Nous y sommes, par Fred Vargas

Joiseyshowaa - CC by-saJe suis un heureux lecteur de Fred Vargas (m’est avis d’ailleurs qu’il doit se cacher quelques Jean-Baptiste Adamsberg dans la communauté du logiciel libre).

Elle a soutenu la liste Europe Écologie aux élections européennes de juin dernier, en signant sur le site de campagne un article que vous n’avez peut-être pas lu et que je souhaitais vous faire partager (à la manière de ces autres publications « hors sujet » du Framablog).

Origine de l’auteur oblige, on est plus ici dans la littérature que dans le politique. Mais sentez-vous vous aussi l’imminence et la nécessité de cette « Troisième Révolution » ? Et si oui, le mouvement du logiciel libre a-t-il quelque chose à y apporter ?

Dans la mesure où le site de campagne tout entier est placé sous licence Creative Commons By-Sa, on peut en déduire que l’article l’est également[1].

Nous y sommes

URL d’origine du document

Fred Vargas – 7 novembre 2008 – EuropeEcologie.fr

Nous y voilà, nous y sommes.

Depuis cinquante ans que cette tourmente menace dans les hauts-fourneaux de l’incurie de l’humanité, nous y sommes. Dans le mur, au bord du gouffre, comme seul l’homme sait le faire avec brio, qui ne perçoit la réalité que lorsqu’elle lui fait mal.

Telle notre bonne vieille cigale à qui nous prêtons nos qualités d’insouciance. Nous avons chanté, dansé. Quand je dis « nous », entendons un quart de l’humanité tandis que le reste était à la peine.

Nous avons construit la vie meilleure, nous avons jeté nos pesticides à l’eau, nos fumées dans l’air, nous avons conduit trois voitures, nous avons vidé les mines, nous avons mangé des fraises du bout monde, nous avons voyagé en tous sens, nous avons éclairé les nuits, nous avons chaussé des tennis qui clignotent quand on marche, nous avons grossi, nous avons mouillé le désert, acidifié la pluie, créé des clones, franchement on peut dire qu’on s’est bien amusés.

On a réussi des trucs carrément épatants, très difficiles, comme faire fondre la banquise, glisser des bestioles génétiquement modifiées sous la terre, déplacer le Gulf Stream, détruire un tiers des espèces vivantes, faire péter l’atome, enfoncer des déchets radioactifs dans le sol, ni vu ni connu. Franchement on s’est marrés. Franchement on a bien profité. Et on aimerait bien continuer, tant il va de soi qu’il est plus rigolo de sauter dans un avion avec des tennis lumineuses que de biner des pommes de terre. Certes.

Mais nous y sommes.

A la Troisième Révolution. Qui a ceci de très différent des deux premières (la Révolution néolithique et la Révolution industrielle, pour mémoire) qu’on ne l’a pas choisie.

« On est obligés de la faire, la Troisième Révolution ? » demanderont quelques esprits réticents et chagrins.

Oui. On n’a pas le choix, elle a déjà commencé, elle ne nous a pas demandé notre avis. C’est la mère Nature qui l’a décidé, après nous avoir aimablement laissés jouer avec elle depuis des décennies. La mère Nature, épuisée, souillée, exsangue, nous ferme les robinets. De pétrole, de gaz, d’uranium, d’air, d’eau.

Son ultimatum est clair et sans pitié : Sauvez-moi, ou crevez avec moi (à l’exception des fourmis et des araignées qui nous survivront, car très résistantes, et d’ailleurs peu portées sur la danse).

Sauvez-moi, ou crevez avec moi. Evidemment, dit comme ça, on comprend qu’on n’a pas le choix, on s’exécute illico et, même, si on a le temps, on s’excuse, affolés et honteux. D’aucuns, un brin rêveurs, tentent d’obtenir un délai, de s’amuser encore avec la croissance.

Peine perdue. Il y a du boulot, plus que l’humanité n’en eut jamais. Nettoyer le ciel, laver l’eau, décrasser la terre, abandonner sa voiture, figer le nucléaire, ramasser les ours blancs, éteindre en partant, veiller à la paix, contenir l’avidité, trouver des fraises à côté de chez soi, ne pas sortir la nuit pour les cueillir toutes, en laisser au voisin, relancer la marine à voile, laisser le charbon là où il est –attention, ne nous laissons pas tenter, laissons ce charbon tranquille- récupérer le crottin, pisser dans les champs (pour le phosphore, on n’en a plus, on a tout pris dans les mines, on s’est quand même bien marrés).

S’efforcer. Réfléchir, même. Et, sans vouloir offenser avec un terme tombé en désuétude, être solidaire.

Avec le voisin, avec l’Europe, avec le monde.

Colossal programme que celui de la Troisième Révolution. Pas d’échappatoire, allons-y. Encore qu’il faut noter que récupérer du crottin, et tous ceux qui l’ont fait le savent, est une activité foncièrement satisfaisante. Qui n’empêche en rien de danser le soir venu, ce n’est pas incompatible. A condition que la paix soit là, à condition que nous contenions le retour de la barbarie, une autre des grandes spécialités de l’homme, sa plus aboutie peut-être.

A ce prix, nous réussirons la Troisième révolution. A ce prix nous danserons, autrement sans doute, mais nous danserons encore.

Notes

[1] Crédit photo : Joiseyshowaa (Creative Commons By-Sa)




Entretien avec Richard Stallman

Mlinksva - CC byCertains pensent que Richard Stallman a déjà tout dit et qu’il ne fait que répéter (voire ânonner) inlassablement le même discours aux quatre coins de la planète.

Ce n’est pas forcément vrai. Surtout quand l’exercice est un entretien et que celle qui pose les questions oriente habilement la conversation, en particulier sur l’activisme et les conditions de sa réussite.

Et pour vous en donner un avant-goût voici sa réponse à la question de son plus grand échec : « Le plus grand échec du mouvement des logiciels libres est ironique : notre logiciel libre et devenu si attirant pour les geeks que l’usage et le développement de logiciels libres se sont beaucoup plus répandus que l’appréciation de la liberté sur laquelle le mouvement se fonde. Le résultat est que nos points de vue en sont venus à être considérés comme excentriques dans la communauté que nous avons construite. »

Une traduction Framalang, avec l’aimable autorisation d’Hillary Rettig[1].

Interview de Richard Stallman

Interview with Richard Stallman

Hillary Rettig – 9 février 2009 – LifeLongActivist.com
(Traduction Framalang : Yonnel et Goofy)

Mon ami Richard Stallman est le fondateur du mouvement du logiciel libre. Ses idées sont à l’origine non seulement du système d’exploitation GNU/Linux, mais aussi de Wikipédia, Creative Commons, de la campagne anti-DRM Defective by Design et d’autres mouvements sociaux importants. Il est lauréat du prix MacArthur, et peut-être l’activiste le plus couronné de succès. Je suis honorée d’avoir pu l’interviewer.

Hillary Rettig : Qu’est-ce que le logiciel libre ?

Richard Stallman : Le logiciel libre, cela implique que l’utilisateur dispose de quatre libertés essentielles :

  • 0. La liberté d’exécuter le programme comme bon vous semble.
  • 1. La liberté d’étudier le code source du programme, puis de le modifier pour que le programme fasse ce que vous voulez.
  • 2. La liberté de distribuer aux autres des copies identiques du programme. (On appelle aussi cela la liberté d’aider son voisin.)
  • 3. La liberté de distribuer des copies de vos versions modifiées. (On appelle aussi cela la liberté de contribuer à votre communauté.)

Vous travaillez pour la cause du logiciel libre depuis plus de 20 ans. Comment gardez-vous le cap, comment restez-vous « attaché » à votre travail, avec le même sentiment d’urgence ?

J’utilise moi-même des ordinateurs, donc je serai moi-même un de ceux qui perdront leur liberté si le logiciel libre ne s’impose pas. J’ai donc toute la motivation nécessaire pour poursuivre la lutte.

Est-ce que vous ressentez souvent de la peur ou du découragement ? Comment gérez-vous ces sentiments ?

Je suis pessimiste de nature, donc il m’est facile d’imaginer la défaite, surtout étant donné la taille des entreprises contre lesquelles nous nous battons, et leur gouvernement lèche-bottes à Washington. Mais il n’en faut pas autant pour me mener au désespoir. Si je fais quelques tentatives pour corriger un bogue et qu’elles n’aboutissent pas, la frustration peut monter au point que je crie d’angoisse. Mais ce sentiment ne dure que quelques minutes, et ensuite je me remets au travail.

Quant à la peur, ma principale peur est la défaite de la liberté. Le meilleur moyen de l’éviter est de continuer, ce que je fais.

Pourquoi est-ce si important de travailler dans une équipe ou une communauté avec un but commun, et qu’est-ce que vous considérez comme une équipe/communauté efficace ou inefficace ?

La communauté du logiciel libre est très décentralisée – chaque programme a sa propre équipe de support. Il reste beaucoup de place. Si deux personnes ne s’entendent pas, elles n’ont pas besoin de travailler ensemble, elles peuvent travailler séparément. Cela n’élimine pas le problème des conflits de personnalité et des comportements insultants, mais au pire cela ne peut créer que du retard.

Quelles sont vos habitudes de travail, votre emploi du temps, et pourquoi ces habitudes et cet emploi du temps ont-ils évolué ?

Je n’ai pas ou ne veux pas de journée structurée. Quand je me lève, d’habitude je commence à répondre à mes messages. Quand je sens que j’ai besoin d’une pause, je la prends – je peux lire, rêver, écouter de la musique ou manger. Après un moment, je me remets au travail. Je ne suis pas un emploi du temps, sauf pour les voyages et les réunions. Mais quand même, en ce moment, cela représente une bonne partie de mon emploi du temps, ce qui d’une certaine façon est agaçant.

L’époque où j’étais le plus productif, c’était quand je programmais, en 1982. J’avais très peu de rendez-vous, donc je n’avais pas besoin de gérer un emploi du temps sur 24 heures. Quand j’étais fatigué, j’allais dormir. Quand je me levais, je recommençais à travailler. Quand j’avais faim, je mangeais. Aucun emploi du temps ! Cela me permettait d’être très productif, parce que quand je ne dormais pas, j’étais complètement éveillé.

Avez-vous déjà pris un congé sabbatique ou interrompu votre tâche d’activiste ? Pourquoi, ou pourquoi pas ? Si oui, quels bienfaits en avez-vous retiré ?

Dans les années 80, quand le mouvement était nouveau et que mon travail en son sein consistait principalement à développer des logiciels, je n’ai jamais pensé à vouloir me mettre en pause bien longtemps. À présent, comme mon travail est principalement de correspondre avec des personnes, je ne peux plus le faire. Les courriers s’accumuleraient horriblement si je ne les traitais pas jour après jour.

Comment jugez-vous votre efficacité à changer les choses ?

Je ne peux pas être impartial dans l’estimation de mes propres capacités, donc je ne puis répondre à cette question. Ce qui est clair, c’est qu’au moins nous avons mis la première pierre à l’utilisation libre d’ordinateurs, mais nous sommes encore loin de notre objectif : que tous les utilisateurs de logiciels soient libres. Mais au moins le mouvement des logiciels libres continue à grandir.

Que considéreriez-vous comme vos réussites les plus significatives en tant qu’activiste ?

Nous avons développé des systèmes d’exploitation libres, des environnements graphiques libres, des applications libres, des lecteurs média libres, des jeux libres – des milliers. Certaines régions ont adopté GNU/Linux dans leurs écoles publiques. Maintenant il nous faut convaincre le reste du monde d’en faire de même.

Que considéreriez-vous comme vos échecs les plus significatifs, ou dans quels domaines auriez-vous souhaité faire plus de progrès ?

Le plus grand échec du mouvement des logiciels libres est ironique : notre logiciel libre et devenu si attirant pour les geeks que l’usage et le développement de logiciels libres se sont beaucoup plus répandus que l’appréciation de la liberté sur laquelle le mouvement se fonde. Le résultat est que nos points de vue en sont venus à être considérés comme excentriques dans la communauté que nous avons construite.

Dans quelle mesure c’est un échec personnel, je ne le sais pas. Je ne sais pas si j’aurais pu éviter cela en agissant différemment.

Quels avantages naturels (cognitifs, émotionnels, dans votre style de vie, etc.) pensez-vous voir en tant qu’activiste ?

Mes plus gros avantages, autres que ma capacité naturelle en tant que programmeur, sont la persévérance et la détermination, ainsi qu’un sens du défi plein d’insolence et de moquerie qui me permet de faire des choses qui ne sont vraiment pas difficiles, mais devant lesquelles d’autres se déroberaient peut-être.

La plupart des gens semblent supposer que si on vous éloigne de la victoire alors on abandonne. Cela n’a aucun sens pour moi. Quel intérêt pourrait-il bien y avoir à laisser tomber ? Rien de ce que je peux imaginer réussir dans le monde n’est plus important que la défense des droits de l’homme. Tant que mes chances de victoire sont plus grandes si j’essaie que si j’abandonne, il serait absurde de laisser tomber.

Un autre avantage semblerait être que vous faites preuve d’une énorme résistance face aux critiques ou même aux railleries. On s’est moqué de vous pendant des années à propos de points de vue qui sont maintenant considérés comme valides et même majoritaires. Peu de gens savent s’accommoder de ce genre de critiques ou de railleries intenses. Est-ce que cela vous a été difficile, et si vous avez un mécanisme pour vous en accommoder, quel était-il ?

Tout ce que ces railleries disent vraiment, c’est « nous sommes plus gros que vous, nananère ! » Le but est d’intimider les insoumis, et le moyen de contrecarrer ceci est de refuser de se laisser intimider.

Parfois tous les insoumis sont intimidés, sauf un. Cela m’est arrivé plus d’une fois. C’était décourageant jusqu’à ce que j’ai appris à me souvenir que d’autres sont probablement du même avis, même s’ils ne le disent pas tout haut, donc dans les faits je suis leur porte-parole. Je me rends aussi compte que beaucoup d’autres, qui sont indécis, écoutent probablement en pesant les arguments. Rien qu’en restant sur ma position, en restant calme, et en réfutant les arguments des adversaires sans rancœur, je peux en rallier quelques-uns. Bien sûr, il est plus simple de rester calme par e-mail qu’en tête-à-tête, j’essaie donc d’avoir ces débats par e-mail. Une liste de diffusion est aussi susceptible de toucher un plus grand nombre d’indécis que je pourrais peut-être rallier.

Par contraste, dans une discussion en privé j’ai appris à ne pas perdre de temps à écouter les railleries. À la place, je fais quelque chose de plus utile, ce qui est d’habitude également plus agréable.

Quels défauts naturels avez-vous dû compenser ou vaincre ?

Mon principal défaut est une tendance à perdre mon sang-froid. Mais j’ai trouvé un moyen de contrôler cela la plupart du temps : je relis et je réécris mes e-mails avant de les envoyer.

Beaucoup d’activistes ont du mal à décider quels projets ou tâches entreprendre. Beaucoup font le mauvais choix, perdent du temps et compromettent leur efficacité. Comment décidez-vous des projets ou tâches à entreprendre ?

J’ai essayé de me demander à quels problèmes était confrontée la communauté, et ce que je pouvais faire pour changer la situation.

Quelles autres erreurs voyez-vous des activistes faire qui compromettent leur efficacité ?

Je trouve que de nombreux techos qui veulent soutenir le mouvement ne pensent qu’en termes de ce qu’ils peuvent faire seuls dans leur coin. Il ne leur vient pas à l’esprit de chercher des alliés pour agir avec plus de force.

Cependant, d’autres qui se trouvent apprécier les idées du mouvement du logiciel libre sont découragés par la taille de la tâche qui pourrait demander des années de travail, et abandonnent avant la première étape. Ils perçoivent une telle tâche comme impossible à surmonter, sans prendre en compte que nous avons déjà surmonté des tâches bien plus dures.

Quels sacrifices personnels avez-vous fait pour votre activisme ? En regardant en arrière, comment est-ce que vous les percevez ?

Je travaille dur, mais je n’appellerais pas cela un sacrifice. Comment pouvez-vous réussir quelque chose d’important sans travail ? La plupart des gens travaillent dur pour des choses qui n’en valent pas vraiment la peine.

Je me passe de certaines choses que l’on apprend à désirer à la plupart des Américains : je n’ai jamais eu une maison, une voiture ou des enfants. Mais je ne le regrette pas. Si vous avez ces choses, elles font de votre vie un combat désespéré pour pouvoir vous les payer. Souvent les hommes divorcent, après quoi c’est à peine s’ils arrivent à voir les enfants pour la subsistance desquels ils doivent se démener toute leur vie.

Quel gâchis de se battre toute sa vie pour pouvoir se continuer à se battre. C’est en rejetant ces lourds fardeaux que j’ai pu combattre pour quelque chose qui vaut ce combat.

Quels bénéfices personnels avez-vous tiré de votre activisme ?

Je passe le plus clair de mon temps à voyager là où l’on m’a invité à donner des conférences. Par certains aspects, c’est très agréable – je vois beaucoup de pays, je visite des endroits beaux et intéressants, j’essaie de nombreuses nourritures, j’écoute de nombreux styles de musique, et je me fais des amis. Il y a aussi des mauvais côtés : les voyages en avion prennent du temps, la sécurité est fascisante, et je ne peux suivre aucun cours parce que je ne suis pas assez longtemps à la maison.

Quel conseil donneriez-vous aux activistes qui voudraient avoir plus de réussite ou d’efficacité ?

Restez concentrés sur la façon de changer l’avenir. Ne vous reposez pas sur le passé sauf pour tirer les leçons sur le moyen d’être plus efficace à l’avenir. Ne perdez pas de temps à des gestes symboliques, ne mettez pas plus de la moitié de vos efforts dans des actions qui sont efficaces mais qui ne véhiculent aucun message. Dans l’idéal chaque action devrait créer une brèche dans le problème, et aussi inspirer les autres.

Quel est le meilleur moyen pour quelqu’un qui n’a pas beaucoup de temps ou d’argent pour aider le mouvement du logiciel libre ou tout autre mouvement à soutenir ?

Vous pouvez soutenir le mouvement du logiciel libre avec une petite somme d’argent, en devenant membre de la Free Software Foundation. Vous pouvez soutenir le mouvement en donnant un petit peu de temps, en vous inscrivant sur DefectiveByDesign.org pour participer à nos protestations contre les mesures de gestion numérique du droit d’auteur (DRM). Cela fait référence à la pratique qui vise à développer des produits pour restreindre les droits de l’utilisateur.

Vous pouvez aussi aider en économisant du temps et de l’argent, en n’achetant pas des médias que vous n’avez pas la possibilité de copier. N’achetez pas de BluRay ni de HD-DVD. N’achetez pas de lecteur de livre électronique comme le Swindle d’Amazon (NdT : jeu de mot avec le Kindle signifiant escroquerie) ou le Sony Reader. N’achetez pas de musique ni de films dans des formats cryptés. Insistez pour n’avoir que des médias sans restrictions.

Si vous n’étiez pas programmeur ou activiste du logiciel libre, quelle autre profession auriez-vous aimé embrasser ?

J’aurais apprécié faire de la recherche en physique. Tout comme j’aurais aimé faire du stand-up (NdT : du one-man-show comique cf Wikipédia). Quant à savoir si j’ai la capacité de faire l’un ou l’autre, qui sait ?

Du stand-up ! Quelle est votre blague préférée ?

Je n’ai pas de blague préférée, de plat préféré, de livre préféré, ou de quoi que ce soit préféré. J’ai besoin de notes pour me rappeler de toutes les blagues que je pourrais raconter si les circonstances me les rappellent. Et si je pouvais me souvenir de toutes, j’aurais du mal à les comparer pour en choisir une préférée.

Mais il me revient ce à quoi j’ai pensé aujourd’hui, en un éclair, quand c’était utile. J’ai fait un bilan médical, et le docteur m’a dit « Bon pour le service ! ». J’ai répondu « Quel service ? On n’a même pas de service de santé ! »

Notes

[1] Crédit photo : Mlinksva (Creative Commons By)




La guerre contre le partage doit cesser, nous dit Richard Stallman

Wikimania2009 - CC byIl n’y a aucune justification à la guerre actuelle menée contre le partage en général et celui de la musique en particulier, nous dit ici Richard Stallman, non sans proposer au passage quelques pistes pour sortir de cette inacceptable situation.

On remarquera que cet article ne figure ni sur le site de GNU ni sur celui de la FSF mais sur son site personnel[1].

En finir avec la guerre au partage

Ending the War on Sharing

Richard Stallman – Septembre 2009 – Site personnel
(Traduction Framalang : Claude et Goofy)

Quand les maisons de disques font toute une histoire autour du danger du « piratage », elles ne parlent pas d’attaques violentes de navires. Elles se plaignent du partage de copies de musique, une activité à laquelle participent des millions de personnes dans un esprit de coopération. Le terme « piratage » est utilisé par les maisons de disques pour diaboliser le partage et la coopération en les comparant à un enlèvement,un meurtre ou un vol.

Le copyright (NdT : Pour des questions de non correspondance juridique nous avons choisi de ne pas traduire copyright par droit d’auteur) a été mis en place lorsque la presse imprimée a fait de la copie un produit de masse, le plus souvent à des fins commerciales. Le copyright était acceptable dans ce contexte technologique car il servait à réguler la production industrielle, ne restreignant pas les lecteurs ou (plus tard) les auditeurs de musique.

Dans les années 1890, les maisons de disques commencèrent à vendre des enregistrements musicaux produits en série. Ceux-ci facilitèrent le plaisir de la musique et ne furent pas un obstacle à son écoute. Le copyright sur ces enregistrements était en général peu sujet à controverse dans la mesure où il ne restreignait que les maisons de disques mais pas les auditeurs.

La technique numérique d’aujourd’hui permet à chacun de faire et partager des copies. Les maisons de disques cherchent maintenant à utiliser les lois sur le copyright pour nous refuser l’utilisation de cette avancée technologique. La loi, acceptable quand elle ne restreignait que les éditeurs, est maintenant une injustice car elle interdit la coopération entre citoyens.

Empêcher les gens de partager s’oppose à la nature humaine, aussi la propagande orwellienne du « partager, c’est voler » tombe-t-elle généralement dans l’oreille de sourds. Il semble que le seule manière d’empêcher les gens de partager soit une guerre rude contre le partage. Ainsi, les maisons de disques, au moyen de leurs armes légales comme la RIAA (NdT : RIAA : Recording Industry Association of America), poursuivent en justice des adolescents, leur demandant des centaines de milliers de dollars, pour avoir partagé. Au même moment, des coalitions d’entreprises, en vue de restreindre l’accès du public à la technologie, ont développé des systèmes de Gestion de Droits Numériques (NdT : Systèmes anti-copie ou DRM : Digital Restrictions Management) pensés pour menotter les utilisateurs et rendre les copies impossibles : les exemples incluent iTunes ou encore les disques DVD et Blueray (voir DefectiveByDesign.org pour plus d’informations). Bien que ces coalitions opèrent de façon anti-concurrentielle, les gouvernements oublient systématiquement de les poursuivre légalement.

Le partage continue malgré ces mesures, l’être humain ayant un très fort désir de partage. En conséquence, les maisons de disques et autres éditeurs demandent des mesures toujours plus dures pour châtier les partageurs. Ainsi les États-Unis ont voté une loi en octobre 2008 afin de saisir les ordinateurs utilisés pour le partage interdit. L’union Européenne envisage une directive afin de couper l’accès à Internet aux personnes accusées (pas condamnées) de partage : voir laquadrature.net si vous souhaitez aider et vous opposer à cela. La Nouvelle-Zélande a déjà adopté une telle loi en 2008.

Au cours d’une récente conférence, j’ai entendu une proposition demandant que les gens prouvent leur identité afin d’accéder à Internet : une telle surveillance aiderait aussi à écraser la dissidence et la démocratie. La Chine a annoncé une telle politique pour les cybercafés : l’Europe lui emboitera-t-elle le pas ? Un premier ministre au Royaume-Uni a proposé d’emprisonner dix ans les personnes en cas de partage. Ce n’est toujours pas appliqué… pour le moment. Pendant ce temps, au Mexique, les enfants sont invités à dénoncer leurs propres parents, dans le meilleur style soviétique, pour des copies non-autorisées. Il semble qu’il n’y ait pas de limite à la cruauté proposée par l’industrie du copyright dans sa guerre au partage.

Le principal argument des maisons de disques, en vue de l’interdiction du partage, est que cela cause des pertes d’emplois. Cette assertion se révèle n’être que pure hypothèse[2]. Et même en admettant qu’elle soit vraie, cela ne justifierait pas la guerre au partage. Devrions-nous empêcher les gens de nettoyer leurs maisons pour éviter la perte d’emplois de concierges ? Empêcher les gens de cuisiner ou empêcher le partage de recettes afin d’éviter des pertes d’emplois dans la restauration ? De tels arguments sont absurdes parce que le remède est radicalement plus nocif que la maladie.

Les maisons de disques prétendent aussi que le partage de musique ôte de l’argent aux musiciens. Voilà une sorte de demi-vérité pire qu’un mensonge : on n’y trouve même pas une vraie moitié de vérité.
Car même en admettant leur supposition que vous auriez acheté sinon un exemplaire de la même musique (généralement faux, mais parfois vrai), c’est seulement si les musiciens sont des célébrités établies depuis longtemps qu’ils gagneront de l’argent suite à votre achat. Les maisons de disques intimident les musiciens, au début de leur carrière, par des contrats abusifs les liant pour cinq ou sept albums. Il est rarissime qu’un enregistrement, sous incidence de ces contrats, vende suffisamment d’exemplaires pour rapporter un centime à son auteur. Pour plus de détails, suivez ce lien. Abstraction faite des célébrités bien établies, le partage ne fait que réduire le revenu que les industriels du disque vont dépenser en procès intentés aux amateurs de musique.

Quant aux quelques musiciens qui ne sont pas exploités par leurs contrats, les célébrités bien assises, ce n’est pas un problème particulier pour la société ou la musique si elles deviennent un peu moins riches. Il n’y a aucune justification à la guerre au partage. Nous, le public, devrions y mettre un terme.

Certains prétendent que les maisons de disques ne réussiront jamais à empêcher les gens de partager, que cela est tout simplement impossible[3]. Etant données les forces asymétriques des lobbyistes des maisons de disques et des amateurs de musique, je me méfie des prédictions sur l’issue de cette guerre ; en tout cas, c’est folie de sous-estimer l’ennemi. Nous devons supposer que chaque camp peut gagner et que le dénouement dépend de nous.

De plus, même si les maisons de disques ne réussiront jamais à étouffer la coopération humaine, elles causent déjà aujourd’hui énormément de dégâts, juste en s’y essayant, avec l’intention d’en générer davantage demain. Plutôt que de les laisser continuer cette guerre au partage jusqu’à ce qu’ils admettent sa futilité, nous devons les arrêter aussi vite que possible. Nous devons légaliser le partage.

Certains disent que la société en réseau n’a plus besoin de maisons de disques. Je n’adhère pas à cette position. Je ne paierai jamais pour un téléchargement de musique tant que je ne pourrais pas le faire anonymement, je veux donc être capable d’acheter des CDs anonymement dans une boutique. Je ne souhaite pas la disparition des maisons de disques en général, mais je n’abandonnerai pas ma liberté pour qu’elles puissent continuer.

Le but du copyright (sur des enregistrements musicaux ou toute autre chose) est simple : encourager l’écriture et l’art. C’est un but séduisant mais il y a des limites à sa justification. Empêcher les gens de pratiquer le partage sans but commercial, c’est tout simplement abusif. Si nous voulons promouvoir la musique à l’âge des réseaux informatiques, nous devons choisir des méthodes correspondant à ce que nous voulons faire avec la musique, et ceci comprend le partage.

Voici quelques suggestions à propos de ce que nous pourrions faire :

  • Les fans d’un certain style de musique pourraient organiser des fans clubs qui aideraient les gens aimant cette musique.
  • Nous pourrions augmenter les fonds des programmes gouvernementaux existants qui subventionnent les concerts et autres représentations publiques.
  • Les artistes pourraient financer leurs projets artistiques coûteux par des souscriptions, les fonds devant être remboursés si rien n’est fait.
  • De nombreux musiciens obtiennent plus d’argent des produits dérivés que des enregistrements. S’ils adoptent cette voie, ils n’ont aucune raison de restreindre la copie, bien au contraire.
  • Nous pourrions soutenir les artistes musiciens par des fonds publics distribués directement en fonction de la racine cubique de leur popularité. Utiliser la racine cubique signifie que, si la célébrité A est 1000 fois plus populaire que l’artiste chevronné B, A touchera 10 fois plus que B. Cette manière de partager l’argent est une façon efficace de promouvoir une grande diversité de musique.
    La loi devrait s’assurer que les labels de disques ne pourront pas confisquer ces sommes à l’artiste, l’expérience montrant qu’elles vont essayer de le faire. Parler de « compensation » des « détenteurs de droits » est une manière voilée de proposer de donner l’essentiel de l’argent aux maisons de disques, au nom des artistes.
    Ces fonds pourraient venir du budget général, ou d’une taxe spéciale sur quelque chose liée plus ou moins directement à l’écoute de musique, telle que disques vierges ou connexion internet.
  • Soutenir l’artiste par des paiements volontaires. Cela fonctionne déjà plutôt bien pour quelques artistes tels que Radiohead, Nine Inch nail (NdT : Voir cette vidéo) ou Jane Siberry (sheeba.ca), même en utilisant des systèmes peu pratiques qui obligent l’acheteur à avoir une carte de crédit.
    Si chaque amateur de musique pouvait payer avec une monnaie numérique (NdT : digital cash), si chaque lecteur de musique comportait un bouton sur lequel appuyer pour envoyer un euro à l’artiste qui a créé le morceau que vous écoutez, ne le pousseriez-vous pas occasionnellement, peut-être une fois par semaine ? Seuls les pauvres et les vrais radins refuseraient.

Vous avez peut-être d’autres bonnes idées. Soutenons les musiciens et légalisons le partage.

Copyright 2009 Richard Stallman
Cet article est sous licence Creative Commons Attribution Noderivs version 3.0

Notes

[1] Crédit photo : Wikimania2009 (Creative Commons By)

[2] Voir cet article, mais attention à son utilisation du terme de propagande « propriété intellectuelle », qui entretient la confusion en mettant dans le même panier des lois sans rapport. Voir ce lien et pourquoi il n’est jamais bon d’utiliser ce terme.

[3] Voir the-future-of-copyright.




Trente mille euros de dons en sept mois et Framasoft se donne un peu d’air

Logo Framasoft - LL de Mars - Art LibreDu fond du cœur merci !

Merci à tous ceux qui ont participé à notre campagne de dons.

Ceci nous permet d’aborder la rentrée avec confiance et d’entrevoir l’exercice 2009/2010 avec beaucoup plus de sérénité.

En février dernier, lorsque nous avons constaté que les caisses de l’association étaient insuffisantes pour conserver notre unique (et indispensable) salarié, nous avons donc décidé de lancer une campagne de dons.

Cela s’est fait en toute discrétion : aucune annonce tonitruante, aucune demande de relai, une simple référence en haut de page de tous les sites du réseau, ainsi qu’une fenêtre d’information s’affichant au moment du téléchargement d’une framakey ou d’un framabook.

Nous avions fixé un peu arbitrairement la somme à atteindre à trente mille euros, le minimum vital pour achever l’année 2009. Certains, chez nous, ont dit que c’était trop bas eu égard à nos réels besoins. D’autres ont dit au contraire que c’était trop haut et qu’en temps de crise et de processus complexe de dons sur Internet, on se « taperait la honte » en n’y arrivant pas.

La honte attendra, la fin de l’aventure également, puisque, grâce à vous, nous y sommes arrivés (ou presque, vous pouvez encore y aller !). Et, au delà de l’aspect purement comptable, cela donne la pêche à toute l’équipe parce que cela témoigne de votre attachement à ce qu’est et ce que fait Framasoft.

À rapprocher d’un autre succès, celui de l’April et de ses cinq mille membres, pour émettre l’hypothèse que le logiciel libre francophone dispose d’une petite mais solide base de personnes capables de se mobiliser en soutenant aussi matériellement certains de ces acteurs. De quoi rendre optimiste en ces temps où la « mentalité Hadopi » menace les biens communs…

Objectif atteint certes, mais nous n’en déboucherons pas le champagne pour autant (notre trésorier nous l’interdirait de toutes les façons). Rien n’est acquis et notre fragilité demeure. Ce n’était qu’une étape, en quelque sorte celle de l’urgence et de la survie, et nous n’avons malheureusement pas fini de vous solliciter. Mais nous le ferons avec d’autant plus de facilité (voire de légitimité) que nous pouvons pour le moment continuer à nous concentrer sur notre travail, nos projets et le service rendu par notre réseau.

Dans un prochain billet nos vous donnerons quelques détails sur ce que nous comptons poursuivre et développer ensemble cette année. Nous publierons également le budget et les dépenses de l’association.

Une nouvelle fois merci pour votre reconnaissance et vos encouragements.

La route est longue mais la voie est libre.
L’équipe Framasoft




SARD : première initiative marquante de l’ère post Hadopi ?

Delcio G.P. Filho - CC byLe 8 septembre prochain à Paris, au cours d’une rencontre ouverte à tous où seront présentes de nombreuses et éminentes personnalités (Richard Stallman, Bernard Stiegler, Martine Billard, Laurent Chemla…), va se créer officiellement la SARD, acronyme de Société d’Acceptation et de Répartition des Dons.

Vous en trouverez le Communiqué de Presse ci-dessous ainsi qu’une première Foire Aux Questions.

J’en suis signataire, tout comme Benjamin Jean qui outre ses fonctions à Veni Vidi Libri est également membre de Framasoft[1].

Je lui cède d’ailleurs la place pour nous présenter une initiative qu’il n’hésite pas à qualifier de « pavé dans la mare » qui pourrait changer, modifier notre vision de la propriété intellectuelle et la place qu’elle occupe dans notre société. Ces propos n’engagent que son auteur[2] mais je m’y associe bien volontiers.

Tout le monde connaît, même vaguement la Propriété Intellectuelle[3] et les utilisations qui peuvent en être faites (pour prendre les deux extrêmes : le contrôle absolu représenté par la SACEM ou les éditeurs de logiciels traditionnels, et le partage par les licences libres).

En bref, la propriété intellectuelle repose sur un équilibre entre l’intérêt du public (A) et l’intérêt des créateurs/auteurs/inventeurs/etc (B)[4]. Ses objectifs (qui justifie le monopole accordé aux ayants-droits (B)) sont : 1. de faciliter et favoriser l’innovation (au bénéfice de la société et donc du public (A)), 2. donner à l’auteur un contrôle sur son oeuvre en raison du lien qui les unit[5].

Ce système repose sur un postulat : « puisqu’il existe et qu‘il marche (des gens continuent à créer et innover), c’est bien que le système actuel favorise la création et sa diffusion. »

La SARD serait donc une remise en question de ce dernier postulat : un changement de paradigme, de mentalité, un système différent qui, s’il fonctionne, montrerait que le système actuel de Propriété Intellectuelle n’est pas la seule (et/ou la meilleure) façon de favoriser la création et l’innovation. Attention, il ne s’agit pas forcément d’une alternative, mais plus d’un système parallèle qui, s’il marche, délégitimerait celui que l’on connaît aujourd’hui.

Ainsi, ces artistes pourraient éventuellement toucher de l’argent/un financement sans user de leurs droits de propriété intellectuelle, à eux de voir ensuite s’ils désirent jouer dans les deux camps (qui sont néanmoins contradictoire puisqu’il me semble légitime de penser que celui qui compte diffuser gratuitement et massivement sa musique aura plus de facilité à recevoir des dons que celui qui ne vend que quelques exemplaires dans quelques boutiques spécialisées).

Voici donc une initiative des plus ambitieuses ! Difficile de prédire ce qu’il en adviendra.

Au pire nous aurons contribué à déplacer le « débat Hadopi » vers une réflexion moins répressive et plus constructive. Au mieux nous aurons effectivement participé à ce « changement de paradigme », sachant que, GNU/Linux ou Wikipédia peuvent en témoigner, l’époque semble favorable aux projets impossibles qui aboutissent.

Naissance de la SARD, Société d’acceptation et de répartition des dons, un nouveau mécanisme pour pour financer équitablement la créativité et la diversité numérique

URL d’origine du communiqué de presse

Paris, le 4 septembre 2009. Mardi 8 septembre à 16h sera fondée à Paris la Société d’acceptation et de répartition des dons (SARD), dans le cadre d’une journée consacrée aux alternatives au système des droits d’auteur, fragilisés à l’heure des réseaux d’information et de communication. En présence d’un des fondateurs du mouvement pour le logiciel libre, Richard Stallman, du philosophe Bernard Stiegler, d’artistes et de politiques (Pierre Aidenbaum, Martine Billard, Patrick Bloche), les fondateurs de la SARD présenteront ce système volontaire nouveau, inspiré par la proposition du Mécénat Global, basé sur le don du public aux œuvres qu’il souhaite soutenir.

Hadopi n’est pas encore adoptée par le Parlement en France que ce projet de loi liberticide se trouve déjà dépassé. Partout dans le monde, les lois qui régissent les rapports entre public et création sont en chantier, les industries culturelles crient au loup (le piratage), tandis que les auteurs n’ont toujours pas accès à un système de financement de leurs œuvres. Et les (longs) débats législatifs autour de la répression du public au nom de la protection des auteurs n’ont fait émerger aucun nouveau système de soutien à la création.

Pour sortir des discours caricaturaux et aborder les questions du financement de la création sur l’Internet et les réseaux, la reconnaissance des artistes et auteurs d’oeuvres numériques sur Internet, la SARD, ouverte au public, aux artistes, auteurs et créateurs, du monde entier et de toutes nationalités, se mobilise pour le libre accès à la culture, grâce à un système de financement par le don.

Trop utopiste, trop compliqué, trop alternatif, trop expérimental ? Ces critiques à l’encontre des tentatives de réfléchir à des alternatives viables à la notion hégémonique et confuse de « propriété intellectuelle » sont fréquentes. Pour répondre aux questions et appeler à un dialogue constructif entre public, auteurs et politiques,les membres fondateurs de la SARD (artistes, éditeurs, ingénieurs, journalistes, membres d’associations soutenant le libre, scientifiques) vous invitent à cette journée exceptionnelle.

Quand ?

  • Le 8 septembre, de 16h à 22h.

Où ?

  • Mairie du 3ème, 2 rue Eugène Spuller, 75003 Paris.

Quoi ?

  • De 16h à 19h: Assemblée constituante de la Société d’Acceptation et de Répartition des Dons (SARD).
  • De 19h à 20h: Conférence de presse.
  • De 20h à 22h: Conférence: quelle alternative concrète pour le financement des œuvres numériques ? Avec Richard Stallman (le fondateur de GNU/Linux présentera le Mécénat global), Bernard Stiegler (le président d’Ars Industrialis parlera d’« Amateur d’art ou consommateur » et Antoine Moreau, l’instigateur de la Licence Art Libre, posera la question du « tous artistes ? ». Modération Laurent Chemla.

Comment ?

  • Accès libre.

En savoir plus ?

SARD, la FAQ

URL d’origine du document

Qui ?

Benjamin Jean (Veni Vidi Libri), Valentin Lacambre (Altern), Dominique Lacroix, Philippe Langlois (Hacklab), Christian Lavigne (poete et cybersculpteur), Antoine Moreau (instigateur de la Licence Art Libre), Francis Muguet (Mécénat global), Jérémie Nestel (Attention Chantier), Mathieu Pasquini (InLibroVeritas), Louis Pouzin (un pere de l’internet), Annick Rivoire (Poptronics), Raphael Rousseau (un fils de l’internet, activiste du Libre), Michel Sitbon (ACJ, Association des cyber-journaliste), Pierre Troller (artiste), Alexis Kauffmann (Framasoft).

Quoi ?

La SARD ou Société d’acceptation et de répartition des dons est ouverte aux artistes, auteurs et créateurs de toutes nationalités. Elle a pour objet de favoriser le libre acces a la culture, grâce a un systeme de financement par le don.

Ce mode de financement concerne toute production de l’esprit, et notamment tous les types d’oeuvres numériques et numérisées, qu’elles soient textuelles (blogs, sites, articles…), audio, visuelles, logicielles, plastiques ou musicales.

Sont considérés comme auteurs, toutes les personnes ayant contribué a la création de l’oeuvre.

Où ?

Sur l’Internet, et, plus largement, sur tous les réseaux d’information et de communication et dans tous les pays.

Pourquoi ?

Aujourd’hui, la création sur Internet et les réseaux d’information ne peut se suffire de la seule gratuité. Elle doit etre financée d’une maniere juste et équitable pour répondre aux attentes des artistes, des auteurs et du public. Le succes d’Internet reposant sur des millions d’auteurs et de contributeurs, il est important que ceux-ci, dans leur pluralité, puissent se fédérer pour que se constitue un mode de financement de la création.

Comment ?

Il s’agit de mettre en place un mécanisme simple de répartition des dons, faits par les internautes pour les oeuvres de leur choix. Il ne s’agit pas d’une nouvelle taxe ou redevance, mais bien d’une nouvelle façon de concevoir le rapport entre les auteurs et le public.

Qui donne ? Les grands donateurs (prestataires Internet, opérateurs télécoms, etc.) et les internautes directement, selon leur appréciation.

Comment l’argent collecté est-il réparti ? La SARD, en tant que structure d’expérimentation, mettra en place plusieurs systemes de répartition :

  • l’internaute donne directement aux oeuvres de son choix.
  • l’internaute verse au pot commun a la SARD selon des clés de répartition transparentes et claires, établies a partir de l’appréciation des internautes.
  • les grands donateurs versent au pot commun de la SARD.

Un comité d’évaluation indépendant contrôlera régulierement le fonctionnement de l’association.

Combien ?

L’intégralité des dons destinés aux oeuvres est redistribuée aux oeuvres. Les frais de gestion de l’association sont financés par des donations spécifiques.

Pour Qui ?

Tous les artistes, auteurs et créateurs qui ont inscrit volontairement leurs oeuvres au service d’acceptation et et de répartition des dons.

Sont susceptibles d’inscrire leurs oeuvres :

  • les artistes, auteurs et créateurs inscrits aupres des sociétés de gestion collective traditionnelles, la SARD vient en parallele des dispositifs existants.
  • les artistes, auteurs et créateurs qui ne sont pas inscrits aupres des sociétés de gestion collective, l’inscription a la SARD n’engage en rien leurs droits sur leurs oeuvres.
  • les artistes, auteurs et créateurs sous licence libre qui ne sont pas membres d’une société de gestion collective, la SARD est favorable a l’usage des licences libres.

Pour en savoir plus ?

http://www.sard-info.org

Notes

[1] Crédit photo : Delcio G.P. Filho (Creative Commons By)

[2] Source : Blog de Veni Vidi Libri (sous licence Art Libre)

[3] Pour faire court, un ensemble de droits reconnus à une personne sur une création particulière et assimilable à ceux d’un propriétaire sur sa chose/son bien.

[4] De nombreuses thèses existent sur ce « droit du public à l’information » qui relative les droits des auteurs notamment.

[5] Néanmoins, durant de longues années, les USA assuraient une protection quasi-équivalente aux droits moraux sans user des droits de propriété intellectuelle.




Unix a 40 ans : passé, présent et futur d’un OS révolutionnaire

Rudolf Schuba - CC bySéquence Histoire, à l’occasion du quarantième anniversaire de la naissance d’Unix, le mythique système d’exploitation multitâche et multi-utilisateur, créé en août 1969, dont l’héritage est impressionnant.

Quarante ans, dans la jeune histoire de l’informatique, c’est une véritable épopée. Et le fait qu’il soit toujours évoqué aujourd’hui en dit long sur ses qualités d’origine. On en parle parce que, bien qu’en bout de course, on continue à l’utiliser, mais aussi parce qu’il a engendré et inspiré à sa suite toute une famille de systèmes d’exploitation dont rien moins que BSD, Mac OS X et enfin, évidemment, GNU/Linux.

Dans quelles conditions et contexte Unix est-il né ? Pourquoi un tel succès, une telle longévité et une telle parenté ? Et qu’en est-il de sa situation aujourd’hui ? Autant de questions qui trouveront réponses dans l’article ci-dessous traduit par nos soins[1].

Unix a 40 ans : Le passé, présent et futur d’un OS révolutionnaire

Unix turns 40: The past, present and future of a revolutionary OS

Gary Anthes – 4 juin – ComputerWorld.com
(Traduction Framalang : Vincent, Daria et Tyah)

Après quatre décades, le futur du système d’exploitation s’assombrit, mais son héritage va perdurer.

Cela fera quarante ans cet été, un programmeur s’asseyait et jetait les bases en un mois ce qui allait devenir l’un des plus importants morceaux de logiciel jamais créé.

En août 1969, Ken Thompson, un programmeur des Laboratoires Bell (NdT : Bell Labs), une filiale d’AT&T, considérait le voyage d’un mois de sa femme et de son fils comme une opportunité pour mettre en pratique ses idées pour un nouveau système d’exploitation. Il écrivait la première version de Unix dans un langage assembleur pour un mini-ordinateur un peu mollasson, un Digital Equipment Copr. (DEC) PDP-7, en passant une semaine sur chaque partie : un système d’exploitation, un shell, un éditeur et un assembleur.

Ken Thompson et Dennis Ritchie - Hoshie - Domaine PublicThompson et un collègue, Dennis Ritchie (cf photo ci-contre), se trouvaient démotivés depuis que les Bell Labs s’étaient retirés un peu plus tôt dans l’année d’un projet trouble de développement d’un système temps partagé appelé Multics (Multiplexed Information and Computing Service). Ils n’avaient aucune envie de rester sur des systèmes d’exploitation de type batch qui prédominaient à cette époque, et ne voulaient pas non plus réinventer Multics, qu’ils considéraient comme grotesque et peu maniable.

Après avoir débattu autour de plusieurs idées pour un nouveau système, Thompson a écrit la première version de Unix, que le binôme a continué de développer durant les années suivantes avec l’aide de leurs collègues Doug McIlroy, Joe Ossanna et Rudd Canaday. Quelques-uns des principes de Multics ont été réutilisés dans leur nouveau système d’exploitation, mais la beauté d’Unix alors (et encore maintenant) reposait sur sa philosophie « moins-c’est-plus » (NdT : less-is-more philosophy).

« Un OS puissant pour un usage interactif n’a pas besoin d’être coûteux, que ce soit en matériel ou en efforts humains », devaient écrire Ritchie et Thompson cinq ans plus tard dans les communications de l’ACM (CACM), le journal de l’Association for Computer Machinery. « Nous espérons que les utilisateurs de Unix trouveront que les plus importantes caractéristiques de ce système sont sa simplicité, son élégance et sa facilité d’utilisation ».

Apparemment ils y sont arrivés. Unix va évoluer pour devenir une pierre angulaire de l’informatique, largement installé sur les serveurs et les postes de travail dans les universités, les gouvernements et les entreprises. Et son influence s’est étendue bien au-delà de ses déploiements, comme l’a noté l’ACM en 1983, lorsqu’ils ont attribué leur prix le plus élevé à Thompson et Ritchie, le A.M. Turing Award pour leur contribution à l’informatique : « Le modèle du système Unix a conduit une génération de concepteurs logiciels à repenser leur manière de programmer ».

Les premiers pas

Bien sûr, le succès d’Unix n’est pas arrivé d’un coup. En 1971, il a été porté sur le mini-ordinateur PDP-11, une plateforme plus puissante que le PDP-7 pour laquelle il avait été écrit à l’origine. Des programmes d’édition et de formatage de texte ont été ajoutés, et il a été déployé pour quelques dactylos du département des Brevets des Bell Labs, ses premiers utilisateurs en dehors de l’équipe de développement.

En 1972, Ritchie écrivait le langage de programmation de haut-niveau C (basé sur un langage précédent de Thompson, le B) ; suite à cela, Thompson réécrivit Unix en C, ce qui permit d’améliorer la portabilité de l’OS sur différents environnements. En cours de chemin, il acquit le nom de Unics (Uniplexed Information and Computing Services), un jeu de mots sur Multics ; l’orthographe se transforma rapidement en Unix.

Il était temps d’envahir le monde. L’article de Ritchie et Thompson de Juillet 1974 dans le CACM, « Le système temps-partagé UNIX », prit le monde de l’informatique dans un ouragan. Jusqu’alors, Unix avait été confiné à une poignée d’utilisateurs dans les Laboratoires Bell. Mais maintenant, avec l’Association for Computing Machinery derrière lui, un éditeur l’ayant qualifié comme étant élégant, Unix était à un moment crucial.

« L’article du CACM avait eu un impact très fort », raconte l’historien de l’informatique Peter Salus dans son livre The Daemon, the Gnu and the Penguin (NdT : Le démon, le Gnou et le manchot). « Peu de temps après, Ken était assailli de demandes concernant Unix ».

Un paradis pour les hackers

Thompson et Ritchie étaient des hackers accomplis, quand ce terme désignait quelqu’un qui combinait une créativité hors pair, une intelligence à toute épreuve et de l’huile de coude pour résoudre des problèmes logiciels que l’on a peine à imaginer.

Leur approche, et le code qu’ils avaient écrit, étaient attractifs pour les programmeurs des universités, et plus tard pour des entreprises qui démarraient sans les méga budgets de IBM, Hewlett-Packard ou Microsoft. Unix était tout ce dont les autres hackers, comme Bill Joy à l’Université de Californie, Rick Rashid à l’Université Carnegie Mellon et David Korn plus tard aux Laboratoires Bell avaient rêvé.

« Presque depuis le début, le système était capable de se maintenir seul, et il l’avait prouvé », écrivaient Thompson et Ritchie dans l’article du CACM. « Comme tous les programmes sources étaient toujours disponibles et facilement modifiables en ligne, nous étions volontaires pour réviser et modifier le système et ses logiciels lorsque de nouvelles idées étaient inventées, découvertes ou suggérées par d’autres ».

Korn, maintenant membre d’AT&T, travaillait comme programmeur aux Bell Labs dans les années 1970. « L’une des caractéristiques de Unix était que des outils pouvaient être écrits, et de meilleurs outils pouvaient les remplacer », se souvient-il. « Ce n’était pas un monolithe dans lequel il fallait tout approuver ; vous pouviez en fait développer de meilleures versions ». Il a développé l’influent Korn shell, un langage de programmation permettant d’interagir directement avec Unix, maintenant disponible en open source.

Salus, auteur et historien des technologies, se souvient de son travail avec le langage de programmation APL sur un mainframe IBM tournant sous System/360, en tant que professeur à l’Université de Toronto dans les années 1970. Mais le lendemain de Noël 1978, un ami à l’Université de Colombia lui fit une démonstration de Unix, tournant sur un mini-ordinateur. « Je me suis exclamé : Oh mon Dieu !, et j’étais totalement converti », raconte Salus.

Il dit que pour lui, l’un des avantages clés de Unix était la fonctionnalité pipe, introduite en 1973, qui rendait facile le passage de données d’un programme à l’autre. Le concept de pipeline, inventé par McIlroy des Bell Labs, fut par la suite copié dans de nombreux OS, parmi lesquels les variantes d’Unix, Linux, DOS et Windows.

Un autre avantage de Unix, le deuxième effet Wooow, comme le dit Salus, était qu’il n’avait pas besoin d’un mainframe d’un demi-million de dollars pour tourner. Il avait été écrit sur le petit mini-ordinateur DEC PDP-7, assez primitif, car c’était tout ce que Thompson et Ritchie avaient sous la main en 1969. « Le PDP-7 était presque incapable de quoi que ce soit », se souvient Salus. « J’étais scotché ».

Pas mal de monde a également été rendu accro. Les chercheurs des universités ont adopté Unix car il était assez simple et facilement modifiable, ne demandait pas beaucoup de ressources, et le code source était libre pour une bonne partie. Des startups comme Sun Microsystems et un ensemble d’entreprises maintenant défuntes qui se spécialisaient dans l’informatique scientifique, comme Multiflow Computer, en ont fait leur système d’exploitation de choix pour les mêmes raisons.

La progéniture d’Unix

Unix a grandi comme un système non-propriétaire car en 1956 AT&T avait été enjoint par une décret fédéral à ne pas s’écarter de sa mission de production de service téléphonique. Il pouvait développer du logiciel, et même le licencier pour un tarif raisonnable, mais l’entreprise ne pouvait pas entrer sur le marché de l’informatique.

Unix, qui avait été développé sans encouragement du management, avait d’abord été vu par AT&T comme quelque chose entre une curiosité et un casse-tête légal.

C’est à ce moment là, à la fin des années 1970, AT&t a réalisé qu’ils avaient quelque chose de commercialement intéressant en main. Ses avocats ont commencé à adopter une interprétation plus favorable de l’ordonnance de 1956, comme ils cherchaient des manières de protéger Unix comme un secret de fabrication. A partir de 1979, avec la sortie de la Version 7, les licences Unix interdisaient aux universités d’utiliser le code source Unix pour l’étudier pendant leurs cours.

Pas de problème, se dit alors le professeur d’informatique Andrew Tanenbaum, qui avait utilisé Unix V6 à l’Université Vrije à Amsterdam. En 1987, il écrivit un clone de Unix pour utiliser lors de ses cours, en créant le système d’exploitation open source Minix, qui tournait sur un microprocesseur Intel 80286.

« Minix comprenait toutes les idées d’Unix, et c’était un travail brillant », raconte Salus. « Seul un programmeur majeur, quelqu’un qui comprenait en profondeur les mécanismes internes d’un système d’exploitation, pouvait faire cela ». Minix allait devenir le point de départ pour la création de Linux par Linus Torvalds en 1991. Si ce n’était pas exactement un clone d’Unix, il s’agissait à n’en pas douter d’un Unix-like.

En reculant d’une décade ou à peu près, Bill Joy, qui était un étudiant diplômé et programmeur à l’Université de Californie de Berkeley dans les années 1970, mit la main sur une copie de l’Unix des Laboratoires Bell, et il pensa que c’était une bonne plateforme pour son propre travail sur un compilateur Pascal et un éditeur de texte.

Les modifications et extensions que lui et d’autres firent à Berkeley ont résulté dans la seconde branche majeure de Unix, appelée Berkeley Software Distribution (BSD) Unix. En mars 1978, Joy envoyait des copies de 1BSD, vendues 50$.

Ainsi en 1980 il y avait deux lignes majeures de Unix, l’une de Berkeley et l’autre de AT&T, et la scène était montée pour ce qui allait devenir la Guerre des Unix. La bonne nouvelle était que les développeurs de logiciels pouvaient avoir accès de partout au code source Unix, et l’adapter à leurs besoins et caprices. La mauvaise nouvelle c’est qu’ils firent exactement cela. Unix a proliféré, et les variantes ont divergé.

En 1982, Joy a contribué à fonder Sun Microsystems et offrait une station de travail, la Sun-1, qui utilisait une version de BSD appelée SunOS. (Solaris allait apparaitre environ 10 ans plus tard). L’année suivante, AT&T a sorti la première version de Unix System V, un système d’exploitation qui a eu une influence énorme et qui fut la base de IBM AIX et Hewlett-Packard HP-UX.

Les Guerres Unix

Unix History - Eraserhead1 et Infinity0 - CC by-saAu milieu des années 80, les utilisateurs, y compris le gouvernement fédéral, se sont plaints que si en théorie Unix était un système d’exploitation unique et portable, en fait on en était loin. Les éditeurs faisaient semblant d’adhérer à cette réclamation, mais travaillaient jour et nuit pour enfermer les clients avec des fonctionnalités et API uniques à leur Unix.

En 1987, Unix System Laboratories, qui faisait partie des Laboratoires Bell à cette époque, commença à travailler avec Sun sur un système qui pourrait unifier les deux branches majeures de Unix. Le produit de leur collaboration, appelé Unix System V Release 4.0, fut sorti deux ans plus tard, et combinait des fonctionnalités de System V Release 3, BSD, SunOS et du Xenix de Microsoft.

Les autres éditeurs Unix craignaient l’alliance AT&T/Sun. Les diverses parties ont formé des organismes standards concurrents, qui portaient des noms tels que X/Open, Open Software Foundation (ou OSF), Unix International et Corporation for Open Systems. Les arguments, contre-arguments et réussites de ces groupes pourraient remplir un livre, mais ils clamaient tous leur désir d’un Unix unifié, tout en se tirant dessus les uns les autres.

Dans un article écrit en 1988, mais non publié, pour la DARPA (Defense Advanced Research Projects Agency) (NdT : Agence pour les Projets de Recherche Avancée de la Défense), le pionnier des mini-ordinateurs Gordon Bell disait ceci de la toute nouvelle Open Software Foundation, qui incluait IBM, HP, DEC et d’autres, alliés contre le partenariat AT&T/Sun : « OSF est une manière pour ceux qui n’ont pas d’Unix d’entrer sur ce marché en devenir, tout en maintenant leur musées de code à hautes marges ».

Les Guerres Unix n’ont pas réussi à calmer les différences ou à créer un réel standard pour le système d’exploitation. Mais en 1993, la communauté Unix était réveillée par Microsoft, sous la forme de Windows NT, un système d’exploitation 32 bits utilisable en entreprise. Ce NT propriétaire visait directement Unix, et devait étendre l’hégémonie de Microsoft sur l’ordinateur de bureau aux centres serveurs et endroits similaires, tenus principalement par les serveurs Sun et autres.

Les utilisateurs Microsoft ont applaudi. Les fournisseurs Unix ont paniqué. Tous les principaux rivaux des Unix majeurs se sont réunis dans une initiative appelé Common Open Software Environnement (NdT : Environnement Logiciel Ouvert Commun), et l’année suivante ont plus ou moins déposé les armes en mixant le groupe Unix International, appuyé par AT&T/Sun avec l’Open Software Foundation. Cette coalition a évolué dans l’actuel The Open Group, organisme certificateur des systèmes Unix, et propriétaire de Single Unix Specification (SUS), maintenant la définition officielle de « Unix ».

D’un point de vue pratique, ces développements ont pu standardiser Unix au maximum possible, en fonction de la concurrence des éditeurs. Mais ils sont sans doute arrivés trop tard pour enrayer la montée d’une marée appelée Linux, le système d’exploitation open source dérivé de Minix du professeur Tanenbaum.

Mais qu’est ce que « Unix », finalement ?

Unix, vous diront la plupart des gens, est un système d’exploitation écrit il y a plusieurs dizaines d’années aux Laboratoires Bell de AT&T, et ses descendants. Les versions majeures d’Unix aujourd’hui proviennent de deux branches d’un même tronc : l’une émane directement de AT&T et l’autre vient de AT&T via l’Université de Californie de Berkeley. Les branches les plus robustes actuellement sont AIX d’IBM, HP-UX de HP et Solaris de Sun.

Toutefois, The Open Group, qui détient la marque déposée Unix, définit Unix comme n’importe quel système d’exploitation qui a été certifié par ses services pour se conformer à la Single Unix Specification (SUS) (NdT : Spécification Unix Unique). Ceci inclut des OS que l’on ne considère pas généralement comme étant des Unix, tel que Mac OS X Leopard (qui dérive d’un BSD Unix) et IBM z/OS (qui vient du système d’exploitation mainframe MVS), car ils se conforment au SUS et supportent les APIs SUS. L’idée basique est que c’est un Unix si cela agit comme Unix, quel que soit le code sous-jacent.

Une définition encore plus large d’Unix pourrait inclure les OS Unix Like (qui ressemblent à Unix), parfois appelé des clones d’Unix ou des sosies, qui ont copié une bonne partie des idées de Unix mais n’incorporent pas directement du code Unix. Le plus connu d’entre tous étant certainement Linux.

Finalement, même s’il est raisonnable d’appeler Unix un système d’exploitation, c’est finalement plus que cela. En plus du noyau de l’OS, les implémentations Unix embarquent typiquement des utilitaires tels que des éditeurs en ligne de commande, des interfaces de programmation applicatives (API), des environnements de développement, des librairies et de la documentation.

Le futur d’Unix

Le manque continuel de portabilité complète entre les différentes versions concurrentes d’Unix, de même que l’avantage financier de Linux et Windows sur les processeurs standards x86, vont inciter les organisations informatiques de quitter Unix, suggère un récent sondage du Gartner Group.

« Les résultats réaffirment l’enthousiasme continu pour Linux comme plate-forme serveur, avec Windows qui croît de la même manière, et Unix qui prend la route d’un long, mais graduel, déclin », décrit le sondage, publié en février 2009.

« Unix a eu un passé long et vivant, et même s’il n’est pas encore parti, il sera de plus en plus sous pression », dit l’analyste du Gartner George Weiss. « Linux est l’Unix de choix stratégique. Même si Linux n’a pas le long héritage de développement, de tuning et de tests de stress que Unix a pu avoir, il s’en approche et va bientôt égaler Unix en performance, stabilité et montée en charge », dit-il.

Mais un récent sondage de ComputerWorld suggère que le retrait d’Unix ne va pas arriver aussi rapidement. Dans cette enquête concernant 130 utilisateurs Unix sur 211 responsables informatiques, 90% ont déclaré que leur entreprise était « très ou extrêmement dépendante » de Unix. Un peu plus de la moitié a dit : « Unix est une plateforme essentielle pour nous et le restera indéfiniment », et seulement 12% ont dit « Nous pensons sortir de Unix dans le futur ». Les économies de coût, essentiellement au travers d’une consolidation de serveurs, étaient citées comme la raison n°1 pour migrer vers autre chose.

Weiss pense que la migration vers des processeurs x86 va s’accélérer à cause de l’avantage du coût du matériel. « Des architectures extensibles horizontalement ; le clustering ; le cloud computing ; la virtualisation sur x86, quand vous combinez toutes ces tendances, le système d’exploitation de choix tourne autour de Linux ou Windows », dit-il.

« Par exemple », déclare Weill, « dans l’annonce récente de Cisco de son architecture Unified Computing, vous avez dans un même équipement le réseau, le stockage, le calcul et la mémoire, et vous n’avez pas besoin d’Unix. Vous pouvez utiliser Linux ou Windows sur x86. Ainsi, Intel est en train de gagner la guerre pour le compte de Linux contre Unix ».

The Open Group, propriétaire des Single Unix Specification et organisme certificateur des systèmes Unix, concède peu à Linux, et déclare que Unix est le système de choix pour « le haut du panier en termes de fonctionnalités, montée en charge et performance pour des applications critiques ». Linux, dit-il, tend à être le standard pour les applications plus simples, moins critiques.

Korn, de AT&T, est parmi ceux qui pensent que Unix a encore un bel avenir. Korn dit que la force d’Unix pendant toutes ces années, depuis l’ajout des pipes en 1973, est qu’il peut facilement être éclaté en petits bouts et distribué. Ceci va pousser Unix en avant, dit-il. « La philosophie (du pipeline) fonctionne bien avec le cloud computing, dans lequel vous construisez des petits morceaux réutilisables plutôt qu’une grosse application monolithique ».

L’héritage d’Unix

Quel que soit le sort final d’Unix, le système d’exploitation né dans les Laboratoires Bell il y a 40 ans a établi un héritage qui risque de durer encore quelques dizaines d’années. Il peut revendiquer la paternité d’une longue liste de logiciels populaires, incluant l’offre Unix de IBM, HP, Sun, Apple Mac OS X et Linux. Il a également influencé des systèmes qui ont leurs racines dans Unix, comme Microsoft Windows NT et les versions IBM et Microsoft de DOS.

Unix a permis à de nombreuses entreprises qui démarraient de réussir, en leur offrant une plateforme peu onéreuse sur laquelle construire. C’était une des briques de base pour la construction d’Internet, et il fait partie du cœur des systèmes de télécommunications aujourd’hui. Il a engendré de nombreux concepts d’architecture, comme l’utilisation du pipeline, et le dérivé de Unix, Mach, a contribué énormément à l’informatique scientifique, distribuée et multiprocesseurs.

C’est peut-être l’ACM qui l’a mieux énoncé en 1983 dans sa citation du prix Turing en l’honneur de Thompson et Ritchie sur leur travail sur Unix : « Le génie du système Unix est dans sa structure, qui permet aux programmeurs de bâtir sur le travail des autres ».

Notes

[1] Crédit photos : 1. Rudolf Schuba (Creative Commons By) / 2. Hoshie (Domaine Public) / 3. Eraserhead1 et Infinity0 (Creative Commons By-Sa)




Framasoft en 5 minutes vidéo aux RMLL 2009

Pour nos archives, pour ceux qui sont curieux de voir nos binettes, pour une courte présentation de la FUR, alias la Framakey Ubuntu-fr Remix, et pour… entretenir le mythe d’une communauté pleine de poils !

—> La vidéo au format webm




George Clooney a une sale gueule ou la question des images dans Wikipédia

George Clooney - Bad Dog - Public DomainÀ moins d’être aussi bien le photographe que le sujet photographié (et encore il faut faire attention au décor environnant), impliquant alors soit d’avoir le don d’ubiquité soit d’avoir un pied ou le bras assez long, c’est en théorie un pur casse-tête que de mettre en ligne des photographies sur Internet.

Il y a donc pour commencer le droit de l’auteur, le photographe. Mais quand bien même il aurait fait le choix de l’ouverture pour ses images, avec par exemple une licence Creative Commons, il reste la question épineuse du droit du sujet photographié (qui peut être une personne, un monument architectural…). Et pour corser le tout, n’oublions pas le fait que la législation est différente selon les pays.

Et c’est ainsi que le Framablog se met quasi systématiquement dans l’illégalité lorsqu’il illustre ses billets par une photographie où apparaissent des gens certes photogéniques mais non identifiés. Parce que si il prend bien le soin d’aller puiser ses photos parmi le stock d’images sous Creative Commons d’un site comme Flickr, il ne respecte que le droit du photographe et non celui du ou des photographié(s), dont il n’a jamais eu la moindre autorisation.

C’est peut-être moins grave (avec un bon avocat) que ces millions de photos que l’écrasante majorité de la jeune génération partage et échange sans aucune précaution d’usage sur les blogs, MySpace ou Facebook, mais nous ne sommes clairement qu’à la moitié du chemin.

Le chemin complet du respect des licences et du droit à l’image, c’est ce que tente d’observer au quotidien l’encyclopédie libre Wikipédia. Et c’est un véritable… sacerdoce !

Vous voulez mettre en ligne une photo sur Wikipédia ? Bon courage ! L’avantage c’est que vous allez gagner rapidement et gratuitement une formation accélérée en droit à l’image 😉

Pour l’anecdote on cherche toujours à illustrer le paragraphe Framakey de notre article Framasoft de l’encyclopédie et on n’y arrive pas. Une fois c’est le logo de Firefox (apparaissant au microscope sur une copie d’écran de l’interface de la Framakey) qui ne convient pas, parce que la marque Firefox est propriété exclusive de Mozilla. Une fois c’est notre propre logo (la grenouille Framanouille réalisée par Ayo) qui est refusé parce qu’on ne peut justifier en bonne et due forme que sa licence est l’Art Libre.

Toujours est-il donc que si vous souhaitez déposer une image dans la médiathèque de Wikipédia (Wikimédia Commons) alors le parcours est semé d’embûches. L’enseignant que je suis est plutôt content parce que l’encyclopédie participe ainsi à éduquer et sensibiliser les utilisateurs à toutes ces questions de droit d’auteurs, de propriété intellectuelle… avec moultes explications sur l’intérêt d’opter (et de respecter) les licences libres. Mais il n’empêche que l’une des conséquences de ces drastiques conditions d’entrée, c’est que pour le moment Wikipédia manque globalement de photographies de qualité (comparativement à son contenu textuel).

C’est particulièrement criant lorsqu’il s’agit d’illustrer les articles sur des personnalités contemporaines[1] (les plus anciennes échappant a priori au problème avec le domaine public, sauf quand ces personnalités ont vécu avant… l’invention de la photographie !). Et c’est cette carence iconographique que le New York Times a récemment prise pour cible dans une chronique acide dont le traduction ci-dessous nous a servi de prétexte pour aborder cette problématique (chronique qui aborde au passage la question complexe du photographe professionnel qui, craignant pour son gagne-pain, peut hésiter à participer).

La situation est-elle réellement aussi noire que veut bien nous le dire le vénérable journal ?

Peut-être pas. Il y a ainsi de plus en plus de photographes de qualité, tel Luc Viatour, qui participent au projet . Il y a de plus en plus d’institutions qui, contrairement au National Portrait Gallery, collaborent avec Wikipédia en ouvrant leurs fonds et archives, comme en témoigne l‘exemple allemand. Même le Forum économique mondial de Davos s’y met (dépôt dans Flickr, utilisation dans Wikipédia). Sans oublier les promenades locales et festives où, appareil photo en bandoulière, on se donne pour objectif d’enrichir ensemble l’encyclopédie.

Du coup mon jugement péremptoire précédent, à propos de la prétendue absence globale de qualité des images de Wikipédia, est à nuancer. Il suffit pour s’en convaincre de parcourir les pages « images de qualité » ou l’« image du jour ».

L’encyclopédie est en constante évolution, pour ne pas dire en constante amélioration, et bien heureusement la photographie n’échappe pas à la règle. Même si il est vrai que le processus est plus lent parce qu’on lui demande de s’adapter à Wikipédia et non l’inverse.

Wikipédia, terre fertile pour les articles, mais désert aride pour les photos

Wikipedia May Be a Font of Facts, but It’s a Desert for Photos

Noam Cohen – 19 juillet 2009 – New York Times
(Traduction Framalang : Olivier et Goofy)

Une question de la plus haute importance : existe-t-il de mauvaises photos de Halle Berry ou de George Clooney ?

Halle Berry - Nancy Smelser - Public DomainFacile, allez sur Wikipédia ! Vous y trouverez une photo floue de Mlle Berry, datant du milieu des années quatre-vingt, lors de la tournée U.S.O. avec d’autres candidates au titre de miss USA. La mise au point est mauvaise, elle porte une casquette rouge et blanche, un short, c’est à peine si on la reconnait. L’article de Wikipédia sur M. Clooney est, quant à lui, illustré par une photo le montrant au Tchad, portant une veste kaki est une casquette des Nations Unies. Avec son grand sourire et ses traits anguleux il est toujours aussi beau, en compagnie de deux femmes travaillant pour les Nations Unies, mais on est loin d’un portait glamour.

Certains personnages éminemment célèbres, comme Howard Stern ou Julius Erving, n’ont même pas la chance d’avoir leur photo sur Wikipédia.

George Clooney - Nando65 - Public DomainAlors que de nos jours les célébrités s’offrent couramment les services d’une équipe de professionnels pour contrôler leur image, sur Wikipédia c’est la loi du chaos. Très peu de photographies de bonne qualité, particulièrement de célébrités, viennent enrichir ce site. Tout cela tient au fait que le site n’accepte que les images protégées par la plus permissive des licences Creative Commons, afin qu’elles puissent être ré-utilisées par n’importe qui, pour en tirer profit ou pas, tant que l’auteur de la photo est cité.

« Des représentants ou des agents publicitaires nous contactent, horrifiés par les photos qu’on trouve sur le site », confie Jay Walsh, porte-parole de la Wikimedia Foundation, l’organisme qui gère Wikipédia, l’encyclopédie en plus de 200 langues. « Ils nous disent : J’ai cette image, je voudrais l’utiliser. Mais ça n’est pas aussi simple que de mettre en ligne la photo qu’on nous envoie en pièce jointe. »

Il poursuit : « En général, nous leur faisons comprendre que de nous envoyer une photo prise par la photographe Annie Leibovitz ne servira à rien si nous n’avons pas son accord. »

Les photos sont l’un des défauts les plus flagrants de Wikipédia. À la différence des articles du site, qui, en théorie, sont vérifiés, détaillés à l’aide de notes, et qui se bonifient avec le temps, les photos sont l’œuvre d’une seule personne et elles sont figées. Si un mauvais article peut être amélioré, une mauvaise photo reste une mauvaise photo.

Les wikipédiens tentent de corriger ce défaut, ils organisent des événements ou des groupes de contributeurs vont prendre des clichés de bonne qualité de bâtiments ou d’objets. De même, Wikipédia s’efforce d’obtenir la permission d’utiliser d’importantes collections de photographies.

L’hiver dernier, les archives fédérales allemandes ont placé cent mille photos basse résolution sous une licence permettant leur usage dans Wikipédia. Récemment, un utilisateur de Wikipédia, Derrick Coetzee, a téléchargé plus de trois mille photos haute résolution d’œuvres de la National Portrait Gallery de Londres, pour qu’elles soient utilisées, essentiellement, pour illustrer les articles se rapportant à des personnes historiques célèbres comme Charlotte Brontë ou Charles Darwin.

La galerie a menacé de porter plainte contre M. Coetzee, affirmant que même si les portraits, de par leur ancienneté, ne tombent plus sous la protection du droit d’auteur, les photographies elles sont récentes et du coup protégées. La galerie exige une réponse de M. Coetzee pour lundi. Il est représenté par l’Electronic Frontier Foundation. S’exprimant par e-mail vendredi, une porte-parole de la galerie, Eleanor Macnair, écrit qu’un « contact a été établi » avec la Wikimedia Foundation et que « nous espérons toujours que le dialogue est possible ».

On reste pourtant bien loin du compte et le problème des photographies sur Wikipédia est tout sauf réglé. Dans la galerie des horreurs, l’ancienne star de la NBA, George Gervin, aurait une place de choix. Debout, droit comme un I dans son costard, sur une photo aux dimensions pour le moins étranges, même pour un joueur de basket-ball. La photo, recadrée et libre de droit, provient du bureau du sénateur du Texas, John Cornyn.

Barack Obama - Pete Souza - CC byL’exemple de M. Gervin illustre un fait établi : le gouvernement alimente le domaine public de nombreuses photographies. Celle illustrant l’article du président Obama, par exemple, est un portrait officiel tout ce qu’il y a de posé et sérieux.

Mais les collections de photographies du gouvernement servent aussi aux contributeurs de Wikipédia. Ils espèrent y dénicher des images de rencontres entre célébrités et personnages politiques, qu’ils massacrent ensuite pour illustrer un article.

L’ancien roi du baseball, Hank Aaron, a l’honneur d’être illustré par une photo prise hors contexte, bizarrement découpée, prise en 1978 à la Maison Blanche. De même, l’illustration principale de l’article sur Michael Jackson a été réalisée en 1984 à l’occasion de sa visite à Ronald et Nancy Reagan.

Natalie Dessay - Alixkovich - CC by-saLes photos récentes sur Wikipédia sont, pour une large majorité, l’œuvre d’amateurs qui partagent volontiers leur travail. Amateur étant même un terme flatteur puisque ce sont plutôt des photos prises par des fans qui par chance avaient un appareil photo sous la main. La page de la cantatrice Natalie Dessay la montre en train de signer un autographe, fuyant l’objectif, l’actrice Allison Janney est masquée par des lunettes de soleil au Toronto Film Festival. Les frères Coen, Joel et Ethan, sont pris à distance moyenne à Cannes en 2001 et Ethan se couvre la bouche, certainement parce qu’il était en train de tousser. Et il y a aussi les photos prises depuis les tribunes où on distingue à peine le sujet. D’après sa photo, on pourrait croire que la star du baseball Barry Bonds est un joueur de champ extérieur. David Beckham, quant à lui, apparait les deux mains sur les hanches lors d’un match de football en 1999.

Placido Domingo- Sheila Rock - Copyright (with permission)Certaines personnes célèbres, comme Plácido Domingo et Oliver Stone, ont cependant eu la bonne idée de fournir elles-mêmes une photographie placée sous licence libre. Quand on pense à tout l’argent que les stars dépensent pour protéger leur image, il est étonnant de voir que si peu d’entre elles ont investi dans des photos de haute qualité, sous licence libre, pour Wikipédia ou d’autres sites. Peut-être ne se rendent-elles pas compte de la popularité de Wikipédia ? Rien que pour le mois de juin, par exemple, la page de Mlle Berry a reçu plus de 180 000 visites.

D’après Jerry Avenaim, photographe spécialisé dans les portraits de célébrités, il faut encore réussir à persuader les photographes, car placer une photo sous licence libre pourrait faire de l’ombre à toutes les autres. Il se démarque par le fait qu’il a déjà enrichi Wikipédia d’une douzaine de clichés en basse résolution, parmi lesquels un superbe portrait de Mark Harmon pris à l’origine pour un magazine télé.

Dans un interview, M. Avenaim semblait toujours indécis quant à l’idée de partager son travail. Sa démarche poursuit un double but : « D’abord, je voulais vraiment aider les célébrités que j’apprécie à apparaitre sous leur meilleur jour », dit-il, « Ensuite, c’est une stratégie marketing intéressante pour moi ».

Mark Harmon - Jerry Avenaim - CC by-saSa visibilité en ligne a largement augmenté grâce à la publication de ses œuvres sur Wikipédia, comme le montrent les résultats des moteurs de recherche ou la fréquentation de son site Web. Mais c’est une publicité qui peut aussi lui coûter très cher. « C’est mon gagne-pain », dit-il, rappelant que les photographes sont parfois très peu payés par les magazines pour leurs images de célébrités. L’essentiel de leurs revenus provient de la revente des images. Même si les images qu’il a mises gratuitement à disposition, par exemple le portrait de Dr. Phil, sont en basse résolution, elles deviennent les photographies par défaut sur Internet. Pourquoi payer alors pour une autre de ses photos ?

Et c’est bien là que la bât blesse pour les photographes qui voudraient mettre leurs œuvres à disposition sur Wikipédia, et seulement sur Wikipédia, pas sur tout Internet. « Wikipédia force à libérer le contenu déposé sur le site, c’est là que réside le problème à mes yeux », explique M. Avenaim. « S’ils veulent vraiment que la qualité des photos sur le site s’améliore, ils devrait permettre aux photographes de conserver leurs droits d’auteur. »

Notes

[1] Crédits photos : 1. George Clooney, par Bad Dog (domaine public) / 2. Halle Berry, par Nancy Smelser (domaine public) / 3. George Clooney, par Nando65 (domaine public)/ 4. Barack Obama, par Pete Souza (creative commons by) / 5. Natalie Dessay, par Alixkovich (creative commons by-sa) / 6. Placido Domingo, par Sheila Rock (copyright avec permission) / 7. Mark Harmon, par Jerry Avenaim (creative commons by-sa)