Prenons un peu des nouvelles des fameux GAFAM avec l’ami Gee qui nous synthétise les derniers exploits de ces entreprises aux pouvoirs de plus en plus larges et inquiétants… malheureusement, les quelques anecdotes racontées ici sont tirées de faits réels (les sources sont données après la BD).
La rentrée des GAFAM
Pendant que vous vous doriez la pilule en vacances ou que vous dégouliniez au travail sous une chaleur de plomb, les GAFAM n’ont pas chômé cet été…
On en avait déjà parlé, mais Microsoft s’invite s’impose à l’école dans le Grand Est en subventionnant l’achat de tablettes et ordinateurs portables désormais obligatoires pour les élèves…
L’opération, pour l’heure appliquée dans 50 lycées du Grand Est mais appelée à être généralisée par la suite, a pudiquement été appelée « lycée 4.0 ».
En parlant d’obsolescence programmée, parlons d’Apple qui se distingue toujours autant dans les championnats du monde de l’enfoirage la fourberie.
En effet, il a été montré que le capteur de foulées Nike+iPod cessait d’être reconnu par l’iPod après 1 000 heures d’utilisation, quel que soit l’état réel de l’appareil ou de sa batterie (une limitation artificielle volontairement ajoutée au niveau logiciel).
Ne tirons pas de conclusions hâtives, malgré tout : Apple a peut-être simplement voulu faire un placement de produit pour Mission Impossible.
Parlons enfin de Google Home, le mouchard à installer soi-même chez soi.
En même temps, comme l’heure est à la réduction de la dépense publique, ça permet de supprimer des postes devenus inutiles chez les services de renseignement, et ça, on n’en parle pas assez.
Google aurait d’ailleurs réussi à résoudre le problème de la consommation énergétique de ses petits appareils : en effet, ils seraient tous alimentés par une unique turbine branchée sur la dépouille de George Orwell qui n’a pas fini de se retourner dans sa tombe.
Le M de GAFAM se retrouve décidément à tous les étages de nos ministères… on avait déjà évoqué celui de l’Éducation Nationale. À quel moment exactement va-t-on finir par considérer que c’est un problème ?
Ce nouvel article issu du blog Grise Bouille nous parle un peu de l’Éducation Nationale et surtout de son Ministère. Où quand le partenariat public/privé va un peu trop loin…
C’est officiel, le partenariat entre l’Éducation Nationale et le géant des fastfoods a été signé ! Depuis cette rentrée de septembre 2016, ce sont donc des menus McDonald’s qui sont mangés dans toutes les cantines scolaires du pays !
Ce partenariat ne partait pourtant pas gagnant, une consultation populaire pour l’alimentation dans l’enseignement primaire ayant plébiscité les AMAP et épiceries bio.
Bien sûr, ce choix, détaché de toute considération partisane, s’est basé sur le pragmatisme le plus décomplexé.
Alors certes, les habituels bolchévo-fauteurs de trouble viendront encore nous casser les burgers avec leurs théories un peu tordues.
Mais il faut que les gens s’y fassent : le partenariat public/multinationales, c’est l’avenir.
Bon. On arrête les bêtises.
Tout ça, c’était du flan.
Du faux. Du canular.
Vos gamins ne mangeront pas McDonald’s.
Seulement voilà, il y a un autre domaine où il se passe peu ou prou la même chose, et ça devrait vous scandaliser tout autant : l’informatique.
C’est ainsi qu’en juin dernier, Microsoft annonçait fièrement avoir signé un partenariat avec le Ministère de l’Éducation Nationale.
Et ce, malgré une consultation populaire ayant plébiscité les logiciels libres.
Et malgré tous les arguments AMAP/McDonald’s donnés ci-dessus et qui s’appliquent tout autant.
Bref.
Comme le Ministère de l’Éducation Nationale se complaît dans sa position de moulin à vent et que beaucoup (profs inclus) en ont assez des se battre contre, ce sera comme d’habitude :
il faudra faire sans son aide, et tant pis pour l’argent gaspillé et les initiatives locales non-soutenues.
Dédicaces, BD, DRM et Yukulélé : l’interview Kamoulox.
La dernière fois qu’il a dédicacé dans cette librairie, il a sorti son yukulélé pour des moments… mémorables.
Gee est de retour dans la Librairie A Livr’Ouvert à Paris pour y dédicacer le premier tome de Grise Bouille qu’on vous a présenté il y a quelques semaines sur le framablog. Si vous voulez un beau dessin original sur votre exemplaire, il vous faut donc lui apporter une idée et votre bouille le samedi 28 mai, dès 15h, au 171 boulevard Voltaire à Paris (métro Charonne).
À cette occasion (et parce qu’ils traînaient dans le coin) Frédéric Urbain et Pouhiou l’accompagneront pour présenter leurs romans publiés chez Framabook… mais surtout parce qu’une librairie libriste où Bookynette, la patronne, vous incite à apporter votre clé USB pour que vous téléchargiez les Framabooks qu’elle vend au format papier par ailleurs, c’est rare et précieux !
On ne résiste pas à l’occasion de s’offrir une petite interviouve croisée entre l’auteur de BD et la libraire qui l’accueille…
Questions à Gee (auteur illustrateur) et Bookynette (libraire libriste)
Dis, Gee : Grise Bouille est une anthologie du blog éponyme sur lequel tu dessines, écris, commentes l’actualité, déconnes, vulgarises de l’informatique… Bref : c’est un BD-blog au format papier. C’était facile le passage de l’écran au velin ?
Gee : Eh bah en fait très bien, et ça c’est principalement grâce à un merveilleux logiciel qui s’appelle Inkscape. Comme toutes mes BD sont au format vectoriel et sont assez « aérées » (dessins légers séparés uniquement par des blocs de textes), c’est très simple d’adapter la mise en page à un support papier. En gros, je divise mon dessin en hauteur en autant de pages que nécessaire et j’ajuste chaque élément (dessin, texte) pour qu’il couvre bien chaque page (et qu’il ne tombe pas sur une séparation entre 2 pages !). Là dessus, un petit script qui exporte chaque image en PNG (merci le mode console d’Inkscape), qui découpe chaque image en N pages (merci ImageMagick) et qui génère à la volée les fichiers TEX qui sont finalement inclus dans les sources du bouquin.
Pour être honnête, si je n’avais pas eu ces quelques outils libres (Inkscape et ImageMagick et un bon langage de script), ça m’aurait pris un temps fou. Mais avec un peu de bidouille et quelques commandes bien trouvées, on fait des miracles sous Gnunux 🙂
Du coup, t’es fier du rendu de ce tome ?
Gee : À mort. Et je ne dis pas ça pour me la jouer hein. Mais je suis content parce que je n’avais pas spécialement envisagé le passage au papier quand j’ai fixé le format de mes BD. Du coup c’est une bonne surprise que ça passe bien d’un format à l’autre sans trop avoir à tout retoucher dans tous les sens. Il y a juste les quelques aquarelles à la fin qui sont bien sûr diminuées (en noir et blanc et sur format A5), mais c’est plus un bonus dans le livre.
Et c’est aussi là que je me rends compte que j’en ai écrit un paquet, des BD, en 2015… je ne m’en rendais pas trop compte en ligne puisque chaque BD faisait exactement 1 image (plus ou moins longue), mais quand tu dois séparer en pages, bah tu arrives à un bouquin de plus de 250 pages ! Pas mal, non ?
Et qu’en pense notre libraire : ça se lit bien du blog-BD au format papier ?
Bookynette : Franchement, et c’est là qu’on voit l’expérience acquise, quand on compare Grise Bouille et les GKND, on voit la différence. C’est plus espacé, c’est clair, les textes, plus courts, sont toujours aussi frappants et quel humour ! Je défie quiconque de lire ce livre sans sourire une seule fois ! J’avoue l’avoir commencé à la librairie et être allée jusqu’au bout alors que je pensais me le dévorer le soir même. En quelques mots, quand on tombe dedans, on n’en sort plus. Les sujets sont variés, s’adressent à plein de publics différents, l’humour est élégant et on retrouve l’actualité traitée à la manière Gee ! Un régal.
Bookynette, ne nous cachons rien : tu es connue dans le monde libriste : membre de l’April, de Framasoft, de Parinux… Mais du coup il n’y a pas de grand écart entre libraire et libriste ? Par exemple à tes yeux (et en sortant les grand mots), le livre numérique tue-t-il la littérature ?
Bookynette : C’est difficile de répondre à cette question… Peux-tu définir ce que tu entends par livre numérique?
Il y a plusieurs sortes de livres numériques. Ceux avec et ceux sans DRM. Les DRM réduisent grandement les droits des lecteurs. Pour moi un livre numérique avec DRM est juste un service de location. Alors qu’avec un livre électronique sans DRM, l’utilisateur a globalement les mêmes droits que ceux dont il dispose avec un livre papier. Pour ceux que ça intéresse, je vous conseille cette vidéo que j’ai tournée avec mes coloc :
Pour en revenir à ta question, les livres numériques vendus par les éditeurs français sont tellement « menottés » qu’ils en deviennent quasi aussi chers que le papier. Pour se protéger, les éditeurs passent par des plate-formes professionnelles qui leur imposent les DRM, ce qui leur coûtent aussi cher que des libraires. Bref en France le livre numérique ne prend pas et n’est pas réellement un concurrent des libraires. Sauf pour les titres en langue étrangère… Mais perso, je n’en vends pas 🙂
Tu programmes de nombreuses animations dans ta librairie (dont des soirées Harry Potter)… Alors déjà, où est-ce qu’on trouve le programme, mais surtout : la venue d’une flopée d’auteurs Framabook, c’est un jour comme les autres à la librairie ?
Bookynette : Bon le programme tu le trouves sur mon site : alivrouvert.fr : ateliers pour enfants, club de lecture, soirée Harry Potter et bien sûr dédicaces ! Une journée avec les frama-auteurs c’est la fête non stop, no limite ! J’espère juste qu’il fera beau, parce que trois auteurs comme Pouhiou, Gee et Fred, vu leur carrure, ça va prendre de la place. Du coup, je les mettrais bien sur le trottoir [je sais j’ai déjà fait la blague en interne, mais je l’aime bien]. Et qui dit dédicace Frama, dit apéro après !
Et pour toi, Gee, aller à la rencontre du public et proposer une séance de dédicace…. C’est amusant, stressant, fatiguant ou revigorant ?
Gee : Un peu les quatre ? Bon, okay, pas spécialement stressant. Mais amusant parce qu’on rigole toujours bien avec les framacopains et ça fait toujours plaisir de rencontrer (ou de re-rencontrer) des lecteurs… surtout quand ce sont ceux à qui on parle déjà régulièrement sur les rézozozios 🙂
Bref, Grise Bouille, ce sont de longues heures solitaires à dessiner derrière un écran. Là, on voit des gens, on boit un coup, on passe un bon moment. D’où le côté revigorant. Et après, comme je suis ce qu’on appelle un « introverti » (si vous pensez que ça veut dire « timide », renseignez-vous un peu plus sur le sujet 🙂 ), j’ai toujours besoin de me poser tranquillement et au calme pendant un certain temps après ce genre d’événement pour recharger les batteries. Donc c’est fatiguant aussi (mais c’est bien d’être fatigué, des fois).
Bookynette, tu es une des (trop) rares librairies à proposer les Framabooks… Pourquoi ? C’est compliqué pour une librairie de proposer des éditeurs « hors normes » ? Et donc est-ce que c’est important pour toi en tant que libraire cette fonction de prescriptrice ?
Bookynette : Tout éditeur de livre qui ne passe pas un gros distributeur a du mal à se retrouver en librairie. Et puis les libraires n’aiment pas se compliquer la vie. Sans oublier que les Framabooks sont un peu hors norme… Il y a peu de demandes/clients pour les livres d’informatique, de thermodynamique et même de SF. Je ne sais pas si je suis prescriptrice mais en tout cas, je suis devenue fournisseuse officielle des franciliens et des librairies parisiennes (qui s’adressent à moi en m’envoyant leur coursier).
Si je me suis engagée à distribuer les Framabooks, sans marger, c’est parce que j’ai trouvé dommage de devoir obligatoirement passer un site internet En vente libre. En tant que libraire, libriste de surcroît, je me devais de distribuer ces livres et les rendre plus accessibles à tous les parisiens. C’était ma première contribution à Framasoft, maintenant je suis membre depuis peu et j’espère continuer à participer à cette association aussi vivante !
Concrètement vous deux, qu’est-ce qu’il va se passer le 28 mai, au 171 boulevard Voltaire ? On va (encore) y renverser du poiré ?
Gee : Alors moi je ne suis pas absolument pas responsable, mais j’ai vaguement entendu le mot « apéro » prononcé. Après, c’est p’têt une rumeur… sinon moi je dédicacerai à peu près tout ce que vous me mettrez sous le pinceau (ceci n’est pas un défi, ne mettez pas n’importe quoi sous mes pinceaux, merci). Et après si vous voulez juste passer pour tailler le bout de gras (c’est la vie), vous pouvez venir aussi, on mord pas (à part les bouts de gras, mais là c’est aut’chose).
Bookynette : Moi qui suis censée être responsable, dès 14h45, je vais installer une porte (et oui !) sur des tréteaux, avec une jolie nappe et des chaises hautes. Pi je vais acheter de quoi boire et manger, mais y aura pas de poiré car suis pas allée en Normandie cette année (gros sniff – suis en manque). Donc faudra vous contenter de bière et de chips (ça te fait rien de savoir qu’on va manger des chips ?! – la classe).
#défi : j’espère bien boire autant de verres que de livres vendus. 😀 Et puis je suis une fan du Yukulélé de Gee, donc y aura de la chanson.
Comme d’hab sur le framablog, on vous laisse le mot (ou le dessin) de le fin !
Si vous ne pouvez pas répondre un OUI franc et massif à au moins quatre des questions ci-dessous, la lecture de cet article est ajournée pour vous. Revenez pour la session de septembre.
Vous avez compris le monde des barbus libristes grâce au geektionnerd ?
Oui maintenant que nous sommes entre nous, je vous le confirme : le bon docteur Giraudot, aka Gee, aka Ptilouk,… revient, sans d’ailleurs être jamais parti, nous soigner par le rire la dépression post-adolescente avec la parution aujourd’hui du premier tome de Grise Bouille, et un tournant dans ce qu’on peut appeler une œuvre au sens plein du terme. Les fidèles de Simon ont suivi impavides et fébriles les épisodes successifs depuis un peu plus d’un an, voici l’heure de la publication de l’album, chez Framabook bien sûr (what else?)
Avant de déguster l’opus par le menu, profitons d’un instant ou il délaisse sa guitare électrique pour lui poser quelques questions.
Ce qui fait le prix de tes textes et dessins satiriques ce n’est pas seulement leur acidité corrosive, certes bien présente, mais la dérision et même souvent l’autodérision. Pourquoi, tu as peur qu’on te prenne au sérieux ?
Il y a le fond et il y a la forme. Sur la forme, mes BD restent à peu près toujours sur le thème de la déconne, mais sur le fond, il y a parfois quelque chose de plus sérieux, un message, une opinion… L’autodérision permet aussi d’apporter un recul par rapport à ça, de montrer que même si je suis d’accord avec telle ou telle idée, je sais qu’elle est critiquable et que ce n’est pas la vérité absolue. Effectivement, je ne voudrais pas qu’on me prenne trop au sérieux. Je suis un mec qui gribouille des bêtises derrière son écran : si je dis parfois des choses intéressantes, ce sont ces choses qu’il faut prendre au sérieux, pas moi.
Quand tu étais petit (autrefois, au siècle dernier), quels sont les auteurs de BD qui t’ont donné envie de les égaler ? Will Eisner, Crumb, Kurzman, Gotlib, Giotto, Reiser… ?
Au siècle dernier comme tu dis, j’avoue que j’étais très très classique sur mes lectures. J’adorais Spirou et Fantasio (surtout la période Tome & Janry) avec ce côté « grandes aventures » mais qui ne se prenait jamais trop au sérieux. On achetait pas mal le Journal de Spirou avec ma grande sœur, du coup je suis surtout familier de ce qui y était publié à l’époque : Kid Paddle, les Psys, le Petit Spirou, Passe-moi l’ciel, etc. Bien sûr, je lisais aussi les autres classiques franco-belges (Astérix, Lucky Luke). J’ai toujours été hermétique aux mangas et je n’ai jamais trop eu l’occasion de me mettre aux comics US, alors je suis resté sur ça.
Après, là où j’ai vraiment trouvé mon maître à penser, Gotlib, c’était plutôt à l’adolescence (et sans vouloir faire mon jeunot, c’était déjà le XXIe siècle :p). J’ai dévoré toutes les Rubriques-à-Brac de long en large. C’est sans aucun conteste mon auteur préféré, il a un ton tellement unique, avec ses propres codes et son propre vocabulaire, un peu comme l’a fait Alexandre Astier avec Kaamelott (dans un style bien différent, c’est sûr).
Pourquoi Grise Bouille ? Une référence au personnage de la Comtesse de Ségur dont la sœur a hanté tes premiers émois ? La tentation de te saouler la gueule en parcourant l’actualité ? Encore de l’autodérision pour nous faire croire que tes petits chefs-d’œuvre ne sont à tes yeux que des gribouillis de potache ?
Ah, le titre du blog… c’est ce que j’ai trouvé en dernier quand j’ai commencé à travailler dessus, et ça a été très dur. Comment tu veux nommer un truc qui n’a pas de ligne éditoriale ? Sans tomber dans le banal comme « Les dessins de Gee » ou le contraire, le truc pompeux à mort. J’ai fini par me dire que ce qui caractérisait le plus mes dessins, c’était le côté gribouillage (ce n’est pas de la fausse modestie hein, c’est objectivement le cas : quand tu vois par exemple ce que font des types comme David Revoy, on ne joue juste pas dans la même cour). Et puis j’aimais bien l’effet désuet du mot « bouille » et le fait qu’on puisse prendre « grise » à la fois comme la couleur et comme le verbe « griser » (le blog qui vous grise la bouille). Assez représentatif de la dichotomie entre l’actu déprimante exposée sur le blog et le côté déconne…
Dans les titres auxquels vous avez échappé (je ressors mon brouillon qui contient une groooosse liste d’idées de titres), il y avait : « La fourche et la plume » (déjà pris), « Sang d’encre », « Barouf Malade », « Joyeux Boxon », « Zone Libre » (quand je te parlais de titre pompeux…), « La plume et le pavé » (pour être fiché par les RG directement), « Libre entre les lignes » (ça c’était bien pourri), « Le lapin déchaîné », « Le lapin libéré », « Le lapin de semaines » (oui, j’aime bien les lapins – ça aurait été la mascotte du blog) ou encore « Figure de stylet ».
Depuis que tu as entamé Grise Bouille tes propos sont beaucoup plus radicaux et politiques, tu consacres autant de textes que d’images à démonter les ignominies étatiques et au passage, on se rend compte que quand tu es bien énervé, ton style est carrément bon. Ce n’est plus trop l’actualité du Libre que tu brocardes c’est plutôt l’actualité des conneries sécuritaires et liberticides que tu attaques à la scie circulaire. C’est toi qui as changé ou bien c’est l’urgence des événements qui te stimule ?
Il y a toujours eu un petit côté politique même sur le Geektionnerd. Mais la forme était très contraignante, trop de texte pour des cases trop petites avec des dessins qui se retrouvaient écrasés. Grise Bouille, c’est aussi le résultat de 5 ans d’expérience Geektionnerd : j’assume beaucoup plus l’aspect politique (qui est d’ailleurs carrément affirmé par l’entête de la catégorie « La fourche ») et je le maîtrise sans doute beaucoup mieux. Le truc, c’est que plus tu t’intéresses à l’actualité, au fonctionnement de
l’économie, de la politique française, etc., plus tu t’étonnes que ça ne gueule pas plus, que ça continue à fonctionner sans (trop de) heurts. C’est un peu en train de craquer avec la Loi travail, mais quand tu vois l’accumulation de trucs qu’on nous fait avaler année après année (et ça ne date pas de Hollande hein, ni même de Sarkozy), tu te dis qu’il y a quand même une sacrée grande force à l’œuvre pour maintenir tout le monde dans l’anesthésie. Et je ne suis pas complotiste, je pense que quand les différents pouvoirs (politique, médiatique, financier…) ont des intérêts communs, ils n’ont pas besoin de « comploter » pour maintenir la barque dans le même cap. Juste de se renvoyer la balle régulièrement…
Dis tonton Simon, raconte-nous la belle histoire de ton engagement dans le Libre. Tu es tombé dedans quand tu étais petit ou bien ça t’est venu tout d’un coup en buvant une chope de potion magique ?
Là, j’ai un parcours assez classique… On commence par en avoir marre de Windows XP, on voit Vista arriver avec une réputation catastrophique, on a un copain qui nous parle d’un truc bizarre appelé Ubuntu, on l’installe et voilà. La pente fatale. Après on galère un peu, on se dit que c’est cool, on s’intéresse un peu à ce qu’il y a derrière, on voit qu’il y a aussi des idées. Puis on se rend compte qu’elles s’appliquent aussi à l’art, que ça fourmille vachement de ce côté-là.
En fait, quand tu viens d’un monde hyper-cynique comme le nôtre, où on met en permanence les gens en compétition et en opposition, où tout le monde se méfie de tout le monde, où il y a une arnaque derrière chaque bon plan, où « si c’est gratuit, c’est toi le produit »… bah tu découvres le monde du Libre et t’as l’impression de revivre, tu retrouves de l’espoir, tu te dis qu’il y a des solutions pour s’en sortir ensemble, tu éteints BFM TV et tu arrêtes de croire qu’on est tous foutus et que le monde va s’écrouler. Ce n’est pas de l’optimisme béat, bien sûr que c’est globalement la merde, mais partout tu as des initiatives comme le Libre qui se mettent doucement en place et tu vois juste que, quand on sollicite ce qu’il y a de bien chez les gens (l’entraide, la solidarité), il y a une énergie et une volonté d’améliorer les choses qui sont complètement ignorées par le système actuel basé sur la compétition à tous les étages.
À chaque fois que tu publies, tu le fais en licence libre. Laquelle et pourquoi ? Allez, à nous tu peux le dire, tu ne regrettes pas un peu ? Tu ne crois pas que tu as raté ta carrière de dessinateur adulé des foules et partageant le saladier de coke avec des jeunes femmes compréhensives ?
Je publie en CC By Sa parce que c’est Libre et que ça peut potentiellement emmerder les gens qui voudraient l’utiliser pour faire du non-Libre (double rainbow donc). Pas de regret non. C’était quoi l’alternative ? Faire un truc à l’encontre de mes convictions puis me la jouer Ministre issue d’EELV qui va t’expliquer qu’elle ne s’est absolument pas corrompue et n’a pas du tout baissé son froc pour une place au soleil ? Même quand tu fais du non-Libre, la probabilité de devenir riche en gribouillant des bêtises est proche de zéro, et même si c’était le cas… au bout d’un moment c’est libérateur d’arrêter de lier la réussite financière à l’accomplissement personnel. Je n’en vis pas, mais personne n’en vit, ou presque. Arrêtons de blâmer les gens qui téléchargent et partagent des œuvres alors que c’est juste le système entier de rémunération des auteurs (et, au-delà de ça, de répartition des richesses en général) qui est moisi. Dirigeons notre colère vers ceux qui ont les clefs du système, par vers ceux qui sont juste un peu plus ou un peu moins lotis que nous.
Et ça rapporte, Tipeee ?
Doucement oui. J’en suis à une trentaine d’euros par mois. Je pense que je pourrais faire bien plus si je m’investissais vraiment là-dedans (en proposant des contreparties, en faisant régulièrement des appels à participer), mais je n’en ai pas la motivation. J’ai un boulot qui paie bien et je n’ai pas « besoin » de plus : Tipeee, Flattr, tout ça, c’est surtout pour montrer une alternative, pour donner l’occasion à ceux qui le veulent de soutenir un auteur qui publie du Libre. Si un jour je décide que je veux en vivre (mais rien ne dit que je puisse le faire, c’est sûr), ce sera une bonne piste à explorer, parce que c’est bien plus stable et plus efficace que Flattr à mon sens (même si l’initiative est louable également).
Au plan graphique tu as pas mal de cordes à ton ukulélé, on voit d’ailleurs dans cet album quelques aquarelles, mais qu’est-ce qui te fais revenir un peu au format du comic strip et au dessin dynamique après d’autres tentatives comme celle de Superflu ?
Ce blog, comme je l’ai dit, c’est une sorte de Geektionnerd débarrassé de ce qui me gonflait dans le Geektionnerd (la forme trop restrictive). Avant, je devais caler ce que je voulais dire/écrire dans le format Geektionnerd (tiens, Thierry Stoehr a bien raison de dire que tout part du format). Maintenant, j’écris et je dessine comme je pense, c’est le format qui s’adapte à ce que je veux faire.
Et puis, l’avantage du strip, c’est l’immédiateté du truc : avec Superflu (qui a été mis entre parenthèses récemment mais ça ne va pas durer), je dessine aujourd’hui des blagues que j’ai écrites il y a 2 ans… Avec Grise Bouille, je peux avoir une idée à midi, écrire le scénario à 17h, boucler le dessin dans la soirée et publier le lendemain. La plupart du temps, c’est un peu plus étendu (sur quelques jours) mais c’est l’idée.
Dis-donc on t’aime bien mais c’est un peu confus sur le site de Grise Bouille : tu as un tas de rubriques, comment on fait pour tout suivre ? Moi qui suis fan j’ai du mal à ne rater aucune de tes productions, ça serait pas plus simple de mettre tout dans l’ordre chronologique avec des tags de catégories et voilà ?
C’est comme ça que c’est rangé sur la page principale : tous les articles dans l’ordre chronologique (enfin, anti-chronologique pour être exact). Les catégories sont là pour préciser ce que le lecteur va voir et, pourquoi pas, sélectionner. Par exemple, quelqu’un qui aime mon humour mais pas mes opinions politiques peut zapper la catégorie « La fourche ». J’écris aussi des nouvelles dans « La plume » et je fais de la musique dans « Jukebox » : ceux qui s’en foutent peuvent les ignorer.
Tu vois, je ne suis vraiment pas dans le plan de carrière de dessinateur : j’aide carrément mes lecteurs à lire moins de trucs sur mon blog !
Bon, et cet album de Grise Bouille, c’est le premier d’une longue série ou c’est un one shot ?
À priori, on part sur un livre par an, pour résumer l’année précédente (celui-ci se concentre donc sur 2015). Ce ne sont pas à proprement parler des « intégrales » parce qu’il y a des articles non-inclus (ceux sur l’actualité du blog par exemple, sans parler des nouvelles et de la musique bien sûr), mais on n’en est vraiment pas loin. On verra aussi combien de temps dure le blog, s’il y a toujours matière à faire des bouquins et si le comité éditorial de Framabook est toujours d’accord, mais ça me semble plutôt bien parti.
Vous en avez sans doute entendu parler. Cet événement est l’occasion de revenir sur quelques usages de Wikipédia… en lui souhaitant un très joyeux anniversaire !
L’année 2015 n’a pas été la meilleure année du monde, et elle s’est malheureusement conclue avec un énième triste événement : le décès de Ian Murdock, célèbre créateur de Debian. Alors qu’une nouvelle année qu’on espère plus joyeuse commence, voici une petite BD pour lui rendre hommage.
Debian perd son Ian
C’est avec tristesse que nous avons appris, la semaine dernière, le décès de Ian Murdock.
On le connaît surtout comme le fondateur de Debian, célèbre distribution GNU/Linux dont il avait par ailleurs rédigé le manifeste qui reste une référence dans le Logiciel Libre encore aujourd’hui.
Aujourd’hui, il manque donc un Ian à Debian…
(Deb correspond au prénom de la petite amie de Ian à l’époque où il avait lancé l’OS.)
Ian aura par la suite été membre de la Linux Foundation ou encore employé chez Sun Microsystems où il aura été à l’origine d’un autre système d’exploitation libre : OpenSolaris.
Pour conclure : encore quelqu’un de bien qui nous a quittés trop tôt.