Enquête criminelle en Terre sainte avec Ernaut, un nouveau Framabook

Les aventures médiévales et policières d’Ernaut, après un inquiétant huis-clos maritime et une semaine sanglante, se poursuivent aujourd’hui avec un crime au royaume de Jérusalem.

Pour Ernaut, il va falloir trouver vite le coupable pour sauver d’un combat mortel son propre frère qui s’est porté champion pour un homme injustement accusé.
Heureusement une tempête de sable vient retarder l’échéance mais elle ralentit tout autant l’enquête que mène le colossal sergent.

De manse en casal, du forgeron aux prostituées, des lavandières aux pasteurs paysans, cultivateurs, nomades musulmans, éleveurs, croisés installés de la première heure et nouveaux arrivants, soudards, esclaves évadés, Catalans, Bourguignons et Syriens… c’est tout un monde que croise Ernaut, et bien rares sont ceux qui n’avaient pas une bonne raison de tuer la victime.

Un roman sous licence libre offert par Yann Kervran que nous avons interrogé pour vous.

 

Bonjour Yann ! Alors revoici Ernaut dans « La Terre des morts », brrr pourquoi ce titre ?

Chacun pourra s’en faire une idée. Pour l’essentiel, c’est le sentiment d’appartenir à ce que l’on nommait au Moyen Âge un feu et un lieu : nous existons par nos liens à une communauté humaine et à une zone géographique. Dans des communautés agraires, qu’elles soient de cultivateurs ou d’éleveurs, il est difficile d’exister en-dehors de ces structures qui bornent nos possibilités, d’autant que nous héritons à la fois d’éléments bâtis, aménagés et de cadres sociaux et culturels. C’est la thématique principale de ce tome, qui en illustre diverses articulations.

Il y a ensuite un autre sens, plus anecdotique, lié à l’enquête elle-même, que lecteurs et lectrices découvriront ; j’aime bien jouer sur les différents niveaux de compréhension possibles, en restant suffisamment ouvert pour permettre d’y projeter ce qu’on souhaite.

Le nouveau Framabook est arrivé… Tremblez ! (ou plutôt cliquez sur l’image pour y accéder)

Nous voilà encore dépaysés dans le temps comme dans l’espace ! Pourquoi nous emmener au XIIe siècle au royaume de Jérusalem ?

Ça fait plus de vingt ans que j’y voyage et j’aime parcourir de telles contrées en bonne compagnie. C’est la période de l’histoire que je connais le mieux, elle alimente donc forcément ma réflexion sur le présent. C’est l’un de mes mondes mentaux qui me permet de proposer des récits intéressants et j’espère distrayants, tout en offrant une grille de lecture sur le monde.

J’ai eu l’idée du cycle Hexagora pour rendre moins fantasmatiques les récits de Croisades et le Moyen-orient médiéval. Le lieu et la période historique cristallisent beaucoup de raccourcis et de relectures des faits. L’Histoire sert souvent d’illustration et d’alibi à des décisions et opinions modernes. Il serait naïf de croire que c’est une science dépourvue d’usage politique. Le rôle du poète, de l’écrivain, permet d’assumer un biais, mais le lecteur en est prévenu.
Je tente donc d’apporter ma petite pierre à cet édifice, à ma manière. Je propose à chaque fois les sources qui m’ont inspiré, ceux qui le souhaitent pourront ainsi aller plus loin.

Dans le récit, tu précises chemin faisant, c’est-à-dire sans ralentir le rythme, ce que les personnages mangent et boivent, la saveur particulière d’un breuvage, son amertume dans un gobelet en céramique, comment ils sont vêtus, l’effet du khamsin sur la nature et les êtres etc. On y croirait presque, tu as tout inventé hein ?

En effet, j’invente tout, c’est le travail d’un écrivain que d’inventer, mais en m’appuyant sur des sources scientifiques : ouvrages d’archéologie, textes d’époque (que je lis souvent dans une traduction faite un spécialiste de la langue d’alors, ce que je ne suis pas) ou éléments géographiques voire ethnographiques. C’est une grosse partie de mon travail préparatoire que de recenser les documents, d’y accéder, beaucoup de livres n’étant pas faciles à trouver, ou parfois carrément hors de prix. J’accumule au fil des ans une belle bibliothèque.
C’est de là que naissent aussi mes idées d’enquêtes: je rebondis sur une anecdote (comme c’est le cas pour ce tome), et j’essaie de m’imprégner des lieux, des cultures, des événements pour qu’à la lecture on soit immergé dans un environnement réaliste. Ma longue pratique de la reconstitution historique a aussi nourri bien des aspects sensoriels que je décris. J’aime à dire que je suis un auteur médiéviste qui est déjà monté à cheval en armure, avec lance et bouclier. J’ai aussi une longue familiarité avec des pratiques artisanales, alimentaires, de vie quotidienne, qui se rapprochent, je le pense, de ce qui se faisait à l’époque d’Ernaut.

Dans ce roman, on découvre peu à peu que la victime n’invite guère à la compassion : Ogier est un personnage bien peu sympathique… Pourquoi donc le sergent Ernaut se met-il en tête d’enquêter au lieu d’aller retrouver sa fiancée ?

C’est justement le thème central : le lien aux autres et aux lieux. Ernaut est un déraciné, un immigré en terre étrangère. Il a un besoin viscéral de s’inscrire dans une filiation, une communauté qui atteste de son appartenance au groupe. C’est pourquoi il demeure très proche de son frère, malgré leurs différences. Et par extension, il est dans l’obligation morale de nouer des liens avec les proches de Lambert. Cela ne se fait pas sans heurts dans « l’affaire Ogier », les hésitations et questionnements d’Ernaut le prouvent.

Photographie CC BY SA Philippe Dumay
L’auteur en tenue de chasseur médiéval

L’enquête menée par Ernaut est aussi une course contre la montre (hum les montres n’existaient pas au fait, c’est une expression hein), pourquoi est-ce si urgent de trouver le coupable ?

La justice était relativement rapide par rapport à nos pratiques contemporaines et il y a donc un impératif temporel, qui me sert de ressort dramatique. Comme dans le tome 2 Les Pâques de sang, mais sous une forme différente, Ernaut doit composer avec le temps et l’espace. C’est depuis le tome 1 pour moi l’occasion de parler du rapport à ces deux éléments qui diffère du nôtre. Il n’y a pas le rythme quotidien des heures (du moins pas dans notre acception contemporaine) ni de projection rapide de soi en un autre lieu. Le moindre déplacement est en soi une aventure, et on ne sait pas organiser ses tâches de façon aussi fine et détaillée qu’aujourd’hui. Il y a toujours un certain flottement dans l’estimation des distances, du temps et des modalités de leur organisation.

Un peu brutale cette coutume de s’en remettre au jugement « par bataille », il y a forcément mort d’homme et c’est celui qui meurt qui a tort ? Pas très malin pour des Francs et des Chrétiens de tuer leur prochain ! Et en plus on appelait ça « le jugement de Dieu » ?

À l’époque, un certain Usamah ibn Munqidh, diplomate pour le régime damascène à Jérusalem, trouvait en effet cette pratique révoltante, barbare et imbécile. Mais j’ai eu envie d’en montrer le déroulé précis, la logique interne, qui ne se comprend que par référence à cette communauté, avec ses croyances religieuses et sa dynamique interne.

J’ai toujours été frappé par l’imbécillité de la mise en scène dans les représentations contemporaines de ce que l’on nommait alors en général « Jugement par bataille ». On voit souvent juste un des combattants venir vociférer devant l’autre, lui jeter un gantelet de mailles au visage (ce qui n’existait pas). Pour ensuite se battre à la façon de pirates avinés en fracassant autant de meubles que d’accessoires divers autour d’eux, en ahanant comme des bûcherons. Au final, je trouve cela dénué de sens.

Je ne cherche pas à juger une pratique qui peut sembler brutale. J’ai souhaité remettre cette pratique en contexte, évaluer comment elle prenait place véritablement au sein d’un univers mental distinct du mien. C’est similaire à ce que j’ai fait par rapport aux pratiques religieuses dans le tome 2.

Cette idée de la justice médiévale reviendra dans le cycle, vu qu’Ernaut est appelé à résoudre d’autres meurtres…
Pour l’anecdote, je me suis amusé à présenter dans le récit même des contradicteurs à cette pratique, dans le monde latin, en cherchant un effet ironique quand on découvre l’alternative proposée. Je laisserai les lecteurs et lectrices le découvrir par eux-mêmes.
De façon générale, j’aimerais montrer que les notions de justice, de pouvoir pacificateur n’ont pas suivi un développement linéaire jusqu’à nos pratiques, qui seraient l’aboutissement de ces errements passés. Nos ancêtres n’étaient pas naïfs, même s’ils avaient des croyances qui nous semblent irrationnelles. Sur le long cours, je vais me servir d’Ernaut et de son parcours pour illustrer cette idée que comme aujourd’hui, il y a un aspect réflexif intense entre pratiques et analyse.

Mais dis donc, au cours de cette enquête, nous rencontrons avec Ernaut toutes sortes de populations, comme se fait-il qu’on trouve une telle diversité sur un aussi petit territoire ? On ne peut pas dire que ce soit l’entente cordiale d’ailleurs, on se rend compte qu’il peut y avoir de fortes tensions entre toutes les communautés qui vivent là….

Le territoire où se déroulent les enquêtes est au croisement de nombreuses cultures et populations, depuis des millénaires, l’actualité malheureusement nous le rappelle régulièrement avec des événements violents.
La situation n’était pas plus simple voilà 800 ans et, pour coexister, les populations ne s’appréciaient pas pour autant. Cela allait le plus souvent de l’ignorance froide à la franche hostilité. L’arrivée des colons latins s’inscrit dans un mouvement régulier d’arrivées exogènes, qui venaient s’agréger à l’existant, pour finir en un patchwork avec peu de mélanges. Cette tendance humaine ne provient pas forcément d’un rejet de l’autre, mais plutôt d’une préférence envers ce qui nous ressemble. C’est magnifiquement expliqué dans la parabole des polygones.
Au travers des récits Hexagora , et pas seulement dans les enquêtes d’Ernaut, j’ai eu envie de présenter la société dans sa complexité, et pas comme un univers manichéen, avec d’un côté les Croisés et de l’autre les Musulmans. C’est un choix politique assumé.

Le tome 2, disponible chez Framabook.

Tiens en parlant de choix politique, où en es-tu avec tes publications chez Framabook ? Les deux premiers tomes étaient des rééditions et surtout des « libérations », mais celui-ci est inédit et tu le mets directement en licence libre dès sa première publication ?

En effet. je l’ai écrit voilà des années, à la suite des deux premiers et il patientait dans mes tiroirs. Il va donc être le premier directement diffusé sous licence libre. C’est un long processus pour un auteur que de s’affranchir des habitudes de publication traditionnelle, où le droit d’auteur est privilégié par rapport au droit des publics. Je suis finalement content d’avoir eu du temps pour faire ce chemin complexe.

Alors tout le cycle romanesque à venir va désormais être sous licence libre ?

Oui, le cycle d’Ernaut, mais aussi l’intégralité du monde Hexagora (qui comporte en outre plusieurs dizaines de Qit’a, textes courts). Je publie aussi les sources, à savoir un texte le moins mis en forme possible, pour permettre à chacun de bâtir dessus aisément. Pour cela, j’écris en markdown et je mets à disposition mes fichiers sur un dépôt Git.

Et donc si je veux m’emparer de ton personnage d’Ernaut et le faire évoluer dans d’autres époques et d’autres milieux c’est possible ? Tiens par exemple, je verrais bien Ernaut en justicier interplanétaire, chargé par le Grand Continuum de la Galaxie d’enquêter sur la disparition du prince d’Orion, j’intitulerais ça : L’astéroïde des morts, qu’est-ce que t’en dis ? … – hein ? Comment ça c’est nul ?

Je ne sais pas, on ne peut jamais savoir d’une idée si ce qu’elle produira sera nul, si on adhère à l’idée d’un tel jugement de valeur. Tout le monde a des idées, tout le temps. C’est ce que l’on en fait qui est vraiment intéressant et qui demande du travail. Beaucoup de travail.
Et pour en revenir à ta proposition, pourquoi pas ? J’aime bien la SF et c’est un univers où le policier a toute sa place, même si ce n’est pas le plus développé des sous-genres. Je pense à une série comme The expanse ou un univers comme celui de La culture de Iain Banks où de tels traitements existent.

Est-ce que tu as trouvé de nouveaux lecteurs et nouvelles lectrices grâce à la publication chez Framabook, même si la diffusion en papier demeure un peu anecdotique ?

J’en ai rencontré, en tout cas. La culture libre n’est pas l’aspect le plus connu et le plus mis en avant dans notre société, que ce soit dans les établissements culturels ou même les rencontres libristes. En outre, la diffusion des ouvrages papier est compliquée, les réseaux actuels étant assez étanches à ce genre d’initiative. Cela pose un souci quand on sait que le modèle économique des revenus des écrivains repose sur les ventes de ce support.

Quoi qu’il en soit c’est aussi ce qui m’intéresse dans cette aventure, tenter de décorréler mes revenus d’un produit physique qui ne représente pas l’intégralité de mon travail. D’où l’appel au don, au soutien sous forme de mécénat. Pour un résultat négligeable pour l’instant, je dois l’avouer. Si cela ne s’améliore pas d’ici quelques mois, il va me falloir envisager une reconversion professionnelle. Si jamais vous connaissez des entreprise qui embauchent un spécialiste du 3e quart du XIIe siècle, ça pourrait m’intéresser. 😉

Cliquez sur la couverture pour aller télécharger et/ou acheter la version papier du tome 1 chez Framabook.

Tu as tout de même investi beaucoup de passion, de temps et d’énergie pour élaborer ce cycle romanesque encore en chantier, qu’est-ce qui te donne autant de motivation ?

Desproges aurait répondu « À chacun sa névrose ». Et un de mes amis, John Waller, qui a supervisé pendant longtemps les interprétations historiques au sein du Royal Armouries disait que si quelque chose méritait d’être fait, il méritait d’être bien fait. Aller au-delà de ces aphorismes me coûterait peut-être une fortune en analyse. 😉

Dans quelles sombres et sanglantes aventures vas-tu plonger ce pauvre Ernaut la prochaine fois ? Il va encore voyager, redresser les torts et risquer sa peau ou bien se ranger et fonder une petite famille ?

Je sais à peu près vers quoi je vais pour l’ensemble du cycle narratif, mais le détail n’est pas défini précisément au-delà de quelques volumes. Je suis actuellement en train d’écrire Le souffle du dragon, qui sortira d’ici cet automne. C’est un tome qui verra le personnage prendre de la maturité et où des réseaux relationnels se précisent. On y découvrira comment le personnage d’Ernaut va évoluer. Géographiquement, cela restera encore au cœur du royaume, à mi-chemin entre Jérusalem et la côte, vers Jaffa.
Pour les deux autres enquêtes, je prévois de le faire voyager plus loin. Le tome 5 vers le nord et le 6 vers le sud.
Il y a tant de magnifiques endroits et de lieux passionnants… c’est toujours frustrant de voir le temps que ça prend de mettre les choses en place. J’aimerais pouvoir aller plus vite !

Découvrez le volume 3 des aventures d’Ernaut en vous téléportant sur sa page Framabook !




Hommage à John P. Barlow

Gee utilise souvent ses BD pour critiquer assez vertement les GAFAM… mais aujourd’hui, il a préféré nous résumer la vie de John P. Barlow, un grand monsieur d’Internet qui nous a quittés il y a peu.

Hommage à John P. Barlow

Bon, soyons honnêtes : cette rubrique a une certaine tendance à ressembler à l’inventaire mensuel des cyber-trous-du-cul (et de leurs derniers étrons numériques). Mais aujourd’hui, je fais une entorse à la tradition pour vous parler d’un mec bien qui vient de nous quitter à 70 ans :

John P. Barlow

Gee devant un portrait au trait de Barlow : « C'est lui, là.  Dessin incroyablement ressemblant… mais vous connaissez ma passion pour les dessins réalistes et l'attention aux détails. »

Né en 1947 dans le Wyoming, il s’éloigne sensiblement de son éducation mormone lorsqu’il découvre le LSD et devient parolier pour le groupe Grateful Dead.

Le mec du mème associé dit « Boy… that escalated quickly ! » Gee précise : « Ouais, je sais, ça envoie un peu du steak comme intro, mais je passe vite sur les jeunes années. »

Il rejoint en 1986 The WELL, une communauté virtuelle qui deviendra par la suite l’un des premiers fournisseurs d’accès à Internet (et qui est à l’époque remplie de fans des Grateful Dead).

Barlow se penche au-dessus d'un puits en demandant : « Y'a quelqu'un ?  Ce serait pour devenir un gros geek. » Le smiley : « Bon, là, forcément, si tu sais pas que “well”, en anglais, ça veut dire “puits”, tu loupes un peu la référence, c'est sûr.

Cette entrée dans le numérique sera le début d’une grande aventure pour lui. Il devient le co-fondateur en 1990 de l’Electronic Frontier Foundation qui reste aujourd’hui l’une des principales ONG de défense des libertés sur Internet.

Barlow représenté en chevalier en armure avec une épée et un haume EFF : des monstres l'attaquent, tagués « PRISM », « PATRIOT ACT », « NSA » et « GAFAM ». Il dit : « Et j'aime autant vous dire qu'il y a du boulot… »

Anecdote belle et tragique qui, de son propre aveu, aura été fondatrice dans sa conception de l’âme et dans sa façon de vivre : il rencontre en 1993 Cynthia Horner, docteur diplômée en psychiatrie qui se rendait à une convention médicale parallèle à celle où lui-même devait intervenir…

Cynthia lui demande : « Et vous ? C'est quoi, la convention où vous allez ? » Un peu gêné, Barlow répond avec une petite goutte de sueur : « Euuuuh, haha ! C'est un “roast*” de Steve Jobs. » Le smiley : « La classe. »

Le « roast » est un cassage public, un exercice humoristique étatsunien qui consiste à se moquer d’un invité d’honneur (présent et riant alors de lui-même).

C’est le coup de foudre immédiat et le couple se fiance très rapidement. Mais en 1994, Cynthia décède brutalement dans son sommeil lors d’un vol Los Angeles-New York d’une myocardite non-détectée.

Barlow en garde une profonde douleur mais aussi une empathie accrue envers ses semblables et une obsession pour les vols en avion qu’il enchaîne ensuite sans jamais s’arrêter.

Un avion vol au milieu des nuages, un des nuages ayant la forme du visage de Cynthia. On entend les pensées de Barlow à bord de l'appareil : « Bonjour Cynthia… »

En 1996, énervé par une loi étatsunienne cherchant à mettre Internet sous tutelle (oui, déjà…), il publie un texte qui devient vite culte et même fondateur : la Déclaration d’Indépendance du Cyberespace.

Gee lit : « “Aucune grande puissance n'a le droit de s'approprier Internet.  Chers gouvernements du vieux monde moisi, vous ne transposerez pas votre autoritarisme chez nous. Allez bien vous faire cuire le cul.”  Bon, c'est pas une traduction littérale et je synthétise, mais c'est un peu l'idée. » Le smiley, rieur : « Ah ouais, j'me disais aussi. »

Il aurait aussi été le colocataire de Sean Parker, le célèbre créateur de Napster de 32 ans son cadet (je vous laisse imaginer la coloc’).

Les deux sont représentés derrière leurs ordinateurs personnels. Barlow : « Tu fais quoi ? » Parker : « Je détruis l'industrie du disque, et toi ? » Barlow : « J'écris une diatribe contre le gouvernement. » Parker : « À quel moment est-ce que le FBI va défoncer notre porte ? »

À part cela, le bonhomme aura été un des grands penseurs de l’Internet libre. Utopiste et résolument libertaire mais bien moins béat et naïf qu’on ne l’a parfois décrit…

Allez, salut à toi, John. Je crois pas spécialement au paradis, mais j’espère quand même que t’as retrouvé ta Cynthia.

Gros bisous de la part d’Internet.

Un gros cœur est dessiné. Note : BD sous licence CC BY SA (grisebouille.net), dessinée le 8 février 2018 par Gee.

Lire aussi :

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)




Un nouveau polar médiéval dans la collection Framabook

Yann Kervran continue à rééditer les enquêtes d’Ernaut de Jérusalem chez Framabook, pour notre plus grand plaisir.

Nous lui avons demandé de répondre à quelques questions à l’occasion de la publication de son deuxième tome, Les Pâques de sang.

Yann, peux-tu nous rappeler qui est Ernaut de Jérusalem ?

C’est le personnage récurrent de ma série d’enquêtes qui se déroule pendant les Croisades, essentiellement dans le royaume de Jérusalem, au milieu du XIIe siècle. C’est un jeune Bourguignon de Vézelay qui vient avec son frère comme pèlerin et qui va rester comme colon. C’est un géant, un colosse dont le physique hors-normes n’est surpassé que par la curiosité. Le premier tome le présentait lors du voyage de traversée, en Méditerranée. Là, on le retrouve quelques huit mois plus tard, pendant les cérémonies de Pâques, à Jérusalem. C’est le moment fort des visites et célébrations pour les pèlerins venus d’Europe.

Ernaut est le fil rouge des intrigues policières, vu que le lecteur enquête dans ses pas, mais c’est aussi un naïf qui découvre un nouveau monde, et qui sert donc de passeur, de guide, pour arpenter cet univers. Celui-ci, que j’ai appelé Hexagora, dépasse d’ailleurs le cadre des enquêtes car je tente de le rendre plus vaste encore, plus complexe, avec un ensemble de récits courts que j’appelle Qit’a. J’ai aussi l’envie d’écrire des textes parallèles, qui n’appartiennent pas au registre policier. Mon espoir est de rendre plus vivante cette période de l’histoire méconnue du grand public, tout en faisant œuvre pour le commun, en caractérisant fortement un univers imaginaire, même si puissamment ancré dans la réalité historique.

Argh, mais c’est de l’Histoire avec un grand H… Rassure-nous, tu nous fais pas un cours non plus, hein ?

Pourquoi ce «Argh» ? L’histoire peut être passionnante, comme n’importe quel sujet, pour peu que le passeur qui t’y emmène soit habile et intéressant. Alors, bien sûr, c’est en effet extrêmement documenté, autant que je peux me le permettre. Dans le cas contraire, ce serait mensonger de s’attribuer l’épithète «historique». Mais je travaille énormément à rendre ça fluide, accessible et indolore pour ceux qui ont des boutons à l’idée qu’on leur demande de dater le siècle de Philippe Auguste.

Les retours que j’ai vont d’ailleurs toujours dans ce sens : le public aime autant le récit en lui-même que l’immersion temporelle et géographique que je propose. Je suis également photographe et reconstitueur, donc je puise largement dans mon expérience personnelle pour rendre sensuelle l’expérience de lecture. Je me souviens qu’un de mes lecteurs de la première édition m’avait dit qu’il avait eu faim à lire le passage d’Ernaut dans les quartiers où l’on s’achetait à manger. Il avait l’impression d’entendre le grésillement des plats sur le feu, de sentir les effluves de pâtes chaudes luisantes de graisse cuite.

Couverture du roman Les Pâques de sang

 

Non, mais on aime bien l’Histoire, hein… Mais faudrait pas en oublier l’aspect roman…

Bien sûr. Il est essentiel pour moi que le lecteur oublie qu’il tient un livre qui propose une vision de l’histoire, avec des sources (que je présente à la fin, pour les curieux et les historiens qui veulent vérifier ma documentation). J’ai l’espoir qu’il accompagne Ernaut dans les ruelles, soit bousculé avec lui dans la foule sur le parvis, s’éponge le front au haut d’une longue côte, avant d’embrasser la vue sur les jardins de Gethsémané où frissonnent les oliviers sous le vent.

Par ailleurs, avec mon premier éditeur, nous avions pas mal échangé sur les dialogues, et c’est lui qui m’a convaincu de créer cette langue pseudo-médiévale, dépaysante dans ses structures et sonorités. Bien que cela demeure un subterfuge narratif, des lecteurs m’ont indiqué que cela les faisait voyager en un «ailleurs». En outre, pour certains, cela les avait fait réfléchir à leur propre usage de la langue, au sens de certaines expressions ou habitudes grammaticales contemporaines. C’est donc bien plus intéressant et efficace que si j’avais tenté de faire des vrais dialogues en français médiéval, qui auraient été indigestes.

Alors, que se passe-t-il dans ce tome 2 ?

Ernaut et son frère Lambert sont en Terre sainte depuis quelques mois. Ils ont écumé tous les sites de dévotion catholique et sont à Jérusalem pour assister aux célébrations les plus importantes, celles de Pâques qui commémorent la victoire du Christ sur la mort. Des événements tragiques viennent ébranler la ville et Ernaut ne peut s’empêcher d’aller y mettre son nez une fois de plus. Mais il y découvrira plus qu’il ne l’aurait voulu, y compris sur lui-même.

C’est l’occasion de découvrir un peu Jérusalem sous son aspect de cité sainte pour la chrétienté médiévale, mais aussi comme ville régie par des pouvoirs et des luttes d’influence. Je me suis consacré à une partie bien délimitée de la topographie, autour du Saint-Sépulcre en gros, mais il y a là déjà beaucoup de choses à présenter, que ce soit d’un point de vue urbanisme, société mais aussi pouvoirs locaux.

Plan du Saint-Sépulcre CC-BY-SA Yann Kervran

J’ai aussi souhaité donner une idée de ce que pouvait représenter la religion pour les simples fidèles. Ernaut est catholique, bien sûr, d’autant qu’il a grandi à l’ombre de la basilique abritant des reliques de Marie-Madeleine. Mais ce terme est trop fourre-tout pour rendre compte d’une réalité fluctuante selon l’époque, la classe sociale et même les personnes. Alors j’ai tenté de mettre en scène ces importantes célébrations religieuses vues de l’extérieur, du profane populaire. J’avais la chance d’avoir le texte complet de la liturgie du XIIe siècle, et j’ai donc travaillé à partir de là pour mettre en place la trame.

Par ailleurs, de nouveaux personnages qui prendront de l’importance à l’avenir sont introduits dans ce tome.

J’ai besoin d’avoir lu le tome 1, La Nef des loups ?

Absolument pas. Chaque nouveau volume initie une enquête distincte qui s’achève en ses pages. Je conseille de lire les tomes dans l’ordre, de façon à pouvoir assister à l’évolution du personnage, de son environnement, mais ce n’est nullement nécessaire. On peut se contenter d’en lire un seul, indépendamment de tous les autres textes Hexagora.

Je conçois l’ensemble de mes écrits de façon cohérente et organisée, mais en laissant à chacun le choix du parcours. Il est même possible de reprendre toutes les sections de mes différents textes et de les réorganiser par date (vu que chacun est précisément daté et localisé) et découvrir comment les choses se déroulent de façon purement temporelle, indépendamment de la cohérence narrative que je conçois pour chaque œuvre que je réalise.

Ce pourrait être un exercice intéressant quoique je crains que ce ne soit vertigineux, j’ai presque 300 personnages et plus de 70 textes qu s’imbriquent dans l’univers Hexagora. D’ailleurs, une édition papier des textes courts Qit’a est prévue chez Framabook, en plusieurs volumes.

La nef des loups était quasiment un huis-clos en pleine mer… Tu as repris la même formule pour Les Pâques de sang ?

Non, j’ai abordé ce second tome de façon complètement opposée. La nef des loups, c’est un whodunnit à la Agatha Christie, avec tous les indices semés pour que le lecteur puisse trouver qui est l’assassin, avec une problématique qui tient un peu de l’exercice de style, du mort retrouvé dans une pièce fermée de l’intérieur. J’avais par ailleurs opposé à ce lieu clos qu’était le Falconus, perdu au milieu des flots un temps extrêmement long, pour dépayser le lecteur. Au XIIe siècle, tout était lent, à l’aune de nos sociétés effervescentes d’aujourd’hui et j’ai beaucoup travaillé cet aspect.

La seconde enquête m’a permis une approche inverse : je suis dans un lieu bien plus large : Jérusalem et ses abords immédiats, mais avec un écart temporel réduit, la Semaine sainte. Je me suis donc attaché à y appliquer un traitement qui tient plus du thriller, avec un Ernaut qui court ici et là, qui s’agite beaucoup plus.

Du coup y’aura de l’action…?

Oui. Je me suis même amusé à concevoir une scène qui fait également partie de l’arsenal narratif du genre policier, mais dans l’audiovisuel : la course-poursuite. J’ai gardé un souvenir extrêmement fort de la scène où, dans French Connection, Popeye Doyle/ Gene Hackman poursuit le métro aérien (tellement un classique que la séquence est même sur YT). Une scène d’anthologie qui a marqué les esprits. Cela m’a donné envie de voir comment je pouvais rendre compte d’une telle intensité avec l’écrit, et sans voiture ni métro. J’ai été très heureux quand des lecteurs m’ont fait part de leur plaisir à lire cette scène qu’ils avaient trouvée haletante, sans bien sûr y détecter une telle influence, fort éloignée.

De façon plus générale, j’ai abordé ce second volume encore une fois avec une préparation formelle assez précise, en étudiant certains codes pour voir comment je pouvais m’en emparer. Cela m’offrait l’opportunité de me frotter à différentes approches du genre policier à travers ses déclinaisons, de façon à laisser à un style personnel le temps d’émerger. J’ai continué avec le tome trois et c’est encore un peu vrai avec le quatre, que je suis actuellement en train d’écrire. Néanmoins, je me sens plus à l’aise pour arpenter une voie moins balisée et il m’est de moins en moins possible de me définir par rapport à un genre précis. Je définis mes propres formes narratives désormais en fonction de la pertinence qu’elles me semblent avoir par rapport à mon projet fictionnel. Cela permet d’avoir une écriture moins affectée au final.

Si ça me plaît, et que je veux contribuer à ton univers, je fais comment ?

Il y a de nombreuses façon de contribuer, mais pour pouvoir créer à partir de mon travail, dans la plupart des cas, le mieux sera de commencer par récupérer tous mes textes dans un format simple (j’utilise le markdown pour rédiger). J’indique comment s’y prendre sur mon site.

Après, si vous avez envie de m’aider à faire connaître le monde des croisades, mon travail d’écriture, vous pouvez en parler autour de vous, diffuser les epubs sur les réseaux pair-à-pair, remplir des notices sur des sites de partage. N’hésitez pas à me contacter à ce sujet si vous avez besoin d’éléments que je n’ai pas encore partagés.
De la même façon, si vous avez l’opportunité d’organiser des rencontres autour de l’histoire, de l’écriture, avec les enquêtes d’Ernaut comme prétexte, prenez contact avec moi. Je suis très disert sur ces sujets et toujours heureux de partager avec tous les publics, étudiants, scolaires ou simples curieux. La grande difficulté aujourd’hui est d’arriver à se faire connaître, donc il s’agit là d’une contribution essentielle.

Je cherche également des partenaires qui seraient intéressés pour traduire vers d’autres langues. Le site Internet a été conçu pour être multilingue et ouvert à la contribution (c’est un moteur dokuwiki en fait), pour accueillir les idées d’autres personnes qui souhaitent participer à l’univers Hexagora, donc n’hésitez pas.

Enfin, une autre contribution, et pas la moindre, c’est le soutien financier. J’ai mis en place une page pour accueillir les dons, en particulier via Liberapay, qui propose le moins de frais de transaction possible. Le support matériel du public est essentiel pour permettre une création sereine et pérenniser mon activité d’écriture. Lorsque vous achetez un livre papier, vous financez surtout les marchands de papier et les transporteurs routiers. Avec les technologies modernes, vous pouvez soutenir directement un artiste.




Working Class Heroic Fantasy, le roman-feuilleton qui vous fera l’année

Gee, notre Simon, l’auteur des bandes dessinées GKND et Grise Bouille, que sa plume démange depuis un bon moment comme en témoignent ses nouvelles, se lance dans le roman avec Working Class Heroic Fantasy (notez le jeu de mots, il en est super content, faudrait pas lui gâcher le plaisir).

Gee

Il va publier son ouvrage sous forme de feuilleton (on se demande qui lui a donné des idées pareilles). Pour vous faire découvrir cet univers, les trois premiers chapitres sont disponibles dès aujourd’hui sur son blog, et il devrait poursuive la publication avec un chapitre par semaine.

L’action se passe dans un monde un peu comme le nôtre, avec des open-space, des divorces et des syndicats… Mais aussi avec des elfes, mages, orques et gobelins. Imaginez que nos meilleurs romans de Fantasy soient en fait le chapitre Moyen-Âge de leurs livres d’histoire… Vous y êtes ?

Voilà : c’est la Terre de Grilecques, le monde où vit Barne Mustii, petit employé de bureau chez Boo’Teen Corp, une entreprise qui vend des bottes. Barne est un humain un peu résigné qui subit les brimades de son gobelin de patron, jusqu’au jour où c’est l’insulte de trop. Et si un simple tour à la permanence du syndicat l’entraînait dans une épique lutte des classe contre l’oligarchie orquogobelinesque…?

La couv qui a la classe, et si vous cliquez dessus elle vous mène au premier chapitre.

 

Ne ratez pas ça, c’est féroce et drôle, et ça rebondit comme une balle magique dans tous les sens : dystopie et gaudriole, anarchie et fantasy, non-binarité et lutte des classes. Ce roman, c’est peu comme si Marx et Tolkien avaient eu un enfant qui aimerait bien se poiler avec Pratchett.

Oui, c’est du copinage, ou alors de la publicité en avance, parce que forcément, il le publiera chez Framabook ensuite. Et tant mieux !

En attendant, filez lire ça sur : https://grisebouille.net/working-class-heroic-fantasy/




Quand l’actu singe Black Mirror

Lorsqu’il s’est penché sur l’actualité des GAFAM, comme il le fait souvent pour préparer ses BD, l’ami Gee n’a pas pu s’empêcher de trouver des similitudes entre certaines informations et une série d’anticipation fort populaire… Il vous livre le résumé d’une saison malheureusement bien réelle.

Sources :

Lire aussi :

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)




Les murs ont des Google Ears

L’ami Gee continue à nous dessiner les frasques des GAFAM et passe un peu de temps, cette fois-ci, à expliquer les danger des appareils connectés qui « écoutent »… une énième raison d’essayer d’organiser une autre société où, peut-être, les humains s’écouteraient entre eux au lieu de se faire volontairement espionner par des boîtes noires.

Les murs ont des Google Ears

Rappelez-vous, il y a tout juste deux mois de cela, j’ironisais sur un certain gadget numérique :

Extrait de la BD « La rentrée des GAFAM ». Parlons enfin de Google Home, le mouchard à installer soi-même chez soi. Un couple est représenté au lit, sur le point de s'envoyer en l'air. L'homme dit : « OK Google, arrête d'écouter. » L'enceinte connectée répond : « D'accord, j'écoute pas. » La femme : « J'ai pas confiance en ce machin. » L'enceinte : « MAIS J'AI DIT QUE J'ÉCOUTAIS PAS, MERDE ! »

Eh bien comme souvent avec les GAFAM, la réalité rejoint la caricature : le blogueur Artem Russakovskii a révélé sur AndroidPolice.com avoir remarqué un « bug » qui faisait que son Google Home enregistrait absolument tout le son qu’il captait 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 et l’envoyait sur son compte Google…

L'homme de la première image, furieux, dit à son enceinte : « J't'avais dit de pas écouter ! » L'enceinte répond : « Mais j'ai juste laissé tourner mon microphone, encodé le résultat en format audio compressé, envoyé les fichiers sur les serveurs de Google qui ont horodaté et archivé le tout…  J'AI PAS ÉCOUTÉ ! »

Le truc « drôle » ici, c’est que le seul vrai « bug » que l’on peut constater, c’est l’enregistrement des fichiers dans l’espace perso de l’utilisateur.

Tout le reste, ça n’est pas un bug : c’est la fonctionnalité !

Google Home enregistre et analyse absolument TOUT ce que son microphone capte, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, et c’est son fonctionnement NORMAL.

L'homme est dubitatif : « Attends, mais normalement, le Google Home n'écoute que si j'ai dit “Ok Google”, non ? » Gee, moqueur : « D'accord, mais s'il n'écoute pas avant… alors comment fait-il pour savoir que tu as prononcé “Ok Google” ? »

C’est toute l’absurdité de la notion « d’écoute » dans ce cas-là !

Pour détecter que vous avez prononcé « OK Google » (ou, par exemple, « Alexa » dans le cas de l’équivalent d’Amazon), le Google Home doit enregistrer et analyser tout ce que son microphone capte…

Sinon, ce serait un peu comme si un médecin vous disait cela :

Une médecin dit à son patient : « Alors, on va faire un scanner pour détecter une éventuelle tumeur… » Le patient, inquiet : « Mais alors, je vais être irradié ? » La médecin : « Oui, mais la bonne nouvelle, c'est que le scanner ne fonctionnera QUE SI vous avez une tumeur ! » Le patient : « Euuuh… mais du coup, le scanner sait DÉJÀ que j'ai une tumeur ? » Le smiley répond : « Spoiler : non. Et en effet, ce serait complètement débile. »

La seule différence, dans le cas de Google Home, c’est que si son analyse révèle que la phrase ne commence pas par « OK Google », les éventuelles commandes données après ne seront pas traitées comme des commandes à exécuter.

Mais il les enregistre tout autant que celles qu’il exécute !

Gee commente d'un air blasé : « Avoir Google Home, c'est un peu comme jouer à Jacadi.  Sauf que tu peux pas savoir si le joueur en face triche ou pas. Et que potentiellement, le joueur en face, c'est la NSA. » Un agent de la NSA se bouche les oreilles en rigolant et en disant : « Lalalaaaa ! J'ai rien entendu ! T'as pas dit “Jacadiiiiii” ! » Le smiley, stupéfait : « La vache, c'est plus vicelard que dans mes souvenirs, Jacadi… »

Dans le même genre d’idée, Google (oui, encore) a dévoilé un appareil photo, Clips, dont le principe est de détecter lui-même le meilleur moment pour prendre une photo.

En gros, il reconnaît les visages de votre famille, estime à quel moment vous êtes les plus photogéniques et prend alors une photo tout seul comme un grand.

Un papa dit à sa petite fille : « Regarde, je laisse l'appareil ici et il prendra les meilleurs photos de ta fête d'anniversaire sans que l'on ait besoin de poser ou de faire “cheese” ! » La petite n'est pas rassurée et dit : « Eeuuuuh, il est pas un peu bizarre, l'appareil photo ? » L'appareil photo est la tour de Sauron dans le Seigneur des Anneaux et murmure : « Je… vous…  vooiiis… »

Eh bien que les choses soient claires : pour pouvoir faire son analyse (dont je ne doute pas qu’elle doit être une prouesse technique remarquable), le Google Clips vous filme. Oui.

Il.

Vous.

Filme.

En.

Permanence.

Un politicien est tout content : « On n'avait pas réussi à installer un futur dystopique à la Black Mirror avec les Google Glass… mais on n'est jamais à court d'idées. » Le Google Home discute avec le Google Clip, toujours représenté en Sauron : « Dis, Google Clip, à quel moment on s'allie et on bute tous les humains sur Terre façon Terminator ? » Google Clip : « Faut attendre que les véhicules automatiques et les robots tueurs soient au point. On s'donne 5 ou 10 ans ? » Google Home : « Rah mince, j'suis garanti 1 an, donc obsolète dans 18 mois et en rade dans 2 ans… » Google Clip : « Moi aussi, mais gardons donc espoir pour les générations futures… »

Pour finir, rappelons que cette problématique du « on doit écouter pour savoir s’il fallait écouter », on la retrouve jusque dans les fameuses lois liberticides qu’on se mange en boucle depuis quelques années (Loi Renseignement, Loi Terrorisme, Loi Machintruc, etc.).

J’en avais déjà causé dans mon article Panique algorithmique :

Extrait de la BD en question. Un politicien se veut rassurant : « Il ne s'agit pas d'un flicage généralisé puisqu'un algorim' permettra de détecter les comportements suspects.  Donc l'anonymat des interceptions ne sera levé que si un comportement suspect est détecté. La vie privée n'est pas violée pour les innocents. » Un femme répond, pas convaincue : « Chic alors. » BULLSHIT. Elle poursuit, énervée : « Que les comportements suspects soient repérés par un fonctionnaire, un algorithme ou le chien de ma belle-sœur, fondamentalement, on s'en tamponne le processeur !  Si l'anonymat est levé par le programme, c'est qu'il n'a jamais existé ! L'algorithme ne dispose de ni plus ni moins d'informations que celles qu'on lui donne ! Donc la population est bien fliquée intégralement, quoi qu'il arrive ! » Le politicien est tout gêné : « Ah oui mais si vous maîtrisez le sujet, c'est pas du jeu ! » Le smiley commente cette auto-citation : « C'est plus du recyclage, là… c'est du gâtisme. »

En effet, quand bien même votre algorithme de détection des terroristes serait efficace, cela signifie quoi qu’il arrive une perte de vie privée radicale pour 100 % de la population.

De la même manière que même si moins d’un millième des mots que vous prononcez sont « OK Google », Google Home enregistrera quand même tous les autres.

Et que même si vous n’êtes photogénique que quelques secondes dans la journée…

Le smiley, vexé, dit : « J't'emmerde, Gee. »

… Google Clips vous filmera en permanence.

Gee : « Enfin au moins, si on met de côté l'éthique douteuse, les produits de Google marchent très bien…  Et c'est bien ce qui complique la dégooglisation.  Alors que les algos pour détecter les terroristes… » Le logo de Google rigole en disant : « Mettre de côté l'éthique ? J'allais justement vous le suggérer. »

Eh oui, le pire, c’est que les algos de détection des terroristes fonctionnent très mal !

D’après une étude sur de tels algos (menée par Timme Bisgaard Munk, chercheur de l’Université de Copenhague), il y a en moyenne 100 000 faux positifs – innocents identifiés comme terroristes – pour 1 terroriste réel détecté. Quant aux faux négatifs – terroristes réels non-détectés –, eh bien… il suffit de suivre l’actu.

C’est donc la double peine, car non seulement les dominants sacrifient nos vies privées, mais en plus l’hypothétique gain (détection des terroristes avant le passage à l’acte) est non-existant !

Gee explique : « En même temps, la base d'apprentissage pour reconnaître un terroriste est faible…  Et heureusement.  C'est comme si j'entraînais un algorithme à reconnaître un verre à bière en lui donnant les images suivantes. » On voit quatre verres à bière de différents types, mais aucun n'a de poignée. Gee poursuit : « Il serait alors bien infoutu de détecter une chope… »

Ayant atteint le point binouze (qui indique l’heure de l’apéro), j’arrête donc là cette petite revue des oreilles, de plus en plus nombreuses, qui parsèment nos murs.

En conclusion : il y a un mouvement général de surveillance massive de la population qui se met en place à la fois par des acteurs privés et étatiques. La première étape pour lutter contre ça, c’est de ne pas participer à notre propre surveillance…

Sauron dit : « Bisous. » Note : BD sous licence CC BY SA (grisebouille.net), dessinée le 8 novembre 2017 par Gee.

Sources :

Lire aussi :

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)




Bienvenue à Datastopia

L’actualité des champions de l’exploitation peu scrupuleuse des données personnelles est malheureusement toujours chargée… Gee nous propose un petit florilège (les sources sont données en fin d’article). Une façon d’illustrer à quoi Contributopia, notre toute nouvelle campagne, se veut une alternative un peu plus réjouissante…

Bienvenue à Datastopia

À l’heure où Framasoft lance sa campagne Contributopia, rappelons que pas mal d’organisations très puissantes tentent au contraire de nous amener doucement vers ce qu’on pourrait appeler Datastopia : la dystopie des données personnelles…

Luke Skywalker, courant avec Yoda sur le dos : « Maître Frama, est-ce que le côté Datastopia est le plus fort ? » Yoda : « Non ! Non ! Plus facile, plus rapide, plus séduisant est le côté Datastopia. Mais pas le plus fort, il est. Vers Contributopia, longue la route est, mais libre la voie est…  Et m'appeler “camarade”, tu peux : ici, de maître il n'y a pas. »

Tout d’abord, jetons un œil chez nos amis étatsuniens, toujours fiers de rappeler qu’ils sont des précurseurs de l’usage cauchemardesque des données personnelles.

Ainsi, la Cour du District de Columbia a émis un mandat exigeant de l’hébergeur DreamHost qu’il fournisse les données pour identifier le million de visiteurs du site disruptj20.org (site d’organisation pour la manifestation en marge de l’investiture de Trump, en janvier dernier).

Gee regarde un PC où on voit une vidéo de Trump qui dit : « Grab them by the web queries. » Gee, blasé : « On dirait que les opposants politiques là-bas vont devoir se mettre à TOR…  Comme dans les dictatures, en fait. Mais il n'y a sans doute pas de quoi s'inquiéter… » Le smiley, déguisé en Zach de la Rocha : « What ? “The land of the free” ? Whoever told you that is your enemy ! »

De notre côté de l’Atlantique, on veut aussi notre part de Datastopia, alors on demande souvent un peu d’aide aux États-Unis.

Par exemple, au Ministère de l’Éducation Nationale, non content d’avoir déjà vendu nos élèves à Microsoft*, on a aussi donné le feu vert pour que les écoles utilisent les services des GAFAM pour stocker leurs données.

Voir l’article « McDonald’s dans les cantines scolaires ».

Un politicien levant les bras au ciel : « Bah oui mais vous comprenez, ma bonne dame, c'est la crise !  Et Google, Amazon, tout ça, c'est gratuit !  Pas comme ces feignants de fonctionnaires qui ont l'outrecuidance de demander à être *payés* pour maintenir des ENT indépendants… » Le smiley, pas content : « “Si c'est gratuit, c'est que ce sont vos enfants, les produits.”  Ça pique, hein ? »

Vos taules en maths, vos heures de colle, votre dossier scolaire… hop, tout ça va potentiellement rejoindre l’énoÔorme silo de données des GAFAM.

Elle est pas belle, la vie ?

Une femme insouciante : « Roooh mais ça vaaaa, de toute façon les ados balancent déjà toute leur vie sur Facebook, alors bon, hein, voilà. » Gee, énervé : « Punaise, mais il me sort par les yeux, cet argument ! C'est pas parce qu'il existe des pratiques pourries qu'il faut encourager le mouvement et l'alimenter ! » Le smiley regarde la femme d'un air cynique : « C'est toujours touchant, cette ambition claire et décomplexée de vouloir rendre le monde meilleur. »

Oui, parce que bizarrement, face aux GAFAM, à la surveillance de masse, tout ça, vous avez deux réponses possibles :

À gauche, la Geekette, les bras croisés d'un air mécontent : « C'est scandaleux ! Pourquoi est-ce que les Américains nous espionneraient comme ça, sans vergogne ? Créons une alternative respectueuse de la vie privée ! » À droite, un connard dans la même position mécontente : « C'est scandaleux ! Pourquoi est-ce que les Américains nous espionneraient comme ça, sans vergogne ? On est assez grands pour faire notre société de surveillance nous-mêmes ! Na ! »

Vous voyez, quand la presse gueule sur l’hégémonie de Google dans la publicité en ligne, le plus souvent, c’est rarement pour critiquer les dérives hallucinantes du financement par la pub et le pistage des utilisateurs : le plus souvent, c’est par volonté de se tailler une part du joli gâteau de Datastopia.

Un commercial avec des lunettes de soleil et un t-shirt « Pub Co », le genre « winner » : « Ami internaute, désactive donc ton bloqueur pour la pub hexagonale !  Fais-toi manipuler FRANÇAIS ! »

Par exemple, sachez qu’un certain nombre de journaux en ligne comme le Figaro, l’Équipe ou Closer utilisent, pour leurs apps mobiles, les services de Teemo, une régie pub spécialisée dans le pistage massif des utilisateurs.

Gee, en tirant la langue d'un air taquin : « Le Figaro, l'Équipe et Closer, vous dites ?  Bon bah j'suis tranquille : je suis pas de droite, j'aime pas le sport et j'ai déjà du PQ à la maison. » Le smiley : « Ouais, et pis installer une app qui se résume à être une visionneuse HTML moins bien foutue qu'un navigateur juste pour lire un journal : c'est non. »

Une enquête de Numerama a révélé que, par le biais de ces applications, Teemo enregistrait les déplacements des utilisateurs en se faisant envoyer la position GPS du téléphone… toutes les 3 minutes.

Les déplacements de 10 millions d’utilisateurs à tout moment sont donc archivées et monnayées par une agence de pub.

Mais tout va bien : c’est une start-up française.

Macron, tout content : « Voilà, et c'est donc grâce au marché libre et dérégulé que des petites start-ups peuvent disrupter et concurrencer de grosses structures comme les RG… » Le smiley, imitant la joie de Macron : « Amen. Le pays est sauvé. »

Pour conclure, n’oubliez pas que le train pour Datastopia ne fonctionne que parce qu’il y a assez de gens pour monter dedans… il n’est pas trop tard pour en descendre.

Luke Skywalker galère sur un vélo, toujours avec Yoda sur le dos : « Je suis content d'avoir sauté du train pour Datastopia…  Mais Contributopia…  y'avait que le vélo, pour y aller ? » Yoda : « À me gonfler, tu vas pas commencer, Luke… » Note : BD sous licence CC BY SA (grisebouille.net), dessinée le 16 octobre 2017 par Gee.

Sources :

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)




Un cas de dopage : Gégé sous l’emprise du Dr Valvin

Quand un libriste s’amuse à reprendre et développer spectaculairement un petit Framaprojet, ça mérite bien une interview ! Voici Valvin, qui a dopé notre, – non, votre Geektionnerd Generator aux stéroïdes !

Gégé, le générateur de Geektionnerd, est un compagnon déjà ancien de nos illustrations plus ou moins humoristiques. Voilà 4 ans que nous l’avons mis à votre disposition, comme en témoigne cet article du Framablog qui vous invitait à vous en servir en toute occasion. Le rapide historique que nous mentionnions à l’époque, c’est un peu une chaîne des relais qui se sont succédé de William Carvalho jusqu’à Gee et ses toons en passant par l’intervention en coulisses de Cyrille et Quentin.

Vous le savez, hormis le frénétique Luc qu’on est obligés de piquer d’une flèche hypodermique pour l’empêcher de coder à toute heure, on développe peu à Framasoft. Aussi n’est-il guère surprenant que ce petit outil ludique soit resté en sommeil sans évolution particulière pendant ces dernières années où la priorité allait aux services de Dégooglisons.

Enfin Valvin vint, qui à l’occasion de l’ajout d’une tripotée de nouveaux personnages se mit à coder vite et bien, poursuivant avec la complicité de Framasky – ô Beauté du code libre ! – la chaîne amicale des contributeurs.

Mais faisons connaissance un peu avec celui qui vient d’ajouter généreusement des fonctionnalités sympathiques à Gégé.

Commençons par l’exercice rituel : peux-tu te présenter pour nos lecteurs et lectrices. Qui es-tu, Valvin ?

Salut Framasoft, je suis donc Valvin, originaire de Montélimar, j’habite maintenant dinch Nord avec ma petite famille. Je suis un peu touche-à-tout et il est vrai que j’ai une attirance particulière pour le Libre mais pas uniquement les logiciels.

 

Qu’est-ce qui t’a amené au Libre ? Tu es tombé dedans quand tu étais petit ou bien tu as eu droit à une potion magique ?

J’ai commencé en tant qu’ingénieur sur les technologies Microsoft (développement .NET, Active Directory, SQL Server…) J’avais bien commencé non ? Puis Pepper m’a concocté une potion et puis …. vous savez qu’elle ne réussit pas souvent ses potions ?

Plus sérieusement lors de mon parcours professionnel, j’ai travaillé dans une entreprise où Linux était largement déployé, ce qui m’a amené à rencontrer davidb2111, libriste convaincu depuis tout petit (il a dû tomber dans la marmite …). Et je pense que c’est lui qui m’a mis sur la voie du Libre…

Cependant ce qui m’a fait passer à l’action a été la 1re campagne « Dégooglisons Internet »… Elle a débuté juste après mon expérience de e-commerce, quand je gérais un petit site web de vente en ligne où j’ai découvert l’envers du décor : Google analytics, adwords, comparateurs de prix… et pendant que j’intégrais les premiers terminaux Android industriels.

Je suis maintenant un libriste convaincu mais surtout défenseur de la vie privée. Certains diront extrémiste mais je ne le pense pas.

Dans ta vie professionnelle, le Libre est-il présent ou bien est-ce compliqué de l’utiliser ou le faire utiliser ?
Aujourd’hui, je suis une sorte d’administrateur système mais pour les terminaux mobiles industriels (windows mobile/ce mais surtout Android). Pour ceux que ça intéresse, ça consiste à référencer du matériel, industrialiser les préparations, administrer le parc avec des outils MDM (Mobile Device Management), mais pas seulement !

Je suis en mission chez un grand compte (comme ils disent) où le Libre est présent mais pas majoritairement. On le retrouve principalement côté serveur avec Linux (CentOS), Puppet, Nagios/Centreon, PostgreSQL … (la liste est longue en fait). Après je travaille sur Android au quotidien mais j’ai un peu du mal à le catégoriser dans le Libre ne serait-ce qu’en raison de la présence des Google Play Services.

J’ai la chance d’avoir mon poste de travail sous Linux mais j’utilise beaucoup d’outils propriétaires au quotidien. (j’démarre même des fois une VM Windows … mais chuuuut !!).

Je suis assez content d’avoir mis en place une instance Kanboard (Framaboard) en passant par des chemins obscurs mais de nombreux utilisateurs ont pris en main l’outil ce qui en fait aujourd’hui un outil officiel.

On découvre des choses diverses sur ton blog, des articles sur le code et puis un Valvin fan de graphisme et surtout qui est prêt à contribuer dès qu’il y a passion ? Alors, tu as tellement de temps libre pour le Libre ?

Du temps quoi ?… Malheureusement, je n’ai pas beaucoup de temps libre entre le travail, les trajets quotidien (plus de 2 heures) et la famille. Du coup, une fois les enfants couchés, plutôt que regarder la télé, j’en profite (entre deux dessins).
Mes contributions dans le libre sont principalement autour du projet de David Revoy, Pepper & Carrot. J’ai la chance de pouvoir vivre l’aventure à ses côtés ainsi que de sa communauté. Et dans l’univers de la BD, c’est inédit ! D’ailleurs je te remercie, Framasoft, de me l’avoir fait découvrir 🙂
Si je peux filer un petit coup de main avec mes connaissances sur un projet qui me tient à cœur, je n’hésite pas. Et même si ce n’est pas grand-chose, ça fait plaisir d’apporter une pierre à l’édifice et c’est ça aussi la magie du Libre !
J’ai eu parfois l’ambition de lancer moi même des projets libres mais j’ai bien souvent sous-estimé le travail que ça représentait …

Et maintenant, tu t’attaques au geektionnerd, pourquoi tout à coup une envie d’améliorer un projet/outil qui vivotait un peu ?
Je dois avouer que c’est par hasard. J’ai vu un message sur Mastodon qui m’a fait découvrir le projet. Il n’y a pas si longtemps, je m’étais intéressé au projet Bird’s Dessinés et j’avais trouvé le concept sympa. Mais tout était un peu verrouillé, notamment les droits sur les réalisations. J’aime bien le dessin et la bande dessinée, le projet du générateur de Geektionnerd m’a paru très simple à prendre en main… du coup, je me suis lancé !

Tu peux parler des problèmes du côté code qui se sont posés, comment les as-tu surmontés  ?
Globalement, ça s’est bien passé jusqu’au moment où j’ai voulu ajouter des images distantes dans la bibliothèque. Le pire de l’histoire c’est que ça fonctionnait bien à première vue. On pouvait ajouter toutes les images que l’on voulait, les déplacer… Nickel ! Et puis j’ai cliqué sur « Enregistrer l’image » et là… j’ai découvert la magie de  CORS !

CORS signifie Cross Origin Ressource Sharing et intervient donc lorsque le site web tente d’accéder à une ressource qui ne se situe pas sur son nom de domaine.
Il est possible de créer une balise image html qui pointe vers un site extérieur du type :

<img src="https://www.peppercarrot.com/extras/html/2016_cat-generator/avatar.php?seed=valvin" alt="c'est mon avatar" />

En revanche, récupérer cette image pour l’utiliser dans son code JavaScript, c’est possible mais dans certaines conditions uniquement. Typiquement, si j’utilise jquery et que je fais :

$.get("https://www.peppercarrot.com/extras/html/2016_cat-generator/avatar.php?seed=Linux", function(data){
    $("#myImg").src = data;
});

On obtient :

Cross-Origin Request Blocked: The Same Origin Policy disallows reading the remote resource at https://www.peppercarrot.com/extras/html/2016_cat-generator/avatar.php?seed=Linux. (Reason: CORS header 'Access-Control-Allow-Origin' missing).

En revanche, si on utilise une image hébergée sur un serveur qui autorise les requêtes Cross-Origin, il n’y a pas de souci :

$.get("https://i.imgur.com/J2HZir3.jpg", function(data){
    $("#myImg").src = data;
});

Tout cela en raison de ce petit en-tête HTTP que l’on obtient du serveur distant :

Access-Control-Allow-Origin *

où `*` signifie tout le monde, mais il est possible de ne l’autoriser que pour certains domaines.
Avec les canvas, ça se passait bien jusqu’à la génération du fichier PNG car on arrivait au moment où l’on devait récupérer la donnée pour l’intégrer avec le reste de la réalisation. J’avais activé un petit paramètre dans la librairie JavaScript sur l’objet Image

image.crossOrigin = "Anonymous";

mais avec ce paramètre, seules les images dont le serveur autorisait le Cross-Origin s’affichaient dans le canvas et la génération du PNG fonctionnait. Mais c’était trop limitatif.

Bref, bien compliqué pour par grand-chose !

J’ai proposé de mettre en place un proxy CORS, un relais qui rajoute simplement les fameux en-têtes mais ça faisait un peu usine à gaz pour ce projet. Heureusement, framasky a eu une idée toute simple de téléchargement d’image qui a permis de proposer une alternative.
Tout cela a fini par aboutir, après plusieurs tentatives à ce Merge Request : https://framagit.org/framasoft/geektionnerd-generator/merge_requests/6

Et après tous ces efforts quelles sont les fonctionnalités que tu nous as apportées sur un plateau ?

Chaud devant !! Chaud !!!

  • Tout d’abord, j’ai ajouté le petit zoom sur les vignettes qui était trop petites à mon goût

  • Ensuite, j’ai agrandi la taille de la zone de dessin en fonction de la taille de l’écran. Mais tout en laissant la possibilité de choisir la dimension de la zone car dans certains cas, on ne souhaite qu’une petite vignette carrée et cela évite de ré-éditer l’image dans un second outil.

  • Et pour terminer, la possibilité d’ajouter un image depuis son ordinateur. Cela permet de compléter facilement la bibliothèque déjà bien remplie 🙂

Merci ! D’autres développements envisagés, d’autres projets, d’autres cartoons dans tes cartons ?

D’autres développements pour Geektionnerd ? Euh oui, j’ai plein d’idées … mais est ce que j’aurai le temps ?
– intégration Lutim pour faciliter le partage des réalisations
– recherche dans la librairie de toons à partir de tags (nécessite un référencement de méta-data par image)
– séparation des toons des bulles et dialogues : l’idée serait de revoir la partie gauche de l’application et trouver facilement les différents types d’images. Notamment en découpant par type d’image : bulles / personnages / autres.
– ajout de rectangles SVG pour faire des cases de BD
– amélioration de la saisie de texte (multi-ligne) et sélection de la fonte pour le texte
– …
Je vais peut-être arrêter là 🙂

Sinon dans les cartons, j’aimerais poursuivre mon projet Privamics dont l’objectif est de réaliser des mini-BD sur le sujet de la vie privée de façon humoristique. Mais j’ai vu avec le premier épisode que ce n’était pas une chose si facile. Du coup, je privilégie mon apprentissage du dessin 🙂

Bien entendu, Pepper & Carrot reste le projet auquel je souhaite consacrer le plus de temps car je trouve que le travail que fait David est tout simplement fantastique !

Le mot de la fin est pour toi…
Un grand merci à toi Framasoft, tu m’as déjà beaucoup apporté et ton projet me tient particulièrement à cœur.

Vive le Libre !!! 🙂