Utilisateurs libres ou domestiqués ? WhatsApp et les autres

Le mois dernier, WhatsApp a publié une nouvelle politique de confidentialité avec cette injonction : acceptez ces nouvelles conditions, ou supprimez WhatsApp de votre smartphone. La transmission de données privées à la maison-mère Facebook a suscité pour WhatsApp un retour de bâton retentissant et un nombre significatif d’utilisateurs et utilisatrices a migré vers d’autres applications, en particulier Signal.

Cet épisode parmi d’autres dans la guerre des applications de communication a suscité quelques réflexions plus larges sur la capture des utilisateurs et utilisatrices par des entreprises qui visent selon Rohan Kumar à nous « domestiquer »…

Article original : WhatsApp and the domestication of users, également disponible sur la capsule gemini de l’auteur.

Traduction Framalang : Bromind, chloé, fabrice, françois, goofy, jums, Samailan, tykayn

WhatsApp et la domestication des utilisateurs

 par Rohan Kumar

Je n’ai jamais utilisé WhatsApp et ne l’utiliserai jamais. Et pourtant j’éprouve le besoin d’écrire un article sur WhatsApp car c’est une parfaite étude de cas pour comprendre une certaine catégorie de modèles commerciaux : la « domestication des utilisateurs ».
La domestication des utilisateurs est, selon moi, l’un des principaux problèmes dont souffre l’humanité et il mérite une explication détaillée.
Cette introduction générale étant faite, commençons.

L’ascension de Whatsapp

Pour les personnes qui ne connaissent pas, WhatsApp est un outil très pratique pour Facebook car il lui permet de facilement poursuivre sa mission principale : l’optimisation et la vente du comportement humain (communément appelé « publicité ciblée »). WhatsApp a d’abord persuadé les gens d’y consentir en leur permettant de s’envoyer des textos par Internet, chose qui était déjà possible, en associant une interface simple et un marketing efficace. L’application s’est ensuite développée pour inclure des fonctionnalités comme les appels vocaux et vidéos gratuits. Ces appels gratuits ont fait de WhatsApp une plate-forme de communication de référence dans de nombreux pays.

WhatsApp a construit un effet de réseau grâce à son système propriétaire incompatible avec d’autres clients de messagerie instantanée : les utilisateurs existants sont captifs car quitter WhatsApp signifie perdre la capacité de communiquer avec les utilisateurs de WhatsApp. Les personnes qui veulent changer d’application doivent convaincre tous leurs contacts de changer aussi ; y compris les personnes les moins à l’aise avec la technologie, celles qui avaient déjà eu du mal à apprendre à se servir de WhatsApp.

Dans le monde de WhatsApp, les personnes qui souhaitent rester en contact doivent obéir aux règles suivantes :
• Chacun se doit d’utiliser uniquement le client propriétaire WhatsApp pour envoyer des messages ; développer des clients alternatifs n’est pas possible.
• Le téléphone doit avoir un système d’exploitation utilisé par le client. Les développeurs de WhatsApp ne développant que pour les systèmes d’exploitation les plus populaires, le duopole Android et iOS en sort renforcé.
• Les utilisateurs dépendent entièrement des développeurs de WhatsApp. Si ces derniers décident d’inclure des fonctionnalités hostiles dans l’application, les utilisateurs doivent s’en contenter. Ils ne peuvent pas passer par un autre serveur ou un autre client de messagerie sans quitter WhatsApp et perdre la capacité à communiquer avec leurs contacts WhatsApp.

La domestication des utilisateurs

WhatsApp s’est développé en piégeant dans son enclos des créatures auparavant libres, et en changeant leurs habitudes pour créer une dépendance à leurs maîtres. Avec le temps, il leur est devenu difficile voire impossible de revenir à leur mode de vie précédent. Ce processus devrait vous sembler familier : il est étrangement similaire à la domestication des animaux. J’appelle ce type d’enfermement propriétaire « domestication des utilisateurs » : la suppression de l’autonomie des utilisateurs, pour les piéger et les mettre au service du fournisseur.

J’ai choisi cette métaphore car la domestication animale est un processus graduel qui n’est pas toujours volontaire, qui implique typiquement qu’un groupe devienne dépendant d’un autre. Par exemple, nous savons que la domestication du chien a commencé avec sa sociabilisation, ce qui a conduit à une sélection pas totalement artificielle promouvant des gènes qui favorisent plus l’amitié et la dépendance envers les êtres humains1.

Qu’elle soit délibérée ou non, la domestication des utilisateurs suit presque toujours ces trois mêmes étapes :
1. Un haut niveau de dépendance des utilisateurs envers un fournisseur de logiciel
2. Une incapacité des utilisateurs à contrôler le logiciel, via au moins une des méthodes suivantes :
2.1. Le blocage de la modification du logiciel
2.2. Le blocage de la migration vers une autre plate-forme
3. L’exploitation des utilisateurs désormais captifs et incapables de résister.
L’exécution des deux premières étapes a rendu les utilisateurs de WhatsApp vulnérables à la domestication. Avec ses investisseurs à satisfaire, WhatsApp avait toutes les raisons d’implémenter des fonctionnalités hostiles, sans subir aucune conséquence. Donc, évidemment, il l’a fait.

La chute de WhatsApp

La domestication a un but : elle permet à une espèce maîtresse d’exploiter les espèces domestiquées pour son propre bénéfice. Récemment, WhatsApp a mis à jour sa politique de confidentialité pour permettre le partage de données avec sa maison mère, Facebook. Les personnes qui avaient accepté d’utiliser WhatsApp avec sa précédente politique de confidentialité avaient donc deux options : accepter la nouvelle politique ou perdre l’accès à WhatsApp. La mise à jour de la politique de confidentialité est un leurre classique : WhatsApp a appâté et ferré ses utilisateurs avec une interface élégante et une impression de confidentialité, les a domestiqués pour leur ôter la capacité de migrer, puis est revenu sur sa promesse de confidentialité avec des conséquences minimes. Chaque étape de ce processus a permis la suivante ; sans domestication, il serait aisé pour la plupart des utilisateurs de quitter l’application sans douleur.
Celles et ceux parmi nous qui sonnaient l’alarme depuis des années ont connu un bref moment de félicité sadique quand le cliché à notre égard est passé de « conspirationnistes agaçants et paranoïaques » à simplement « agaçants ».

Une tentative de dérapage contrôlé

L’opération de leurre et de ferrage a occasionné une réaction contraire suffisante pour qu’une minorité significative d’utilisateurs migre ; leur nombre a été légèrement supérieur la quantité négligeable que WhatsApp attendait probablement. En réponse, WhatsApp a repoussé le changement et publié la publicité suivante :

Cette publicité liste différentes données que WhatsApp ne collecte ni ne partage. Dissiper des craintes concernant la collecte de données en listant les données non collectées est trompeur. WhatsApp ne collecte pas d’échantillons de cheveux ou de scans rétiniens ; ne pas collecter ces informations ne signifie pas qu’il respecte la confidentialité parce que cela ne change pas ce que WhatsApp collecte effectivement.

Dans cette publicité WhatsApp nie conserver « l’historique des destinataires des messages envoyés ou des appels passés ». Collecter des données n’est pas la même chose que « conserver l’historique » ; il est possible de fournir les métadonnées à un algorithme avant de les jeter. Un modèle peut alors apprendre que deux utilisateurs s’appellent fréquemment sans conserver l’historique des métadonnées de chaque appel. Le fait que l’entreprise ait spécifiquement choisi de tourner la phrase autour de l’historique implique que WhatsApp soit collecte déjà cette sorte de données soit laisse la porte ouverte afin de les collecter dans le futur.
Une balade à travers la politique de confidentialité réelle de WhatsApp du moment (ici celle du 4 janvier) révèle qu’ils collectent des masses de métadonnées considérables utilisées pour le marketing à travers Facebook.

Liberté logicielle

Face à la domestication des utilisateurs, fournir des logiciels qui aident les utilisateurs est un moyen d’arrêter leur exploitation. L’alternative est simple : que le service aux utilisateurs soit le but en soi.

Pour éviter d’être contrôlés par les logiciels, les utilisateurs doivent être en position de contrôle. Les logiciels qui permettent aux utilisateurs d’être en position de contrôles sont appelés logiciels libres. Le mot « libre » dans ce contexte a trait à la liberté plutôt qu’au prix2. La liberté logicielle est similaire au concept d’open-source, mais ce dernier est focalisé sur les bénéfices pratiques plutôt qu’éthiques. Un terme moins ambigu qui a trait naturellement à la fois à la gratuité et l’open-source est FOSS3.
D’autres ont expliqué les concepts soutenant le logiciel libre mieux que moi, je n’irai pas dans les détails. Cela se décline en quatre libertés essentielles :

  • la liberté d’exécuter le programme comme vous le voulez, quel que soit le but
  • la liberté d’étudier comment le programme fonctionne, et de le modifier à votre souhait
  • la liberté de redistribuer des copies pour aider d’autres personnes
  • la liberté de distribuer des copies de votre version modifiée aux autres

Gagner de l’argent avec des FOSS

L’objection la plus fréquente que j’entends, c’est que gagner de l’argent serait plus difficile avec le logiciel libre qu’avec du logiciel propriétaire.
Pour gagner de l’argent avec les logiciels libres, il s’agit de vendre du logiciel comme un complément à d’autres services plus rentables. Parmi ces services, on peut citer la vente d’assistance, la personnalisation, le conseil, la formation, l’hébergement géré, le matériel et les certifications. De nombreuses entreprises utilisent cette approche au lieu de créer des logiciels propriétaires : Red Hat, Collabora, System76, Purism, Canonical, SUSE, Hashicorp, Databricks et Gradle sont quelques noms qui viennent à l’esprit.
L’hébergement n’est pas un panier dans lequel vous avez intérêt à déposer tous vos œufs, notamment parce que des géants comme Amazon Web Service peuvent produire le même service pour un prix inférieur. Être développeur peut donner un avantage dans des domaines tels que la personnalisation, le support et la formation ; cela n’est pas aussi évident en matière d’hébergement.

Les logiciels libres ne suffisent pas toujours

Le logiciel libre est une condition nécessaire mais parfois insuffisante pour établir une immunité contre la domestication. Deux autres conditions impliquent de la simplicité et des plates-formes ouvertes.

Simplicité

Lorsqu’un logiciel devient trop complexe, il doit être maintenu par une vaste équipe. Les utilisateurs qui ne sont pas d’accord avec un fournisseur ne peuvent pas facilement dupliquer et maintenir une base de code de plusieurs millions de lignes, surtout si le logiciel en question contient potentiellement des vulnérabilités de sécurité. La dépendance à l’égard du fournisseur peut devenir très problématique lorsque la complexité fait exploser les coûts de développement ; le fournisseur peut alors avoir recours à la mise en œuvre de fonctionnalités hostiles aux utilisateurs pour se maintenir à flot.
Un logiciel complexe qui ne peut pas être développé par personne d’autre que le fournisseur crée une dépendance, première étape vers la domestication de l’utilisateur. Cela suffit à ouvrir la porte à des développements problématiques.

Étude de cas : Mozilla et le Web

Mozilla était une lueur d’espoir dans la guerre des navigateurs, un espace dominé par la publicité, la surveillance et le verrouillage par des distributeurs. Malheureusement, le développement d’un moteur de navigation est une tâche monumentale, assez difficile pour qu’Opera et Microsoft abandonnent leur propre moteur et s’équipent de celui de Chromium. Les navigateurs sont devenus bien plus que des lecteurs de documents : ils ont évolué vers des applications dotées de propres technologies avec l’accélération GPU, Bluetooth, droits d’accès, énumération des appareils, codecs de médias groupés, DRM4, API d’extension, outils de développement… la liste est longue. Il faut des milliards de dollars par an pour répondre aux vulnérabilités d’une surface d’attaque aussi massive et suivre des standards qui se développent à un rythme tout aussi inquiétant. Ces milliards doivent bien venir de quelque part.
Mozilla a fini par devoir faire des compromis majeurs pour se maintenir à flot. L’entreprise a passé des contrats de recherche avec des sociétés manifestement hostiles aux utilisateurs et a ajouté au navigateur des publicités (et a fait machine arrière) et des bloatwares, comme Pocket, ce logiciel en tant que service partiellement financé par la publicité. Depuis l’acquisition de Pocket (pour diversifier ses sources de revenus), Mozilla n’a toujours pas tenu ses promesses : mettre le code de Pocket en open-source, bien que les clients soient passés en open-source, le code du serveur reste propriétaire. Rendre ce code open-source, et réécrire certaines parties si nécessaire serait bien sûr une tâche importante en partie à cause de la complexité de Pocket.

Les navigateurs dérivés importants comme Pale Moon sont incapables de suivre la complexité croissante des standards modernes du Web tels que les composants web (Web Components). En fait, Pale Moon a récemment dû migrer son code hors de GitHub depuis que ce dernier a commencé à utiliser des composants Web. Il est pratiquement impossible de commencer un nouveau navigateur à partir de zéro et de rattraper les mastodontes qui ont fonctionné avec des budgets annuels exorbitants pendant des décennies. Les utilisateurs ont le choix entre le moteur de navigation développé par Mozilla, celui d’une entreprise publicitaire (Blink de Google) ou celui d’un fournisseur de solutions monopolistiques (WebKit d’Apple). A priori, WebKit ne semble pas trop mal, mais les utilisateurs seront impuissants si jamais Apple décide de faire marche arrière.
Pour résumer : la complexité du Web a obligé Mozilla, le seul développeur de moteur de navigation qui déclare être « conçu pour les gens, pas pour l’argent », à mettre en place des fonctionnalités hostiles aux utilisateurs dans son navigateur. La complexité du Web a laissé aux utilisateurs un choix limité entre trois grands acteurs en conflit d’intérêts, dont les positions s’enracinent de plus en plus avec le temps.
Attention, je ne pense pas que Mozilla soit une mauvaise organisation ; au contraire, c’est étonnant qu’ils soient capables de faire autant, sans faire davantage de compromis dans un système qui l’exige. Leur produit de base est libre et open-source, et des composants externes très légèrement modifiés suppriment des anti-fonctionnalités.

Plates-formes ouvertes

Pour éviter qu’un effet de réseau ne devienne un verrouillage par les fournisseurs, les logiciels qui encouragent naturellement un effet de réseau doivent faire partie d’une plate-forme ouverte. Dans le cas des logiciels de communication/messagerie, il devrait être possible de créer des clients et des serveurs alternatifs qui soient compatibles entre eux, afin d’éviter les deux premières étapes de la domestication de l’utilisateur.

Étude de cas : Signal

Depuis qu’un certain vendeur de voitures a tweeté « Utilisez Signal », un grand nombre d’utilisateurs ont docilement changé de messagerie instantanée. Au moment où j’écris ces lignes, les clients et les serveurs Signal sont des logiciels libres et open-source, et utilisent certains des meilleurs algorithmes de chiffrement de bout en bout qui existent ; cependant, je ne suis pas fan.

Bien que les clients et les serveurs de Signal soient des logiciels libres et gratuits, Signal reste une plate-forme fermée. Le cofondateur de Signal, Moxie Marlinspike, est très critique à l’égard des plates-formes ouvertes et fédérées. Il décrit dans un article de blog les raisons pour lesquelles Signal reste une plate-forme fermée5. Cela signifie qu’il n’est pas possible de développer un serveur alternatif qui puisse être supporté par les clients Signal, ou un client alternatif qui supporte les serveurs Signal. La première étape de la domestication des utilisateurs est presque achevée.

Outre qu’il n’existe qu’un seul client et qu’un seul serveur, il n’existe qu’un seul fournisseur de serveur Signal : Signal Messenger LLC. La dépendance des utilisateurs vis-à-vis de ce fournisseur de serveur central leur a explosé au visage, lors de la récente croissance de Signal qui a provoqué des indisponibilités de plus d’une journée, mettant les utilisateurs de Signal dans l’incapacité d’envoyer des messages, jusqu’à ce que le fournisseur unique règle le problème.
Certains ont quand même essayé de développer des clients alternatifs : un fork Signal appelé LibreSignal a tenté de faire fonctionner Signal sur des systèmes Android respectueux de la vie privée, sans les services propriétaires Google Play. Ce fork s’est arrêté après que Moxie eut clairement fait savoir qu’il n’était pas d’accord avec une application tierce utilisant les serveurs Signal. La décision de Moxie est compréhensible, mais la situation aurait pu être évitée si Signal n’avait pas eu à dépendre d’un seul fournisseur de serveurs.

Si Signal décide de mettre à jour ses applications pour y inclure une fonction hostile aux utilisateurs, ces derniers seront tout aussi démunis qu’ils le sont actuellement avec WhatsApp. Bien que je ne pense pas que ce soit probable, la plate-forme fermée de Signal laisse les utilisateurs vulnérables à leur domestication.
Même si je n’aime pas Signal, je l’ai tout de même recommandé à mes amis non-techniques, parce que c’était le seul logiciel de messagerie instantanée assez privé pour moi et assez simple pour eux. S’il y avait eu la moindre intégration à faire (création de compte, ajout manuel de contacts, etc.), un de mes amis serait resté avec Discord ou WhatsApp. J’ajouterais bien quelque chose de taquin comme « tu te reconnaîtras » s’il y avait la moindre chance pour qu’il arrive aussi loin dans l’article.

Réflexions

Les deux études de cas précédentes – Mozilla et Signal – sont des exemples d’organisations bien intentionnées qui rendent involontairement les utilisateurs vulnérables à la domestication. La première présente un manque de simplicité mais incarne un modèle de plate-forme ouverte. La seconde est une plate-forme fermée avec un degré de simplicité élevé. L’intention n’entre pas en ligne de compte lorsqu’on examine les trois étapes et les contre-mesures de la domestication des utilisateurs.
@paulsnar@mastodon.technology a souligné un conflit potentiel entre la simplicité et les plates-formes ouvertes :

j’ai l’impression qu’il y a une certaine opposition entre simplicité et plates-formes ouvertes ; par exemple Signal est simple précisément parce que c’est une plate-forme fermée, ou du moins c’est ce qu’explique Moxie. À l’inverse, Matrix est superficiellement simple, mais le protocole est en fait (à mon humble avis) assez complexe, précisément parce que c’est une plate-forme ouverte.

Je n’ai pas de réponse simple à ce dilemme. Il est vrai que Matrix est extrêmement complexe (comparativement à des alternatives comme IRC ou même XMPP), et il est vrai qu’il est plus difficile de construire une plate-forme ouverte. Cela étant dit, il est certainement possible de maîtriser la complexité tout en développant une plate-forme ouverte : Gemini, IRC et le courrier électronique en sont des exemples. Si les normes de courrier électronique ne sont pas aussi simples que Gemini ou IRC, elles évoluent lentement ; cela évite aux implémentations de devoir rattraper le retard, comme c’est le cas pour les navigateurs Web ou les clients/serveurs Matrix.

Tous les logiciels n’ont pas besoin de brasser des milliards. La fédération permet aux services et aux réseaux comme le Fediverse et XMPP de s’étendre à un grand nombre d’utilisateurs sans obliger un seul léviathan du Web à vendre son âme pour payer la facture. Bien que les modèles commerciaux anti-domestication soient moins rentables, ils permettent encore la création des mêmes technologies qui ont été rendues possibles par la domestication des utilisateurs. Tout ce qui manque, c’est un budget publicitaire ; la plus grande publicité que reçoivent certains de ces projets, ce sont de longs billets de blog non rémunérés.
Peut-être n’avons-nous pas besoin de rechercher la croissance à tout prix et d’essayer de « devenir énorme ». Peut-être pouvons-nous nous arrêter, après avoir atteint une durabilité et une sécurité financière, et permettre aux gens de faire plus avec moins.

Notes de clôture

Avant de devenir une sorte de manifeste, ce billet se voulait une version étendue d’un commentaire que j’avais laissé suite à un message de Binyamin Green sur le Fediverse.
J’avais décidé, à l’origine, de le développer sous sa forme actuelle pour des raisons personnelles. De nos jours, les gens exigent une explication approfondie chaque fois que je refuse d’utiliser quelque chose que « tout le monde » utilise (WhatsApp, Microsoft Office, Windows, macOS, Google Docs…).
Puis, ils et elles ignorent généralement l’explication, mais s’attendent quand même à en avoir une. La prochaine fois que je les rencontrerai, ils auront oublié notre conversation précédente et recommenceront le même dialogue. Justifier tous mes choix de vie en envoyant des assertions logiques et correctes dans le vide – en sachant que tout ce que je dis sera ignoré – est un processus émotionnellement épuisant, qui a fait des ravages sur ma santé mentale ces dernières années ; envoyer cet article à mes amis et changer de sujet devrait me permettre d’économiser quelques cheveux gris dans les années à venir.
Cet article s’appuie sur des écrits antérieurs de la Free Software Foundation, du projet GNU et de Richard Stallman. Merci à Barna Zsombor de m’avoir fait de bon retours sur IRC.

Mosaïque romaine, Orphée apprivoisant les animaux, photo par mharrsch, licence CC BY-NC-SA 2.0




Le Fediverse et l’avenir des réseaux décentralisés

Le Fediverse est un réseau social multiforme qui repose sur une fédération de serveurs interconnectés. C’est un phénomène assez jeune encore, mais dont la croissance suscite déjà l’intérêt et des questionnements. Parmi les travaux d’analyse qui s’efforcent de prendre une distance critique, nous vous proposons « Sept thèses sur le Fediverse et le devenir du logiciel libre »

Cette traduction Framalang vous arrive aujourd’hui avec presque un an de retard. Le document était intégralement traduit par l’équipe de Framalang dès le printemps 2020, mais nous avons tergiversé sur sa publication, car nous souhaitions un support différent du blog, où les contributions auraient pu se répondre. Mais entre le premier confinement et d’autres projets qui sont venus s’intercaler…
Cependant le débat reste possible, non seulement les commentaires sont ouverts (et modérés) comme d’habitude, mais nous serions ravis de recueillir d’autres contributions qui voudraient s’emparer du thème du Fediverse pour apporter un nouvel éclairage sur ce phénomène encore jeune et en devenir. N’hésitez pas à publier votre analyse sur un blog personnel ou à défaut, ici même si vous le souhaitez.


Framalang met à votre disposition la traduction de Seven Theses on the Fediverse and the becoming of FLOSS.

Référence : Aymeric Mansoux et Roel Roscam Abbing, « Seven Theses on the Fediverse and the becoming of FLOSS », dans Kristoffer Gansing et Inga Luchs (éds.), The Eternal Network. The Ends and Becomings of Network Culture, Institute of Network Cultures, Amsterdam, 2020, p. 124-140. En ligne.

Traduction Framalang : Claire, dodosan, goofy, jums, Macrico, Mannik, mo, roptat, tykayn, wisi_eu.

Vous pouvez également lire cette traduction hors-connexion en un seul .pdf (21 pages, 179 Ko)

Licence Creative Commons Attribution-NonCommercial-NoDerivatives 4.0 International.


À noter : cet article bénéficie désormais d’une version audio.
Merci à Sualtam, auteur de lectureaudio.fr pour cette contribution active.

Sept Thèses sur le Fédiverse et le devenir du logiciel libre

par Aymeric Mansoux et Roel Roscam Abbing

SOMMAIRE

Préambule – À la rencontre du Fédiverse

  1. Le Fédiverse, de la guerre des mèmes à celle des réseaux
  2. Le Fédiverse en tant que critique permanente de l’ouverture
  3. Le Fédiverse comme lieu du pluralisme agoniste en ligne
  4. Le Fédiverse, transition entre une vision technique et une perception sociale de la protection de la vie privée
  5. Le Fédiverse, pour en finir avec la collecte de données et la main-d’œuvre gratuite
  6. Le Fédiverse, avènement d’un nouveau type d’usage
  7. Le Fédiverse : la fin des logiciels libres et open source tels que nous les connaissons

À la rencontre du Fédiverse

Ces dernières années, dans un contexte de critiques constantes et de lassitude généralisée associées aux plates-formes de médias sociaux commerciaux1, le désir de construire des alternatives s’est renforcé. Cela s’est traduit par une grande variété de projets animés par divers objectifs. Les projets en question ont mis en avant leurs différences avec les médias sociaux des grandes plates-formes, que ce soit par leur éthique, leur structure, les technologies qui les sous-tendent, leurs fonctionnalités, l’accès au code source ou encore les communautés construites autour d’intérêts spécifiques qu’ils cherchent à soutenir. Bien que diverses, ces plates-formes tendent vers un objectif commun : remettre clairement en question l’asservissement à une plate-forme unique dans le paysage des médias sociaux dominants. Par conséquent, ces projets nécessitent différents niveaux de décentralisation et d’interopérabilité en termes d’architecture des réseaux et de circulation de données. Ces plates-formes sont regroupées sous le terme de « Fédiverse », un mot-valise composé de « Fédération » et « univers ». La fédération est un concept qui vient de la théorie politique par lequel divers acteurs qui se constituent en réseau décident de coopérer tous ensemble. Les pouvoirs et responsabilités sont distribués à mesure que se forme le réseau. Dans le contexte des médias sociaux, les réseaux fédérés sont portés par diverses communautés sur différents serveurs qui peuvent interagir mutuellement, plutôt qu’à travers un logiciel ou une plate-forme unique. Cette idée n’est pas nouvelle, mais elle a récemment gagné en popularité et a réactivé les efforts visant à construire des médias sociaux alternatifs2.

Les tentatives précédentes de créer des plates-formes de médias sociaux fédérés venaient des communautés FLOSS (Free/Libre and Open Source software, les logiciels libres et open source3) qui avaient traditionnellement intérêt à procurer des alternatives libres aux logiciels propriétaires et privateurs dont les sources sont fermées. En tant que tels, ces projets se présentaient en mettant l’accent sur la similarité de leurs fonctions avec les plates-formes commerciales tout en étant réalisés à partir de FLOSS. Principalement articulées autour de l’ouverture des protocoles et du code source, ces plates-formes logicielles ne répondaient aux besoins que d’une audience modeste d’utilisateurs et de développeurs de logiciels qui étaient en grande partie concernés par les questions typiques de la culture FLOSS.
La portée limitée de ces tentatives a été dépassée en 2016 avec l’apparition de Mastodon, une combinaison de logiciels client et serveur pour les médias sociaux fédérés. Mastodon a été rapidement adopté par une communauté diversifiée d’utilisateurs et d’utilisatrices, dont de nombreuses personnes habituellement sous-représentées dans les FLOSS : les femmes, les personnes de couleur et les personnes s’identifiant comme LGBTQ+. En rejoignant Mastodon, ces communautés moins représentées ont remis en question la dynamique des environnements FLOSS existants ; elles ont également commencé à contribuer autant au code qu’à la contestation du modèle unique dominant des médias sociaux commerciaux dominants. Ce n’est pas une coïncidence si ce changement s’est produit dans le sillage du Gamergate4 en 2014, de la montée de l’alt-right et des élections présidentielles américaines de 2016. Fin 2017, Mastodon a dépassé le million d’utilisateurs qui voulaient essayer le Fédiverse comme une solution alternative aux plates-formes de médias sociaux commerciaux. Ils ont pu y tester par eux-mêmes si une infrastructure différente peut ou non conduire à des discours, des cultures et des espaces sûrs (safe spaces) différents.

Aujourd’hui, le Fédiverse comporte plus de 3,5 millions de comptes répartis sur près de 5 000 serveurs, appelés « instances », qui utilisent des projets logiciels tels que Friendica, Funkwhale, Hubzilla, Mastodon, Misskey, PeerTube, PixelFed et Pleroma, pour n’en citer que quelques-uns5. La plupart de ces instances peuvent être interconnectées et sont souvent focalisées sur une pratique, une idéologie ou une activité professionnelle spécifique. Dans cette optique, le projet Fédiverse démontre qu’il est non seulement techniquement possible de passer de gigantesques réseaux sociaux universels à de petites instances interconnectées, mais qu’il répond également à un besoin concret.

On peut considérer que la popularité actuelle du Fédiverse est due à deux tendances conjointes. Tout d’abord, le désir d’opérer des choix techniques spécifiques pour résoudre les problèmes posés par les protocoles fermés et les plates-formes propriétaires. Deuxièmement, une volonté plus large des utilisateurs de récupérer leur souveraineté sur les infrastructures des médias sociaux. Plus précisément, alors que les plates-formes de médias sociaux commerciaux ont permis à beaucoup de personnes de publier du contenu en ligne, le plus grand impact du Web 2.0 a été le découplage apparent des questions d’infrastructure des questions d’organisation sociale. Le mélange de systèmes d’exploitation et de systèmes sociaux qui a donné naissance à la culture du Net6 a été remplacé par un système de permissions et de privilèges limités pour les utilisateurs. Ceux qui s’engagent dans le Fédiverse travaillent à défaire ce découplage. Ils veulent contribuer à des infrastructures de réseau qui soient plus honnêtes quant à leurs idéologies sous-jacentes.

Ces nouvelles infrastructures ne se cachent pas derrière des manipulations d’idées en trompe-l’œil comme l’ouverture, l’accès universel ou l’ingénierie apolitique. Bien qu’il soit trop tôt aujourd’hui pour dire si le Fédiverse sera à la hauteur des attentes de celles et ceux qui la constituent et quel sera son impact à long terme sur les FLOSS, il est déjà possible de dresser la carte des transformations en cours, ainsi que des défis à relever dans ce dernier épisode de la saga sans fin de la culture du Net et de l’informatique. C’est pourquoi nous présentons sept thèses sur le Fédiverse et le devenir des FLOSS, dans l’espoir d’ouvrir le débat autour de certaines des questions les plus urgentes qu’elles soulèvent.

« interlace » par Joachim Aspenlaub Blattboldt, licence CC BY-NC-ND 2.0

Le Fédiverse, de la guerre des mèmes à celle des réseaux

Nous reconnaissons volontiers que toute réflexion sérieuse sur la culture du Net aujourd’hui doit traiter de la question des mèmes d’une façon ou d’une autre. Mais que peut-on ajouter au débat sur les mèmes en 2020 ? Il semble que tout ait déjà été débattu, combattu et exploité jusqu’à la corde par les universitaires comme par les artistes. Que nous reste-t-il à faire sinon nous tenir régulièrement au courant des derniers mèmes et de leur signification ? On oublie trop souvent que de façon cruciale, les mèmes ne peuvent exister ex nihilo. Il y a des systèmes qui permettent leur circulation et leur amplification : les plateformes de médias sociaux.

Les plateformes de médias sociaux ont démocratisé la production et la circulation des mèmes à un degré jamais vu jusqu’alors. De plus, ces plateformes se sont développées en symbiose avec la culture des mèmes sur Internet. Les plateformes de médias sociaux commerciaux ont été optimisées et conçues pour favoriser les contenus aptes à devenir des mèmes. Ces contenus encouragent les réactions et la rediffusion, ils participent à une stratégie de rétention des utilisateurs et de participation au capitalisme de surveillance. Par conséquent, dans les environnements en usage aujourd’hui pour la majeure partie des communications en ligne, presque tout est devenu un mème, ou doit afficher l’aptitude à en devenir un pour survivre — du moins pour être visible — au sein d’un univers de fils d’actualités gouvernés par des algorithmes et de flux contrôlés par des mesures7.

Comme les médias sociaux sont concentrés sur la communication et les interactions, on a complètement sous-estimé la façon dont les mèmes deviendraient bien plus que des vecteurs stratégiquement conçus pour implanter des idées, ou encore des trucs amusants et viraux à partager avec ses semblables. Ils sont devenus un langage, un argot, une collection de signes et de symboles à travers lesquels l’identité culturelle ou sous-culturelle peut se manifester. La circulation de tels mèmes a en retour renforcé certains discours politiques qui sont devenus une préoccupation croissante pour les plateformes. En effet, pour maximiser l’exploitation de l’activité des utilisateurs, les médias sociaux commerciaux doivent trouver le bon équilibre entre le laissez-faire et la régulation.

Ils tentent de le faire à l’aide d’un filtrage algorithmique, de retours d’utilisateurs et de conditions d’utilisation. Cependant, les plateformes commerciales sont de plus en plus confrontées au fait qu’elles ont créé de véritables boites de Pétri permettant à toutes sortes d’opinions et de croyances de circuler sans aucun contrôle, en dépit de leurs efforts visant à réduire et façonner le contenu discursif de leurs utilisateurs en une inoffensive et banale substance compatible avec leur commerce.

Malgré ce que les plateformes prétendent dans leurs campagnes de relations publiques ou lors des auditions des législateurs, il est clair qu’aucun solutionnisme technologique ni aucun travail externalisé et précarisé réalisé par des modérateurs humains traumatisés8 ne les aidera à reprendre le contrôle. En conséquence de l’augmentation de la surveillance menée par les plateformes de médias sociaux commerciaux, tous ceux qui sont exclus ou blessés dans ces environnements se sont davantage intéressés à l’idée de migrer sur d’autres plateformes qu’ils pourraient maîtriser eux-mêmes.

Les raisons incitant à une migration varient. Des groupes LGBTQ+ cherchent des espaces sûrs pour éviter l’intimidation et le harcèlement. Des suprémacistes blancs recherchent des plateformes au sein desquelles leur interprétation de la liberté d’expression n’est pas contestée. Raddle, un clone radicalisé, s’est développé à la suite de son exclusion du forum Reddit original ; à l’extrême-droite, il y a Voat, un autre clone de Reddit9. Ces deux plateformes ont développé leurs propres FLOSS en réponse à leur exclusion.

Au-delà de l’accès au code source, ce qui vaut aux FLOSS la considération générale, on ignore étonnamment l’un des avantages essentiels et historiques de la pratique des FLOSS : la capacité d’utiliser le travail des autres et de s’appuyer sur cette base. Il semble important aujourd’hui de développer le même logiciel pour un public réduit, et de s’assurer que le code source n’est pas influencé par les contributions d’une autre communauté. C’est une évolution récente dans les communautés FLOSS, qui ont souvent défendu que leur travail est apolitique.

C’est pourquoi, si nous nous mettons à évoquer les mèmes aujourd’hui, nous devons parler de ces plateformes de médias sociaux. Nous devons parler de ces environnements qui permettent, pour le meilleur comme pour le pire, une sédimentation du savoir : en effet, lorsqu’un discours spécifique s’accumule en ligne, il attire et nourrit une communauté, via des boucles de rétroaction qui forment des assemblages mémétiques. Nous devons parler de ce processus qui est permis par les Floss et qui en affecte la perception dans le même temps. Les plateformes de médias sociaux commerciaux ont décidé de censurer tout ce qui pourrait mettre en danger leurs affaires, tout en restant ambivalentes quant à leur prétendue neutralité10.

Mais contrairement à l’exode massif de certaines communautés et à leur repli dans la conception de leur propre logiciel, le Fédiverse offre plutôt un vaste système dans lequel les communautés peuvent être indépendantes tout en étant connectées à d’autres communautés sur d’autres serveurs. Dans une situation où la censure ou l’exil en isolement étaient les seules options, la fédération ouvre une troisième voie. Elle permet à une communauté de participer aux échanges ou d’entrer en conflit avec d’autres plateformes tout en restant fidèle à son cadre, son idéologie et ses intérêts.

Dès lors, deux nouveaux scénarios sont possibles : premièrement, une culture en ligne localisée pourrait être mise en place et adoptée dans le cadre de la circulation des conversations dans un réseau de communication partagé. Deuxièmement, des propos mémétiques extrêmes seraient susceptibles de favoriser l’émergence d’une pensée axée sur la dualité amis/ennemis entre instances, au point que les guerres de mèmes et la propagande simplistes seraient remplacés par des guerres de réseaux.

« Network » par photobunny, licence CC BY-NC-ND 2.0

Le Fédiverse en tant que critique permanente de l’ouverture

Les concepts d’ouverture, d’universalité, et de libre circulation de l’information ont été au cœur des récits pour promouvoir le progrès technologique et la croissance sur Internet et le Web. Bien que ces concepts aient été instrumentalisés pour défendre les logiciels libres et la culture du libre, ils ont aussi été cruciaux dans le développement des médias sociaux, dont le but consistait à créer des réseaux en constante croissance, pour embarquer toujours davantage de personnes communiquant librement les unes avec les autres. En suivant la tradition libérale, cette approche a été considérée comme favorisant les échanges d’opinion fertiles en fournissant un immense espace pour la liberté d’expression, l’accès à davantage d’informations et la possibilité pour n’importe qui de participer.

Cependant, ces systèmes ouverts étaient également ouverts à leur accaparement par le marché et exposés à la culture prédatrice des méga-entreprises. Dans le cas du Web, cela a conduit à des modèles lucratifs qui exploitent à la fois les structures et le contenu circulant11 dans tout le réseau.

Revenons à la situation actuelle : les médias sociaux commerciaux dirigent la surveillance des individus et prédisent leur comportement afin de les convaincre d’acheter des produits et d’adhérer à des idées politiques. Historiquement, des projets de médias sociaux alternatifs tels que GNU Social, et plus précisément Identi.ca/StatusNet, ont cherché à s’extirper de cette situation en créant des plateformes qui contrevenaient à cette forme particulière d’ouverture sur-commercialisée.

Ils ont créé des systèmes interopérables explicitement opposés à la publicité et au pistage par les traqueurs. Ainsi faisant, ils espéraient prouver qu’il est toujours possible de créer un réseau à la croissance indéfinie tout en distribuant la responsabilité de la détention des données et, en théorie, de fournir les moyens à des communautés variées de s’approprier le code source des plateformes ainsi que de contribuer à la conception du protocole.

C’était en somme la conviction partagée sur le Fédiverse vers 2016. Cette croyance n’a pas été remise en question, car le Fédiverse de l’époque n’avait pas beaucoup dévié du projet d’origine d’un logiciel libre de média social fédéré, lancé une décennie plus tôt.

Par conséquent, le Fédiverse était composé d’une foule très homogène, dont les intérêts recoupaient la technologie, les logiciels libres et les idéologies anti-capitalistes. Cependant, alors que la population du Fédiverse s’est diversifiée lorsque Mastodon a attiré des communautés plus hétérogènes, des conflits sont apparus entre ces différentes communautés. Cette fois, il s’agissait de l’idée même d’ouverture du Fédiverse qui était de plus en plus remise en question par les nouveaux venus. Contribuant à la critique, un appel a émergé de la base d’utilisateurs de Mastodon en faveur de la possibilité de bloquer ou « défédérer » d’autres serveurs du Fédiverse.

Bloquer signifie que les utilisateurs ou les administrateurs de serveurs pouvaient empêcher le contenu d’autres serveurs sur le réseau de leur parvenir. « Défédérer », dans ce sens, est devenu une possibilité supplémentaire dans la boîte à outils d’une modération communautaire forte, qui permettait de ne plus être confronté à du contenu indésirable ou dangereux. Au début, l’introduction de la défédération a causé beaucoup de frictions parmi les utilisateurs d’autres logiciels du Fédiverse. Les plaintes fréquentes contre Mastodon qui « cassait la fédération » soulignent à quel point ce changement était vu comme une menace pour le réseau tout entier12. Selon ce point de vue, plus le réseau pouvait grandir et s’interconnecter, plus il aurait de succès en tant qu’alternative aux médias sociaux commerciaux. De la même manière, beaucoup voyaient le blocage comme une contrainte sur les possibilités d’expression personnelle et d’échanges d’idées constructifs, craignant qu’il s’ensuive l’arrivée de bulles de filtres et d’isolement de communautés.

En cherchant la déconnexion sélective et en contestant l’idée même que le débat en ligne est forcément fructueux, les communautés qui se battaient pour la défédération ont aussi remis en cause les présupposés libéraux sur l’ouverture et l’universalité sur lesquels les logiciels précédents du Fédiverse étaient construits. Le fait qu’en parallèle à ces développements, le Fédiverse soit passé de 200 000 à plus de 3,5 millions de comptes au moment d’écrire ces lignes, n’est probablement pas une coïncidence. Plutôt que d’entraver le réseau, la défédération, les communautés auto-gouvernées et le rejet de l’universalité ont permis au Fédiverse d’accueillir encore plus de communautés. La présence de différents serveurs qui représentent des communautés si distinctes qui ont chacune leur propre culture locale et leur capacité d’action sur leur propre partie du réseau, sans être isolée de l’ensemble plus vaste, est l’un des aspects les plus intéressants du Fédiverse. Cependant, presque un million du nombre total de comptes sont le résultat du passage de la plateforme d’extrême-droite Gab aux protocoles du Fédiverse, ce qui montre que le réseau est toujours sujet à la captation et à la domination par une tierce partie unique et puissante13. Dans le même temps, cet événement a immédiatement déclenché divers efforts pour permettre aux serveurs de contrer ce risque de domination.

Par exemple, la possibilité pour certaines implémentations de serveurs de se fédérer sur la base de listes blanches, qui permettent aux serveurs de s’interconnecter au cas par cas, au lieu de se déconnecter au cas par cas. Une autre réponse qui a été proposée consistait à étendre le protocole ActivityPub, l’un des protocoles les plus populaires et discutés du Fédiverse, en ajoutant des méthodes d’autorisation plus fortes à base d’un modèle de sécurité informatique qui repose sur la capacité des objets (Object-capability model). Ce modèle permet à un acteur de retirer, a posteriori, la possibilité à d’autres acteurs de voir ou d’utiliser ses données. Ce qui est unique à propos du Fédiverse c’est cette reconnaissance à la fois culturelle et technique que l’ouverture a ses limites, et qu’elle est elle-même ouverte à des interprétations plus ou moins larges en fonction du contexte, qui n’est pas fixe dans le temps. C’est un nouveau point de départ fondamental pour imaginer de nouveaux médias sociaux.

« interlace » par Interlace Explorer, licence CC BY-NC-SA 2.0

Le Fédiverse comme lieu du pluralisme agoniste en ligne

Comme nous l’avons établi précédemment, une des caractéristiques du Fédiverse tient aux différentes couches logicielles et applications qui la constituent et qui peuvent virtuellement être utilisées par n’importe qui et dans n’importe quel but. Cela signifie qu’il est possible de créer une communauté en ligne qui peut se connecter au reste du Fédiverse mais qui opère selon ses propres règles, sa propre ligne de conduite, son propre mode d’organisation et sa propre idéologie. Dans ce processus, chaque communauté est capable de se définir elle-même non plus uniquement par un langage mémétique, un intérêt, une perspective commune, mais aussi par ses relations aux autres, en se différenciant. Une telle spécificité peut faire ressembler le Fédiverse à un assemblage d’infrastructures qui suivrait les principes du pluralisme agonistique. Le pluralisme agonistique, ou agonisme, a d’abord été conçu par Ernesto Laclau et Chantal Mouffe, qui l’ont par la suite développé en une théorie politique. Pour Mouffe, à l’intérieur d’un ordre hégémonique unique, le consensus politique est impossible. Une négativité radicale est inévitable dans un système où la diversité se limite à des groupes antagonistes14.

La thèse de Mouffe s’attaque aux systèmes démocratiques où les politiques qui seraient en dehors de ce que le consensus libéral juge acceptable sont systématiquement exclues. Toutefois, ce processus est aussi à l’œuvre sur les plateformes de médias sociaux commerciaux, dans le sens où ces dernières forment et contrôlent le discours pour qu’il reste acceptable par le paradigme libéral, et qu’il s’aligne sur ses propres intérêts commerciaux. Ceci a conduit à une radicalisation de celles et ceux qui en sont exclus.

Le pari fait par l’agonisme est qu’en créant un système dans lequel un pluralisme d’hégémonies est permis, il devienne possible de passer d’une conception de l’autre en tant qu’ennemi à une conception de l’autre en tant qu’adversaire politique. Pour que cela se produise, il faut permettre à différentes idéologies de se matérialiser par le biais de différents canaux et plateformes. Une condition préalable importante est que l’objectif du consensus politique doit être abandonné et remplacé par un consensus conflictuel, dans lequel la reconnaissance de l’autre devient l’élément de base des nouvelles relations, même si cela signifie, par exemple, accepter des points de vue non occidentaux sur la démocratie, la laïcité, les communautés et l’individu.

Pour ce qui est du Fédiverse, il est clair qu’il contient déjà un paysage politique relativement diversifié et que les transitions du consensus politique au consensus conflictuel peuvent être constatées au travers de la manière dont les communautés se comportent les unes envers les autres. À la base de ces échanges conflictuels se trouvent divers points de vue sur la conception et l’utilisation collectives de toutes les couches logicielles et des protocoles sous-jacents qui seraient nécessaires pour permettre une sorte de pluralisme agonistique en ligne.

Cela dit, les discussions autour de l’usage susmentionné du blocage d’instance et de la défédération sont férocement débattues, et, au moment où nous écrivons ces lignes, avec la présence apparemment irréconciliable de factions d’extrême gauche et d’extrême droite dans l’univers de la fédération, les réalités de l’antagonisme seront très difficiles à résoudre. La conception du Fédiverse comme système dans lequel les différentes communautés peuvent trouver leur place parmi les autres a été concrètement mise à l’épreuve en juillet 2019, lorsque la plateforme explicitement d’extrême droite, Gab, a annoncé qu’elle modifierait sa base de code, s’éloignant de son système propriétaire pour s’appuyer plutôt sur le code source de Mastodon.

En tant que projet qui prend explicitement position contre l’idéologie de Gab, Mastodon a été confronté à la neutralité des licences FLOSS. D’autres projets du Fédiverse, tels que les clients de téléphonie mobile FediLab et Tusky, ont également été confrontés au même problème, peut-être même plus, car la motivation directe des développeurs de Gab pour passer aux logiciels du Fédiverse était de contourner leur interdiction des app stores d’Apple et de Google pour violation de leurs conditions de service. En s’appuyant sur les clients génériques de logiciels libres du Fédiverse, Gab pourrait échapper à de telles interdictions à l’avenir, et aussi forger des alliances avec d’autres instances idéologiquement compatibles sur le Fédiverse15.

Dans le cadre d’une stratégie antifasciste plus large visant à dé-plateformer et à bloquer Gab sur le Fédiverse, des appels ont été lancés aux développeurs de logiciels pour qu’ils ajoutent du code qui empêcherait d’utiliser leurs clients pour se connecter aux serveurs Gab. Cela a donné lieu à des débats approfondis sur la nature des logiciels libres et open source, sur l’efficacité de telles mesures quant aux modifications du code source public, étant donné qu’elles peuvent être facilement annulées, et sur le positionnement politique des développeurs et mainteneurs de logiciels.

Au cœur de ce conflit se trouve la question de la neutralité du code, du réseau et des protocoles. Un client doit-il – ou même peut-il – être neutre ? Le fait de redoubler de neutralité signifie-t-il que les mainteneurs tolèrent l’idéologie d’extrême-droite ? Que signifie bloquer ou ne pas bloquer une autre instance ? Cette dernière question a créé un va-et-vient compliqué où certaines instances demanderont à d’autres instances de prendre part explicitement au conflit, en bloquant d’autres instances spécifiques afin d’éviter d’être elles-mêmes bloquées. La neutralité, qu’elle soit motivée par l’ambivalence, le soutien tacite, l’hypocrisie, le désir de troller, le manque d’intérêt, la foi dans une technologie apolitique ou par un désir agonistique de s’engager avec toutes les parties afin de parvenir à un état de consensus conflictuel… la neutralité donc est très difficile à atteindre. Le Fédiverse est l’environnement le plus proche que nous ayons actuellement d’un réseau mondial diversifié de singularités locales. Cependant, sa topologie complexe et sa lutte pour faire face au tristement célèbre paradoxe de la tolérance – que faire de l’idée de liberté d’expression ? – montre la difficulté d’atteindre un état de consensus conflictuel. Elle montre également le défi que représente la traduction d’une théorie de l’agonisme en une stratégie partagée pour la conception de protocoles, de logiciels et de directives communautaires. La tolérance et la liberté d’expression sont devenues des sujets explosifs après près de deux décennies de manipulation politique et de filtrage au sein des médias sociaux des grandes entreprises ; quand on voit que les plateformes et autres forums de discussion populaires n’ont pas réussi à résoudre ces problèmes, on n’est guère enclin à espérer en des expérimentations futures.

Plutôt que d’atteindre un état de pluralisme agonistique, il se pourrait que le Fédiverse crée au mieux une forme d’agonisme bâtard par le biais de la pilarisation. En d’autres termes, nous pourrions assister à une situation dans laquelle des instances ne formeraient de grandes agrégations agonistes-sans-agonisme qu’entre des communautés et des logiciels compatibles tant sur le plan idéologique que technique, seule une minorité d’entre elles étant capable et désireuse de faire le pont avec des systèmes radicalement opposés. Quelle que soit l’issue, cette question de l’agonisme et de la politique en général est cruciale pour la culture du réseau et de l’informatique. Dans le contexte des systèmes post-politiques occidentaux et de la manière dont ils prennent forme sur le net, un sentiment de déclin de l’esprit partisan et de l’action militante politique a donné l’illusion, ou plutôt la désillusion, qu’il n’y a plus de boussole politique. Si le Fédiverse nous apprend quelque chose, c’est que le réseau et les composants de logiciel libres de son infrastructure n’ont jamais été aussi politisés qu’aujourd’hui. Les positions politiques qui sont générées et hébergées sur le Fédiverse ne sont pas insignifiantes, mais sont clairement articulées. De plus, comme le montre la prolifération de célébrités politiques et de politiciens utilisant activement les médias sociaux, une nouvelle forme de démocratie représentative émerge, dans laquelle le langage mémétique des cultures post-numériques se déplace effectivement dans le monde de la politique électorale et inversement16.

« THINK Together » par waynewhuang licence CC BY-NC 2.0

 

Le Fédiverse, transition entre une vision technique et une perception sociale de la protection de la vie privée

Par le passé, les débats sur les risques des médias sociaux commerciaux se sont focalisés sur les questions de vie privée et de surveillance, surtout depuis les révélations de Snowden en 2013. Par conséquent, de nombreuses réponses techniques, en particulier celles issues des communautés FLOSS, se sont concentrées sur la sécurité des traitements des données personnelles. Cela peut être illustré par la multiplication des applications de messagerie et de courrier électronique chiffrées post-Snowden17. La menace perçue par ces communautés est la possibilité de surveillance du réseau, soit par des agences gouvernementales, soit par de grandes entreprises.

Les solutions proposées sont donc des outils qui implémentent un chiffrement fort à la fois dans le contenu et dans la transmission du message en utilisant idéalement des topologies de réseaux de pair à pair qui garantissent l’anonymat. Ces approches, malgré leur rigueur, requièrent des connaissances techniques considérables de la part des utilisateurs.

Le Fédiverse bascule alors d’une conception à dominante technique vers une conception plus sociale de la vie privée, comme l’ont clairement montré les discussions qui ont eu lieu au sein de l’outil de suivi de bug de Mastodon, lors de ces premières étapes de développement. Le modèle de menace qui y est discuté comprend les autres utilisateurs du réseau, les associations accidentelles entre des comptes et les dynamiques des conversations en ligne elles-mêmes. Cela signifie qu’au lieu de se concentrer sur des caractéristiques techniques telles que les réseaux de pair à pair et le chiffrement de bout en bout, le développement a été axé sur la construction d’outils de modération robustes, sur des paramétrages fins de la visibilité des messages et sur la possibilité de bloquer d’autres instances.

Ces fonctionnalités, qui favorisent une approche plus sociale de la protection de la vie privée, ont été développées et défendues par les membres des communautés marginalisées, dont une grande partie se revendique comme queer. Comme le note Sarah Jamie Lewis :

Une grande partie de la rhétorique actuelle autour des […] outils de protection de la vie privée est axée sur la surveillance de l’État. Les communautés LGBTQI+ souhaitent parfois cacher des choses à certains de leurs parents et amis, tout en pouvant partager une partie de leur vie avec d’autres. Se faire des amis, se rencontrer, échapper à des situations violentes, accéder à des services de santé, s’explorer et explorer les autres, trouver un emploi, pratiquer le commerce du sexe en toute sécurité… sont autant d’aspects de la vie de cette communauté qui sont mal pris en compte par ceux qui travaillent aujourd’hui sur la protection de la vie privée18.

Alors que tout le monde a intérêt à prendre en compte les impacts sur la vie privée d’interactions (non sollicitées) entre des comptes d’utilisateurs, par exemple entre un employeur et un employé, les communautés marginalisées sont affectées de manière disproportionnée par ces formes de surveillance et leurs conséquences. Lorsque la conception de nouvelles plateformes sur le Fédiverse comme Mastodon a commencé — avec l’aide de membre de ces communautés — ces enjeux ont trouvé leur place sur les feuilles de route de développement des logiciels. Soudain, les outils de remontée de défauts techniques sont également devenus un lieu de débat de questions sociales, culturelles et politiques. Nous reviendrons sur ce point dans la section six.

Les technologies qui ont finalement été développées comprennent le blocage au niveau d’une instance, des outils de modérations avancés, des avertissements sur la teneur des contenus et une meilleure accessibilité. Cela a permis à des communautés géographiquement, culturellement et idéologiquement disparates de partager le même réseau selon leurs propres conditions. De ce fait, le Fédiverse peut être compris comme un ensemble de communautés qui se rallient autour d’un serveur, ou une instance, afin de créer un environnement où chacun se sent à l’aise. Là encore, cela constitue une troisième voie : ni un modèle dans lequel seuls ceux qui ont des aptitudes techniques maîtrisent pleinement leurs communications, ni un scénario dans lequel la majorité pense n’avoir « rien à cacher » simplement parce qu’elle n’a pas son mot à dire ni le contrôle sur les systèmes dont elle est tributaire. En effet, le changement vers une perception sociale de la vie privée a montré que le Fédiverse est désormais un laboratoire dans lequel on ne peut plus prétendre que les questions d’organisation sociale et de gouvernance sont détachées des logiciels.

Ce qui compte, c’est que le Fédiverse marque une évolution de la définition des questions de surveillance et de protection de la vie privée comme des problématiques techniques vers leur formulation en tant qu’enjeux sociaux. Cependant, l’accent mis sur la dimension sociale de la vie privée s’est jusqu’à présent limité à placer sa confiance dans d’autres serveurs et administrateurs pour qu’ils agissent avec respect.
Cela peut être problématique dans le cas par exemple des messages directs (privés), par leur confidentialité inhérente, qui seraient bien mieux gérés avec des solutions techniques telles que le chiffrement de bout en bout. De plus, de nombreuses solutions recherchées dans le développement des logiciels du Fédiverse semblent être basées sur le collectif plutôt que sur l’individu. Cela ne veut pas dire que les considérations de sécurité technique n’ont aucune importance. Les serveurs du Fédiverse ont tendance à être équipés de paramètres de « confidentialité par défaut », tels que le nécessaire chiffrement de transport et le proxy des requêtes distantes afin de ne pas exposer les utilisateurs individuels.

Néanmoins, cette évolution vers une approche sociale de la vie privée n’en est qu’à ses débuts, et la discussion doit se poursuivre sur de nombreux autres plans.

« Liseron sur ombelles » par philolep, licence CC BY-NC-SA 2.0

Le Fédiverse, pour en finir avec la collecte de données et la main-d’œuvre gratuite

Les grandes plateformes de médias sociaux, qui se concentrent sur l’utilisation de statistiques pour récompenser leur usage et sur la gamification, sont tristement célèbres pour utiliser autant qu’elles le peuvent le travail gratuit. Quelle que soit l’information introduite dans le système, elle sera utilisée pour créer directement ou indirectement des modélisations, des rapports et de nouveaux jeux de données qui possèdent un intérêt économique fondamental pour les propriétaires de ces plateformes : bienvenue dans le monde du capitalisme de surveillance19.

Jusqu’à présent il a été extrêmement difficile de réglementer ces produits et services, en partie à cause du lobbying intense des propriétaires de plateformes et de leurs actionnaires, mais aussi et peut-être de façon plus décisive, à cause de la nature dérivée de la monétisation qui est au cœur des entreprises de médias sociaux. Ce qui est capitalisé par ces plateformes est un sous-produit algorithmique, brut ou non, de l’activité et des données téléchargées par ses utilisateurs et utilisatrices. Cela crée un fossé qui rend toujours plus difficile d’appréhender la relation entre le travail en ligne, le contenu créé par les utilisateurs, le pistage et la monétisation.

Cet éloignement fonctionne en réalité de deux façons. D’abord, il occulte les mécanismes réels qui sont à l’œuvre, ce qui rend plus difficile la régulation de la collecte des données et leur analyse. Il permet de créer des situations dans lesquelles ces plateformes peuvent développer des produits dont elles peuvent tirer profit tout en respectant les lois sur la protection de la vie privée de différentes juridictions, et donc promouvoir leurs services comme respectueux de la vie privée. Cette stratégie est souvent renforcée en donnant à leurs utilisatrices et utilisateurs toutes sortes d’options pour les induire en erreur et leur faire croire qu’ils ont le contrôle de ce dont ils alimentent la machine.

Ensuite, en faisant comme si aucune donnée personnelle identifiable n’était directement utilisée pour être monétisée ; ces plateformes dissimulent leurs transactions financières derrière d’autres sortes de transactions, comme les interactions personnelles entre utilisatrices, les opportunités de carrière, les groupes et discussion gérés par des communautés en ligne, etc. Au bout du compte, les utilisateurs s’avèrent incapables de faire le lien entre leur activité sociale ou professionnelle et son exploitation, parce tout dérive d’autres transactions qui sont devenues essentielles pour nos vies connectées en permanence, en particulier à l’ère de l’« entrepecariat » et de la connectivité quasi obligatoire au réseau.

Nous l’avons vu précédemment : l’approche sociale de la vie privée en ligne a influencé la conception initiale de Mastodon, et le Fédiverse offre une perspective nouvelle sur le problème du capitalisme de surveillance. La question de l’usage des données des utilisateurs et utilisatrices et la façon dont on la traite, au niveau des protocoles et de l’interface utilisateur, sont des points abordés de façon transparente et ouverte. Les discussions se déroulent publiquement à la fois sur le Fédiverse et dans les plateformes de suivi du logiciel. Les utilisateurs expérimentés du Fédiverse ou l’administratrice locale d’un groupe Fédiverse, expliquent systématiquement aux nouveaux utilisateurs la façon dont les données circulent lorsqu’ils rejoignent une instance.

Cet accueil permet généralement d’expliquer comment la fédération fonctionne et ce que cela implique concernant la visibilité et l’accès aux données partagées par ces nouveaux utilisateurs21. Cela fait écho à ce que Robert Gehl désigne comme une des caractéristiques des plateformes de réseaux sociaux alternatifs. Le réseau comme ses coulisses ont une fonction pédagogique. On indique aux nouvelles personnes qui s’inscrivent comment utiliser la plateforme et chacun peut, au-delà des permissions utilisateur limitées, participer à son développement, à son administration et à son organisation22. En ce sens, les utilisateurs et utilisatrices sont incitées par le Fédiverse à participer activement, au-delà de simples publications et « likes » et sont sensibilisés à la façon dont leurs données circulent.

Pourtant, quel que soit le niveau d’organisation, d’autonomie et d’implication d’une communauté dans la maintenance de la plateforme et du réseau (au passage, plonger dans le code est plus facile à dire qu’à faire), rien ne garantit un plus grand contrôle sur les données personnelles. On peut facilement récolter et extraire des données de ces plateformes et cela se fait plus facilement que sur des réseaux sociaux privés. En effet, les services commerciaux des réseaux sociaux privés protègent activement leurs silos de données contre toute exploitation extérieure.

Actuellement, il est très facile d’explorer le Fédiverse et d’analyser les profils de ses utilisatrices et utilisateurs. Bien que la plupart des plateformes du Fédiverse combattent le pistage des utilisateurs et la collecte de leurs données, des tiers peuvent utiliser ces informations. En effet, le Fédiverse fonctionne comme un réseau ouvert, conçu à l’origine pour que les messages soient publics. De plus, étant donné que certains sujets, notamment des discussions politiques, sont hébergées sur des serveurs spécifiques, les communautés de militant⋅e⋅s peuvent être plus facilement exposées à la surveillance. Bien que le Fédiverse aide les utilisateurs à comprendre, ou à se rappeler, que tout ce qui est publié en ligne peut échapper et échappera à leur contrôle, elle ne peut pas empêcher toutes les habitudes et le faux sentiment de sécurité hérités des réseaux sociaux commerciaux de persister, surtout après deux décennies de désinformation au sujet de la vie privée numérique23.

De plus, bien que l’exploitation du travail des utilisateurs et utilisatrices ne soit pas la même que sur les plateformes de médias sociaux commerciaux, il reste sur ce réseau des problèmes autour de la notion de travail. Pour les comprendre, nous devons d’abord admettre les dégâts causés, d’une part, par la merveilleuse utilisation gratuite des réseaux sociaux privés, et d’autre part, par la mécompréhension du fonctionnement des logiciels libres ou open source : à savoir, la manière dont la lutte des travailleurs et la question du travail ont été masquées dans ces processus24.

Cette situation a incité les gens à croire que le développement des logiciels, la maintenance des serveurs et les services en ligne devraient être mis gratuitement à leur disposition. Les plateformes de média sociaux commerciaux sont justement capables de gérer financièrement leurs infrastructures précisément grâce à la monétisation des contenus et des activités de leurs utilisateurs. Dans un système où cette méthode est évitée, impossible ou fermement rejetée, la question du travail et de l’exploitation apparaît au niveau de l’administration des serveurs et du développement des logiciels et concerne tous celles et ceux qui contribuent à la conception, à la gestion et à la maintenance de ces infrastructures.

Pour répondre à ce problème, la tendance sur le Fédiverse consiste à rendre explicites les coûts de fonctionnement d’un serveur communautaire. Tant les utilisatrices que les administrateurs encouragent le financement des différents projets par des donations, reconnaissant ainsi que la création et la maintenance de ces plateformes coûtent de l’argent. Des projets de premier plan comme Mastodon disposent de davantage de fonds et ont mis en place un système permettant aux contributeurs d’être rémunérés pour leur travail25.

Ces tentatives pour compenser le travail des contributeurs sont un pas en avant, cependant étendre et maintenir ces projets sur du long terme demande un soutien plus structurel. Sans financement significatif du développement et de la maintenance, ces projets continueront à dépendre de l’exploitation du travail gratuit effectué par des volontaires bien intentionnés ou des caprices des personnes consacrant leur temps libre au logiciel libre. Dans le même temps, il est de plus en plus admis, et il existe des exemples, que le logiciel libre peut être considéré comme un bien d’utilité publique qui devrait être financé par des ressources publiques26. À une époque où la régulation des médias sociaux commerciaux est débattue en raison de leur rôle dans l’érosion des institutions publiques, le manque de financement public d’alternatives non prédatrices devrait être examiné de manière plus active.

Enfin, dans certains cas, les personnes qui accomplissent des tâches non techniques comme la modération sont rémunérées par les communautés du Fédiverse. On peut se demander pourquoi, lorsqu’il existe une rémunération, certaines formes de travail sont payées et d’autres non. Qu’en est-il par exemple du travail initial et essentiel de prévenance et de critique fourni par les membres des communautés marginalisées qui se sont exprimés sur la façon dont les projets du Fédiverse devraient prendre en compte une interprétation sociale de la protection de la vie privée ? Il ne fait aucun doute que c’est ce travail qui a permis au Fédiverse d’atteindre le nombre d’utilisateurs qu’elle a aujourd’hui.

Du reste comment cette activité peut-elle être évaluée ? Elle se manifeste dans l’ensemble du réseau, dans des fils de méta-discussions ou dans les systèmes de suivi, et n’est donc pas aussi quantifiable ou visible que la contribution au code. Donc, même si des évolutions intéressantes se produisent, il reste à voir si les utilisateurs et les développeuses du Fédiverse peuvent prendre pleinement conscience de ces enjeux et si les modèles économiques placés extérieurs au capitalisme de surveillance peuvent réussir à soutenir une solidarité et une attention sans exploitation sur tous les maillons de la chaîne.

« Liseron sur ombelles » par philolep, licence CC BY-NC-SA 2.0

« basket weaving » par cloudberrynine, licence CC BY-NC-ND 2.0

Le Fédiverse, avènement d’un nouveau type d’usage

On peut envisager le Fédiverse comme un ensemble de pratiques, ou plutôt un ensemble d’attentes et de demandes concernant les logiciels de médias sociaux, dans lesquels les efforts disparates de projets de médias sociaux alternatifs convergent en un réseau partagé avec des objectifs plus ou moins similaires. Les différents modèles d’utilisation, partagés entre les serveurs, vont de plateformes d’extrême-droite financées par le capital-risque à des systèmes de publication d’images japonaises, en passant par des collectifs anarcho-communistes, des groupes politiques, des amateurs d’algorithmes de codage en direct, des « espaces sûrs » pour les travailleur⋅euse⋅s du sexe, des forums de jardinage, des blogs personnels et des coopératives d’auto-hébergement. Ces pratiques se forment parallèlement au problème du partage des données et du travail gratuit, et font partie de la transformation continuelle de ce que cela implique d’être utilisateur ou utilisatrice de logiciel.

Les premiers utilisateurs de logiciels, ou utilisateurs d’appareils de calcul, étaient aussi leurs programmeuses et programmeurs, qui fournissaient ensuite les outils et la documentation pour que d’autres puissent contribuer au développement et à l’utilisation de ces systèmes27.

Ce rôle était si important que les premières communautés d’utilisateurs furent pleinement soutenues et prises en charge par les fabricants de matériel.

Avance rapide de quelques décennies et, avec la croissance de l’industrie informatique, la notion d’ « utilisateur » a complètement changé pour signifier « consommateur apprivoisé » avec des possibilités limitées de contribution ou de modification des systèmes qu’ils utilisent, au-delà de personnalisations triviales ou cosmétiques. C’est cette situation qui a contribué à façonner une grande partie de la popularité croissante des FLOSS dans les années 90, en tant qu’adversaires des systèmes d’exploitation commerciaux propriétaires pour les ordinateurs personnels, renforçant particulièrement les concepts antérieurs de liberté des utilisateurs28. Avec l’avènement du Web 2.0, la situation changea de nouveau. En raison de la dimension communicative et omniprésente des logiciels derrière les plateformes de médias sociaux d’entreprises, les fournisseurs ont commencé à offrir une petite ouverture pour un retour de la part de leurs utilisateurs, afin de rendre leur produit plus attrayant et pertinent au quotidien. Les utilisateurs peuvent généralement signaler facilement les bugs, suggérer de nouvelles fonctionnalités ou contribuer à façonner la culture des plateformes par leurs échanges et le contenu partagés. Twitter en est un exemple bien connu, où des fonctionnalités essentielles, telles que les noms d’utilisateur préfixés par @ et les hashtags par #, ont d’abord été suggérés par les utilisateurs. Les forums comme Reddit permettent également aux utilisateurs de définir et modérer des pages, créant ainsi des communautés distinctes et spécifiques.

Sur les plateformes alternatives de médias sociaux comme le Fédiverse, en particulier à ses débuts, ces formes de participation vont plus loin. Les utilisatrices et utilisateurs ne se contentent pas de signaler des bogues ou d’aider a la création d’une culture des produits, ils s’impliquent également dans le contrôle du code, dans le débat sur ses effets et même dans la contribution au code. À mesure que le Fédiverse prend de l’ampleur et englobe une plus grande diversité de cultures et de logiciels, les comportements par rapport à ses usages deviennent plus étendus. Les gens mettent en place des nœuds supplémentaires dans le réseau, travaillent à l’élaboration de codes de conduite et de conditions de service adaptées, qui contribuent à l’application de lignes directrices communautaires pour ces nœuds. Ils examinent également comment rendre ces efforts durables par un financement via la communauté.

Ceci dit, toutes les demandes de changement, y compris les contributions pleinement fonctionnelles au code, ne sont pas acceptées par les principaux développeurs des plateformes. Cela s’explique en partie par le fait que les plus grandes plateformes du Fédiverse reposent sur des paramètres par défaut, bien réfléchis, qui fonctionnent pour ces majorités diverses, plutôt que l’ancien modèle archétypique de FLOSS, pour permettre une personnalisation poussée et des options qui plaisent aux programmeurs, mais en découragent beaucoup d’autres. Grâce à la disponibilité du code source, un riche écosystème de versions modifiées de projets (des forks) existe néanmoins, qui permet d’étendre ou de limiter certaines fonctionnalités tout en conservant un certain degré de compatibilité avec le réseau plus large.
Les débats sur les mérites des fonctionnalités et des logiciels modifiés qu’elles génèrent nourrissent de plus amples discussions sur l’orientation de ces projets, qui à leur tour conduisent à une attention accrue autour de leur gouvernance.

Il est certain que ces développements ne sont ni nouveaux ni spécifiques au Fédiverse. La manière dont les facilitateurs de services sont soutenus sur le Fédiverse, par exemple, est analogue à la manière dont les créateurs de contenu sur les plateformes de streaming au sein des communautés de jeux sont soutenus par leur public. Des appels à une meilleure gouvernance des projets logiciels sont également en cours dans les communautés FLOSS plus largement. L’élaboration de codes de conduite (un document clé pour les instances de la Fédiverse mis en place pour exposer leur vision de la communauté et de la politique) a été introduit dans diverses communautés FLOSS au début des années 2010, en réponse à la misogynie systématique et à la l’exclusion des minorités des espaces FLOSS à la fois en ligne et hors ligne29. Les codes de conduite répondent également au besoin de formes génératrices de résolution des conflits par-delà les barrières culturelles et linguistiques.

De même, bon nombre des pratiques de modération et de gestion communautaire observées dans le Fédiverse ont hérité des expériences d’autres plateformes, des succès et défaillances d’autres outils et systèmes. La synthèse et la coordination de toutes ces pratiques deviennent de plus en plus visibles dans l’univers fédéré.
En retour, les questions et les approches abordées dans le Fédiverse ont créé un précédent pour d’autres projets des FLOSS, en encourageant des transformations des discussions qui étaient jusqu’alors limitées ou difficiles à engager.

Il n’est pas évident, compte tenu de la diversité des modèles d’utilisation, que l’ensemble du Fédiverse fonctionne suivant cette tendance. Les développements décrits ci-dessus suggèrent cependant que de nombreux modèles d’utilisation restent à découvrir et que le Fédiverse est un environnement favorable pour les tester. La nature évolutive de l’utilisation du Fédiverse montre à quel point l’écart est grand entre les extrêmes stéréotypés du modèle capitaliste de surveillance et du martyre auto-infligé des plateformes de bénévolat. Ce qui a des implications sur le rôle des utilisateurs en relation avec les médias sociaux alternatifs, ainsi que pour le développement de la culture des FLOSS30.

« What a tangled web we weave….. » par Pandiyan, licence CC BY-NC 2.0

Le Fédiverse : la fin des logiciels libres et open source tels que nous les connaissons

Jusqu’à présent, la grande majorité des discussions autour des licences FLOSS sont restées enfermées dans une comparaison cliché entre l’accent mis par le logiciel libre sur l’éthique de l’utilisateur et l’approche de l’open source qui repose sur l’économie31.

Qu’ils soient motivés par l’éthique ou l’économie, les logiciels libres et les logiciels open source partagent l’idéal selon lequel leur position est supérieure à celle des logiciels fermés et aux modes de production propriétaires. Toutefois, dans les deux cas, le moteur libéral à la base de ces perspectives éthiques et économiques est rarement remis en question. Il est profondément enraciné dans un contexte occidental qui, au cours des dernières décennies, a favorisé la liberté comme le conçoivent les libéraux et les libertariens aux dépens de l’égalité et du social.

Remettre en question ce principe est une étape cruciale, car cela ouvrirait des discussions sur d’autres façons d’aborder l’écriture, la diffusion et la disponibilité du code source. Par extension, cela mettrait fin à la prétention selon laquelle ces pratiques seraient soit apolitiques, soit universelles, soit neutres.

Malheureusement, de telles discussions ont été difficiles à faire émerger pour des raisons qui vont au-delà de la nature dogmatique des agendas des logiciels libres et open source. En fait, elles ont été inconcevables car l’un des aspects les plus importants des FLOSS est qu’ils ont été conçus comme étant de nature non discriminatoire. Par « non discriminatoire », nous entendons les licences FLOSS qui permettent à quiconque d’utiliser le code source des FLOSS à n’importe quelle fin.

Certains efforts ont été faits pour tenter de résoudre ce problème, par exemple au niveau de l’octroi de licences discriminatoires pour protéger les productions appartenant aux travailleurs, ou pour exclure l’utilisation par l’armée et les services de renseignement32.

Ces efforts ont été mal accueillis en raison de la base non discriminatoire des FLOSS et de leur discours. Pis, la principale préoccupation du plaidoyer en faveur des FLOSS a toujours été l’adoption généralisée dans l’administration, l’éducation, les environnements professionnels et commerciaux, et la dépolitisation a été considérée comme la clé pour atteindre cet objectif. Cependant, plus récemment, la croyance en une dépolitisation, ou sa stratégie, ont commencé à souffrir de plusieurs manières.

Tout d’abord, l’apparition de ce nouveau type d’usager a entraîné une nouvelle remise en cause des modèles archétypaux de gouvernance des projets de FLOSS, comme celui du « dictateur bienveillant ». En conséquence, plusieurs projets FLOSS de longue date ont été poussés à créer des structures de compte-rendu et à migrer vers des formes de gouvernance orientées vers la communauté, telles que les coopératives ou les associations.
Deuxièmement, les licences tendent maintenant à être combinées avec d’autres documents textuels tels que les accords de transfert de droits d’auteur, les conditions de service et les codes de conduite. Ces documents sont utilisés pour façonner la communauté, rendre leur cohérence idéologique plus claire et tenter d’empêcher manipulations et malentendus autour de notions vagues comme l’ouverture, la transparence et la liberté.

Troisièmement, la forte coloration politique du code source remet en question la conception actuelle des FLOSS. Comme indiqué précédemment, certains de ces efforts sont motivés par le désir d’éviter la censure et le contrôle des plateformes sociales des entreprises, tandis que d’autres cherchent explicitement à développer des logiciels à usage antifasciste. Ces objectifs interrogent non seulement l’universalité et l’utilité globale des grandes plateformes de médias sociaux, ils questionnent également la supposée universalité et la neutralité des logiciels. Cela est particulièrement vrai lorsque les logiciels présentent des conditions, codes et accords complémentaires explicites pour leurs utilisateurs et les développeuses.

Avec sa base relativement diversifiée d’utilisatrices, de développeurs, d’agenda, de logiciels et d’idéologies, le Fédiverse devient progressivement le système le plus pertinent pour l’articulation de nouvelles formes de la critique des FLOSS. Il est devenu un endroit où les notions traditionnelles sur les FLOSS sont confrontées et révisées par des personnes qui comprennent son utilisation dans le cadre d’un ensemble plus large de pratiques qui remettent en cause le statu quo. Cela se produit parfois dans un contexte de réflexion, à travers plusieurs communautés, parfois par la concrétisation d’expériences et des projets qui remettent directement en question les FLOSS tels que nous les connaissons. C’est devenu un lieu aux multiples ramifications où les critiques constructives des FLOSS et l’aspiration à leur réinvention sont très vives. En l’état, la culture FLOSS ressemble à une collection rapiécée de pièces irréconciliables provenant d’un autre temps et il est urgent de réévaluer nombre de ses caractéristiques qui étaient considérées comme acquises.

Si nous pouvons accepter le sacrilège nécessaire de penser au logiciel libre sans le logiciel libre, il reste à voir ce qui pourrait combler le vide laissé par son absence.


  1. Consulter Geert Lovink, Sad by Design: On Platform Nihilism (Triste par essence: Du nihilisme des plates-formes, non traduit en français), London: Pluto Press, 2019.
  2. Dans tout ce document nous utiliserons « médias sociaux commerciaux » et « médias sociaux alternatifs » selon les définitions de Robert W. Gehl dans « The Case for Alternative Social Media » (Pour des médias sociaux alternatifs, non traduit en français), Social Media + Society, juillet-décembre 2015, p. 1-12. En ligne.
  3. Danyl Strype, « A Brief History of the GNU Social Fediverse and ‘The Federation’ » (Une brève histoire de GNU Social, du Fédiverse et de la ‘fédération’, non traduit en français), Disintermedia, 1er Avril 2017. En ligne.
  4. Pour une exploration du #GamerGate et des technocultures toxiques, consulter Adrienne Massanari, « #Gamergate and The Fappening: How Reddit’s Algorithm, Governance, and Culture Support Toxic Technocultures » (#GamerGate et Fappening : comment les algorithmes, la gouvernance et la culture de Reddit soutiennent les technocultures toxiques, non traduit en français), New Media & Society, 19(3), 2016, p. 329-346.
  5. En raison de la nature décentralisée du Fédiverse, il n’est pas facile d’obtenir les chiffres exacts du nombre d’utilisateurs, mais quelques projets tentent de mesurer la taille du réseau: The Federation ; Fediverse Network ; Mastodon Users, Bitcoin Hackers.
  6. Pour un exemple de ce type de mélange, consulter Michael Rossman, « Implications of Community Memory » (Implications du projet Community Memory, non traduit en français) SIGCAS – Computers & Society, 6(4), 1975, p. 7-10.
  7. Aymeric Mansoux, « Surface Web Times » (L’ère du Web de surface, non traduit en français), MCD, 69, 2013, p. 50-53.
  8. Burcu Gültekin Punsmann, « What I learned from three months of Content Moderation for Facebook in Berlin » (Ce que j’ai appris de trois mois de modération de contenu pour Facebook à Berlin, non traduit en français), SZ Magazin, 6 January 2018. En ligne.
  9. Pour consulter le code source, voir Raddle ; Postmill, ‘GitLab’ ; Voat ; Voat, ‘GitLab’.
  10. Gabriella Coleman, « The Political Agnosticism of Free and Open Source Software and the Inadvertent Politics of Contrast » (L’agnosticisme politique des FLOSS et la politique involontaire du contraste, non traduit en français), Anthropological Quarterly, 77(3), 2004, p. 507-519.
  11. Pour une discussion plus approfondie sur les multiples possibilités procurés par l’ouverture mais aussi pour un commentaire sur le librewashing, voyez l’article de Jeffrey Pomerantz and Robin Peek, « Fifty Shades of Open », First Monday, 21(5), 2016. En ligne.
  12. Comme exemple d’arguments contre la défédération, voir le commentaire de Kaiser sous l’article du blog de Robek « rw » World : « Mastodon Socal Is THE Twitter Alternative For… », Robek World, 12 janvier 2017. En ligne.
  13. Au moment où Gab a rejoint le réseau, les statistiques du Fédiverse ont augmenté d’environ un million d’utilisateurs. Ces chiffres, comme tous les chiffres d’utilisation du Fédiverse, sont contestés. Pour le contexte, voir John Dougherty et Michael Edison Hayden, « ‘No Way’ Gab has 800,000 Users, Web Host Says », Southern Poverty Law Center, 14 février 2019. En ligne. Et le message sur Mastodon de emsenn le 10 août 2017, 04:51.
  14. Pour une introduction exhaustive aux écrits de Chantal Mouffe, voir Chantal Mouffe, Agonistique : penser politiquement le monde, Paris, Beaux-Arts de Paris éditions, 2014. On lira aussi avec profit la page Wikipédia consacrée à l’agonisme.
  15. Andrew Torba : « Le passage au protocole ActivityPub pour notre base nous permet d’entrer dans les App Stores mobiles sans même avoir à soumettre ni faire approuver nos propres applications, que cela plaise ou non à Apple et à Google », posté sur Gab, url consultée en mai 2019.
  16. David Garcia, « The Revenge of Folk Politics », transmediale/journal, 1, 2018. En ligne.
  17. hbsc & friends, « Have You Considered the Alternative? », Homebrew Server Club, 9 March 2017. En ligne.
  18. Sarah Jamie Lewis (éd.), Queer Privacy: Essays From The Margin Of Society, Victoria, British Columbia, Lean Pub/Mascherari Press, 2017, p. 2.
  19. Shoshana Zuboff, The Age of Surveillance Capitalism: The Fight for a Human Future at the New Frontier of Power, New York, PublicAffairs, 2019.
  20. Silvio Lorusso, Entreprecariat – Everyone Is an Entrepreneur. Nobody Is Safe, Onomatopee: Eindhoven, 2019.
  21. Pour un exemple d’introduction très souvent citée en lien, rédigée par une utilisatrice, cf. Noëlle Anthony,
    Joyeusenoelle/GuideToMastodon, 2019. En ligne.
  22. Au sein de ce texte, nous utilisons « média social commercial » (corporate social media) et « média social alternatif » (alternative social media) comme définis par Robert W. Gehl, « The Case for Alternative Social Media », op. cit..
  23. Pour un relevé permanent de ces problématiques, cf. Pervasive Labour Union Zine, en ligne.
  24. Bien que formulée dans le contexte de Tumblr, pour une discussion à propos des tensions entre le travail numérique, les communautés post-numériques et l’activisme, voyez Cassius Adair et Lisa Nakamura, « The Digital Afterlives of This Bridge Called My Back: Woman of Color Feminism, Digital Labor, and Networked Pedagogy », American Literature, 89(2), 2017, p. 255-278.
  25. « Mastodon », Open Collective. En ligne.
  26. Pour des éléments de discussion sur le financement public des logiciels libres, ainsi que quelques analyses des premiers jets de lois concernant l’accès au code source des logiciels achetés avec l’argent public, cf. Jesús M. González-Barahona, Joaquín Seoane Pascual et Gregorio Robles, Introduction to Free Software, Barcelone, Universitat Oberta de Catalunya, 2009.
  27. par exemple, consultez Atsushi Akera, « Voluntarism and the Fruits of Collaboration: The IBM UserGroup, Share », Technology and Culture, 42(4), 2001, p. 710-736.
  28. Sam Williams, Free as in Freedom: Richard Stallman’s Crusade for Free Software, Farnham: O’Reilly, 2002.
  29. Femke Snelting, « Codes of Conduct: Transforming Shared Values into Daily Practice », dans Cornelia Sollfrank (éd.), The Beautiful Warriors: Technofeminist Praxis in the 21st Century, Colchester, Minor Compositions, 2019, pp. 57-72.
  30. Dušan Barok, Privatising Privacy: Trojan Horse in Free Open Source Distributed Social Platforms, Thèse de Master, Networked Media, Piet Zwart Institute, Rotterdam/Netherlands, 2011.
  31. Voyez l’échange de correspondance Stallman-Ghosh-Glott sur l’étude du FLOSS, « Two Communities or Two Movements in One Community? », dans Rishab Aiyer Ghosh, Ruediger Glott, Bernhard Krieger and Gregorio Robles, Free/Libre and Open Source Software: Survey and Study, FLOSS final report, International Institute of Infonomics, University of Maastricht, Netherlands, 2002. En ligne.
  32. Consultez par exemple Felix von Leitner, « Mon Jul 6 2015 », Fefes Blog, 6 July 2015, en ligne.

 


Qui sont les auteurs

AYMERIC MANSOUX s’amuse avec les ordinateurs et les réseaux depuis bien trop longtemps. Il a été un membre fondateur du collectif GOTO10 (FLOSS+Art anthology, Puredyne distro, make art festival). Parmi les collaborations récentes, citons : Le Codex SKOR, une archive sur l’impossibilité d’archiver ; What Remains, un jeu vidéo 8 bits sur la manipulation des l’opinion publique et les lanceurs d’alerte pour la console Nintendo de 1985 ; et LURK, une une infrastructure de serveurs pour les discussions sur la liberté culturelle, l’art dans les nouveaux médias et la culture du net. Aymeric a obtenu son doctorat au Centre d’études culturelles, Goldsmiths, Université de Londres en 2017, pour son enquête sur le déclin de la diversité culturelle et des formes techno-légales de l’organisation sociale dans le cadre de pratiques culturelles libres et open-source. Il dirige actuellement le Cours de maîtrise en édition expérimentale (XPUB) à l’Institut Piet Zwart, Rotterdam. https://bleu255.com/~aymeric.

ROEL ROSCAM ABBING est un artiste et chercheur dont les travaux portent sur les questions et les cultures entourant les ordinateurs en réseau. Il s’intéresse à des thèmes tels que le réseau, les infrastructures, la politique de la technologie et les approches DIY (NdT : « Faites-le vous-même »). Il est doctorant dans le domaine du design d’interaction à l’université de Malmö.

 




Le Web est-il devenu trop compliqué ?

Le Web, tout le monde s’en sert et beaucoup en sont très contents. Mais, même parmi ceux et celles qui sont ravi·es de l’utiliser, il y a souvent des critiques. Elles portent sur de nombreux aspects et je ne vais pas essayer de lister ici toutes ces critiques. Je vais parler d’un problème souvent ressenti : le Web n’est-il pas devenu trop compliqué ?

À noter : cet article bénéficie désormais d’une version audio.
Merci à Sualtam, auteur de lectureaudio.fr pour cette contribution active.

Je ne parle pas de la complexité pour l’utilisateur, par exemple des problèmes qu’il ou elle peut avoir avec telle ou telle application Web, ou tel formulaire incompréhensible ou excluant. Non, je parle de la complexité des nombreuses technologies sous-jacentes. Alors, si vous n’êtes pas technicien·ne, vous avez peut-être envie d’arrêter votre lecture ici en pensant qu’on ne parlera que de technique. Mais ce n’est pas le cas, cet article est pour tous et toutes. (Ceci dit, si vous arrêtez votre lecture pour jouer avec le chat, manger un bon plat, lire un livre passionnant ou faire des câlins à la personne appropriée, cela ne me dérange pas et je vous souhaite un agréable moment.)

Mais revenons à l’objection « OK, les techniques utilisées dans le Web sont compliquées mais cela ne concerne que les développeuses et développeurs, non ? » Eh bien non car cette complication a des conséquences pour tous et toutes. Elle se traduit par des logiciels beaucoup plus complexes, donc elle réduit la concurrence, très peu d’organisations pouvant aujourd’hui développer un navigateur Web. Elle a pour conséquence de rendre l’utilisation du Web plus lente : bien que les machines et les réseaux aient nettement gagné en performance, le temps d’affichage d’une page ne cesse d’augmenter. Passer à la fibre ou à la 5G ne se traduira pas forcément par un gain de temps, puisque ce sont souvent les calculs nécessaires à l’affichage qui ralentissent la navigation. Et enfin cette complication augmente l’empreinte environnementale du Web, en imposant davantage d’opérations aux machines, ce qui pousse au remplacement plus rapide des terminaux.

L’insoutenable lourdeur du Web

Une page Web d’aujourd’hui n’est en effet pas une simple description d’un contenu. Elle inclut la « feuille de style », rédigée dans le langage CSS, qui va indiquer comment présenter la page, du JavaScript, un langage de programmation qui va être exécuté pour faire varier le contenu de la page, des vidéos, et d’autres choses qui souvent distraient du contenu lui-même. Je précise que je ne parle pas ici des applications tournant sur le Web (comme une application d’accès au courrier électronique, ou une application de gestion des évènements ou l’application maison utilisée par les employés d’une organisation pour gérer leur travail), non, je parle des pages Web de contenu, qui ne devraient pas avoir besoin de toute cette artillerie.

Du fait de cette complexité, il n’existe aujourd’hui que quatre ou cinq navigateurs Web réellement distincts. Écrire un navigateur Web aujourd’hui est une tâche colossale, hors de portée de la très grande majorité des organisations. La concurrence a diminué sérieusement. La complexité technique a donc des conséquences stratégiques pour le Web. Et ceci d’autant plus qu’il n’existe derrière ces navigateurs que deux moteurs de rendu, le cœur du navigateur, la partie qui interprète le langage HTML et le CSS et dessine la page. Chrome, Edge et Safari utilisent le même moteur de rendu, WebKit (ou l’une de ses variantes).

Et encore tout ne tourne pas sur votre machine. Derrière votre écran, l’affichage de la moindre page Web va déclencher d’innombrables opérations sur des machines que vous ne voyez pas, comme les calculs des entreprises publicitaires qui vont, en temps réel, déterminer les « meilleures » publicités à vous envoyer dans la figure ou comme l’activité de traçage des utilisateurs, notant en permanence ce qu’ils font, d’où elles viennent et de nombreuses autres informations, dont beaucoup sont envoyées automatiquement par votre navigateur Web, qui travaille au moins autant pour l’industrie publicitaire que pour vous. Pas étonnant que la consommation énergétique du numérique soit si importante. Et ces calculs côté serveur ont une grande influence sur la capacité du serveur à tenir face à une charge élevée, comme on l’a vu pendant les confinements Covid-19. Les sites Web de l’Éducation Nationale ne tenaient pas le coup, même quand il s’agissait uniquement de servir du contenu statique.

La surveillance coûte cher

La complexité du Web cache en effet également cette activité de surveillance, pratiquée aussi bien par les entreprises privées que par les États. Autrefois, acheter un journal à un kiosque et le lire étaient des activités largement privées. Aujourd’hui, toute activité sur le Web est enregistrée et sert à nourrir les bases de données du monde de la publicité, ou les fichiers des États. Comme exemple des informations envoyées par votre navigateur, sans que vous en ayez clairement connaissance, on peut citer bien sûr les fameux cookies. Ce sont des petits fichiers choisis par le site Web et envoyés à votre navigateur. Celui-ci les stockera et, lors d’une visite ultérieure au même site Web, renverra le cookie. C’est donc un outil puissant de suivi de l’utilisateur. Et ne croyez pas que, si vous visitez un site Web, seule l’organisation derrière ce site pourra vous pister. La plupart des pages Web incluent en effet des ressources extérieures (images, vidéos, boutons de partage), pas forcément chargés depuis le site Web que vous visitez et qui ont eux aussi leurs cookies. La loi Informatique et Libertés (et, aujourd’hui, le RGPD) impose depuis longtemps que les utilisateurs soient prévenus de ce pistage et puissent s’y opposer, mais il a fallu très longtemps pour que la CNIL tape sur la table et impose réellement cette information des utilisateurs, le « bandeau cookies ». Notez qu’il n’est pas obligatoire. D’abord, si le site Web ne piste pas les utilisateurs, il n’y a pas d’obligation d’un tel bandeau, ensuite, même en cas de pistage, de nombreuses exceptions sont prévues.

Un bandeau cookies. Notez qu’il n’y a pas de bouton Refuser.

 

Les bandeaux cookies sont en général délibérément conçus pour qu’il soit difficile de refuser. Le but est que l’utilisateur clique rapidement sur « Accepter » pour en être débarrassé, permettant ainsi à l’entreprise qui gère le site Web de prétendre qu’il y a eu consentement.

Désolé de la longueur de ce préambule, d’autant plus qu’il est très possible que, en tant que lectrice ou lecteur du Framablog, vous soyez déjà au courant. Mais il était nécessaire de revenir sur ces problèmes du Web pour mieux comprendre les projets qui visent à corriger le tir. Notez que les évolutions néfastes du Web ne sont pas qu’un problème technique. Elles sont dues à des raisons économiques et politiques et donc aucune approche purement technique ne va résoudre complètement le problème. Cela ne signifie pas que les techniciens et techniciennes doivent rester les bras croisés. Ils et elles peuvent apporter des solutions partielles au problème.

Bloquer les saletés

Première approche possible vers un Web plus léger, tenter de bloquer les services néfastes. Tout bon navigateur Web permet ainsi un certain contrôle de l’usage des cookies. C’est par exemple ce que propose Firefox dans une rubrique justement nommée « Vie privée et sécurité ».

Le menu de Firefox pour contrôler notamment les cookies

 

On peut ainsi bloquer une partie du système de surveillance. Cette approche est très recommandée mais notez que Firefox vous avertit que cela risque d’ « empêcher certains sites de fonctionner ». Cet avertissement peut faire hésiter certains utilisateurs, d’autant plus qu’avec les sites en question, il n’y aura aucun message clair, uniquement des dysfonctionnements bizarres. La plupart des sites Web commerciaux sont en effet développés sans tenir compte de la possibilité que le visiteur ait activé ces options. Si le site de votre banque ne marche plus après avoir changé ces réglages, ne comptez pas sur le support technique de la banque pour vous aider à analyser le problème, on vous dira probablement uniquement d’utiliser Google Chrome et de ne pas toucher aux réglages. D’un côté, les responsables du Web de surveillance disent qu’on a le choix, qu’on peut changer les réglages, d’un autre côté ils exercent une pression sociale intense pour qu’on ne le fasse pas. Et puis, autant on peut renoncer à regarder le site Web d’un journal lorsqu’il ne marche pas sans cookies, autant on ne peut guère en faire autant lorsqu’il s’agit de sa banque.

De même qu’on peut contrôler, voire débrayer les cookies, on peut supprimer le code Javascript. À ma connaissance, Firefox ne permet pas en standard de le faire, mais il existe une extension nommée NoScript pour le faire. Comme avec les cookies, cela posera des problèmes avec certains sites Web et, pire, ces problèmes ne se traduiront pas par des messages clairs mais par des dysfonctionnements. Là encore, peu de chance que le logiciel que l’entreprise en question a chargé de répondre aux questions sur Twitter vous aide.

Enfin, un troisième outil pour limiter les divers risques du Web est le bloqueur de publicité. (Personnellement, j’utilise uBlock Origin.)

uBlock Origin sur le site du Monde, où il a bloqué trois pisteurs et publicités. On voit aussi à gauche la liste des sites chargés automatiquement par votre navigateur quand vous regardez Le Monde.

 

Absolument indispensable à la fois pour éviter de consacrer du temps de cerveau à regarder les publicités, pour la sécurité (les réseaux de distribution de la publicité sont l’endroit idéal pour diffuser du logiciel malveillant) et aussi pour l’empreinte environnementale, le bloqueur empêchant le chargement de contenus qui feront travailler votre ordinateur pour le profit des agences de publicité et des annonceurs.

Un navigateur Web léger ?

Une solution plus radicale est de changer de navigateur Web. On peut ainsi préférer le logiciel Dillo, explicitement conçu pour la légèreté, les performances et la vie privée. Dillo marche parfaitement avec des sites Web bien conçus, mais ceux-ci ne sont qu’une infime minorité. La plupart du temps, le site sera affiché de manière bizarre. Et on ne peut pas le savoir à l’avance ; naviguer sur le Web avec Dillo, c’est avoir beaucoup de mauvaises surprises et seulement quelques bonnes (le Framablog, que vous lisez en ce moment, marche très bien avec Dillo).

Le site de l’Élysée vu par Dillo. Inutilisable (et pas par la faute de Dillo mais par le choix de l’Élysée d’un site spectaculaire plutôt qu’informatif).

 

Autre navigateur « alternatif », le Tor Browser. C’est un Firefox modifié, avec NoScript inclus et qui, surtout, ne se connecte pas directement au site Web visité mais passe par plusieurs relais du réseau Tor, supprimant ainsi un moyen de pistage fréquent, l’adresse IP de votre ordinateur. Outre que certains sites ne réagissent pas bien aux réglages du Tor Browser, le passage par le réseau Tor se traduit par des performances décrues.

Toutes ces solutions techniques, du bloqueur de publicités au navigateur léger et protecteur de la vie privée, ont un problème commun : elles sont perçues par les sites Web comme « alternatives » voire « anormales ». Non seulement le site Web risque de ne pas fonctionner normalement mais surtout, on n’est pas prévenu à l’avance, et même après on n’a pas de diagnostic clair. Le Web, pourtant devenu un écosystème très complexe, n’a pas de mécanismes permettant d’exprimer des préférences et d’être sûr qu’elles sont suivies. Certes, il existe des techniques comme l’en-tête « Do Not Track » où votre navigateur annonce qu’il ne souhaite pas être pisté mais il est impossible de garantir qu’il sera respecté et, vu le manque d’éthique de la grande majorité des sites Web, il vaut mieux ne pas compter dessus.

Gemini, une solution de rupture

Cela a mené à une approche plus radicale, sur laquelle je souhaitais terminer cet article, le projet Gemini. Gemini est un système complet d’accès à l’information, alternatif au Web, même s’il en reprend quelques techniques. Gemini est délibérément très simple : le protocole, le langage parlé entre le navigateur et le serveur, est très limité, afin d’éviter de transmettre des informations pouvant servir au pistage (comme l’en-tête User-Agent du Web) et il n’est pas extensible. Contrairement au Web, aucun mécanisme n’est prévu pour ajouter des fonctions, l’expérience du Web ayant montré que ces fonctions ne sont pas forcément dans l’intérêt de l’utilisateur. Évidemment, il n’y a pas l’équivalent des cookies. Et le format des pages est également très limité, à la fois pour permettre des navigateurs simples (pas de CSS, pas de Javascript), pour éviter de charger des ressources depuis un site tiers et pour diminuer la consommation de ressources informatiques par le navigateur. Il n’y a même pas d’images. Voici deux exemples de navigateurs Gemini :

Le client Gemini Lagrange

 

Le même site Gemini, vu par un client différent, Elpher

 

Gemini est un système récent, s’inspirant à la fois de systèmes anciens (comme le Web des débuts) et de choses plus récentes (ainsi, contrairement au Web, le chiffrement du trafic, pour compliquer la surveillance, est systématique). Il reprend notamment le concept d’URL donc par exemple le site d’informations sur les alertes de tempêtes solaires utilisé plus haut à titre d’exemple est gemini://gemini.bortzmeyer.org/presto/. Gemini est actuellement en cours de développement, de manière très ouverte, notamment sur la liste de diffusion publique du projet. Tout le monde peut participer à sa définition. (Mais, si vous voulez le faire, merci de lire la FAQ d’abord, pour ne pas recommencer une question déjà discutée.) Conformément aux buts du projet, écrire un client ou un serveur Gemini est facile et des dizaines de logiciels existent déjà. Le nom étant une allusion aux missions spatiales étatsuniennes Gemini, mais signifiant également « jumeaux » en latin, beaucoup de ces logiciels ont un nom qui évoque le spatial ou la gémellité. Pour la même raison spatiale, les sites Gemini se nomment des capsules, et il y en a actuellement quelques centaines opérationnelles. (Mais, en général, avec peu de contenu original. Gemini ressemble pour l’instant au Web des débuts, avec du contenu importé automatiquement d’autres services, et du contenu portant sur Gemini lui-même.)

On a vu que Gemini est une solution très disruptive et qui ne sera pas facilement adoptée, tant le marketing a réussi à convaincre que, sans vidéos incluses dans la page, on ne peut pas être vraiment heureux. Gemini ne prétend pas à remplacer le Web pour tous ses usages. Par exemple, un CMS, logiciel de gestion de contenu, comme le WordPress utilisé pour cet article, ne peut pas être fait avec Gemini, et ce n’est pas son but. Son principal intérêt est de nous faire réfléchir sur l’accès à l’information : de quoi avons-nous besoin pour nous informer ?

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Quello che Framasoft vuole fare insieme a te nel 2021

Per iniziare bene l’anno ho tradotto da Framablog il post Ce que Framasoft aimerait faire en 2021 grâce à vos dons. Ho pensato di accompagnare la traduzione del testo con una versione in podcast, potete ascoltare le cinque puntate a questo indirizzo: https://funkwhale.it/library/albums/232/

Questa traduzione di NILOCRAM è distribuita con licenza Creative Commons By-SA 4.0.

Un ringraziamento a Framasoft per tutto il lavoro di questi anni (qualche effetto si vede anche da questa parte delle Alpi) e anche agli amici di Devol, per i loro servizi liberi e decentralizzati.


Per l’anno 2021, Framasoft ha ancora molti desideri (quelli non ci mancano mai !): educazione digitale popolare, sviluppo del software che manteniamo e azioni per partecipare alla decentralizzazione del web. Qui ti presentiamo le principali azioni che prevediamo di intraprendere il prossimo anno. Tuttavia, se il 2020 ci ha confermato qualcosa, è che nulla può essere dato per scontato, che tutto può essere capovolto. Perciò questa non è una Roadmap (tabella di marcia) incisa nel marmo, ma una fotografia della nostra to do list (o ” lista delle cose da fare “) per il 2021. Ecco quindi quello che abbiamo in programma di fare il prossimo anno, se il mondo non ci fa rivedere i nostri piani a metà anno, e se ce la facciamo. Speriamo che ci darai i mezzi per realizzarli unendoti ai nostri donatori e alle nostre donatrici.

Prenderci più tempo per sviluppare degli strumenti etici

Nel 2021 Framasoft continuerà ovviamente a lavorare sui software che l’associazione sta sviluppando da diversi anni. Tuttavia, per quest’anno non abbiamo in programma una raccolta di fondi dedicata per nessuno di questi software. Infatti, se condurre una campagna di raccolta fondi consente di pubblicizzare un’iniziativa finanziandola, spesso è anche l’inizio di uno sprint per sviluppare le funzionalità chiave nei tempi annunciati. Quest’anno vogliamo lavorare su dei miglioramenti, degli strumenti di appropriazione, caratteristiche che potrebbero essere meno attraenti ma altrettanto importanti . Vogliamo anche prenderci il tempo per adattarci meglio ai tuoi feedback e ai tuoi bisogni.

Illustrazione di David Revoy – Licenza: CC-By 4.0

Trovare una comunità per (il software) Framaforms

Théo trascorrerà ancora qualche mese con noi nel 2021 per continuare il lavoro già a buon punto sul software che fa funzionare Framaforms: risoluzione dei bug e aggiunta delle funzionalità richieste dagli utenti. Tutti questi miglioramenti renderanno Framaforms molto più facile da usare e amministrare. La missione di Theo è creare una comunità di contributori attorno a questo software inmodo che il suo sviluppo non si basi esclusivamente sulla nostra piccola associazione. Nei prossimi mesi verrà lanciato un sito web di presentazione. Ci auguriamo vivamente che altri si interessino a questa soluzione e continuino a farla vivere e a svilupparla, perché Framaforms è uno dei nostri servizi più utilizzati. Il bisogno di moduli liberati dalle grinfie di Google è grande, il software libero ha argomenti forti in questo settore e lo sforzo dello sviluppo non può pesare esclusivamente sulle spalle della nostra associazione.

Animazione creata da Gee (CC-By-SA) nel 2016, per l’uscita di Framaforms

Slidewalker, un’alternativa a Slideshare e Scribd

Questa è un’idea che ci stuzzica da alcuni anni … Creare un software libero in modo che i provider (fornitori di accesso) web possano offrire un servizio per l’hosting e la consultazione di documenti online, un’alternativa a Slideshare o a Scribd. Slidewalker ti consentirebbe di inviare documenti (non solo presentazioni) in formati aperti o in pdf. Ebbene, per le persone che usano formati chiusi (docx, xlsx, pptx …) troveremo una soluzione per convertirli di passaggio in pdf, eh. Ma se vuoi di meglio, dovrai chiedere a Microsoft di aprire i formati dei suoi file proprietari! Una volta salvati, questi file potrebbero essere descritti, visualizzati, integrati in una pagina web, aperti ai commenti (oppure no, eh, non è obbligatorio!). Immaginiamo anche le funzionalità dei gruppi, delle citazioni… non sono le idee che mancano. Tuttavia, siamo realisti e sappiamo che non le raggiungeremo tutte nel 2021, neanche per la versione 1 di questo progetto. Ad esempio, non abbiamo in programma di creare uno strumento federato su questo! Non sappiamo nemmeno se offriremo un’istanza aperta di questo software. Vogliamo uno strumento modesto ed efficiente che faccia il suo lavoro senza fronzoli. Ad oggi lo stiamo solo immaginando, ci vediamo nel 2021 per vedere come si concretizzerà questo desiderio (e se ci riusciremo !).

Illustrazione di David Revoy – Licenza: CC-By 4.0

Consolidare PeerTube verso la sua versione 4

Come ti abbiamo detto in più occasioni, abbiamo in programma di rilasciare la versione 3 di PeerTube che incorpora lo streaming video live e peer-to-peer nel gennaio 2021. Tuttavia, questo “live” sarà inizialmente minimalista (nessuno strumento di chat, niente commenti ecc.) E sarà sicuramente necessario svilupparlo, aggiungere strumenti. Stiamo quindi valutando gli aggiornamenti in base ai tuoi feedback, sia per quanto riguarda l’interfaccia sia per questa funzionalità principale.

Illustrazione di David Revoy – Licenza: CC-By 4.0

Nel 2020, la nostra designer associata, Marie-Cécile Godwin, ha condotto diverse interviste con video maker, amministratori di istanze e utenti di Internet che desideravano guardare video in posti diversi dalle piattaforme dei giganti del web. Queste interviste hanno confermato le nostre impressioni: imbattersi in un software federato (PeerTube) quando ti aspetti di trovare una piattaforma video (“alla YouTube”), è fonte di confusione! Google e i suoi colleghi di ufficio ci hanno abituati male ed è difficile per gli internauti comprendere i principi del web decentralizzato e della federazione… Nel 2021 vorremmo quindi riuscire a facilitare questa comprensione. Stiamo valutando diverse modifiche significative all’interfaccia, ad esempio inserendo elementi informativi. Vorremmo che gli utenti di Internet che visitano ExampleTube siano in grado di vedere facilmente se un particolare video è ospitato da ExampleTube o se si trova sugli hard disk di un’istanza federata con ExampleTube. Essere in grado di identificare la provenienza di un video a colpo d’occhio può cambiare tutto, sia per lo spettatore, il video maker o l’amministratore che ospita l’istanza. Vorremmo anche migliorare la possibilità di ricercare dei contenuti ospitati da un’istanza, sia che si tratti di video o di canali. Il nostro motore di ricerca SepiaSearch è uno strumento meraviglioso per trovare video, ma devi sapere cosa stai cercando. Per le persone che vogliono solo navigare, al momento c’è solo questa pagina JoinPeertube che offre una selezione di video, canali e istanze. Vorremmo quindi creare uno strumento per gli amministratori ad esempio per mettere in evidenza o addirittura consigliare determinati contenuti. Potremmo anche consentire ai video maker di personalizzare ulteriormente i loro canali PeerTube mettendo in evidenza un video, riorganizzando le loro playlist, aggiungendo un banner o raccomandando altri canali.

Clicca per scoprire SepiaSearch

Sviluppare il Mobilizon che ti servirà

Pubblicando la prima versione di Mobilizon alla fine di ottobre, abbiamo dimostrato che ora è possibile per chi vuole riunirsi, mobilitarsi e organizzarsi, utilizzare uno strumento libero e federato. Non vediamo l’ora di migliorare Mobilizon nel 2021. Vorremmo, ad esempio, tenere conto di diversi feedback che ci sono stati forniti nelle ultime settimane, predisponendo un sistema per vedere facilmente l’attività di un evento a cui ci siamo iscritti, o i nuovi contenuti pubblicati nel gruppi a cui partecipiamo. Ma non vogliamo inondarti di notifiche o offrirti una pallida copia del feed di news offerto da Facebook e altri. Sarebbe totalmente contrario allo spirito di sobrietà attenzionale che abbiamo voluto per questo strumento. Ci prenderemo quindi il tempo necessario per immaginare il sistema più adatto e per questo stiamo continuando a lavorare con Marie-Cécile Godwin perché ci sembra che ci troviamo di fronte a una complessità di progettazione più che a un problema di codice.

Stiamo anche pensando di migliorare la ricercabilità degli eventi. Nel menu “Esplora”, al momento hai la possibilità di cercare eventi in base alla posizione geografica. Ma una visualizzazione su una mappa potrebbe essere un altro modo per rendere visibili gli eventi che si svolgono vicino a te. Molti di voi ci hanno detto di non comprendere cosa sia stato selezionato nella sezione ” Eventi in primo piano ” o nella sezione ” Questi eventi potrebbero interessarvi ” che è visualizzata in fondo alle pagine degli eventi. Cercheremo quindi di rendere più comprensibili i criteri di queste selezioni (titolo, tag, data, luogo, ecc.). Infine, abbiamo in programma di creare uno spazio dedicato ai diversi contributi su JoinMobilizon (feedback, domande, traduzioni, codice, aiuto per l’installazione, ecc.). Potremo così conoscere i vostri desideri riguardo a questo strumento e sicuramente aggiungere delle funzioni a cui non abbiamo ancora pensato.

Illustrazione di David Revoy – Licenza: CC-By 4.0

Decentrare per non concentrare i poteri

I giganti del web sono un pugno di imprese che sono riuscite a farci passare più tempo possibile davanti ai nostri schermi, per decidere meglio cosa vi verrà visualizzato. Più persone usano i loro strumenti, più potere hanno, più complicato è per ognuno di noi usare strumenti alternativi. Lo vediamo anche al nostro livello (enorme per una piccola associazione ai sensi della legge 1901 , ma ridicolmente piccolo rispetto a Google, per esempio). Più uno dei nostri servizi viene utilizzato, più attrae usi problematici (moderazione, spam) e più questo pone problemi di squilibrio (e tanti casi di coscienza per il nostro team quando dobbiamo prendere delle decisioni!). La soluzione a questo problema è di offrire un numero sempre maggiore di hosting con servizi differenti. È una verità che dovremo sostenere per diversi anni: degooglizzarsi è bene, è già enorme, ma non basta. Questo è solo il primo passo per decentralizzare i propri usi digitali.

planète "arbre" au-dessus des nuages et qui abrite notre planète bleue. Quelques chatons figurent autour, certains descendent d'un volcan qui fume.
Illustrazione di David Revoy – Licenza: CC-By 4.0

Offrire alternative a determinati servizi Framasoft

Framasoft continuerà nel 2021 a trasformare alcuni dei suoi servizi in portali verso questi stessi strumenti, ma installati presso altri provider di fiducia, molto spesso membri del collettivo CHATONS. Questo è già il caso dei servizi che abbiamo chiuso nel 2020: Framabee, Framanews e Framastory.

capture d'écran de divers hébergeurs ou services alternatifs qui proposent des lecteurs de flux rss
Ecco, per esempio, la pagina delle alternative a Framanews..

  A breve chiuderemo i servizi Framapic, Framavectoriel, Framaclic, MyFrama e la vecchia versione di Framindmap, per sostituirli con una pagina “Alternatives, simile a quella qui sopra. A metà del 2021, sarà il turno dei servizi Framasite, Framawiki, Framaboard, Framanotes, Framabin, Framabag e Framacalc di presentare delle alternative, come abbiamo spiegato in questo articolo. Inoltre, durante l’anno limiteremo l’uso di alcuni servizi. Pertanto, presto non sarà più possibile abbreviare nuovi link tramite Frama.link, ma gli URL già abbreviati continueranno a funzionare. Chiuderemo anche le registrazioni su Framasphère e Framapiaf (ma se hai già un account, non cambierà nulla per te). Invece, contrariamente a quanto indicato nel nostro calendario delle chiusure, non crediamo che quest’anno limiteremo il servizio Framalistes. Le alternative (anche sotto altri software liberi) sono rare, ed è un servizio tanto più utilizzato in tempi di distanziamento sociale. Abbiamo deciso di non limitare questo servizio mentre troviamo una soluzione sostenibile. Più in generale, all’inizio del 2021, ripenseremo ai nostri piani per “deframasoftizzare Internet. Senza mettere in discussione l’approccio, sono passati più di due anni da quando abbiamo iniziato a immaginare questo calendario. Da allora, il mondo è cambiato molto, anche il panorama del software libero: è ora di fare un piccolo aggiornamento! Illustration de David Revoy - paysage onirique. une jeune fille au pied d'un poteau indicateur avec plusieurs directions indique l'une de ces directions à un groupe de trois pingouins randonneurs. En arrière-plan, d'autres trajets et promeneurs. Illustrazione di David Revoy – Licenza: CC-By 4.0

Sostenere gli CHATONS, il collettivo di host alternativi trasparenti, aperti, neutrali e solidali

Nel 2021, vogliamo anche continuare a investire nel coordinamento del collettivo di fornitori di host alternativi CHATONS . Il numero delle strutture associate al collettivo cresce ogni anno e cresce il numero di servizi alternativi che queste strutture offrono. Questo è il motivo per cui il collettivo prevede nel 2021 di rivedere il proprio sito Web in modo da poter trovare ancora più facilmente il servizio o la struttura che meglio soddisfa le tue esigenze. I lavori per ridisegnare “la litière”, il wiki del collettivo , sono attualmente in corso e dovrebbero presto dare accesso a tutta la documentazione prodotta dal collettivo. CHATONS prevede infine di dotarsi di una nuova interfaccia che permetterà a tutti gli utenti di Internet di conoscere le attività realizzate dalle 76 strutture che lo compongono.

photo de chatons mignons dans leur panier, image très "calendrier des postes".
Una cesta piena di CHATONS (gattini) perché sappiamo che vi piacciono

Contribuire agli strumenti digitali degli altri

È sempre molto piacevole contribuire a progetti realizzati da altre strutture. Nel 2021 continueremo a sostenere lo sviluppo di strumenti proposti da altre strutture e a cui abbiamo già contribuito. Te lo abbiamo presentato nel 2019, Bénévalibre è un software gratuito che ti permette di contare le ore di volontariato all’interno di un’associazione. Se la logica di ” contabilizzare tutto ” non fa veramente parte dei nostri valori, ci sembra comunque evidente che una tale esigenza non debba dipendere da software proprietari. Questo è anche il motivo per cui gli amici del gruppo LibreAssociation de l’April hanno guidato questo sviluppo e noi li abbiamo sostenuti. Dal momento che la versione 1 di Bénévalibre risale al settembre 2019, ora l’esperienza e l’utilizzo del software permettono di stabilire come contribuirvi e migliorarlo nel 2021. L’associazione Resistance to Advertising Aggression lavora sul ruolo della pubblicità nella nostra società: non è il luogo dove ci immagineremmo di trovare degli sviluppatori che creano un software. Invece, RAP aveva bisogno di un software per utilizzare petizioni online, quindi l’hanno sviluppato! C’è un grande bisogno di liberare gli strumenti delle petizioni dai meccanismi del capitalismo di sorveglianza. Nel 2021 il nostro sostegno al software Pytitions sarà logistico, ma anche finanziario, nella speranza di farlo avanzare più velocemente verso una versione per il pubblico. un grand barbu et une jeune fille préparent une soupe dont les ingrédients figurent sur une page de bloc au premier plan de l'image. Illustrazione di David Revoy – Licenza: CC-By 4.0

Ritrovarci, lontano dalle tastiere, questo ci manca!

Ci auguriamo che nel 2021 le condizioni igienico-sanitarie ci consentano di riprendere i nostri interventi, workshop, convegni o tavole rotonde negli incontri in presenza. Certo, la salute viene prima di tutto! Il rispetto della nostra e della vostra salute sarà per noi una condizione essenziale prima di accettare qualsiasi intervento. Detto questo, rimaniamo fiduciosi che tutto questo sarà possibile perché … ci mancate! Per noi è fondamentale incontrare regolarmente pubblici diversi per condividere le nostre osservazioni sull’egemonia dei giganti del web e sul mondo che ci stanno preparando le imprese del Capitalismo di Sorveglianza. Nel frattempo continueremo i nostri interventi online, tanto vale dirvi che ne sono già previsti alcuni per la prima metà del 2021! https://peertube.designersethiques.org/videos/watch/0e3b464a-3885-4ee4-af76-8b2e8952d548  

Promuovere le Metacarte sul digitale etico

Se (a causa della pandemia) il progetto ha avuto dei ritardi, le Metacarte sul digitale etico sono attualmente in fase di test con diverse comunità, anche in un workshop tenuto il 18 dicembre 2020. Questo strumento destinato ai mediatori digitali in modo che possano facilmente sensibilizzare alle sfide delle tecnologie digitali e proporre alternative che rispettino gli utenti di Internet dovrebbe quindi vedere la luce nel corso del 2021. Framasoft continuerà a sostenere questa bella iniziativa che non vediamo l’ora di veder nascere nel 2021! Per aiutare la produzione, noi (tra gli altri) abbiamo già ordinato delle copie del gioco e speriamo di essere in grado di distribuire questo essenziale dispositivo di animazione a mediatori e mediatrici sia volontari che professionisti.

Il piano di lavoro per i prossimi mesi delle Metacarte sul digitale etico

Descrivere il Fediverso, in una tesi o in un disegno

Quando parliamo ad esempio di PeerTube o Mobilizon, possiamo vedere che i concetti di “software federato”, “istanze” e di federazione sono complessi da affrontare. Va detto che, negli ultimi vent’anni, le multinazionali digitali hanno ridotto il web a “un sito = una piattaforma = un servizio”, suggerendo alla maggioranza degli utenti di Internet che non ci sarebbero delle alternative. Nel 2021, vorremmo quindi lavorare per rendere questi concetti più accessibili a tutti. Ad esempio, abbiamo chiesto all’associazione LILA (che ha prodotto per noi il video animato What Is PeerTube?) di riprendere il lavoro per creare alcuni brevi video che spiegassero i concetti chiave. Parallelamente, stiamo contribuendo al finanziamento di una tesi di dottorato dal titolo « Configurations techno-éthiques pour les médias sociaux décentralisés et fédérés» avviata all’UTC nell’ottobre 2020 da Audrey Guélou. https://framatube.org/videos/watch/9c9de5e8-0a1e-484a-b099-e80766180a6d

Un primo passo verso il progetto cloud di Framasoft

Un anno fa vi abbiamo parlato del nostro progetto « Framasoft cloud« , un servizio basato sul software Nextcloud che fornisce un facile accesso a una moltitudine di strumenti di collaborazione. Nel frattempo il mondo è cambiato e anche la nostra riflessione su questo progetto si è evoluta.

La crisi del COVID19 ha infatti imposto a gran parte della popolazione dei nuovi utilizzi del digitale in modo brutale e senza accompagnamento. Mentre passiamo sempre più tempo a “lavorare / collaborare / cooperare / scambiare / produrre” davanti a uno schermo, la maggior parte di noi non è molto a suo agio con queste pratiche digitali.

Nextcloud resta un software libero in grado di soddisfare queste esigenze, soprattutto per un pubblico (associazioni, collettivi, ecc.) alla ricerca dell’emancipazione digitale. Nel 2021, vogliamo dedicare tempo ed energie alla creazione di strumenti per aumentare la consapevolezza e la comprensione di che cos’è (e cosa non è) Nextcloud, di quello che ci possiamo fare e come … per aumentare le tue capacità di organizzazione e collaborazione.

 

jeune fille qui déclenche un aiguillage dans le ciel entre des traînées de nuages
Illustration de David Revoy – Licence : CC-By 4.0

Dedicare del tempo del nostro cervello al progetto di Università Popolare UPLOAD

Questo progetto di una Università Popolare del Libero Aperta(Ouverte), Accessibile e Decentralizzata (UPLOAD) è stato immaginato durante la campagna di Contributopia, nell’ottobre 2017. Nel 2021 saremo ancora lontani dalla realizzazione di questo progetto, ma vogliamo iniziare a definirlo più concretamente.

L’obiettivo sarebbe quello di fornire agli utenti di Internet uno spazio che permetta loro di accedere a una grande quantità di conoscenze di cui si possono riappropriare (quindi con dei contenuti necessariamente con licenza libera) e che possono essere adattate a molti usi dell’educazione popolare e dell’empowerment. .

C’è anche da pensare a come facilitare la vita dei mediatori e delle mediatrici in modo che l’appropriazione di questi contenuti possa essere animata, online e durante gli incontri in presenza.

Per pensare allo strumento più adatto a questo scopo e al contributo che potremmo umilmente dare in questo ambito, dove tante belle iniziative non hanno aspettato noi per partire, Framasoft si dà un anno per fare un’analisi di quello che già esiste sull’argomento, per sviluppare la nostra riflessione sulla forma che potrebbe assumere questo dispositivo per essere il più efficace.

 

circulant sur un nuage au-dessus d'un paysage verdoyant, deux chatons en expédition avec tout un bric-à-brac
Illustration de David Revoy – Licence : CC-By 4.0

Un anno per ritrovarsi

Siamo onesti: noi stessi, leggendo questo enorme elenco, ci chiediamo come fare tutto. Ma a ben vedere, la maggior parte di queste azioni sono o la prosecuzione di progetti e partnership che abbiamo già avviato o le prime tracce per realizzare delle idee che già volevamo fare.

Il 2020 è stato per noi (e possiamo immaginare che sia stato per tutti uguale) un anno speciale, in cui le priorità sono state stravolte, in cui ci siamo un po’ persi, in cui siamo stati sommersi .

Se dovessimo descrivere in una parola come immaginiamo il 2021 oggi quella parola sarebbe « ritrovarci ». Ritrovare le nostre tracce, ritrovarci fisicamente, ritrovarci attraverso le nostre azioni. Perché quello che non abbiamo mai perso è il senso di quello che facciamo, per voi e insieme a voi.

Nel 2021, è verso questo significato dato alle nostre azioni, verso questi valori di emancipazione digitale, decentralizzazione dei poteri ed educazione popolare che vogliamo guidare la nostra barca.

Framasoft vive solo grazie alle tue donazioni, speriamo che vorrai seguirci e sostenerci ancora una volta in questa direzione.

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Framablog, version audio

Cette page regroupe l’ensemble des articles dont une version audio est disponible. Ces version audios ont été lues et produites par Sualtam, auteur du site lectureaudio.fr et sont sous licence libre CC-By-SA.

Retrouvez toutes ces versions audio sur notre chaîne PeerTube Lectures du Framablog.

Article PeerTube v4, prenez le pouvoir pour présenter vos vidéos du 30 novembre 2021

 

Article Le Web est-il devenu trop compliqué ? par Stéphane Bortzmeyer du 30 décembre 2020

 

Article À vélo avec la carto OSM du 12 février 2021

 

Article OpenKeys.science, des clés de détermination pour ouvrir les portes de la biodiversité du 21 janvier 2021

 

Article 10 trucs que j’ignorais sur Internet et mon ordi (avant de m’y intéresser…) du 23 novembre 2016

 

Article Pour un monde avec un million de Netflix du 4 décembre 2020

 

Article Miroir de Valem : un projet artistique, libre et solidaire du 2 juillet 2020

 

Article Le roman historique est un sport de combat du 16 mai 2020

 

Article Ce que Framasoft va faire en 2020, post confinement du 6 mai 2020

 

Article [RÉSOLU] Un pas de plus dans Contributopia du 27 juin 2020

 

Article de Framatophe Prophètes et technologistes à l’ère de la suspicion généralisée du 10 avril 2020

 

Article Sepia Search : notre moteur de recherche pour découvrir PeerTube du 22 septembre 2020

 

Article « Avant tout, ne pas nuire », rappelle Laurent Chemla du 16 mai 2020

 

Article Juste un autre article sur les licences libres du 13 avril 2020

 

Article 10 bonnes raisons de fermer certains services Framasoft (la 5e est un peu bizarre…) du 3 mars 2020

 

Article Framaconfinement semaine 6 – Faire un pas de côté du 9 mai 2020

 

Article Nos plans pour PeerTube v3 : collecte perlée, du live pour cet automne du 26 mai 2020

 

Article Il n’y a pas de solution, il n’y a que nous du 8 avril 2020

 

Article Prendre de la hauteur du 2 avril 2020

 

Article Archipélisation : comment Framasoft conçoit les relations qu’elle tisse du 10 décembre 2019

 

Article Écriture du blog : nous ne transigerons pas sur les libertés du 13 août 2018




Bilan des actions de Framasoft en 2020 (hors confinement)

Nos actions sont financées par vos dons, amplifiées par vos contributions et utiles parce que vous les partagez et vous en emparez. Nous voulions donc prendre le temps de poser ici un bilan des principales actions que nous avons menées en 2020.

Car même si l’année n’est pas encore tout à fait finie, on peut d’ores et déjà voir ce que notre association (35 membres, 10 salarié·es) a fait des ressources que vous nous confiez.

À noter :

Graver les libertés dans le code

Dans le monde numérique, le code fait loi : les personnes qui dirigent le code ont le pouvoir et la responsabilité de déterminer ce qu’il sera possible de faire, ce qui sera impossible.

Voilà pourquoi nous avons pris la responsabilité de développer quelques logiciels : dans le but d’expérimenter d’autres manières d’ouvrir des possibles, pour proposer des façons alternatives d’organiser nos échanges numériques.

Coder ces logiciels en les plaçant sous licence libre, cela nous permet de limiter cet énorme pouvoir sur le code (donc sur ce qui fait loi dans nos écrans) grâce à des mécanismes de transparence, d’ouverture à la communauté et grâce à la possibilité de gouvernances alternatives.

Illustration de David Revoy – Licence : CC-By 4.0

Renforcer Framaforms pour faire rempart à Google Forms

Lorsque nous l’avons ouvert en 2016, nous n’imaginions pas que Framaforms, notre alternative à Google Forms, serait le service le plus utilisé de la campagne Dégooglisons Internet !

À l’époque, le défi était de montrer que les briques existantes du logiciel libre (ici Drupal et Webforms) permettent à des non-développeurs de bidouiller une alternative honorable à Google Forms en 14 jours de travail et en n’ajoutant que 60 lignes de code !

Depuis, des centaines de milliers de personnes se sont emparées de cet outil. Nous avons donc demandé à Théo, en stage chez nous, d’améliorer cet outil. Grâce à lui, Framaforms est passé en v1, une version qui corrige de nombreux bugs, permet l’effacement automatique des formulaires expirés et l’affichage d’une page pour contacter la personne qui a créé le formulaire.

Suite à son stage, Théo a rejoint notre équipe salariée pour quelques mois afin de poursuivre le travail sur Framaforms. La dernière version, la v1.0.3, permet d’installer le logiciel Framaforms dans d’autres langues que le français, et inclut de nombreux outils pour lutter contre le spam.

C’est peut-être un détail pour vous… Mais si vous saviez le nombre de personnes qui contactent notre support dans l’objectif de parler aux personnes qui ont créé un form.

Mobilizon, pour gérer groupes et événements hors de Facebook

Mobilizon, c’est notre outil libre et fédéré pour libérer nos événements et nos groupes des griffes de Facebook. Évoqué en décembre 2018 et financé par une collecte au printemps 2019, Mobilizon a été en développement tout au long de 2020.

Suite à un retard de développement (dû à une pandémie mondiale), la première version de Mobilizon est sortie en octobre, accompagnée d’une instance de démo, d’un site de présentation, d’une documentation complète, d’un roman photo relatant un cas d’usage, de notre instance publique (réservée aux francophones) et surtout du site Mobilizon.org pour vous aiguiller selon vos besoins, et vous y retrouver parmi tous ces outils !

Depuis la publication de cette première version, les contributions à Mobilizon sont nombreuses. Parmi elles, on peut noter une application Android (à retrouver ici sur le Playstore de Google et là sur Fdroid, le catalogue d’applications libres) réalisée par Tom79.

De nombreuses autres contributions (retours, questions, traductions, code et aide à l’installation etc.) ont fait qu’une mise à jour (la version 1.0.2) règle de nombreux bugs tout en ajoutant la possibilité de rejoindre les groupes en un clic, d’installer Mobilizon via Docker, et d’utiliser le logiciel dans 14 langues différentes.

Illustration de David Revoy – Licence : CC-By 4.0

PeerTube, en route vers la diffusion live dans la v3

Cet été, nous avons lancé une collecte pour financer la route vers la troisième version de PeerTube, notre alternative libre et fédérée qui démocratise la diffusion de vidéos en ligne.

Alors qu’une pandémie touchait (et touche toujours) la France et le monde, nous avons choisi de casser les codes du crowdfunding, en affirmant que nous développerions les fonctionnalités annoncées pour la v3 (que l’on récolte l’argent ou non) et en laissant à qui veut la possibilité de participer au financement des 60 000 € que nous coûtera le projet.

Le pari a été réussi, puisque près de 68 000 € ont été récoltés, avec des dons importants de structures comme Octopuce, Code Lutin ou encore la Fondation Debian, qui nous offre en plus une belle reconnaissance de l’utilité de PeerTube.

Depuis juin, nous avons développé et ajouté de nombreuses fonctionnalités à PeerTube : la recherche globale des vidéos et des chaînes (disponible sur la barre de recherche des instances ainsi que sur notre moteur de recherches SepiaSearch), de nombreux outils de modération, des améliorations significatives pour les playlists, le système de plugin… la liste est longue !

La diffusion de vidéos en direct et en pair à pair est codée, mais il faut encore la tester, l’affiner… Car même si ce live sera minimaliste (pas d’outil de chat, de réactions, etc.), le plus gros du travail reste dans les détails et finitions. Nous estimons publier une version quasi-finie (la « Release Candidate » ou « RC ») à la mi-décembre et publier la v3 stable en Janvier 2021.

Illustration de David Revoy – Licence : CC-By 4.0

Décentraliser, c’est politique

Depuis le lancement de la campagne Dégooglisons Internet en 2014, l’association Framasoft travaille à :

  • sensibiliser sur les enjeux de la centralisation de nos données par des acteurs monopolistiques (GAFAM, etc.) ;
  • proposer des services alternatifs sur ses serveurs, pour démontrer que le logiciel libre offre des outils éthiques et pratiques ;
  • essaimer, diffuser ces outils afin de multiplier les options d’hébergement de services éthiques, et aider les internautes concerné·es dans leur effort d’émancipation numérique.

En 2020, nous nous sommes concentré·es sur la partie essaimage, dans l’objectif que les services proposés par Framasoft ne soient plus une solution par défaut mais bien une première marche dans son émancipation numérique.

Illustration de David Revoy – Licence : CC-By 4.0

Dégoogliser en gardant des services à taille humaine

Maintenir plus de 30 services en ligne, cela implique de suivre les mises à jour de tous les logiciels libres qui propulsent ces services, chacun développé par sa communauté, à des rythmes très variés. Cette année encore nous avons veillé à tenir à jour les services que nous proposons, avec des mises à jour notables pour Framadrive/Framagenda, Framatalk, Framaforms, Framapiaf, Framateam et ce matin même Framadate.

Plus nos services sont connus, plus ils deviennent attractifs pour les usages malveillants, dont le spam. L’inventivité des escrocs qui veulent afficher à tout prix leurs liens frauduleux est sans borne. Nous avons consacré de longs mois (et un article de ce blog) à la lutte contre les usages indésirables.

Début 2020, nous estimions qu’environ un million de personnes utilisaient nos services chaque mois. C’est beaucoup pour une petite association de 35 membres et 10 salarié·es. Comme nous l’avons expliqué dans l’article dédié à nos actions durant le premier confinement français, les besoins ont été décuplés et nous avons dû changer nos manières de faire pour accompagner vos usages.

Cela s’est concrétisé par une refonte des sites web et outils qui nous permettent d’échanger ensemble. Notre page de contact, notre page de dons, et le menu contextuel présent sur tous nos sites ont été complètement repensés. L’objectif est de vous autonomiser en vous apportant directement des réponses adaptées, et de favoriser l’entraide collective de notre forum.

Toutes ces complexités ont un point commun : la sur-utilisation de nos services par rapport à la taille de notre équipe, qui a fait le choix de modérer sa croissance. Pour compenser cela, nous allons continuer de transformer certains de nos services en portails vers les mêmes outils, mais installés chez d’autres hébergeurs de confiance, le plus souvent membres du collectif CHATONS.

Dégooglisons Internet, vu par Péhä (CC-By)

Le Collectif d’Hébergeurs Alternatifs CHATONS

Le collectif CHATONS, dont les membres proposent des services hébergés dans le respect des valeurs de leur Manifeste et des engagements de leur Charte, grandit et évolue. Framasoft y a consacré, tout au long de cette année, des heures d’animation, et la belle dynamique interne montre que cela a porté ses fruits.

Durant l’année, les CHATONS ont tenu une réunion mensuelle entre les membres disponibles, en plus des échanges sur le forum. Cela leur a permis de mieux s’organiser pour accueillir de nouveaux membres dans le collectif, pour réviser et mettre à jour la charte, ou pour alimenter la « litière », le wiki où les CHATONS partagent des informations techniques, légales, administratives, etc.

Notons que, durant le confinement français, les CHATONS ont ouvert la page « Entraide », qui donne accès à neuf services en ligne, sans inscription et hébergés de manière éthique. Cerise sur le gâteau, ces services sont décentralisés sans que vous n’ayez rien à faire : utilisez un service, et le site vous mènera aléatoirement vers un des membres du collectif qui propose cet outil.

Aujourd’hui de nombreuses actions sont en cours : des améliorations notables pour le site web chatons.org, des outils de récolte statistique dans l’objectif de valoriser ce que proposent les membres du collectif, et, bien entendu, l’accueil de la nouvelle portée des futurs membres du collectif prévue pour cette fin d’année !

Illustration de David Revoy – Licence : CC-By 4.0
Edit : on nous demande où sont les stickers de ce visuel… C’est sur la boutique de David Revoy

Les partenariats dans notre archipel

Tout au long de l’année, nous avons continué à entretenir les liens qui nous unissent aux partenaires constituant notre archipel, tout en nouant de nouvelles relations.

Les échanges avec plusieurs organisations (ArtyFarty, Alternatiba, le réseau de l’Information Jeunesse, WebAssoc, LentCiné, Exodus Privacy, Designers Ethiques, l’Institut de Recherche et d’Innovation, les gilets jaunes etc.) sur leur démarche de passage à des outils libres nous font dire que de plus en plus de structures sont sensibles à la nécessité de mettre en cohérence leurs outils numériques avec les valeurs qu’elles prônent. Afin de montrer que cette mise en cohérence est possible, nous avons publié 3 billets de blogs pour documenter cette démarche et nous continuerons à le faire en 2021.

Avec certaines de ces organisations, nous allons même plus loin que les simples échanges, et nous tentons de les accompagner activement autant que nous le pouvons dans cette démarche. Par exemple nous accompagnons et soutenons la démarche du collectif InterHop qui promeut l’usage des logiciels libres dans le domaine de la santé (et sur ce vaste sujet qu’est le Health Data Hub). Nous avons fourni gracieusement pendant un an un serveur PeerTube de grosse capacité à ImagoTV. Enfin, nous travaillons directement avec Résistance à l’Agression Publicitaire sur le logiciel de pétitions libre Pytition.

De plus, sous l’impulsion du mouvement Colibris et en partenariat avec AnimaCoop et Ritimo, nous avons participé à la réalisation et à l’animation de la formation en ligne Créer un projet collectif : méthodes et outils éthiques à destination des organisations. Cette formation qui s’est déroulée du 2 novembre au 3 décembre a permis à 55 personnes de découvrir de nombreux outils collaboratifs libres. Nous avons aussi accepté avec joie de faire partie du groupe de travail du futur MOOC sur la contribution au logiciel libre qui sera produit par Telecom Paris.

Enfin, nous avons poursuivi tout au long de l’année notre partenariat avec Mélanie et Lilian qui sont en train de produire les Métacartes Numérique Éthique. Ce jeu de cartes physiques (toutes reliées à une page web) permet aux personnes qui promeuvent le numérique éthique d’expliquer des concepts, d’accompagner les usages, d’animer des discussions et de se questionner sur les critères de confiance en un outil numérique.

Illustration de David Revoy – Licence : CC-By 4.0

Émanciper par l’éducation populaire

En quelques années, Framasoft est passée de « association qui promeut le logiciel libre et sa culture » à « association d’éducation populaire aux enjeux du numérique ». Ce n’est pas anodin.

Au fil de nos expériences de dégooglisation et de décentralisation, nous avons compris qu’à nos yeux, le logiciel libre n’est pas une fin en soi : c’est un moyen (nécessaire et insuffisant) pour servir l’émancipation des humain·es qui utilisent ce logiciel. Et cela vaut pour tout outil numérique : logiciel, culturel, etc…

Nous avons pu constater, au fil de nos interventions et accompagnements, que la transmission des connaissances, des savoirs-faire et des concepts est beaucoup plus efficace lorsqu’elle advient dans une relation d’égal à égal, où chacun·e apprend de l’expérience de l’autre et sort enrichi·e de cet échange.

C’est pourquoi nous croyons que contribuer à l’émancipation numérique implique, pour nous, d’essayer d’appliquer (quand on le peut et si on y arrive) les valeurs et méthodes de l’éducation populaire.

Illustration de David Revoy – Licence : CC-By 4.0

Diffuser la culture du libre et des Communs

L’équipe de bénévoles de notre maison d’édition Framabook a publié, en mai dernier, quatre recueils de nouvelles écrits par Yann Kervran dans son univers médiéval Hexagora. Ces Qit’a (volume 1 à 4) permettent de mieux explorer ce temps des croisades que l’auteur évoque de façon si vivante. Allez sur Framabook pour vous procurer les Qit’a volume 01, volume 02, volume 03, volume 04.

C’est le quatrième volume de Grise Bouille que Framabook a publié cette année. « En quoi le profilage de code peut-il nous aider à lutter contre la fraude fiscale ? Quel est le rayon d’un atome de Savoie ? Faut-il refuser de rendre visite à des personnes qui possèdent une enceinte connectée ? La société industrielle va-t-elle bientôt s’effondrer ? » Dans ce livre, Gee répond à ces questions (et bien plus) en regroupant les BD, aquarelles et textes publiés entre juillet 2018 et septembre 2020 sur son blog grisebouille.net. L’anthologie est disponible sur Framabook.

Cette année encore, le Framablog a été très actif. Le Khryspresso, revue de web hebdomadaire concoctée par Khrys, est servi chaque lundi, et fait les joies des fidèles de ce rendez-vous informatif. Le groupe de traduction Framalang a publié de nombreuses traductions dont la série « Détruire le Capitalisme de Surveillance » de Cory Doctorow. Enfin, en décembre, nous allons dévoiler une bien belle contribution avec la lecture audio de certains articles du Framablog.

Nous avouons le plaisir de travailler de plus en plus régulièrement avec David Revoy, auteur du web comic libre Pepper & Carrot, qui produit de nombreuses illustrations pour nous. Nous avons demandé au papa de Sepia (mascotte de PeerTube) et Rȯse (mascotte de Mobilizon) de nous aider à illustrer régulièrement ce que nous faisons, comme par exemple cet article du Framablog.

Illustration de David Revoy – Licence : CC-By 4.0

Faciliter l’accompagnement au numérique éthique

C’est en février que nous avons pu publier le premier module du MOOC CHATONS : « Internet, pourquoi et comment reprendre le contrôle ? ». Co-conçu avec la Ligue de l’enseignement, ce cours en ligne et ouvert peut se pratiquer en toute autonomie pour découvrir comment s’est construit notre paysage numérique, comment il a été envahi et cloisonné par les géants du web, et quelles sont les pistes pour s’émanciper.

En mars, nous avons expérimenté un librecours pour acquérir les clés de la culture libre, et en particulier celles des licences libres. Que vous soyez créateur, prescriptrice, spectateur, étudiante, ou tout ça à la fois, ce cours permet de savoir comment exploiter un contenu culturel en ligne et diffuser les siens. Proposé par Stéphane Crozat (membre de Framasoft et prof à l’UTC), et animé par certain·es de nos membres, cette première expérience fut très enrichissante !

En juin dernier nous avons dévoilé [RÉSOLU]. C’est un projet hautement contributopique puisqu’il est le fruit du travail collaboratif de Framasoft, du Chaton Picasoft et de la Mission Libre-Éducation Nouvelle des CEMÉA. [RÉSOLU], c’est un ensemble de fiches didactiques, sous licence libre et aux formats PDF, web et papier… pour accompagner vers le Libre les organisations qui agissent pour l’Économie Sociale et Solidaire.

Réalisé en partenariat avec le collectif d’éducation populaire La Dérivation, l’annuaire des acteurs et actrices de l’accompagnement au numérique libre a été publié en septembre dernier. Même si ce n’est qu’un instantané, il permet de recenser les personnes, structures et organisations réalisant des accompagnements au numérique libre et de publier leurs coordonnées dans un annuaire pour celles qui le désirent.

Illustration de David Revoy – Licence : CC-By 4.0

Se parler, quelle que soit la distance

Avant que la pandémie n’éclate, nous avons été fidèles à notre habitude d’aller parler de nos sujets dans de nombreux événements. En début d’année, nous avons participé (entre autres) aux 100 ans de la société des Nations à Genève, aux WebAssembly days, au festival des libertés numériques, à un mini-village Alternatiba à Toulouse ou au café des sciences de Chambéry.

Les contribateliers sont des ateliers où l’on peut venir et contribuer au Libre sans écrire une seule ligne de code (sauf si on aime ça :p !). Alors qu’ils se sont multipliés début 2020 (Lyon, Tours, Toulouse, Paris, Nantes…), l’équipe qui les organise s’est adaptée à la pandémie et a proposé des Confinateliers. Grâce au logiciel libre de visio conférence BBB, deux confinateliers se sont organisés cette année, chacun permettant à près de 80 personnes de se réunir en divers salons de visio conférence pour contribuer à des projets libres.

Quant à Framasoft, nous avons continué d’intervenir, à distance, pour présenter les enjeux du numérique et les outils pour s’émanciper. Que ce soit pour partager en anglais nos expérimentations franchouillardes lors des 35 ans de la FSF, ou pour défendre la dignité du modèle associatif dans le festival en ligne EthicsByDesign, nous avons répondu à de nombreuses invitations à nous exprimer en ligne.

…et sinon, en 2020, on a aussi fait des prouts.

Traverser 2020 grâce à votre confiance

Cette année fut complexe et difficile, pour tout le monde, et en faire le bilan n’est pas un exercice aisé (à tel point qu’il nous a fallu faire deux articles, dont un expliquant nos actions durant le premier confinement).

Ce que nous avons fait cette année, si nous avons pu le réaliser en gardant l’esprit libre, c’est grâce à vous. Le soutien et la confiance que nous recevons, chaque année, sous formes de dons, de mots gentils, d’attentions et de contributions… tout cela donne un sens et une portée à nos expérimentations.

Nous vous remercions, vraiment, de nous accompagner dans ces cheminements.

C’est le moment de l’année où nous nous devons de rappeler que ces actions ont un coût, et que Framasoft est financée, quasi exclusivement, par vos dons. Avec la défiscalisation (disponible pour les contribuables français·es), un don de 100 € à Framasoft revient, après déduction, à 34 €.

Ainsi, si vous souhaitez soutenir nos actions et que vous estimez en avoir les moyens, n’hésitez pas à cliquer sur le bouton ci dessous ;).

Soutenir Framasoft




Review of Framasoft’s actions in 2020 (excluding the lockdown period)

Our actions are funded by your donations, increased by your contributions and are useful because you share them and make them your own. Therefore we wanted to take the time to make an review of our main actions carried out in 2020.

Even though the year is not over yet we can already see what our association (35 members, 10 employees) has done with the resources received.

Note:

Setting freedoms in code

In digital world, code is law: people running the code have the power and responsibility to determine what will be possible or impossible to do.

That’s why we have taken the responsibility to develop some softwares: in order to experiment other ways to open up possibilities, to offer alternative ways to organize our digital exchanges.

Coding these softwares under free licenses allows us to limit this huge power over the code (so what makes the rules on our screens) thanks to transparency mechanisms, works for opening up to the community and to the possibility of alternative governances.

Illustration by David Revoy – License: CC-by 4.0

Reinforcing Framaforms to face Google Forms

When it opened in 2016, we didn’t imagine that Framaforms, our alternative to Google Forms, would be the most used service of the De-google-ify the Internet campaign!

At this time, the challenge was to show that Free Libre Open Source Softwares (FLOSS) plugins (here Drupal and Webforms) allows non-developers to hack a respectable alternative to Google Forms in 14 working days by adding only 60 lines of code!

Since then, hundreds of thousands of people have been using this tool. We asked Théo, our intern, to improve this tool. Thanks to him, Framaforms has been upgraded to v1, a version correcting many bugs, allowing the automatic erasure of expired forms and the display of a page to contacta form creator.

Following his internship, Théo has joined our salaried team for a few months to continue his work on Framaforms. The last version, v1.0.3, enables to install Framaforms software in other languages than French and includes several tools to fight against spam.

It may be a detail for you… But if you knew how many people contact our support service to talk to forms’ creators…

Mobilizon: to manage groups and events out of Facebook

Mobilizon is our free and federated tool to free our events and groups from Facebook. Mentioned in December 2018 and financed by a fund-raising in the spring of 2019, Mobilizon has been developed throughout 2020.

Following a delay in development (due to a global pandemic), the first version of Mobilizon was released in October, with:

  • a demo instance,
  • a presentation site,
  • a complete documentation,
  • a photo novel telling a case study,
  • our public instance (for the French speaking only)
  • and Mobilizon.org: a website to guide you according to your needs and find your way among all these tools!

Since the publication of this first version, there are many contributions to Mobilizon. Among them, an Android application has been created by Tom79 and you can find it on Google’s Playstore and on Fdroid, the free app catalogue.

Many other contributions (feedbacks, issues, translations, code and assistance to the installation, etc.) allow an update (version 1.0.2) that corrects many bugs while adding the possibility to join groups in one click, to install Mobilizon via Docker and to use the software in 14 different languages.

Illustration by David Revoy – Licence: CC-by 4.0

PeerTube: on its way to live streaming in the v3

That summer, we launched a fundraising to finance PeerTube’s third version, our free and federated alternative that generalizes video broadcasting.

While France and the world were affected (and still are) by a pandemic, we have chosen to break the codes of crowdfunding by assuring that we would develop v3 announced features (whether we raise the money or not) and giving whoever the possibility to participate to the financing of the 60 000€ that the project will cost.

The bet was achieved because almost €68 000 were raised thanks to important donations of structures as Octopuce, Code Lutin or the Debian Fondation that also gives us a great recognition of PeerTube’s usefulness.

Since June, we have developed and added many features to PeerTube: videos and channels global search (available on the search field of instances and on our search engine SepiaSearch as well), several moderation tools, significant improvements for playlists and to the plugin system… the list goes on!

Live and peer-to-peer video broadcasting is encoded but still needs to be tested and refined… Because even though this live will be minimalist (no chat or reaction tools, etc.), most of the work is in the details and finishing touches. We are planning to publish a nearly-finished version (the « Release Candidate » or « RC ») in mid-December and the stable v3 in January 2021.

Illustration by David Revoy – Licence: CC-by 4.0

Decentralizing is political

Since the launch of the De-google-ify Internet campaign in 2014, Framasoft works towards to:

  • raise awareness on data centralization by monopolistic actors (GAFAM, etc.);
  • offer alternative services on its servers to show that FLOSS presents ethical and practical tools;
  • swarm, spread these tools to increase ethical service hosting options and help internet users in seeking of digital emancipation.

In 2020, we focused on the swarming part with the objective that the services offered by Framasoft wouldn’t be a default solution anymore but a first step in its digital emancipation.

Illustration by David Revoy – Licence: CC-by 4.0

 

De-google-ify while keeping services on a human scale

Maintaining more than 30 online services involves to keep track of updates of all the free-libre softwares behind these services, while each one is developed by its community at their own pace. Once again this year, we have ensured to keep the offered services up to date, with important updates for Framadrive, Framagenda, Framatalk, Framaforms, Framapiaf, Framateam and this morning Framadate.

The more our services are known, the more attractive they become for malevolent uses, including spam. The cheats’ inventiveness is limitless, they want to show their fraudulent links at all costs. For months we have dedicated ourselves (and an article of this blog) to fight against such unwanted uses.

It was estimated early 2020 that about one million people were using our services every month. That’s a lot for a small not-for-profit of 35 members including 10 employees. As explained in the article about our actions during the first French lockdown, needs for online services skyrocketed, we had to change our ways of helping users.

That’s why we completed the work on our websites and tools to exchange with each other. Our contact page, our donation page and the contextual menu on all of our websites have been completely redesigned. The aim is for you to be autonomous by giving you directly adapted answers, and to favor mutual aid on our forum.

All these issues have a common trait: the overuse of our services compared to our team size, who has decided to moderate its growth. To compensate for this, we will continue to transform some of our services into portals to the same tools but that are installed in other trusted hosts, most often members of the CHATONS collective.

De google-ify the Internet, seen by Péhä (CC-By)

 

CHATONS, the Collective of Alternative Hosters

The CHATONS collective, whose members offer ethical online services according to the values of their Manifesto and the commitments in their Charter, grows and evolves. Throughout this year, Framasoft has been spending hours to coordinate the collective. The pleasant internal dynamic proves that it pays off.

During the year, in addition to the forum exchanges, the CHATONS held a monthly audio-meeting between available members. The collective was thus better organized to welcome new members, to revise and update the charter, or to contribute to the « litter »(the wiki where the CHATONS share technical, legal and administrative information, etc.)

Let’s note that during the French lockdown, the CHATONS opened a new website that offers nine online services without registration, and hosted ethically. Icing on the cake, these services are decentralized and you have nothing to do: choose one service and the website will transfer you randomly to one of the collective members offering this tool.

Today many actions are in progress: important improvements for the chatons.org website, statistical collecting tools in order to improve what the collective members offer, and of course, the welcoming of the future collective members planned for the end of the year!

Illustration by David Revoy – Licence: CC-by 4.0 Edit: stickers of this picture are available on David Revoy’s shop

Partnerships in our archipelago

Throughout the year, we kept maintaining the links that unite us to the partners composing our archipelago while creating new relationships.

Exchanges with many organizations (ArtyFarty, Alternatiba, Le réseau Information Jeunesse (the Youth Information Network), WebAssoc, LentCiné, Exodus Privacy, Designers Ethiques, L’Institut de Recherche et d’Innovation (Institute for Research and Innovation), the Gilets Jaunes (Yellow Vests movement), etc.) on their conversion to free-libre tools show that more and more organizations wish to match their digital tools with the values they uphold. In order to show that this consistency is possible, we published 3 blogposts to document this process and we will keep doing it in 2021.

With some of these organizations, we go even further than simple exchanges and try to actively support them as much as we can in this methodology. For example, we help and support the InterHop collective approach that promotes the use of FLOSS in the health field (and especially on the French Health Data Hub). For a year, we freely provided a PeerTube server of high capacity to ImagoTV. And we work directly with Résistance à l’Agression Publicitaire (a French nonprofit fighting against aggressive advertisement) on Pytition, a software for free-libre petitions.

Moreover, driven by the Colibris movement and in partnership with AnimaCoop and Ritimo, we took part in the realization and organization of the online training course Créer un projet collectif : méthodes et outils éthiques (Create a collective project: ethical methods and tools for organizations). This online course that took place from November 2nd to December 3rd allows 55 persons to discover many free-libre collaborative tools. We have also gladly accepted to be part of a working group tht is developing content for a MOOC produced by Telecom Paris about How to contribute to FLOSS.

Finally, throughout the year, we have continued our partnership with Mélanie and Lilian who are producing the Métacartes Numérique Ethique (Ethical Digital Metacards). This physical card game (each linked to a website) helps people promote ethical digital technology by explaining concepts, encouraging new uses, presenting discussions and questioning the criteria for trust in a digital tool.

Illustration by David Revoy – Licence: CC-by 4.0

Emancipating through popular education

In a few years, Framasoft went from an « association promoting free-libre softwares and its culture » to « a popular education association on digital issues ». That’s not insignificant.

As our degooglization and decentralization experiments went by, we have figured out that FLOSS is not an end in itself. It’s a mean (necessary and insufficient) to favor software users’ emancipation. It is true for every digital content: sotfwares, cultural works, etc.

In the course of our interventions and supports, we have noticed that knowledge, know-how and concepts transmission is much more effective when it happens in equal relationships, where each learns from the experience of others and comes out enriched from this exchange.

That’s why we believe that contributing to digital emancipation means trying to apply (when you can, and if you succeed) popular education values and methods.

Illustration by David Revoy – Licence: CC-by 4.0

Spreading FLOSS and Commons’ culture

Last May, the volunteers of our publishing house, Framabook, published four short story collections written by Yann Kervran in his medieval universe, Hexagora. His Qit’a (volume 1 to 4) let us explore the time of the Crusades that the author evoke so vividly. Go to Framabook to download the first, second, third and fourth volume of the Qit’a (in French).

This year, Framabook published the fourth volume of Grise Bouille. « How code profiling can help us fight against tax evasion? Should we refuse to visit people owning a smart speaker? Is the industrial society about to collapse? » In this book, Gee answers these questions (and much more) by gathering the comic books, watercolors and texts published between July 2018 and September 2020 on his grisebouille.net blog. The anthology is available on Framabook (French).

This year again, the Framablog has been really active. The weekly web review Khryspresso is released by Khrys every Monday and is the joy of every follower of this informative rendezvous. Framalang translation group published many translations including the collection « Détruire le Capitalisme de Surveillance » by Cory Doctorow. Finally, in December we are going to reveal a great contribution with the audio reading of some Framablog articles.

We had the pleasure to work more often with David Revoy, the author of Pepeer & Carrot, the free-libre open source webcomic, who draws a lot of illustrations for us. We asked the father of Sepia (PeerTube mascot) and Rose (Mobilizon mascot) to regularly help us illustrate what we do, such as this Framablog article.

Illustration by David Revoy – Licence: CC-by 4.0

 

Sharing how to adopt ethical digital tools

In February, we published (in French) the first MOOC CHATONS module: « Internet: why and how to take back control? ». Co-conceived with the French organization La Ligue de l’enseignement, this online and open course can be followed in autonomy to discover how our digital landscape was built, invaded and walled by tech giants, and learn the ways to emancipate.

In March, we experimented a « librecours » to acquire the keys to FLOSS culture, especially those of free license. Whether you are a creator, a prescriber, a spectator, a student or all of the above, this course teaches you how to use online cultural content and spread your own. This first experience was lead by Stéphane Crozat (a Framasoft member and a teacher at UTC) and organized by some of our members. And it was very rewarding!

Last June, we revealed [RESOLU] (a guide to accompany organizations towards the adoption of free alternative solutions). It’s a highly contributopic project since it’s the result of the collaborative work of Framasoft, the « chaton » Picasoft and the « Mission Libre-Education Nouvelle des CEMEA ». [RESOLU] is a set of didactic sheets, under free-libre license and in PDF, web and paper format… to accompany towards FLOSS use organizations that act for the Social Solidarity Economy.

Created in partnership with the popular education collective La Dérivation, we published in September a directory of French actors of free digital accompanying. Even though it’s just a snapshot, it draws up an inventory of people, structures and organizations providing free digital accompanying with their contact details.

Illustration by David Revoy – Licence: CC-by 4.0

Talking to each other despite distance

Before the pandemic, we were faithful to our habit of speaking out in many events. At the beginning of the year, we participated (for example) to the hundredth anniversary of the League of Nations in Geneva, to the WebAssembly days, to the Digital Freedoms Festival, to an Alternatiba mini-village in Toulouse and to the Café des sciences of Chambéry.

The « contribateliers » are workshops where people can contribute to FLOSS without writing a single line of code (except if you like it!). While the contribateliers events spread in early 2020 (Lyon, Tours, Toulouse, Paris, Nantes…), their creators adapted themselves to the pandemic and offered « confinateliers », the online version of the « contribateliers ». Thanks to BBB, the free video conference software, two confinateliers took place this year, each gathering around 80 people in various video chatrooms to contribute to free-libre projects.

Framasoft kept intervening, remotely, to present digital issues and tools to get emancipated. Whether it’s to share in English our typically French experiments during the 35th anniversary of the FSF (Free Software Foundation), or to defend the dignity of the associative model during the online festival EthicsByDesign, we responded to many invitations to express ourselves online.

Free software activism successes in France with Pouhiou and Eda Nano – FSF 35th birthday

… by the way in 2020 we also farted.

 

Going through 2020 thanks to your trust

This year was complicated and difficult for everyone and it’s not easy to review it (to the extent where two articles were needed, including one explaining our actions during the first lockdown (French)).

If we were able to keep a free mind while doing what we did this year, it’s thanks to you. The support and trust we receive every year in donations, kind words, sympathy and contributions… all give meaning and significance to our experiments.

We truly thank you for accompanying us in this developments.

It’s the time of the year where we have to remind you that these actions have a cost and that Framasoft is almost exclusively funded by your donations. With tax relief (available for french taxpayers) a €100 donation to Framasoft represents €34 after deduction.

Thus, if you wish to support our actions and think you can afford it, don’t hesitate to click on the button below 😉

Support Framasoft




Pour un monde avec un million de Netflix

À l’occasion du #DayAgainstDRM, attardons-nous sur un des géants du web.

Cette multinationale dont l’initiale n’est pas dans GAFAM a eu un rôle déterminant pour imposer des verrous numériques (les DRM) dans nos appareils, nos logiciels et jusque dans ce qui fait le web.

À noter : cet article bénéficie désormais d’une version audio.
Merci à Sualtam, auteur de lectureaudio.fr pour cette contribution active.

Il est temps qu’on parle de Netflix.

Pour en savoir plus sur le #DayAgainstDRM.

 

Le péché originel : le droit d’auteur

La convention de Berne, initialement signée en 1886 par moins d’une dizaine d’états de la zone européenne, implique aujourd’hui 179 membres. Lire cette convention permet de reprendre la mesure des interdits qu’elle pose. Elle stipule notamment que le droit de communiquer au public la représentation d’une œuvre est soumise à l’autorisation de son auteur. C’est ce que l’on appelle le droit patrimonial : « l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous » (article L111-1 du code de la propriété intellectuelle français).

mimiandeunice.com — ♡ Copying is an act of love. Please copy & share.

En France le droit patrimonial s’installe dans la loi en 1791, juste après la révolution, il est alors octroyé pour une durée couvrant la durée de la vie de l’auteur plus cinq ans. Petit à petit cette durée a été augmentée pour atteindre aujourd’hui 70 ans après la mort de l’auteur. Certaines exceptions font que c’est parfois un peu plus (je vous le mets quand même ?), parfois moins, notamment dans le cas des œuvres collectives (où ce n’est « que » 70 ans après la publication de l’œuvre). Dans d’autres pays c’est également parfois plus, parfois moins (c’est « seulement » 50 ans après la mort de l’auteur au Canada). On peut retenir qu’une œuvre publiée en 2020 ne pourra pas être reproduite sans autorisation de l’auteur au moins jusqu’en 2070, souvent 2090. Au XXIIe siècle quoi. C’est dans longtemps.

Oui, on sait, il faut bien que les industries culturelles vivent, que les auteurs soient rémunérés, etc. On aurait des choses à dire, mais ce n’est pas le sujet… Quand même, il faut garder en tête que ces lois ont été envisagées d’un point de vue industriel, de façon à garantir un retour sur investissement à des sociétés qui mobilisaient des moyens techniques lourds et onéreux. L’habillage sous terme de « droit d’auteur » n’est qu’une apparence sémantique : ce qui importe, c’est de sécuriser la filière de captation industrielle de la valeur.

En résumé, les créations ne sont pas librement exploitables en général et on parle d’ayant-droits pour désigner les personnes qui ont le contrôle d’une œuvre.

Le droit d’auteur, allégorie.

La gestion des droits numériques aka le DRM

La copie étant devenue plus facile — mais pas plus légale — avec les facilités ouvertes par la numérisation des œuvres, puis les facilités de circulation prolongées par Internet puis le Web, les ayants droit ont cherché des moyens de lutter contre ce qui profitait à presque tout le monde. Sauf eux donc. Notons qu’un ayant droit n’est en général pas un auteur. Celui-ci a généralement cédé ses droits patrimoniaux à l’ayant droit qui les exploite et lui reverse une partie des bénéfices. La répartition occasionne d’ailleurs régulièrement des négociations et souvent des conflits, comme lors de la grève des scénaristes américains, fortement syndiqués, qui bloqua une partie de la production audiovisuelle états-unienne en 2007-2008.

Les ayants droits, qui ont donc des droits à faire valoir même quand ils n’ont en rien contribué à l’œuvre — c’est le cas des héritiers des écrivains par exemple — ont déployé de nombreuses stratégies pour défendre leurs droits. Dont les DRM. Un DRM c’est un programme informatique dont l’objectif est de faire dysfonctionner la lecture d’un fichier dans le cas général. C’est un buggeur. Informatiquement c’est assez étonnant comme pratique, ça consiste à faire en sorte que les programmes fonctionnent moins bien. Donc si vous avez un contenu sous DRM, vous devez disposer du moyen technique (un logiciel non libre le plus souvent) fourni par celui qui gère l’accès au contenu pour le lire.

Brendan Mruk and Matt Lee — CC BY-SA

On pourrait aussi parler des nombreuses occasions où les DRM empêchent les programmes de fonctionner même dans le cas où a été légitimement acquis le contenu — parce que quand vous vous amusez à faire exprès de faire dysfonctionner des programmes, eh bien c’est plus facile que de les faire de nouveau fonctionner après — mais ce n’est pas non plus le sujet. On pourrait aussi expliquer que les DRM n’empêchent pas ceux qui veulent vraiment accéder aux contenus de le faire tout de même et donc qu’ils ont surtout comme conséquence de compliquer la vie de tout le monde sans rien résoudre en réalité. Mais ce n’est toujours pas notre sujet. Gardez néanmoins en tête que le vendeur peut ainsi effacer un de vos livres, même d’Orwell, avec toutes vos notes, voire votre bibliothèque complète car il ne trouve pas cette activité assez rentable.

En résumé il est illégal de diffuser le contenu de quelqu’un sans son accord et il existe des techniques pour compliquer la vie de ceux qui voudraient le faire quand même.

Quand les fabricants du Web ont laissé entrer les DRM

Le web n’a pas échappé aux DRM. Cela s’appelle les EME (Encrypted Media Extension). Il y a eu des oppositions, la FSF, l’Electronic Frontier Foundation, les associations militantes du libre. Et il y a eu aussi des acteurs, dont le W3C et Mozilla qui ont cédé devant la puissance des industriels souhaitant exploiter le droit d’auteur et devant les pratiques déjà en place. Ce fut certainement le processus de standardisation du web le plus controversé, et ce sont les promoteurs des DRM qui ont gagné.

https://www.w3.org/TR/encrypted-media

Et aujourd’hui cela verrouille le web.

Le composant de gestion des DRM dans le navigateur n’est pas libre. Mozilla Firefox, ainsi que la majorité des autres navigateurs non libres utilisent Widevine de Google. Il est très difficile techniquement et totalement interdit légalement de chercher à en connaître les codes sources. Il est donc illégal de connaître le fonctionnement de l’un des outils que l’on utilise le plus au quotidien. Oui, même si c’est Firefox.

De plus le mécanisme DRM rend la construction de nouveaux navigateurs plus compliquée, voire même impossible selon Cory Doctorow. En fait il reste possible de fabriquer un nouveau navigateur mais il ne pourra pas lire les contenus sous DRM. Parce qu’un éventuel système DRM alternatif, c’est compliqué à faire, et que ça n’aurait de toutes façons pas la confiance des ayants droit. Et puis parce que Google, l’acteur dominant sur ce terrain (oui, sur ce terrain-là aussi) n’acceptera pas de licencier un lecteur Widevine libre.

Notez bien, même si vous avez bien acquis le droit d’accéder à ces contenus, que vous avez tout bien payé, vous ne pourrez pas les lire. Un tel navigateur libre a donc peu de chance de survivre, en dehors du cercle militant (c’est par exemple le cas du Tor Browser construit sur la base de Mozilla Firefox mais n’intégrant pas le composant propriétaire Widevine).

En résumé, il est aujourd’hui impossible de diffuser de la vidéo, et des médias en général, sous droit d’auteur sur le Web sans un accord avec un géant du numérique.

L’émergence du continent Netflix

Mettre en place un serveur d’accès libre à des fichiers ne coûte pas grand chose. En 2020, c’est vrai même pour des vidéos. Avec une machine solide qui coûtera quelques centaines d’euros par mois à amortir (accès Internet, disques, énergie, etc…), on peut diffuser quelques milliers de films à quelques milliers d’utilisateurs (peut être pas de la 4K en streaming à toute heure, mais ce serait tout de même une offre suffisante pour de nombreux utilisateurs relativement modestes dans leurs usages). Donc en théorie de nombreuses sociétés commerciales devraient être en mesure d’offrir un tel service. On devrait être en situation de concurrence forte.

Mais ce n’est pas ce que l’on observe. On observe une domination oligarchique avec Netflix qui confisque environ la moitié du marché en Europe et une vingtaine d’acteurs au dessus de 5% de parts de marché.

Netflix et les DRM, par la FSF.

Pourquoi est-on dans cette situation ? Parce que la mise en place du service implique surtout d’acheter des droits. Et qu’il faut ensuite une infrastructure technique solide pour gérer les données, les chiffrer, les diffuser à ceux qui ont acquis le privilège d’y accéder et pas aux autres, etc. Sinon on risque d’être poursuivi en justice par les ayants droits.

Donc il faut des moyens. Beaucoup de moyens.

En résumé, c’est à cause de l’état du droit international qu’il est coûteux de diffuser la culture par des voies légales. Et c’est parce que c’est coûteux que l’on assiste à l’émergence de cet acteur proto-monopolistique qu’est Netflix.

Plus, c’est mieux

À noter que le monopole est une stratégie de développement industriel à part entière6, consciemment appliquée. Il signifie donc être et rester seul tout en haut. Cela implique une guerre commerciale permanente avec d’éventuels concurrents (guerre alimentée par la puissance financière des actionnaires).

Or le monopole pose problème. Il permet, une fois établi, des pratiques commerciales inégales, c’est donc un problème pour les consommateurs qui deviennent dépendants d’un système, sans alternative. C’est même pour ça qu’il est combattu depuis très longtemps7, même dans des zones où l’économie de marché n’est pas discutée8.

L’Oncle Sam peint par James Montgomery Flagg pendant la Première Guerre mondiale — Wikipédia, Public Domain

Mais, notamment quand il touche à la culture, le monopole pose d’autres problèmes, que d’aucuns considéreront comme plus importants.

Il engendre la concentration de la distribution. Qu’un diffuseur choisisse ce qu’il veut diffuser est légitime. C’est son business. Son catalogue c’est son business, s’il ne veut pas gérer de vieux films lents en noir et blanc, c’est son droit. S’il ne veut pas de film chinois ou français, il fait bien ce qu’il veut sur ses serveurs. S’il veut entraîner des IA à pousser des utilisateurs à regarder tout le temps les mêmes genres de trucs, c’est son problème (bon, et un peu celui des utilisateurs si c’est fait à leur insu, mais disons qu’ils donnent leur consentement, même moyennement éclairé, à un moteur de recommandation, donc qu’ils ne sont pas totalement innocents).

Mais dès lors qu’il n’y a plus qu’un seul diffuseur, c’est différent, car il décide alors de ce qui est diffusé. Tout court. Il acquiert le pouvoir de faire disparaître des pans entier de la culture. Et de décider de ce que sera celle de demain.

En résumé, la recherche du monopole est une stratégie économique des géants du web ; appliquée aux domaines culturels, elle engendre un contrôle de la culture.

Le pouvoir de fabriquer la culture

Mais ça ne s’arrête pas là. L’acteur monopolistique devient riche, très riche. Si c’est un vendeur de livres, il se met à commercialiser d’autres trucs rentables (comme des médicaments). Si c’est un diffuseur de films et de séries, il se met aussi à produire des films et des séries. C’est lui qui paye les acteurs, les scénaristes et qui choisit ce qu’il va diffuser. Il rachètera ou créera ensuite des écoles du cinéma qui expliqueront comment faire les choses comme il pense qu’il faut les faire. Il conçoit ses propres appareils pour imposer son format exclusif non-standard, en ne permettant pas la lecture d’autres formats, ouverts.

Bref il se déploie. Il acquiert le pouvoir de faire la culture. Il devient la culture. Mais ce n’est pas un être humain, un artiste, un poète, c’est un système industriel qui a pour but de grossir pour générer des profits financiers. Il va donc fourbir ses outils pour servir ces buts. Des recettes de storytelling sont définies, puis usées jusqu’à la trame tant qu’un retour sur investissement suffisant est réalisé. Un marketing de plus en plus précis va tenter de définir des communautés, des profils, à servir selon des algorithmes toujours plus précis, nourris d’informations collectées de façon pantagruélique. L’expérience utilisateur sera étudiée, affinée, optimisée afin de contraindre l’usager par des moyens détournés à demeurer dans l’écosystème contrôlé par l’industrie. Ses concurrents vont s’efforcer de le dépasser en y consacrant plus de moyens techniques et financiers, en appliquant le même genre de recettes, pour servir les mêmes objectifs.

Un démocrate, une pièce de Julie Timmerman et un dossier : Edward Bernays, petit prince de la propagande (C&F Éditions https://cfeditions.com/bernays)

Le but est désormais de s’arroger le plus de temps de cerveau disponible que possible.

C’est là que réside le véritable souci : la place hégémonique de ce modèle économique fait qu’il définit nos horizons d’une façon mondialisée uniforme. En cherchant à capter notre attention, cela définit nos protentions, notre attente de l’avenir d’une façon univoque. Il assèche notre écosystème symbolique des possibles. Il limite nos portes de sortie. Il renforce sa propre vision du monde. Le modèle dominant issu d’une société anglo-saxonne capitaliste, avec ses présupposés et ses valeurs, finit ainsi par être essentialisé.

En résumé, plus petit est le nombre d’acteurs qui font la culture et plus restreinte est cette culture, qui tend à l’uniforme.

Un monde sans Netflix ? Non, un monde avec un million de Netflix !

Est-il possible de faire autrement ? Is there an alternative ? Oui et non. On peut imaginer.

Dimitri Damasceno — CC BY-SA https://www.flickr.com/photos/dimidam/12380371

On peut imaginer le soutien par chaque état de sa propre industrie numérique de façon à disposer de, disons 100 Netflix, deux ou trois par pays qui aurait l’envie et les moyens9.

On pourrait aussi imaginer de réduire les contraintes législatives et techniques liées au droit d’auteur. On arriverait peut-être à 1000 Netflix en réduisant ainsi le coût d’entrée juridique. On garderait des interdits (la reproduction massive), des embargos (6 mois, 1 an, 3 ans, mais pas 70 ans), etc. On resterait globalement dans le cadre actuel, mais selon une équation plus équilibrée entre ayants droits et utilisateurs.

Et puis allons plus loin, imaginons un monde où la culture serait sous licences libres. Chacun pourrait librement créer une activité basée sur l’exploitation des œuvres. On ouvrirait un site de diffusion de musique ou de séries comme on ouvre un commerce de proximité ou un chaton. Ça ferait sûrement un million de Netflix. Un archipel de Netflix où chaque îlot aurait sa vision, avec des archipels qui ne pourraient pas se voir. Mais on s’en foutrait, s’il y avait un million de Netflix, il y en aurait bien un qui nous correspondrait (même si on est d’un naturel exigeant).

On peut donc imaginer. Mais on peut aussi commencer dès aujourd’hui à mettre les voiles.

Les auteurs peuvent déposer leurs œuvres sous licence libre, pour préparer le monde de demain. Ils peuvent le faire quelques mois, voire années, après une exploitation commerciale classique. Ça permettra à d’autres d’en vivre. À la culture de se diffuser. Et même ça les aidera peut-être en tant que créateurs et créatrices, à faire émerger d’autres modèles de financement de la culture, moins mortifères que ceux qui existent actuellement pour les créateurs et créatrices10.

Les utilisateurs de culture peuvent agir via leurs usages, c’est à dire avec leurs porte-monnaie comme le propose la FSF :

 

Cancel your subscription to Netflix, and tell them why. https://defectivebydesign.org/cancelnetflix.

Il est également possible de soutenir directement des créateurs et créatrices qui tentent de sortir de ces ornières, en proposant leur travail sous licences libres.

Les citoyens peuvent jouer de leur influence en interpellant les détenteurs du pouvoir politique, ou en soutenant les acteurs associatifs qui militent contre les DRM, comme la FSF ou La Quadrature Du Net.

En résumé ? Coupez votre abonnement Netflix et envoyez les sous à une asso, un·e artiste de votre choix, qui milite pour un truc chouette ou qui simplement produit des contenus à votre goût. Même si c’est juste pour un mois ou deux, histoire de voir comment ça fait…