connards du web s’en sont rendu compte, et sont allé à la source. Tiens petit nerd qui se dit webmestre, tu veux des belles statistiques pour savoir ce qui est lu ? Voici Bastards Analytics, tu le mets sur ton site web et ça ajoute juste un petit cookie. Et toi, gratte-papier, tu veux des jolies polices d’écriture pour ton blog ? Alors utilise mes Bastards fonts, y’aura juste un cookie, mais ce sera tellement joli.

Et puis… puis ça a explosé. Les cookies de mes copains installaient mes cookies, les pisteurs se partageaient des données entre eux… Ah, ça ! Quand on a pas connu on ne se rend pas compte, mais aux débuts du web marchand, y’en avait partout, c’était beau, c’était… hyper communautaire, en fait.

Et c’est là qu’est arrivée la tuile. LE truc que nos lobbyistes n’ont pas pu dérailler.

RGPD.

Il fallait demander aux consommateurs leur consentement, comme s’ils savaient ce qui est bon pour eux ! Alors oui, bien sûr, au début c’était la tuile, mais cela fut en fait un bon défi de connard. Comment faire en sorte que les consommateurs détestent le consentement au moins autant que nous ?

On peut vous dire que pour arriver à un tel résultat, y’a des années d’expérience et (oui, osons le mot) du talent.

Appuyez sur play pour voir l’extrait de la conférence correspondant à cet épisode

 

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Les Connards Pro™, l’épisode perdu (Facebook)

Les Connards Professionnels nous reviennent après des années d’absence. Découvrez aujourd’hui un épisode qui parodie et explicite le fonctionnement de Facebook, écrit en 2015 et pourtant jamais publié avant maintenant.

Les Connards Pros™ vous forment au capitalisme de surveillance !

Entre 2014 et 2015, Gee et Pouhiou ont écrit un OWNI (objet webesque non identifiable) mi roman, mi BD et mi guide managérial parodique, intitulé Le Guide du connard professionnel. Le principe est de former le lectorat au design de la malveillance, une activité hautement lucrative. Des ouvertures « faciles » rageantes aux dark patterns en passant par l’argent-dette : tout est de la faute des Connards™ !

Sept ans plus tard, nos frama-comparses ravivent le projet avec une pseudo-masterclass de connards qui vous dévoile les mécanismes de l’économie de l’attention pour mieux comprendre le capitalisme de surveillance : Framasoft s’y est d’ailleurs infiltrée pour mieux la capter en vidéo !

Depuis, les Connards Pro™ n’ont pas chômé et vous proposent :

Afin de fêter leur retour, le Framablog souhaite publier, chaque semaine pendant un mois, un des épisodes inédits de ce travail… de connards, il faut bien le dire !

19. Donner de l’exercice à ses cobayes

Les expérimentations sur les animaux n’ont plus bonne presse, au grand dam des industries cosmétiques qui se sont vues obligées d’inventer le rouge à lèvres virtuel, le mascara pour bactérie ou la crème de jour pour cadavre… Par chance, pratiquer des tests sur les humains reste encore possible, pour peu que vous le fassiez dans une posture socialement acceptable. Sociologie, anthropologie, ethnologie : les sciences sociales nous offrent ce plaisir mais demandent un investissement coûteux (sous forme d’harassantes études) pour une rémunération de gagne-petit. Un bon connard préférera donc monter sa start-up du web.

On ne le répétera jamais assez, un bon connard est un flemmard intelligent (voir notre 6e leçon : Ne faites plus, faites faire). Votre travail ne doit consister, en somme, qu’à créer les règles du jeu, le code faisant Loi. Une application de réseau-sociotage fluide, belle, réactive ne suffit pas : il faut qu’elle attire le chaland. Si votre code-concept de base consiste à mettre en valeur les egos dans un positivisme aussi forcé que le sourire d’une hôtesse de l’air en plein crash aérien ; vous avez déjà fait beaucoup. Reposez-vous donc, et laissez les autres travailler pour vous en leur ouvrant votre outil, comme tout internaute débonnaire le ferait.

Parler avec des astérisques est un talent réservé aux connards professionnels de haut vol. Peu d’entre nous savent présenter leurs arguments sans qu’on n’y voie les conditions écrites à l’encre antipathique et lisibles au microscope atomique. Le jour où vous pouvez inclure l’intégralité du texte de Mein Kampf dans des Conditions Générales d’Utilisation et voir votre clientèle cliquer sur « je suis d’accord et j’accepte », c’est que vous êtes parvenu à une telle maîtrise de votre position dominante. Vous n’avez plus qu’à changer les conditions pour virer les projets extérieurs (ceux qui vous ont aidé à appâter le chaland) et garder les cobayes dans votre labyrinthe de plus en plus

Dès lors que vos cobayes sont piégés dans votre labyrinthe, libre à vous de les exploiter comme bon vous semble. Bien entendu, vous placerez de la publicité à chaque cul-de-sac et leur demanderez de plus en plus de données à chaque tournant… Mais, outre ce pré-requis de base, c’est là que vos expériences peuvent vraiment commencer. Par exemple, vous prenez deux groupes de cobayes identiques, et montrez des infos positives aux uns tandis que les autres ne verront que le pire des infos qui les entourent…

L’avantage d’avoir des cobayes piégés dans cette avalanche incessante d’informations nivelées et formatées, dans votre infinite scrolling, c’est que tôt ou tard ils participeront au bruit ambiant. Ainsi, leur moindre clic et statut vous permettra de récolter les données du résultat de votre expérimentation sociale.

« Du pain et des jeux… » voilà les besoins du bas-peuple, comme nous l’expliquait un antique Connard. Maintenant que nous sommes civilisés et connectés, on peut mettre à jour l’adage : « si vous avez assez de jeux, oubliez le pain ». Avoir le monde entier au creux de votre main n’est pas une responsabilité, c’est un hobby. Une fois leurs êtres et états bien rangés dans votre ferme de serveurs, vous n’avez plus qu’a vous assurer de repeindre régulièrement les murs de votre prison dorée afin qu’ils n’aient plus jamais besoin d’en sortir. Médias, infos, vidéos, sorties, articles, musiques, dialogues et coup de fil… pourquoi utiliser internet quand on a populr.com ?

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Google, l’espion le plus con du monde

On le sait bien : Google se permet de tranquillement lire tous les mails qui passent sur ses serveurs, ceux des boîtes Gmail ainsi que ceux adressés à des boîtes Gmail

En général, le but est de refourguer de la publicité ciblée. Mais pas seulement. Une petite histoire (vraie) qui montre que les conséquences peuvent être autrement plus dramatiques…

Google, l’espion le plus con du monde

Aujourd’hui, je vais vous raconter une drôle d’histoire au pays des GAFAM. C’est l’histoire de Mark, Californien père au foyer d’un très jeune garçon. Mark est ultra-connecté, notamment aux services de Google.

Mark, souriant, derrière son ordinateur. Une flèche indique « compte Gmail vieux de 15 ans » sur son ordi ; une autre pointe sur un symbole Wi-Fi « milliers de photos/vidéos dans Google Cloud » ; une dernière pointe sur son smartphone « forfait téléphonique Google Fi ». Le smiley dit : « Diantre, comment cela pourrait-il mal tourner ? »

En février 2021, Mark remarque que le sexe de son fils est gonflé et douloureux.

Comme c’est un vendredi soir en pleine pandémie, un rendez-vous d’urgence en téléconsultation est pris avec l’hôpital.

La maman tient son bébé tout nu qui est en train de pleurer. Au téléphone, un médecin dit : « Est-ce que vous pouvez nous envoyer des photos pour qu'on puisse examiner le problème ? » La maman : « On vous envoie ça tout de suite ! » Mark prend des photos avec son téléphone : « Click !  Click ! »

Le mal est identifié, des antibiotiques sont prescrits, la santé du bambin s’améliore ensuite rapidement, bref tout va bien.

Sauf que bien sûr, l’histoire ne s’arrête pas là.

Deux jours plus tard…

Mark regarde son téléphone en transpirant, une notification indique : « Ding ! Ding ! Votre compte Google a été désactivé. Raison : activités pédopornographiques détectées. » Mark : « Euuuh… kouwa ?! » Le smiley : « Ah, ça y est ! SATOURNEUMAL ! »

Eh oui, car Google (tout comme Apple, Microsoft et les autres) est très engagé dans la lutte contre la pédocriminalité. Jusqu’à se permettre de lire et analyser vos conversations mail, qui, rappelons-le, sont des conversations PRIVÉES.

Un mec en costard : « Ah bah oui mais la fin justifie les moyens. Pi si vous n'avez rien à cacher… » Gee : « Si on va par là, on fait quoi, on met des capteurs chez tout le monde pour détecter qui abuse de ses gosses à la maison ? » Le mec : « Eh bien à ce sujet, je vous ai parlé de nos enceintes connectées ? »

Le pire étant donc que non contents d’espionner tranquillou tous les mails qui passent sur leurs serveurs, les empafés de chez Google sont infoutus de faire la différence entre une image pédopornographique et une photo d’ordre médical.

Le mec : « Ah non mais c'est pas nous, c'est l'algori… » Il est interrompu par une mandale de Gee, en colère, qui dit : « La ferme ! L'algorithme, c'est vous qui l'avez codé !  Les données d'entraînement, c'est vous qui les fournissez !  Y'a pas d'intelligence supérieure ou externe à l'œuvre, assumez vos merdes ! » Le smiley, en colère aussi : « Et pi si vous maîtrisez pas vos outils… ARRÊTEZ-LES ! »

La police est bien entendu prévenue par Google et arrive rapidement à la conclusion évidente qu’il s’agit de photos médicales et qu’il n’y a aucune raison de poursuivre Mark. Elle tente de le joindre mais…

Une policière et un policier discutent derrière un ordinateur : « T'as essayé son mail ? » « Son Gmail est désactivé. » « Et son téléphone ? » « Son forfait Google Fi est désactivé. » « Et son adresse physique ? » « Flemme. » Le smiley : « Manquerait plus qu'ils virent sa maison de Google Maps, tiens… »

Bien sûr, Mark, ingénieur logiciel de formation, est confiant : la police l’ayant déjà lavé de tous soupçons, il va faire une réclamation à Google, expliquer la situation qui est somme toute très claire et toute bête, et tout va rentrer dans l’ordre.

Un connard cravaté : « Mais bien entendu. » Mark, avec des yeux de chat mignon, plein d'espoir : « C'est vrai ? » Le connard : « Non. » Le smiley : « Ah bah quand on a algorithmisé la connerie, autant aller au bout du processus, hein… »

Le compte finit par être définitivement supprimé, et comme Mark y a attaché à peu près toute sa vie numérique (comptes liés, forfait de téléphone, sauvegardes, etc.)…

Un prêtre devant une tombe qui indique « markonator@gmail.com, 2005-2021, Rest in ~/.trash » : « Nous sommes réunis aujourd'hui pour dire adieu à la vie numérique de Mark, fauchée en pleine jeunesse par les aléas de la toute puissance imbécile des géants du web… »

L’identité numérique de Mark ne vécut pas heureuse et n’eut pas beaucoup d’avatars.

Fin.

Le smiley : « C'est vrai que les happy ends hollywoodiens, c'est surfait. »

L’histoire de Mark est une histoire vraie, et elle n’est pas un cas isolé.

Heureusement, il n’y a aucune fatalité à ce que cela nous arrive à nous aussi.

Pour cela, commençons évidemment par ne pas utiliser Gmail, Outlook et compagnie pour nos mails.

Gee : « Allons chez des fournisseurs comme Proton Mail…  … ou Gandi, quitte à débourser quelques euros par an. »

Si, parfois, nous n’avons pas d’autre choix que d’avoir un compte Gmail, ne l’utilisons pas pour des mails sensibles, et n’utilisons pas nos comptes Google/Facebook/autre pour nous identifier sur d’autres sites, même si c’est pratique.

La Geekette : « Un compte par site, enregistré avec une adresse mail pas chez un GAFAM. » Un mec : « Mais c'est chiant ! » La Geekette : « Moins que de tout perdre parce que ton fils avait mal au zgeg. »

Enfin, et surtout, même s’il peut nous arriver d’utiliser ces outils… n’obligeons pas les autres à le faire.

Gee : « Le piège, c'est quand Facebook devient l'unique porte d'entrée numérique à ton magasin ou à ton restaurant…  Garder un Signal à coté de WhatsApp permet de maintenir le contact sans participer à l'hégémonie de ces plateformes.  En ayant une adresse mail différente de Gmail, j'évite que les mails que mes proches dégooglisés m'envoient n'arrivent quand même sur les serveurs de Google.  C'est déjà ça ! »

(De manière générale : faisons au mieux. L’hygiène numérique, c’est pas simple, c’est pas à la portée de tout le monde. Faisons ce que nous pouvons.)

Note : BD sous licence CC BY SA (grisebouille.net), dessinée le 6 septembre 2022 par Gee.

Sources :

Crédit : Gee (Creative Commons By-Sa)




Le Petit Crypto-Prince

À l’heure où l’on en vient à vendre ses propres pets en NFT, notre dessinateur Gee nous offre une parodie du Petit Prince pour le moins… cryptique.

Notez que la BD a été réalisée en direct sur PeerTube ! Vous pouvez regarder la rediffusion ici :

Le Petit Crypto-Prince

Un petit garçon ressemblant au Petit Prince marche vers un homme en train de taper sur ordinateur. L'homme a une cigarette électronique à la bouche.

L'homme murmure plein de calculs : « Trois et deux font cinq. Quinze et sept vingt-deux.  Cinq et sept douze.  Vingt-deux et six vingt-huit.  Douze et trois quinze. » Le garçon : « Bonjour. Votre vapoteuse est déchargée. » L'homme : « Bonjour.  Peux pas la recharger, je mine d'la crypto.  Vingt-six et cinq trente et un.  Ouf ! Ça fait donc cinq cent un million six cent vingt-deux mille sept cent trente et un. »

Le garçon : « Cinq cent un million de quoi ? » L'homme, l'air agacé : « Millions de ces petites choses que l'on voit quelquefois sur les pages web. » Le garçon : « Des pubs pour des rencontres chaudes dans ta région ? » L'homme : « Mais non, des petits trucs rectangulaires avec des couleurs. » Le garçon : « Ah ! Des images ? » L'homme : « C'est bien ça.  Des images. »

Le garçon, dubitatif : « Et que fais-tu de ces images ? » L'homme, se retournant : « Ce que j'en fais ? » Le garçon : « Oui. » L'homme : « Rien. Je les possède. » Le garçon : « Tu possèdes les images ? » L'homme : « Oui. » Le garçon : « Mais si je fais “Impr écran”… » L'homme : « Tu ne la possèdes pas. Tu la copies. C'est très différent. »

Le garçon : « Moi, si je possède un poster, je puis le punaiser au mur de ma piaule. Moi, si je possède un album photo, je puis l'emporter avec moi en voyage. Mais tu ne peux pas “emporter” une image numérique. » L'homme, agitant les bras : « Non, mais je peux en faire un NFT ! » Le garçon : « Qu'est-ce que ça veut dire ? »

L'homme : « Ça veut dire que j'ai une sorte de document numérique qui dit que cette image est à moi et à personne d'autre. » Le garçon, suspicieux : « Et ça suffit ? » L'homme, souriant : « Ah non, il faut que je crame une certaine quantité de la forêt amazonienne pour certifier ce petit document et que tout le monde soit bien sûr qu'il est authentique. »

Un silence. Le garçon est stupéfait, mais l'homme a plutôt l'air fier de lui.

Le garçon s'éloigne en disant : « Les grandes personnes sont décidément de sacrés gros cons. » L'homme est de nouveau concentré sur son ordinateur. Note : BD sous licence CC BY SA (grisebouille.net), dessinée le 17 janvier 2022 par Gee.

Crédit : Gee (Creative Commons By-Sa)




Linux trentenaire

Allez, pour changer un peu des articles qui dénoncent les GAFAM, Gee va plutôt faire un peu de célébration aujourd’hui. Car oui, le noyau Linux fête ses 30 ans !

(Bon okay, il va quand même un peu causer GAFAM sur la fin mais c’est par principe…)

Linux trentenaire

Joyeux trentième anniversaire à Linux !

Libriste casse-gonades : « Ah non non non ! On dit GNU/Linux, hein ! On l'a assez dit, hein, Linux, c'est juste le noyau, pas l'OS ! » Gee : « Oui non mais là justement, on ne parle pas de GNU, c'est bien le NOYAU qui a 30 ans. » Libriste : « Ah. Linux. » Gee : « Oui. Le noyau. » Libriste : « Je vois. » Gee : « Voilà. Du coup ce serait sympa de ne pas me péter les miens, de noyaux, dès la 1re image… »

Pour être précis, nous fêtons l’anniversaire de l’annonce du développement de Linux par un étudiant finlandais, un certain Linus Torvalds, le soir du 25 août 1991…

Linus en train de taper son fameux message sur un vieil ordinateur : « Je suis en train de faire un système d'exploitation gratuit.  Bon, c'est juste un passe-temps, ça ne sera pas gros et professionnel comme GNU. » Le gnou, agacé : « Je n'suis pas gros !  Je suis un peu packagé. » Le smiley : « Depuis, Linus aurait déclaré : “moi, les comparaisons, j'ai cessé.” »

La première version diffusée sera la 0.02, quelques semaines plus tard.

Gee, sifflotant : « Moi aussi, quand je diffuse un programme, je mets plein de zéros avant le premier chiffre pour bien signaler que c'est une ébauche de grosse daube codée avec les arpions entre le fromage et le dessert. Genre superflu-riteurnz-v0.0.0.0.0001- prealpha-draft-unstable.tar.gz

En 1992, le logiciel devient officiellement libre – il n’était alors que gratuit – en adoptant la licence GNU GPL, et la version 1.0.0 sort en mars 1994.

Tux : « 176 250 lignes de code, qu'est-ce que tu dis de ça ? » Le gnou : « L'autre se ramène avec son noyau monolithique et c'est moi qui me fais traiter de gros… » Tux : « Tiens d'ailleurs, ça avance, ton projet de micro-noyaux GNU Hurd ? » Le gnou : « Mais c'est qu'il me cherche, le piaf. » Tux : « Va donc, eh, gnunuche. » Une flèche point vers Tux : « (Tux, la mascotte, n'est techniquement apparue qu'en 1996, mais c'est pour l'illustration.à »

Eh oui, car à l’époque, deux systèmes d’exploitation libres existent déjà : le fameux projet GNU dont le noyau Hurd n’était pas encore fonctionnel, et le projet BSD de l’université de Berkeley alors empêtré dans un procès avec AT&T.

Beastie de BSD parle à un agent d'AT&T : « Mais puisqu'on vous dit qu'on n'utilise plus aucun code propriétaire de Unix ! » L'agent d'AT&T : « C'est c'qu'on verra au tribunal ! » Le gnou, en panique derrière son ordinateur : « Quel merdier, ce Hurd… À ce train-là, la v1 sera toujours pas sortie dans 25 ans*… » Tux, timide : « Euuuuh, moi j'suis dispo, sinon. »

Le gnou ignorait alors tout ce que cette déclaration avait de prophétique : aux dernières nouvelles, la version 0.9 de GNU Hurd est sortie en 2019.

C’est donc Linux qui tire son épingle du jeu, et naissent très vite les fameuses « distributions » Linux, qui associent le noyau Linux avec les utilitaires GNU, le système d’affichage X Window et bientôt des environnements de bureau comme Gnome ou KDE, des suites bureautiques, etc.

Le gnou, vexé : « Ouais ouais ouais, alors on va dire “distribution GNU/Linux”, hein ! » Tux, vexé aussi : « Si on va par là, on pourrait aussi dire GNU/Linux/X11/Gnome/etc. » Le gnou : « Peu importe : Linux, c'est qu'un noyau. » Tux : « Ouais, alors que Hurd, c'est que des pépins…  Et pan dans le museau. » Le smiley, excité : « BASTOOOOON ! »

30 ans après l’annonce de son lancement, Linux a-t-il réussi ? Demandons donc l’avis au verre à moitié plein / à moitié vide.

Le verre à moitié vide, blasé : « On estime la part des ordinateurs personnels tournant sous GNU/Linux à 3 %, autant dire que face à Microsoft et Apple, on n'fait pas le poids… » Le verre à moitié plein, heureux : « Linux fait tourner un tiers des serveurs mondiaux – BSD, libre aussi, en fait tourner un autre tiers – ainsi que la quasi-totalité des supercalculateurs, il est embarqué sur un paquet de box Internet, lecteurs blu-ray, liseuses, etc. Et il sert de base à Android, système qui équipe la grande majorité des smartphones. »

Tout dépend donc de notre façon de mesurer la « réussite ». D’un côté, Linux équipe aujourd’hui de nombreux équipements informatiques…

La Geekette : « Steve Ballmer, alors PDG de Microsoft, déclarait en 2001 que Linux était un cancer… » Le logo Windows, en panique : « Bah il avait pas tort, Linux a même fini par me contaminer moi, Windows, avec WSL ! »

… d’un autre, force est de constater que cette popularité s’est construite parfois bien loin des idéaux du projet GNU.

Gee, pensif : « Les fans de “l'open source” ont tourné le dos au “logiciel libre”, en ne voyant dans les licences libres qu'un moyen plus efficace de développer, et non un moyen d'assurer la liberté des utilisateurs et utilisatrices…  Donc okay, on peut se réjouir que Linux serve de base à Android, et en même temps il sert donc de base à un des systèmes les plus verrouillés du moment… » La pomme, logo d'Apple, agacée par cette remarque : « Hééééé ! » Gee : « J'ai dit “un des” ! » La pomme : « Ah.  Quand même.  J'ai une réputation à tenir, moi. »

Souhaitons, malgré ces bémols, un joyeux anniversaire à Linux, sans qui le visage du numérique actuel serait sans nul doute fort différent…

Tux, heureux avec un chapeau de fête et un verre de champagne à la main : « J'angoissais un peu de voir les 30 ans se rapprocher… » Gee, avec un chapeau de fête aussi, et trinquant avec son verre de champagne : « T'inquiète, c'est pire quand ils s'éloignent.  Allez, santé ! » Note : BD sous licence CC BY SA (grisebouille.net), dessinée le 2 septembre 2021 par Gee.

Crédit : Gee (Creative Commons By-Sa)




Hadopi dans le formol

Gee et la Hadopi, c’est une histoire d’amour vieille comme le Framablog (ou presque…).

Mais comme la haute autorité n’a toujours pas atterri dans la poubelle de l’histoire à laquelle elle est pourtant destinée, et enfonce encore une fois le clou avec une nouvelle campagne de pub, notre dessinateur remet le couvert également…

Hadopi dans le formol

Cela fait déjà 11 ans que la Hadopi suce de la finance publique, avec un budget de plus 82 millions d’euros depuis sa création (pour 87 000 € d’amendes émises).

Un politicien, pas perturbé : « L'important, ce ne sont pas les amendes mais le fait que les comportements aient changé. On pirate beaucoup moins qu'il y a 10 ans. » Gee, blasé : « Oui, et ça n'a bien sûr rien à voir avec l'apparition d'offres légales bien foutues comme Spotify ou Netflix…  Non non, Hadopi a sauvé l'industrie audiovisuelle MONDIALE.  Cacarico. » Le smiley rigole : « L'Hadopi a aussi vachement aidé les entreprises de VPN en leur créant un marché énorme. »

Récemment, la sangsue a publié une nouvelle campagne de communication tonitruante, #TesImpôts, qui reste dans la grande tradition de la haute autorité d’être toujours à côté de la plaque (ou en retard de 15 ans).

Une affiche Hadopi dit : « Devant un film piraté, le pop-corn sera toujours de meilleure qualité que le film. On a tous de bonnes raisons d'arrêter de pirater. » Le Geek commente : « Mais ils sont au courant qu'en général, les films piratés le sont en rippant des Blu-ray, et que c'est souvent très bien fait ?  Enfin j'sais pas, c'est un copain qui m'a dit, j'fais pas ça moi… » La Geekette rigole : « Cette campagne vous est offerte par Jean-Claude Boomer, pour qui le piratage de films, c'est un caméscope dans une salle de ciné et des CD-R gravés… »

Une autre affiche : « À Noël, le Père Noël passe par la cheminée et le cheval de Troie passe par la série piratée. On a tous de bonnes raisons d'arrêter de pirater. » Le Geek rigole : « Ah non pardon, en fait le type va sur des sites de streaming merdissimaux, d'où la qualité et les malwares… » La Geekette répond : « Ouais, pi en termes de sécurité informatique, on pourrait reparler des différents piratages de Netflix, Spotify ou Hulu au cours desquels des milliers d'infos de clientes et clients se sont retrouvées dans la nature… »

Une autre affiche : « Dans un thriller piraté, on ne découvre jamais qui est l'assassin. Parce qu'il manque la moitié du film. On a tous de bonnes raisons d'arrêter de pirater. » Le Geek, souriant, la larme à l'œil, plein de nostalgie : « Aaah ouais, les MP3 coupés avant le dernier refrain parce que le téléchargement avait stoppé avant la fin, quelle époque…  Sacré Napster, j'me souviens… » La Geekette répond : « C'est nostalgique en fait, ces campagnes qui ciblent des problèmes que les ados d'aujourd'hui n'ont même pas connus. »

Une autre affiche : « Dans un blockbuster piraté, le justicier est toujours masqué. Surtout par la publicité intrusive. On a tous de bonnes raisons d'arrêter de pirater. » Le Geek est mort de dire : « Haha, l'hôpital qui se fout de la charité !  C'est bien le même ministère qui voulait faire passer une loi sur la publicité ciblée à la télé ? » La Geekette rigole aussi : « Je sais pas.  La télé, j'ai arrêté depuis l'introduction de la seconde coupure pub pendant les films…  Films coupés parfois au milieu d'un dialogue… » Le Geek renchérit : « Moi j'ai jamais commencé les Blu-ray, les DVD m'avaient déjà dégoûté des bandes-annonces et messages anti-piratage inzappables au début du disque… »

Une autre affiche : « Dans les sous-titres d'une série piratée, “Blue Monday” serait traduit par “Mardi jaune”. On a tous de bonnes raisons d'arrêter de pirater. » Le Geek, assez blasé : « Alors je reconnais que les sous-titres amateurs, y'a à boire et à manger dedans. Mais pardon, les sous-titres régulièrement minables sur Netflix qui sous-traite et sous-paie ses traductions en rémunérant à la minute de film au lieu de la minute de travail…  on en parle ? » La Geekette : « Ouais pi cette accroche moisie quoi… même la plus bourrée des sous-titreuses ne traduira jamais “Blue Monday” par “Mardi jaune”. N'est pas Maurice Chevalier qui veut.  #SousMarinVert » Le smiley commente : « Et se foutre de la gueule des traductions quand on n'est pas foutu d'utiliser des guillemets français… »

Une autre affiche : « À Noël, ce qui est encore plus moche à voir que les pulls moches, ce sont les séries piratées. On a tous de bonnes raisons d'arrêter de pirater. » Le Geek : « On sent quand même l'inspiration qui faiblit, là… » La Geekette : « Ouais, ils avaient hésité avec “ce qui est encore plus moche que les pulls moches, c'est les séries moches”, mais ça faisait 3 fois “moche”.  Cette obstination à vouloir faire “cool” avec des références branchouilles tout en se viandant systématiquement, c'est presque poétique. »

Voilà, Hadopi a 11 ans et comme le dit la chanson, le temps ne fait rien à l’affaire…

Car en matière de nostalgie, je me permets de vous rappeler cette première campagne de pub d’Hadopi, datant de 2011 et présentant Emma Leprince, une chanteuse de grosse soupe insipide « néo-électro » dans le futur…

… mais qui est, en 2011, une gamine qui se prend pour Shakira dans sa chambre.

Le Geek et la Geekette regardent la vidéo sur l'ordinateur. On entend le son : « Mais sans Hadopi, Emma Leprince ne pourra pas sortir ce single dans le futur. La création de demain se défend aujourd'hui.  Adoptez le label PUR. » Le Geek, stupéfait : « Aaaah ouais, le label PUR ! J'me souviens de cette connerie aussi !  C'est devenu quoi, ça, déjà ? » La Geekette : « Enterré en 2013 après avoir labellisé à peu près peau-d'zob. » Le Geek : « Dur. » La Geekette : « Non, PUR. »

Pour finir, notons que dans cette fameuse pub, Emma Leprince est présentée révélation française de l’année…

2022.

Le Geek conclut : « Bon bah on y arrive, à la création de demain. Pas sûr qu'Hadopi ait aidé beaucoup d'Emma Leprince… L'offre légale s'est faite sans elle et les artistes en récoltent, comme d'hab', les miettes.  Tant pis pour la licence globale. » La Geekette, turbo-blasée : « Tu veux dire que la création d'aujourd'hui ne profite pas des gesticulations politiques débiles d'hier ?  Quelle surprise. »

Et puisqu’Emma Leprince n’a pas l’air partie pour être révélation de l’année 2022, je propose qu’on dissolve la Hadopi qui a visiblement failli à sa mission divine.

Bisous, et merci pour que dalle.

Note : BD sous licence CC BY SA (grisebouille.net), dessinée le 26 janvier 2021 par Gee.

Sources :

Crédit : Gee (Creative Commons By-Sa)




TousAntiConneries

Gee avait publié sa BD StopConneries en réaction à StopCovid, il lui semble donc opportun de publier aujourd’hui une nouvelle BD, TousAntiConneries. N’hésitez pas à relire l’article d’origine qui reste tristement d’actualité.

Sources :

Crédit : Gee (Creative Commons By-Sa)




Écran bleu de la… santé

Si vous pensiez que la crise du COVID était l’occasion d’une pause dans la déferlante des politiques de santé… disons, discutables… vous vous trompiez lourdement (et on vous invite à lire La stratégie du choc de Naomi Klein).

Aujourd’hui, notre gribouilleur Gee nous cause de la « Plateforme » (aussi nommée Health Data Hub), une nouvelle porte ouverte aux GAFAM sur nos données de santé…

Sources :

Crédit : Gee (Creative Commons By-Sa)