Aquilenet, 7 ans d’internet libre en Aquitaine

7 ans. Sept ans que Aquilenet, fournisseur d’accès à Internet associatif bordelais, construit de l’Internet bénévolement, localement, politiquement et maintenant en fédération. Sept ans également à faire de la sensibilisation, aussi bien sur les questions d’Internet, de vie privée, de logiciel libre que de critique des médias et de médias indépendants. On aurait pu croire qu’après autant de temps cette association se serait essoufflée mais loin de là : un passage en collégiale, un nouveau local, un data-center associatif et bien plus encore !

Frigo du local – CC-BY-SA – Bram

— Bonjour le collectif d’Aquilenet, c’est un plaisir de vous avoir, est-ce que vous pouvez vous présenter brièvement ?

Bonjour, plaisir partagé 😉, nous sommes donc Aquilenet, Fournisseur d’Accès Internet associatif en Nouvelle Aquitaine, et plus précisément localisé à Bordeaux. Nous comptons actuellement pas loin de 150 membres et sommes actifs depuis 2010 !

Aquilenet est un fournisseur d’accès à internet (FAI) associatif, qu’est-ce que c’est ? En quoi le côté associatif fait une différence ? À qui vous vous adressez ?

Le plus ancien fournisseur d’accès à Internet de France encore actif est un fournisseur d’accès associatif. C’est-à-dire que dès le début de l’Internet en France, on a vu des gens passionnés se rassembler entre eux pour construire quelque chose à leur échelle. Et puis sont arrivés les fournisseurs commerciaux : France Télécom, AOL, Club-Internet, Wanadoo, Neuf… Enfin, maintenant, on connaît leurs nouveaux noms : Orange, SFR, Free, etc. Ce sont d’immenses entreprises, qui couvrent tout le territoire national, et sont là pour faire ce que font les entreprises : vendre des services et faire des bénéfices. On en connaît les dérives : ces entreprises, qui ont la mainmise sur le réseau, peuvent contrôler ce qu’on a le droit – ou non – de consulter, choisir si on peut brider ou non une connexion, desservir volontairement plus ou moins bien le client suivant ce qui les arrange, et évidemment pratiquer une surveillance généralisée : on leur donne les clés et on utilise ce qu’ils veulent bien nous donner.

Un FAI associatif, c’est un petit ensemble de gens passionnés, qui veulent faire du réseau propre et fournir un Internet libre. On peut boire une bière avec. On peut littéralement voir comment c’est fait, voir ce qu’ils font de nos données. Il n’y a pas de dérives mercantiles, car ce n’est de toute manière pas concurrentiel avec les FAI dits « commerciaux ».
En bref, les clés sont à nous, et on se réapproprie Internet, le réseau, et nos données : on fabrique nos propres bouts d’Internet, on est Internet !

En plus de cela, notre volonté étant de créer du réseau, on peut amener Internet là où les FAI commerciaux n’en voient pas l’intérêt. Ce sont les fameuses « zones blanches » dont on entend parfois parler. Pour nous, l’intérêt, c’est d’apporter l’accès au net à tout le monde, partout.

On s’adresse à tout le monde, comme n’importe quel autre FAI, à la différence que les assos sont essaimées partout en francophonie ; et qu’on va donc plutôt essayer d’agir en tant qu’acteur local. Parce qu’une fois de plus, un FAI associatif, c’est à l’échelle humaine. On peut discuter directement avec, on peut s’investir dedans. Et on peut, bien entendu, se contenter d’avoir une connexion Internet propre, neutre et libre de toute surveillance.

En gros, on est un peu comme une « AMAP » (Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne) de l’Internet !

Bien sûr, on ne peut pas profiter des tarifs de gros auxquels les gros opérateurs ont accès, donc les accès ADSL sont typiquement un peu plus chers : 35-40€ par mois pour de l’ADSL sans téléphone. Mais d’autres fonctionnements sont possibles: des voisins peuvent se regrouper pour partager une ligne ADSL tout en ayant chacun son adresse IP propre, partageant ainsi les coûts.

C’est une démarche fortement engagée politiquement, qu’est-ce qui vous a poussé⋅e⋅s à vous lancer dans cette aventure et à la continuer ?

Pour n’importe quel être humain ayant été connecté à Internet, construire et cultiver son propre carré vert d’Internet peut sembler être une expérience excitante et passionnante ! La soif d’apprendre, la quête de sens avec la participation à la construction d’un Internet « propre », et le fait de devenir un acteur sur le sujet sont des éléments qui nous ont vite motivés à nous lancer dans cette aventure.

D’autre part fournir de l’accès à Internet avec une infrastructure permet d’aider aussi de nombreux projets à émerger, et aussi d’aider pas mal les copains, nous fabriquons ensemble notre bout d’Internet.

Mais au fait il est à qui le net ? À NOUS !!!

Et au-delà de Aquilenet on entend dire que vous lancez une structure qui s’appelle « C’est le bouquet », qu’est-ce que c’est ? Pourquoi vous le faites ? Qui est-ce que vous visez ?

C’est Le Bouquet est une initiative qui a commencé à pointer le bout de son nez en 2017. Nous avons été contacté⋅e⋅s par un certain nombre d’associations ou de collectifs, qui voulaient plus que les services qu’Aquilenet fournit historiquement. Il leur fallait un ensemble d’outils propres, dégooglisés – le lectorat saura de quoi on parle – et sous leur contrôle. Des outils fiables, parce qu’on parle d’associations, ONG, collectifs, et que leurs communications doivent être sous leur contrôle : courriels, travail collaboratif… Pour tout cela, il faut du libre, sur un réseau qu’on sait propre, en lequel ils peuvent avoir confiance et qui sera maîtrisé sur toute la chaîne ou presque.

Alors l’idée a germé de créer quelque chose qui proposerait un bouquet de services libres et neutres, avec tout ce qu’il faut pour que ces structures puissent travailler efficacement. C’est le bouquet était né !

À cela s’ajoute la création d’outils permettant de gérer l’ensemble efficacement, et la mise en place de formations et de SAV pour pouvoir en permanence répondre aux questions, intervenir au besoin, sensibiliser et éduquer à des manières de travailler qui seront parfois nouvelles.

Courriels, CRM, pads, hébergement de document, newsletters, listes de diffusion, et bien plus encore : tout le nécessaire sans Google, équipé de logiciels libres, hébergé sur des serveurs propres et locaux, sans filtrage, ni exploitation de données, ni surveillance, et le tout qui passe par l’Internet propre des tuyaux d’Aquilenet !
Il reste encore beaucoup à faire !

Mais… ça ressemble furieusement à un CHATONS ! Vous en êtes un ? Est-ce que vous pensez rejoindre ce collectif ?

Pour l’instant, ni Aquilenet, ni C’est le Bouquet ne se revendiquent CHATONS. Il n’y a pas pour l’instant de décision tranchée sur si oui ou non nous rejoindrions ce collectif… Le débat continue, entre la volonté d’indépendance de toute étiquette et le fait que, concrètement, les idées se croisent !

La preuve en est qu’il n’est pas besoin de faire partie des CHATONS pour proposer des services web de manière éthique ! Dites, comment on fait pour faire un fournisseur d’accès à Internet ? Comment on se connecte à Internet et on l’amène à des gens ?

Il y a de nombreuses façons d’y arriver, le mieux est de venir nous poser la question à la Fédération FDN, nous avons des documentations sur le sujet, nous pouvons accompagner et fournir des ressources pour aider au démarrage. D’autre part nous pouvons mettre en contact avec une association fédérée géographiquement proche du demandeur. Ce qui est motivant c’est que nous continuons à voir de nouvelles initiatives émerger et nous rejoindre.

Est-ce que vous ne faites que fournir de l’accès à Internet à des gens ?

Non ! À vrai dire, la fourniture d’accès à Internet est une toute petite partie de notre activité. On pourrait dégager deux grands axes pour décrire les activités d’Aquilenet. Un premier axe est davantage centré sur les services. Au-delà des accès ADSL, l’association propose également des accès VPN (bon… c’est un accès à Internet en fait), des machines virtuelles, de l’espace de stockage, du mail ou encore de la VoIP. Nous sommes également parmi les fournisseurs de Brique Internet. Nous participons à différents projets comme The DCP Bay, de la distribution de films pour les salles de cinéma indépendantes. Tout ça repose bien entendu sur du logiciel libre et est garanti sans filtrage ! La seconde activité d’Aquilenet est plus d’ordre militant dans le sens où nous travaillons beaucoup à faire connaître la neutralité du net, le Libre ou à communiquer sur des thématiques dont nous nous sentons proches. Nous sommes impliqués localement pour sensibiliser sur ces thématiques et poussons pour un développement de l’Internet local plus accessible aux petites structures.

Capture d’écran du débat entre Pierre Carles et Usul

D’autre part, nous organisons régulièrement des ateliers pour former les gens qui le souhaitent à des technologies très variées. Nous proposons aussi de temps en temps des projections au cinéma l’Utopia à Bordeaux ou des débats avec des intervenants toujours passionnants. Notre dernière projection en date était le documentaire Nothing to Hide dont nous avons participé à la distribution sur Internet. Dernièrement, nous avons également participé à la venue de Pierre Carles et Usul pour une soirée de discussion ouverte à toutes et à tous . Nous essayons aussi d’ouvrir des sentiers pas encore tracés : nous réfléchissons, par exemple, à l’intégration de Duniter, une cryptomonnaie libre qui se veut plus juste, dans nos moyens de paiement !

En interne, nous organisons des ateliers ouverts à toutes et tous, pour permettre à chacun de se former et de s’investir à son échelle. Nous avons lancé des groupes de travail aussi divers que la desserte en Wi-Fi des zones blanches, la communication, l’administration système, l’accueil, le support… Tout le monde peut mettre la main à la pâte quelles que soient ses compétences : on se forme entre nous !

Vous n’êtes pas le seul FAI associatif qui existe, il y a une même, on l’a vu, une fédération, la FFDN, dont vous êtes fondateurs.  Est-ce que vous pouvez un peu nous en parler ? Quelle est vous relation avec cette fédération ?

Carte des fournisseurs d’accès à internet associatifs montrant ceux de la FFDN (en bleu)

Nous sommes parmi les membres fondateurs de la  FFDN, la fédération qui rassemble les FAI associatifs de toutes tailles et de toutes localisations. Nos membres sont par définition également membres de celle-ci, certains y sont très actifs, d’autres non. Elle se compose donc de camarades d’un peu partout, avec qui nous échangeons nos questions, nos évolutions, nos volontés et nos besoins. Nous partageons ainsi nos connaissances tant techniques que, par exemple, juridiques, afin de toujours pousser le groupe vers l’avant. Les bons plans également, comme des solutions de financement de projets par des organismes publics nationaux ou internationaux. Lorsqu’un besoin se fait connaître, des membres de partout peuvent y répondre. Afin de maintenir ce maillage, des points « bilan » sont régulièrement faits par toutes les associations membres de la FFDN : quels sont les projets, les nouvelles, l’état de santé de l’association, ses besoins, etc. En fait, la FFDN nous permet d’être à la fois beaucoup et peu, partout et juste à un endroit. Elle nous donne une force commune sur tout le territoire, tout en laissant un ensemble de petits acteurs agir localement.

Ça fait sept ans que vous existez, vous avez été jusqu’à présent en structure associative classique avec CA, président etc. et vous avez récemment décidé de passer à une structure de collégiale, pourquoi vous avez fait ce choix ? Comment vous vivez cette aventure et qu’est-ce que ça change pour vous ?

Nous venons en effet de voter le passage en collégiale pour Aquilenet. Il n’y a plus de bureau, de président, de trésorier, mais des bénévoles motivé·e·s. Chacun·e a accès aux droits nécessaires aux actions qu’il ou elle entreprend, les tâches sont réparties entre les adhérents volontaires qui auront rejoint la collégiale, et il n’y a aucune centralisation des pouvoirs. Tout repose désormais sur la volonté de chaque adhérent et sur la confiance mutuelle. C’est un tournant humain, égalitaire, et qui vise à décharger des épaules en invitant tout le monde à faire sa part et à partager le savoir-faire. Là-dessus, nos craintes sont relatives : en dehors de questions technico-juridiques, nous avions déjà un système assez proche de la collégiale. Quiconque voulait faire avait le droit de le faire. L’idée, c’était d’officialiser ça une bonne fois pour toutes !

Et en plus de cette transformation vous avez également désormais un local ! C’est aussi un grand changement, en quoi ça vous impacte ? Qu’est-ce que ça vous permet de nouveau ? On me souffle que vous êtes en train de lancer un data-center associatif, qu’est-ce que c’est et à quoi ça sert ?

On l’a dit plusieurs fois depuis novembre, lors de nos réunions : c’est quelque chose d’important. Nous avons un lieu où nous nous rencontrons, de manière bien plus régulière et libre qu’auparavant. Depuis sa création, Aquilenet se rassemblait mensuellement dans un bar. Lorsque des ateliers avaient lieu, on faisait ça où l’on pouvait (souvent au Labx, hackerlab de Bordeaux). En cas de réunion, nous utilisions une salle… dans un bar, encore ! Maintenant, dès que quelqu’un veut travailler, dès qu’on veut discuter de quelque chose, débattre, préparer, planifier, faire un atelier : on se retrouve à « la Mezzanine », notre local. Il y a presque toujours quelqu’un de présent le mardi soir, toujours des petites réunions entre deux, trois, cinq, dix membres. Ça a donné une vraie existence physique à ce qui était, la majorité du temps, des appels, SMS, emails, échanges sur IRC.

Data-center en tout début de construction – CC-BY-SA – Bram

 

Si le local s’appelle « La Mezzanine », ce n’est pas pour rien : il s’y trouve une Mezzanine que nous allons transformer en data-center associatif. Il possède son propre réseau électrique à part du reste du local, d’origine 100% renouvelable. Une fois que tout sera en place, tout le monde pourra librement y installer son serveur, quelle que soit sa forme et sa taille, du Raspberry Pi à la tour de PC, et l’y poser. Nous fournissons l’énergie, la connexion, au besoin des IP Aquilenet, tout ce qu’il faut ! Un groupe de travail planche actuellement dessus. Il y a du travail encore, mais ça prend forme petit à petit !

Et comment vous rejoindre dans cette belle aventure ?

On est joignables en permanence par courriel depuis la section contact de notre site Internet, et tout le nécessaire pour adhérer à l’association et/ou profiter des services qu’on propose y est disponible ! Et pour plus de chaleur humaine (et de bière1), on se donne rendez-vous chaque premier mardi du mois, 21h, à la mezzanine, le local d’Aquilenet – 20 rue Tourat, Bordeaux, pour accueillir à la fois les membres, les curieuses et les curieux !

Un mot de la fin ?

Devenir fournisseur d’accès Internet est à la portée de tous, si vous n’en avez pas dans votre région et êtes motivés n’hésitez pas à nous contacter, c’est une formidable école sur le fonctionnement de l’Internet et c’est aussi une contribution très utile au développement de la liberté dans notre pays. Enfin sachez que nos associations sont toujours ouvertes à toute personne motivée qui souhaiterait nous aider, les thématiques ne manquent pas et ne sont pas uniquement que techniques, vous êtes toutes et tous bienvenus !

« Sous les pavés, la fibre ! » 😀
Une autre fin du net est possible.
Hacker vaillant rien d’impossible !

 

  1. L’alcool est dangereux pour la santé, consommez avec modération.



Montpel’libre, l’asso libre tous azimuts

Jour après jour et depuis longtemps, des associations qui promeuvent les logiciels et la culture libre sont au contact de la population et forment un réseau irremplaçable : celui des GUL (Groupes d’Utilisateurs Linux) ou GULL (Groupes d’utilisateurs de Logiciels Libres).

Leurs activités traditionnelles : install’parties, conférences, stands… ont été complétées par une grande variété d’actions adaptées au contexte local et aux évolutions de nos pratiques numériques.

Nous avons choisi de mettre en valeur l’association Montpel’libre parce que (comme d’autres bien sûr) elle offre un exemple intéressant de diversification et de dynamisme (on y trouve même un groupe Framasoft…), et leurs membres ont été assez sympas pour répondre aux 512 questions que nous avions préparées. Voici une sélection de leurs réponses à plusieurs voix…

 

— Bonjour les Montpel’libristes, est-ce que vous pouvez nous dire un peu à quoi ressemble votre association ?

— Bonjour Frama. En préambule, nous avons remarqué que vous avez utilisé un Framapad pour cette interview, ce que nous comprenons parfaitement. Néanmoins, vous auriez pu utiliser un BIMpad sur nos CHATONS.

BIM pour Bienvenue sur l’Internet Montpelliérain, administré et hébergé localement. Voici la page (en construction) où sont tous les services que nous proposons. Après Dégooglisons, nous sommes aussi passés à Contributopia. 😉

Et pour faire connaissance avec notre association, l’essentiel est sur ce petit flyer

flyer qui résume les activités de l'association Montpel'libre

— Avec ce nom d’association on devine que vous rayonnez sur la métropole occitane, mais on voit aussi des événements vers Nîmes ou Béziers, comment vous vous organisez ?

— Effectivement, notre volonté est de faire la promotion des Logiciels Libres, de la Culture Libre et des Biens Communs à l’origine sur Montpellier, mais très vite nous avons pris une dimension régionale. Aujourd’hui nous intervenons sur l’Occitanie, en partie sur PACA, et avons quelques actions sur l’Afrique et le Québec. Nous souhaitons développer ces actions sur ces territoires en y organisant des Jerry-Party, les RMLL, EPN, coworking, ICC et ESS

Nous sommes créatifs, réactifs, simples et souples. Des personnes viennent vers nous avec des demandes sur les logiciels libres, la culture libre et les biens communs et nous trouvons rapidement et simplement comment faire pour les satisfaire.
Comme nous nous inscrivons dans la durée, nous créons des réseaux que nous mettons en synergie et nous trouvons sur place ou non, les personnes qui peuvent nous aider à mener nos projets : des néophytes qu’on fait monter en compétence comme des personnes chevronnées qui prennent le lead sur les actions à mener. Ce qui les fait adhérer à Montpel’libre et y rester, c’est le fait qu’on écoute leur désir profond et qu’on les accompagne pour créer leur projet, en leur apportant la force du groupe, de ses différentes communautés, personnalités, compétences.

— Quand on lit la liste de des activités de Montpel’libre on est pris d’un léger vertige : mais comment font-ils ?
On imagine vu le nombre d’événements, que vous êtes nombreux et nombreuses, et que de nouvelles personnes viennent dans l’asso, comment se passe l’accueil des nouvelles personnes, vous avez une stratégie ou bien ça se fait tout seul ?

—  Plutôt que de constater une étanchéité des communautés, comme c’est souvent le cas, nous avons choisi de favoriser au sein de Montpel’libre une collaboration active de plusieurs communautés : April, Blender, Emmabuntüs, Framasoft, OpenStreetMap, Site Web/Internet, Wikipédia…, cela nous permet ipso facto d’organiser plus rapidement des événements tel que les Opérations Libres, qui font intervenir les communautés Wikipédia, OpenStreetMap, Framasoft, Blender… ces communautés étant actives dans l’asso, l’organisation s’en trouve plus aisée, efficiente et du coup largement moins problématique.

— Nous n’avons pas forcément de plan triennal, cela ne nous empêche pas de nous projeter dans l’avenir. Nous établissons déjà les activités pour 2019, même si celles-ci ne sont pas encore publiées, AprilCamp, PyConFr, Escale à l’UM, Libre de Droit, RMLL à Montpellier, en 2020 RMLL à Rabat… Bien sûr certaines propositions ne sont qu’à l’état d’ébauche, blockchain, smart city, iot, icc, ess… Du libre pour tous, tout de suite et partout !

Nous ne sommes pas conscients de tout ce qui nous a permis de réussir, mais nous savons ce qui est important pour nous. En premier lieu, nous sommes respectueux des différences et de la diversité. Bien des personnes nous rejoignent parce qu’elles savent qu’avec et dans Montpel’libre, elles vont pouvoir mettre en place leurs idées de façon simple et efficace, quoiqu’elles sachent faire, et s’accomplir dans une ambiance conviviale. Elles aiment aussi la créativité que démontre le groupe.

— En même temps, pour développer et mener à bien des projets, nous avons dans le Bureau toutes les compétences complémentaires nécessaires : nous sommes tous utilisateurs de logiciels libres et membre de plusieurs communautés. En fait, quand on éprouve un besoin, la réponse arrive à point nommé : cela repose sur un long travail de fond, chacun dans nos domaines, un partage dans l’esprit du Libre et une écoute profonde

— Les adhérents sont très divers et participent tous à notre succès : on retrouve beaucoup d’électrons libres et de hauts profils dans différentes matières qui font le numérique libre au sens large, mais aussi des enfants, des institutions, des entreprises, des associations, d’autres Gull, des personnes âgées, des personnes en situation de handicap, des stagiaires, des étudiants, et des personnes venues de plusieurs continents…

Montpel’libre présente les logiciels libres à la communauté Emmaüs de Montpellier (décembre 2015)

 

— C’est cette alchimie qui rend l’association étonnante, spécifique, vivante, organique….

— Je crois que ceux qui participent à nos actions (bénévoles, partenaires, fournisseurs) apprécient aussi notre façon de les mettre en valeur : pour nous c’est ensemble que nous faisons les choses et s’il manque une personne, alors l’action ne peut être aussi belle. Nous remercions toujours chacun⋅e en expliquant quelle part il ou elle a pris dans le succès de l’action.

— En conclusion, on pourrait dire : « Il n’est de richesses que de personnes », et nous agissons avec le temps…

— Votre organisation, c’est plutôt cathédrale ou bazar ?

— La contribution collaborative, la prise de décision, l’émergence d’idée, l’esprit critique, le participatif, sont encouragés dans Montpel’libre. Une cathédrale ? Pas forcement. Un bazar structuré, plutôt !

— En fait, ce n’est ni la cathédrale, ni le bazar, c’est autre chose. Plutôt un Ki : l’énergie vitale et primordiale, celle qui est à l’origine de l’action, se transforme et la transforme en permanence.
Nous exprimons. à la fois la diversité de la vie, sa force et sa capacité à se renouveler:)

— C’est quoi les valeurs que vous promouvez, finalement ?

— Montpel’libre considère les Logiciels Libres, la Culture Libre et les Biens Communs (vous remarquerez que nous avons mis des majuscules à chaque mot 🙂 comme l’ADN de l’asso. Notre sacerdoce repose essentiellement sur la liberté 0, que nous qualifions d’accessibilité. Évidemment l’accessibilité au code pour les logiciels, mais aussi l’accessibilité aux ressources, à la culture, au numérique pour les personnes à mobilité réduite, les déficients visuels, mais pas seulement, issus de la diversité, de culture, d’âge ou de genres différents…

 

Nous rendons accessibles et humains le Logiciel libre, la Culture Libre et les Biens Communs. Entre nous, on en plaisante et on se dit « dealers de bonheur, dis-leur le bonheur ! ». Nous aimons le partage et nous apprécions particulièrement de voir les personnes qui ont participé à l’une de nos actions avec des yeux pleins de lumière et de grands sourires. Nous pratiquons beaucoup l’écoute, le partage et la proximité… mais nous aimons aussi la convivialité : les apéros, les bons repas et danser !

Les bénévoles de Montpel’libre pensent aussi aux plus jeunes (ici atelier jeu vidéo) – Photo Montpel’libre – merci @Natouille

— Votre slogan « Les logiciels logiquement libres » c’est chouette, mais ça laisse supposer que vous ne vous occupez que de la promotion du logiciel libre, alors que vos actions sont bien plus larges...

—  L’asso est née en 2008, il y a bientôt 10 ans, vous imaginez bien que nos actions ont évolué, se sont diversifiées, démocratisées et répandues sur un territoire plus élargi. Aujourd’hui, nous nous trouvons à la jonction des secteurs d’activités du numérique, des industries créatives, de l’économie sociale et solidaire, du développement durable, de la recherche et formation ainsi que de l’éducation populaire.

Montpel’libre c’est un jeu de mot qui durera toujours . Montpel’ n’est pas lié : il est libre. Et nous sommes nés à Montpellier, ça, c’est un fait qui ne changera jamais. En revanche aujourd’hui le slogan devrait effectivement changer pour intégrer la Culture libre et les Biens Communs. Il devrait devenir : « Logiquement libres », tout simplement.

— Est-ce que les RMLL à Montpellier ont contribué à booster l’association ou bien était-elle déjà très active et donc a été candidate et choisie pour cela ?

— Bien sûr que les RMLL ont contribué à booster Montpel’libre, en douter serait nier l’évidence, même si nous avions déjà organisé plusieurs fois des salons (confs/stands…) à l’Université de Montpellier. Thierry Stœhr, Christophe Sauthier et d’autres, l’Université de Montpellier, l’Université d’Évry, l’Université Mohammedia de Rabat, 2iE à Ougadougou y ont participé. Nous avons un peu levé le pied là-dessus, car les gens nous demandaient à cette époque des ateliers, des permanences, des confs, bref de la proximité. Nous réfléchissons à relancer ces salons sur la région.
Avant d’organiser les RMLL, nous avions soigneusement travaillé nos réseaux, organisé ou participé à des événements avec les communautés, organisé certains événements comme l’assemblée générale de l’Aful, l’AprilCamp, une étape du tour de France des Logiciels Libres, les assises du Libre… afin de bien connaître et se faire connaître des communautés, des collectivités, des financeurs…

— Les RMLL ont permis d’attirer à Montpel’libre des professions autres que techniques et donc complémentaires et de fédérer les énergies et les bonnes volontés.
En plus, tous ceux qui ont réalisé un événement international le savent, l’organisation en est lourde et des tensions naissent. Le conflit a ceci de bon, quand il est positif, de permettre de s’asseoir à une table, de dire qu’il y a une difficulté et de trouver comment la régler. Montpel’libre a su passer au-dessus des difficultés. Cet événement a été intégrateur de compétences et fédérateur d’énergies et de bonnes volontés.

— C’est quoi le « gros coup » d’après ? Vous avez bien encore un méga-projet dans les cartons ?

— Chut ! Bien sûr, mais comme c’est un projet sensible, nous en discuterons plus tard, si vous le voulez bien.
Hum, mais qui a parlé d’un seul projet ?

— Vous avez une longue liste de partenaires de toutes sortes, est-ce que certains contribuent au financement de l’association ? Et au fait, comment vit financièrement votre association ? Seulement avec les cotisations des membres ?

— Jusqu’à présent, nous ne nous étions pas posé la question, nous avons agi sur fonds propres, c’est à dire des fonds sortis de nos poches ! Aujourd’hui, ce n’est plus possible vu le nombre et la diversité des activités. Il faut donc faire rentrer de l’argent dans les caisses (voyages, hébergement, pérennisation des activités…)
Le premier argent économisé est celui qui n’a pas été dépensé. Nous bénéficions de beaucoup de mécénats en nature (salles gratuites, personnels de service et gardiennage gratuit et dans certains cas cocktail).
Les cotisations de nos membres sont symboliques parce que volontairement nous voulons être accessibles : tout le monde doit pouvoir bénéficier des services de l’association et participer à l’organisation de l’une de ses activités.
Nous réfléchissons à trouver un, voire des modèle(s) économique(s).

— Bon c’est tout de même un peu agaçant, vous cochez toutes les cases de l’asso dynamique et sympathique en plein développement. Vous n’auriez pas un petit truc qui cloche pour tempérer un peu, je ne sais pas moi, un problème, une inquiétude, un truc dont vous regrettez qu’il ne marche pas ?

— Nous avons les mêmes difficultés que tout le monde pour mettre en place des actions et pour les pérenniser. Nous vivons les mêmes joies et questionnements que tout le monde. Nous croyons profondément en notre liberté et nous respectons celle des autres. Si quelqu’un ne veut pas agir avec nous, c’est sa liberté, nous la respectons et nous continuons notre chemin.
Un point qui est à améliorer : nous ne sommes pas assez présents dans des salons sur le logiciel libre (pas assez de stands, conférences, ateliers…).

— Quelle est le projet qui a le mieux réussi à faire venir à vous des Clapassièrs (les habitants de Montpellier) ?

— Ici, dans le Clapàs des Paysannasses notre réputation s’est faite à partir des cartoparties participatives sur l’accessibilité des personnes à mobilité réduite. Nous avons effectivement travaillé trois ans à l’enrichissement d’OpenStreetMap et de l’OpenData de Montpellier avec la ville, les citoyens et les communautés.
Après les cartoparties qui ont fait connaître Montpel’libre, notre association a permis à ceux qui y adhéraient de faire autre chose et autrement, d’où la diversité de ses actions.

 

 

Le groupe OSM : réunion de travail mais aussi cartopartie sur le terrain…

 

 

 

—  Qu’est-ce que vous souhaitez dire aux habitants qui ne vous connaissent pas encore ? Et plus largement, à tous les libristes et tous les GULL ?

— Osez oser ! Construisez à partir de qui vous êtes, c’est-à-dire des compétences que vous avez, et qui font de vous un individu ou une association différente et unique. Le reste viendra tout seul et vous saurez vous réinventer.

— On vous laisse le mot de la fin mais ce n’est qu’un début, continuez le combat !
Bien sûr :

Montpel’libre n’est pas une entreprise,

mais une asso qui entreprend.

 

Liens utiles




ToS;DR – répondre au plus grand mensonge d’Internet

ToS;DR ou « Terms of Service ; Didn’t Read » pour « Conditions Générales d’Utilisation ; pas lues » est un projet cherchant à rendre plus compréhensibles toutes ces dizaines, voire centaines, de conditions générales d’utilisation que nous acceptons toute l’année sans les lire tout en cochant la petite case promettant le contraire.

Après une période de ralenti, ToS;DR s’enflamme à nouveau grâce à phœnix, une nouvelle version de leur outil de travail pour faciliter l’ajout de nouvelles entrées et permettre la participation de tout un chacun.

Le nom vient de l’expression anglaise « tl;dr » (too long, did not read) qui signifie qu’on va faire référence à un texte qu’on n’a fait que survoler.

Retrouvez Piks3l, contributeur du projet, qui a accepté de répondre à nos questions.

Il y a plusieurs moyens, mais il y a surtout une campagne de financement participatif, en anglais, actuellement sur Crowdrise.

On ne va pas tout traduire, mais pour résumer ils expliquent que les fonds leur serviront à sortir du « tout bénévolat », et donc à proposer un meilleur outil, qui servira à chacun et à chacune.

Si comme nous, vous savez combien il est important d’expliquer pourquoi il faut se dégoogliser (et si vous le pouvez), pensez à contribuer par vos dons ! Plus ceux-ci seront nombreux et plus ils auront de chances d’être dans la liste des bénéficiaires du Duck Duck Go Privacy Challenge, ce qui constituerait un apport financier supplémentaire non négligeable.

 

L’équipe Framasoft.

Aidons ToS;DR à se hisser vers le haut du tableau, DDG ajoutera une prime…




21 degrés de liberté – 11

Difficile de nos jours de faire nos achats sans être traçables ! Pourtant nos parents pouvaient effectuer leurs transactions en liquide sans laisser de traces inutiles. Que restera-t-il de cette liberté pour nos enfants ?

Voici déjà le 11e article de la série écrite par Rick Falkvinge. Le fondateur du Parti Pirate suédois s’inquiète aujourd’hui la fin de l’anonymat dans nos achats en raison des moyens électroniques de paiement.

Le fil directeur de la série de ces 21 articles, comme on peut le voir clairement dans les épisodes précédents que nous vous avons déjà livrés, c’est la perte de certaines libertés dont nous disposions encore assez récemment, avant que le passage au tout-numérique ne nous en prive.

Nos parents payaient anonymement en liquide

Source : Rick Falkvinge sur privateinternetaccess.com

Traduction Framalang : draenog, mo, Moutmout, xi, goofy et 3 anonymes

L’argent « anonyme » de nos parents de l’ère analogique est en train de disparaître rapidement et dans la foulée s’imposent les cartes de crédit traçables et soumises à autorisation, pour nos enfants. Bien qu’elles soient pratiques, c’est un loup dans la bergerie.

Photo de Jason Rogers (CC BY 2.0)

 

Dans un article précédent, nous avons évoqué comment nos parents pouvaient acheter de façon anonyme un journal dans la rue en échange de quelques pièces et lire les actualités de leur choix sans que personne ne soit au courant. Cette observation s’applique bien au-delà des journaux, bien entendu.

Ce pouvoir qu’avaient nos parents, celui d’effectuer des transactions décentralisées, sécurisées et de façon anonyme, a été perdu dans un contexte qui pousse aux paiements par carte pour des raisons de facilité. La facilité de ne pas payer tout de suite avec les cartes de crédits à la consommation, la facilité de toujours payer une somme exacte avec les cartes de crédit, la facilité de ne pas avoir à transporter et trouver les sommes exactes en liquide à chaque achat. Certains pourraient même ajouter que tenir ses comptes est plus facile quand chaque transactions est listée dans un relevé bancaire.

Mais avec la tenue de comptes vient la traçabilité. Avec la traçabilité vient la prévisibilité et la possibilité peu désirable de devoir rendre des comptes.

On dit qu’un employé de VISA peut prévoir un divorce un an avant les parties concernées, en observant les changements dans les habitudes d’achat. Tristement célèbre, un magasin Target a ciblé une lycéenne avec des publicités pour des articles de maternité, ce qui a tout d’abord rendu son père furieux. Mais il s’est avéré que la jeune femme était effectivement enceinte. Target le savait, mais pas son propre père1.

Cela est dû au fait que lorsque nous n’utilisons plus d’argent liquide anonyme, chaque achat est tracé et enregistré dans l’intention expresse d’être utilisé contre nous, que ce soit pour nous influencer à faire le choix de nous vider de nos ressources (« acheter plus ») ou pour nous punir d’avoir acheté un article que nous n’aurions pas dû acheter, avec une grande diversité de moyens possibles.

La Chine pousse le concept encore plus loin comme on l’a déjà noté et, dans ce qui a dû inspirer un épisode de Black Mirror, évalue le Score d’Obéissance de ses citoyens selon qu’ils font des achats superflus ou utiles – utiles du point de vue du régime, bien sûr.

Ce n’est pas seulement le fait que les transactions de nos enfants de l’ère numérique sont enregistrées pour être utilisées contre eux ultérieurement, par des mécanismes que nos parents de l’ère analogique n’auraient jamais pu imaginer.

C’est aussi que les transactions de nos enfants sont soumises à autorisation. Quand nos enfants du numérique achètent une bouteille d’eau avec une carte de crédit, une transaction est autorisée quelque part en arrière-plan. Mais cela veut aussi dire que quelqu’un peut décider de ne pas autoriser la transaction. Quelqu’un a le droit de décider arbitrairement ce que les gens peuvent ou ne peuvent pas acheter, si cette tendance se confirme pour nos enfants. C’est une pensée qui fait froid dans le dos.

Nos parents utilisaient des transactions décentralisées, résistantes à la censure et anonymes grâce à l’argent liquide ordinaire. Aucune raison ne justifie que nos enfants aient à se contenter de moins. Il s’agit de liberté et d’autodétermination.

La vie privée demeure de votre responsabilité.




21 degrés de liberté – 10

L’usage par les journalistes de documents physiques fuités était – et est encore – protégé par les lois. Mais les documents électroniques qui ont fuité exposent aujourd’hui les journalistes à des poursuites…

Voici déjà le 10e article de la série écrite par Rick Falkvinge. Le fondateur du Parti Pirate suédois aborde aujourd’hui la pénalisation de l’usage des sources électroniques dont peuvent disposer les journalistes d’investigation.

Le fil directeur de la série de ces 21 articles, comme on peut le voir clairement dans les épisodes précédents que nous vous avons déjà livrés, c’est la perte de certaines libertés dont nous disposions encore assez récemment, avant que le passage au tout-numérique ne nous en prive.

Le journalisme analogique était protégé ; le journalisme numérique ne l’est plus

Source : Rick Falkvinge sur privateinternetaccess.com

Traduction Framalang : draenog, mo, Moutmout, xi, goofy et 2 anonymes

Dans le monde analogique de nos parents, les fuites vers la presse étaient fortement protégées des deux côtés – à la fois pour l’informateur et pour le journaliste qui recevait les informations. Dans le monde numérique de nos enfants, on s’en est débarrassé sans coup férir en discutant d’autre chose sans aucun rapport. Pourquoi nos enfants du numérique ne bénéficient-ils pas des mêmes mesures de protection ?

Un autre sujet où les droits à la vie privée n’ont pas été conservés dans le passage de l’analogique au numérique concerne le journalisme, une gamme d’activités variées que nous considérons comme un important contre-pouvoir dans notre société. Lorsque quelqu’un donnait des documents physiques à un journaliste d’investigation, c’était une action analogique protégée par les lois fédérales et d’États, parfois même par la Constitution. Lorsque quelqu’un donne un accès numérique à cette même information au même type de journaliste, selon la façon dont nous travaillons aujourd’hui et dont nos enfants travailleront à l’avenir, cet acte est au contraire susceptible d’être poursuivi en justice tant pour celui qui donne que pour celui qui reçoit.

Pour illustrer mon propos, voici un exemple tiré de la réalité.

Au cours des élections de 2006 en Suède, la réprobation a été générale contre l’hygiène numérique désastreuse du parti au pouvoir à l’époque (oui, le même gouvernement qui a plus tard géré la pire fuite gouvernementale qui ait jamais eu lieu). Un nom d’utilisateur et un mot de passe qui circulaient donnaient un accès complet aux serveurs de fichiers les plus confidentiels de l’administration du parti Social Démocrate, depuis n’importe où. Ce nom d’utilisateur appartenait à Stig-Olof Friberg, qui utilisait son surnom « sigge » comme nom d’utilisateur, et le même « sigge » comme mot de passe pour accéder à des fichiers très confidentiels via le réseau sans-fil ouvert, non-chiffré, des bureaux du parti Social Démocrate.

Appeler ceci « mauvaise sécurité opérationnelle » est un doux euphémisme. Notez bien qu’il s’agissait, et qu’il s’agit encore, d’institutions et de personnes auxquelles nous faisons confiance pour établir une politique de bonne protection des données sensibles des citoyens.

Cependant, en arrière-plan, il y avait aussi le détail plus important : certains journalistes politiques avaient connaissance de ces identifiants, comme le journaliste politique le plus (tristement) célèbre de Suède, Niklas Svensson, qui avait utilisé ces identifiants comme outil journalistique pour avoir un aperçu du fonctionnement du parti au pouvoir.

C’est là que cela devient intéressant, parce que dans le monde analogique, ce journaliste aurait reçu des fuites sous la forme de copies de documents, remises physiquement, et les fuites à la presse de cette manière analogique étaient (et sont toujours) une activité extrêmement protégée par la loi et par certaines constitutions. En Suède, dans ce cas précis, vous pouvez même aller en prison pour avoir discuté à la machine à café au bureau de qui aurait pu être derrière les fuites à la presse. Ceci est pris très au sérieux.

Cependant, dans ce cas, ce ne sont pas des documents qui ont été fournis au journaliste, mais une clef pour accéder aux documents numériques – les identifiants absolument pas sécurisés « sigge/sigge » – et il a été condamné par un tribunal pénal pour intrusion électronique, bien qu’effectuant un travail journalistique avec un équivalent analogique clairement protégé.

Il est intéressant de regarder de façon rétrospective combien d’événements d’importance critique n’auraient jamais été dévoilés, si la poursuite judiciaire du journalisme numérique avait été appliquée au journalisme analogique.

Par exemple, prenons le cas de la fuite COINTELPRO, quand des militants ont copié des documents depuis un bureau du FBI pour révéler une opération illégale dissimulée de la part des forces de l’ordre, destinée à discréditer des organisations politiques, basée uniquement sur leur opinion politique (ce n’est pas ce que les forces de l’ordre sont censées faire, d’une manière générale). Cette fuite a eu lieu quand des militants épinglèrent une note sur la porte du bureau du FBI le 8 mars 1971 indiquant « Merci de ne pas verrouiller cette porte ce soir », revinrent au milieu de la nuit quand personne n’était là, trouvèrent la porte déverrouillée comme demandé, et prirent (volèrent) environ 1000 documents classifiés révélant les pratiques illégales.

Ces documents ont ensuite été envoyés par la poste à plusieurs organismes de presse. Ce vol a eu pour résultat la divulgation de certains des documents les plus accusateurs pour le FBI, parmi lesquels plusieurs détaillaient l’usage que faisait le FBI d’employés de poste, d’opérateurs téléphoniques, etc., pour espionner des lycéens noirs et différents groupes de militants noirs non-violents, d’après Wikipédia. Et voici le truc dans ce contexte : bien que les personnes ayant volé les documents pouvaient et auraient été inculpées pour ce fait, il était impensable d’inculper les journalistes les recevant de quoi que ce soit.

Ce n’est plus le cas.

Nos enfants de l’ère du numérique ont perdu le droit de faire fuiter des informations à des journalistes, tel que fonctionne aujourd’hui le monde, cette activité était pourtant considérée comme acquise – et même d’une importance cruciale pour l’équilibre des pouvoirs – dans le monde analogique de nos parents. Nos enfants du numérique qui travaillent comme journalistes ne peuvent plus recevoir impunément des fuites montrant un abus de pouvoir. Il est tout à fait raisonnable que nos enfants du numérique aient au moins le même ensemble de libertés dans leur monde numérique que nos parents ont eu dans leur monde analogique.

La vie privée demeure de votre responsabilité.




21 degrés de liberté – 09

Lire le journal tranquillement et parcourir des articles ne regardait que nous et sûrement pas le gouvernement. Aujourd’hui il en va tout autrement lorsque nous lisons les informations…

Voici déjà le 9e article de la série écrite par Rick Falkvinge. Le fondateur du Parti Pirate suédois s’inquiète aujourd’hui de la liberté de parcourir des journaux d’information sans être espionné par l’État.

Le fil directeur de la série de ces 21 articles, comme on peut le voir clairement dans les épisodes précédents que nous vous avons déjà livrés, c’est la perte de certaines libertés dont nous disposions encore assez récemment, avant que le passage au tout-numérique ne nous en prive.

De l’analogique au numérique (9/21) : Le gouvernement sait ce que vous lisez, dans quel ordre, et pendant combien de temps.

Source : Rick Falkvinge sur privateinternetaccess.com

Traduction Framalang : I enter my name again, goofy, mo, redmood, mo, Poca, draenog, Moutmout + 1 anonyme

Nos parents, dans leur monde analogique, pouvaient lire les informations de manière anonyme, comme ils le voulaient, où ils voulaient, et quand ils voulaient. Pour nos enfants du monde numérique, un flic pourrait aussi bien regarder par-dessus leur épaule : le gouvernement connaît la source des informations qu’ils lisent, quels articles, pendant combien de temps, et dans quel ordre.

personnage allongé dans l'herbe lisant un journal papier, devant un plan d'eau

Pour nos parents du monde analogique, lire les informations était une activité à laquelle le gouvernement ne s’intéressait pas, et effectivement il n’avait pas à s’en mêler. Nos parents achetaient le journal du matin en échange de quelques pièces au coin de la rue, allaient dans un endroit calme où ils pouvaient s’installer quelques minutes, et commençaient à lire, sans que personne n’interfère.

Quand nos enfants du monde numérique lisent les informations, le gouvernement sait non seulement quelle source ils ont choisi de lire, mais aussi, exactement quels articles ils ont lu de cette source, dans quel ordre, et pendant combien de temps. Et plusieurs entreprises commerciales en savent autant. Cela pose au moins trois problèmes majeurs :

Voici le premier : comme le gouvernement détient ces données, il essaiera de s’en servir. Plus précisément, il essaiera de s’en servir contre l’individu concerné, éventuellement dans une stratégie de détection anticipée des crimes futurs. Nous avons déjà vu que toutes les données collectées par un gouvernement seront, à terme, utilisées contre les individus concernés, avec une absolue certitude.

Dans l’économie de l’attention, les données qui trahissent à quoi nous prêtons attention, en quelles proportions, et pendant combien de temps, sont absolument cruciales pour la prédiction de notre comportement. Et dans les mains d’un gouvernement qui fait l’erreur fondamentale de s’en servir pour prédire des crimes, le résultat peut être funeste pour les individus et tout simplement inadmissible de la part d’un gouvernement.

Dès lors que le gouvernement utilise ces données, de quelque manière que ce soit, positive ou négative, elles deviendront inévitablement des « métriques d’Heisenberg » – l’utilisation des données finira par modifier ces mêmes données. Par exemple, si quelqu’un au gouvernement décide que se renseigner sur la frugalité est probablement un indicateur de pauvreté, et détermine l’attribution des aides de l’État en fonction de ce critère, alors cette politique va immédiatement inciter les gens à se renseigner davantage sur la frugalité. Les « métriques d’Heisenberg » sont des métriques que leur processus de mesure rend immédiatement invalides2.

Le second problème c’est qu’il n’y a pas que le gouvernement, mais aussi d’autres acteurs commerciaux, qui chercheront à faire usage de ces mesures, quand bien même ce sont des « métriques d’Heisenberg ». Peut-être que quelqu’un pensera que lire des fanzines sur l’acrobatie à moto aura des conséquences sur votre intégrité physique et donc sur votre prime d’assurance voiture.

Le troisième problème est subtil et sournois, mais bien plus grave : le gouvernement sait non seulement quels articles vous lisez et dans quel ordre, mais il sait aussi, par conséquent, quel est le dernier article que vous avez lu et ce que vous avez fait juste après l’avoir lu. En d’autres termes, il sait très précisément quelle information vous a mené à cesser de lire et à adopter plutôt tel ou tel comportement spécifique. C’est un renseignement bien plus important que d’avoir une connaissance générale de vos habitudes et préférences en matière d’information.

La capacité à prédire les actions d’une personne avec un degré élevé de certitude est bien plus dangereuse que la vague connaissance de ses préférences en termes de loisirs.

Nos parents du monde analogique avaient, parmi leurs droits à la vie privée, la possibilité de choisir leur source d’informations anonymement, sans que quiconque ait la permission (ni la possibilité) de savoir quels articles ils lisaient, dans quel ordre ou pour quelle raison. Il n’est pas déraisonnable que nos enfants aient le même droit à la vie privée, un droit équivalent à celui du monde analogique.

Notre vie privée est sous notre entière responsabilité.




21 degrés de liberté – 8

Passer par un intermédiaire pour obtenir un service (comme le téléphone) était hier protégé légalement contre les atteintes à la vie privée. Aujourd’hui un comportement normal est considéré comme suffisant pour supprimer cette protection.

Voici déjà le 8e article de la série écrite par Rick Falkvinge. Le fondateur du Parti Pirate suédois s’inquiète aujourd’hui de la liberté de s’informer sans être surveillé.

Le fil directeur de la série de ces 21 articles, comme on peut le voir clairement dans les épisodes précédents que nous vous avons déjà livrés, c’est la perte de certaines libertés dont nous disposions encore assez récemment, avant que le passage au tout-numérique ne nous en prive.

De l’analogique au numérique (8/21) : l’utilisation de services tiers ne devrait pas trahir les attentes de respect de la vie privée

Source : Rick Falkvinge sur privateinternetaccess.com

Traduction Framalang : I enter my name again, 3josh, goofy, redmood, mo, draenog, Poca, dodosan, Moutmout + 5 anonymes

Fin décembre, Ross Ulbricht3 a déposé son appel4 à la Cour suprême des États-Unis, soulignant ainsi un droit à la vie privée essentiel : utiliser du matériel qui renseigne une tierce partie sur votre situation ne devrait pas anéantir tout espoir de conserver une vie privée.

La plupart des constitutions prévoient une protection de la vie privée d’une manière ou d’une autre. La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne consacre le droit au respect de la vie privée et familiale, du domicile et des communications. Dans la Constitution états-unienne, la formulation est légèrement différente, mais le résultat est le même : le gouvernement n’a pas le droit de s’immiscer dans la vie privée de quiconque sans bonne raison (« perquisitions ou saisies abusives »).

Les tribunaux états-uniens ont longtemps soutenu que si vous avez volontairement renoncé à une partie de vos droits à la vie privée en faveur d’un tiers, vous ne pouvez plus vous attendre au respect de votre vie privée dans ce domaine. Si l’on observe l’équivalent analogique de ces droits, cette doctrine est exécrable. Pour comprendre à quel point, il nous faut remonter à l’avènement des commutateurs téléphonique manuels.

Aux débuts de l’ère des téléphones, les standards téléphoniques étaient entièrement manuels. Lorsque vous demandiez à appeler quelqu’un, un opérateur téléphonique humain connectait manuellement le fil de votre téléphone à celui de votre destinataire et déclenchait un mécanisme qui faisait sonner le téléphone. Les opérateurs pouvaient écouter toutes les conversations s’ils le souhaitaient et savaient qui avait parlé à qui et quand.

Est-ce qu’on renonçait à sa vie privée en faveur d’un tiers en utilisant ce service de téléphonie manuel ? Oui, très certainement. Selon la doctrine numérique actuelle, les appels téléphoniques n’auraient plus rien de privé, quelles que soient les circonstances.

Pourtant, nous savons bien que les appels téléphoniques sont privés. Car en réalité, les opérateurs téléphoniques juraient sous serment de ne jamais divulguer la moindre information qu’ils auraient apprise durant leur travail, sur la vie privée des gens – pour vous dire à quel point la vie privée était prise au sérieux, même par les entreprises qui géraient les standards téléphoniques.

Curieusement, la doctrine du « renoncement de vie privée en faveur d’un tiers » semble être apparue au moment où le dernier opérateur a quitté son travail au profit des circuits automatiques actuels. Cela s’est produit assez tardivement, 1983, pile à l’aube de l’ère de la consommation de masse des appareils numériques, tels que le Commodore 64.

Cette fausse équivalence devrait, à elle seule, suffire à invalider la doctrine du renoncement « volontaire » à la vie privée en faveur d’un tiers numérique, renoncement de fait à toute protection de la confidentialité : l’équivalent dans le monde analogique était aux antipodes de cette doctrine.

Mais ce n’est pas la seule leçon à tirer, sur les services tiers privés, de cette équivalence avec le monde analogique. Ce concept suppose, en creux, que vous choisissez volontairement d’abandonner votre vie privée, c’est-à-dire par un acte conscient et délibéré – et notamment, par un choix qui sort de l’ordinaire, car les constitutions du monde entier sont très claires sur le fait que le choix ordinaire, par défaut, est que vous vous attendiez à ce que votre vie privée soit protégée.

En d’autres termes, vu que la vie quotidienne de chaque individu est protégée par le respect de sa vie privée, il faut une situation extraordinaire pour qu’un gouvernement puisse revendiquer l’autorisation de s’introduire dans la vie privée d’une personne. Et cette situation « extra-ordinaire » est devenue : il suffit que la personne en question ait un téléphone portable sur elle, et donc, qu’elle ait « volontairement » renoncé à son droit à la vie privée, car le téléphone communique sa position à l’opérateur du réseau en contactant les antennes relais.

Mais avoir un téléphone portable est un comportement normal de nos jours. Cela correspond parfaitement à la définition d’ « ordinaire ». En termes d’originalité, ce n’est pas très différent que de porter un jean ou une veste. Ce qui pose la question suivante : en imaginant que les fabricants de jeans de l’époque aient été capables de vous localiser, aurait-il été raisonnable de la part des gouvernements de dire que vous aviez abandonné votre droit à la vie privée, en portant des jeans ?

Bien sûr que non.

Ce n’est pas comme si vous portiez un dispositif de repérage dans le but assumé que des sauveteurs puissent vous retrouver au cours d’une randonnée à risque. Dans de telles circonstances, il est alors possible de dire que vous portez volontairement un dispositif de localisation. Mais pas lorsque vous possédez un objet dont on peut s’attendre à ce que tout le monde en ait un – pire, quelque chose que tout le monde doit avoir, pour ne serait-ce que vivre normalement dans la société actuelle.

Quand la seule alternative pour disposer de la garantie constitutionnelle de votre vie privée est de se tenir à l’écart de toute société moderne, l’argumentaire du gouvernement doit être bien léger… En particulier parce que l’équivalent d’autrefois – les standards téléphoniques analogiques – n’a jamais été une cible légitime dans aucun dossier.

Tout le monde mérite un droit à sa vie privée équivalent à celui du monde analogique.

Jusqu’à ce qu’un gouvernement reconnaisse cela et rende volontairement le pouvoir qu’il s’est lui-même octroyé, ce sur quoi il ne faut pas se faire d’illusions, la vie privée demeure de votre responsabilité.




21 degrés de liberté – 07

Consulter des ouvrages en bibliothèque était hier une opération dont les bibliothécaires défendaient ardemment le caractère confidentiel. Aujourd’hui toutes nos recherches d’informations nous pistent.

Voici déjà le 7e article de la série écrite par Rick Falkvinge. Le fondateur du Parti Pirate suédois s’inquiète aujourd’hui de la liberté de s’informer sans être surveillé.

Le fil directeur de la série de ces 21 articles, comme on peut le voir clairement dans les épisodes précédents que nous vous avons déjà livrés, c’est la perte de certaines libertés dont nous disposions encore assez récemment, avant que le passage au tout-numérique ne nous en prive.

Dans les bibliothèques traditionnelles, la recherche d’informations restait privée

Source : Rick Falkvinge sur privateinternetaccess.com

Traduction Framalang : redmood, mo, draenog, Lumibd, Paul, goofy + 3 anonymes

Pour nos parents du monde analogique, la recherche d’informations avait lieu dans les bibliothèques, et il s’agissait d’un lieu dont l’intimité était jalousement gardée. À l’inverse, lorsque nos enfants du monde numérique recherchent des informations, leurs pensées les plus intimes sont toutes collectées pour faire du marketing. Comment en est-on arrivé là ?

S’il existe une profession du monde analogique pour laquelle la vie privée des usagers était une véritable obsession, c’est bien celle de bibliothécaire. Les bibliothèques étaient des lieux où l’on pouvait faire ses recherches les plus inavouables, qu’il s’agisse de littérature ou de sciences, de faire un achat ou de n’importe quoi d’autre. La confidentialité des bibliothèques était purement et simplement légendaire.

Lorsque les recettes de fabrication de bombes ont commencé à circuler sur le proto-internet des années 80 – sur ce que l’on appelait les BBS – et que les politiciens ont essayé de jouer sur la parano sécuritaire, beaucoup ont rapidement eu le bon sens de signaler que ces « fichiers textes contenant des recettes de bombes » n’étaient pas différents de ce qu’il était possible de trouver dans la section chimie d’une bibliothèque ordinaire – et les bibliothèques étaient sacrées. L’exploitation de la peur n’avait plus d’objet, dès lors que l’on faisait remarquer que ce type de documents était déjà disponible dans toutes les bibliothèques publiques et que chacun pouvait y accéder de manière anonyme.

De fait, les bibliothèques étaient tellement discrètes que, lorsque le FBI a commencé à leur demander les registres indiquant qui empruntait quel livre, les bibliothécaires se sont indignés en masse et c’est ainsi que les tristement célèbres warrant canaries 5 ont été inventés, oui, par un bibliothécaire, pour protéger les usagers de la bibliothèque. Les bibliothécaires ont toujours été les professionnels qui ont le plus farouchement défendu la vie privée, dans le monde analogique comme dans le monde numérique.

Dans le monde analogique de nos parents, la liberté d’Information était sacrée : c’était une soif profonde d’apprentissage, de connaissance et de compréhension. Dans le monde numérique de nos enfants, leurs pensées équivalentes les plus secrètes sont au contraire collectées massivement et bradées pour leur refiler de la camelote au hasard.

Ce n’est pas seulement ce que nos enfants ont recherché avec succès qui est à vendre. Dans le contexte analogique de nos parents, on dirait que c’est toutes leurs bonnes raisons d’aller à la bibliothèque. C’est même tout ce pourquoi ils ont seulement envisagé d’aller à la bibliothèque. Dans le monde numérique de nos enfants, tout ce qu’ils recherchent est enregistré, et tout ce qu’ils envisagent de rechercher même sans le faire.
Pensez-y un instant : une chose tellement sacrée pour nos parents que des secteurs professionnels entiers se mettraient en grève pour la préserver, est maintenant utilisée sans complexes pour un marketing de masse dans le monde de nos enfants.

Combinez à cela l’article précédent sur la façon dont tout ce que vous faites, dites et pensez est enregistré pour être utilisé contre vous plus tard, et il devient urgent pour nous de changer radicalement notre façon de voir les choses.
Il n’y a aucune raison pour que nos enfants soient moins libres de s’informer, au seul motif qu’ils vivent dans un environnement numérique, et non dans l’environnement analogique de nos parents. Il n’y a aucune raison pour que nos enfants ne puissent jouir de droits à la vie privée équivalents à ceux du monde analogique.

Bien sûr, on pourra mettre en avant le fait que les moteurs de recherche sont des services privés, qu’ils sont donc libres d’offrir les services qu’ils souhaitent, selon les termes qu’ils souhaitent. Mais il y avait également des bibliothèques privées dans le monde analogique de nos parents. Nous reviendrons un peu plus tard dans cette série sur l’idée que « si c’est privé, tu n’as pas ton mot à dire ».

La vie privée demeure de votre responsabilité.

 

Pour poursuivre la réflexion :