Application mobile, redesign, second développeur, promotion… construisons un avenir radieux pour PeerTube !

Développer une alternative éthique et émancipatrice à YouTube, Twitch ou Vimeo sans les moyens du capitalisme de surveillance est une entreprise gigantesque. Surtout pour une petite association française à but non lucratif qui gère déjà plusieurs projets de promotion des biens communs numériques.

🦆 VS 😈 : Reprenons du terrain aux géants du web !

Grâce à vos dons (défiscalisables à 66 %), l’association Framasoft agit pour faire avancer le web éthique et convivial. Retrouvez un résumé de nos avancées en 2023 sur le site Soutenir Framasoft.

➡️ Lire la série d’articles de cette campagne (nov. – déc. 2023)

 

Cela fait six ans que nous développons PeerTube. Deux semaines après la sortie de la sixième version du logiciel, prenons un peu de recul sur ces six années de travail, examinons l’immense opportunité que représente la période actuelle pour PeerTube, et regardons ce que nous comptons faire l’année prochaine pour préparer son succès… si vous nous donnez les moyens d’y arriver !

Illustration de Yetube, un monstre de type Yéti avec le logo de YouTube Premium.
Cliquez pour soutenir Framasoft et repousser le Yetube – Illustration CC-By David Revoy

 

Pas un rival, juste une alternative

Le constat qui nous a amenés à développer PeerTube est que personne ne peut rivaliser avec YouTube ou Twitch. Vous auriez besoin de l’argent de Google, des fermes de serveurs d’Amazon… Par-dessus tout, vous auriez besoin de la cupidité nécessaire pour exploiter des millions de créateurs et de vidéastes, les préparer à formater leur contenu en fonction de vos besoins, et les nourrir des miettes de la richesse que vous gagnez en transformant leur audience en bétail de données.

Les plateformes vidéo centralisées et monopolistiques ne peuvent être maintenues que par le capitalisme de surveillance.

Nous voulions que les petits groupes tels que les institutions, les éducateurs, les communautés, les artistes, les citoyens, etc. aient les moyens de s’émanciper des plateformes de Big Tech, sans se perdre dans le World Wide Web. Nous avions besoin de développer pour démocratiser l’hébergement vidéo, il fallait donc le concevoir avec des valeurs radicalement différentes à l’esprit.

Et c’est ce que nous avons fait. Nous construisons PeerTube pour donner du pouvoir aux gens, et non aux bases de données ou aux actionnaires.

Aujourd’hui, PeerTube est :

  • un logiciel libre (transparence, protection contre les monopoles)
  • vous pouvez l’héberger sur votre serveur (self-hosting, autonomie, empowerment)
  • de créer votre plateforme vidéo et de diffusion en direct, avec vos propres règles (création d’une communauté, autogestion)
  • qui vous permet de vous fédérer (ou non !) à d’autres plateformes PeerTube via le protocole ActivityPub (fédération, réseau, diffusion)
  • qui ajoute le streaming pair-à-pair (optionnel) au streaming classique afin qu’il puisse résister à l’abondance (résilience, partage, décentralisation)
  • où les serveurs les plus puissants peuvent aider les moins chanceux grâce à la redondance (solidarité, résilience)
  • qui peut stocker des vidéos en externe grâce au stockage S3 (adaptabilité, rentabilité)
  • qui peut déporter sur un serveur dédié les tâches gourmandes en ressources processeur telles que le transcodage vidéo ou en direct (efficacité, résilience, durabilité)

Donc non : PeerTube n’est pas et ne sera pas un rival de YouTube ou de Twitch. PeerTube est alimenté par d’autres valeurs que celles codées dans les écosystèmes de Google et d’Amazon. PeerTube est une alternative, et c’est exactement pour cela que c’est si excitant.

 

Dessin de Sepia, læ poulpe mascotte de PeerTube. Iel porte une cape de super héros, avec le sigle "6" sur son torse.
Cliquez pour soutenir Sepia – illustration David Revoy – Licence : CC-By 4.0

PeerTube est un logiciel : 6 ans de développements

Au cours des six dernières années, avec plus de 275 000 lignes de code, nous avons obtenu :

  • D’une preuve de concept à une plateforme vidéo fédérée pleinement opérationnelle avec diffusion paire-à-paire, complète avec sous-titres, redondance, importation de vidéos, outils de recherche et localisation (PeerTube v1, oct. 2018)
  • Des notifications, des listes de lecture, un système de plugins, des outils de modération, des outils de fédération, un meilleur lecteur vidéo, un site web de présentation et un index des instances (PeerTube v2, nov. 2019)
  • D’un outil de recherche fédérée (et un moteur de recherche https://sepiasearch.org), plus d’outils de modération, beaucoup d’améliorations du code, une refonte de l’UX, et enfin : diffusion en direct en pair-à-pair (PeerTube v3, Jan. 2021)
  • L’amélioration du transcodage, de la personnalisation de la page d’accueil des chaînes et des instances, recherche améliorée, lecteur vidéo encore plus performant, filtrage des vidéos sur les pages, outils d’administration et de modération avancés, nouvel outil de gestion des vidéos, et une grande session de nettoyage du code (PeerTube v4, déc. 2021)
  • Un outil d’édition vidéo, un affichage amélioré des statistiques et des mesures vidéo, une fonction de relecture pour les diffusions en direct permanentes, des paramètres de latence pour les lives, un lecteur vidéo amélioré (pour les écrans mobiles), un système de plugins plus puissant, davantage d’options de personnalisation, davantage d’options de filtrage vidéo, un nouvel outil convivial pour proposer des idées et un site web de présentation renouvelé (PeerTube v5, déc. 2022)
  • La modération des demandes de compte, un bouton de retour au direct, transcodage à distance (pour déporter la tâche gourmande en CPU sur un serveur dédié). Storyboard (prévisualisation dans la barre de progression), chapitres vidéo, accessibilité améliorée, téléversement d’une nouvelle version d’une vidéo, et vidéos protégées par un mot de passe. (PeerTube v6, Nov. 2023)

Et ce n’est que la partie développement logiciel de PeerTube. Pour soutenir et promouvoir ce logiciel, nous avons dû construire tout un écosystème.

PeerTube est aussi un écosystème

PeerTube, aujourd’hui, est aussi une communauté de développeur·euses. Sur la forge du projet (espace en ligne pour contribuer aux développements), nous avons eu plus de 400 contributeurs et contributrices, 4 300 problèmes (fonctionnalités et demandes de support) fermés en 6 ans et 500 toujours ouverts, et 12 400 contributions intégrées en amont.

Comme tout le monde ne peut pas se familiariser avec plus de 275 000 lignes de code, un moyen facile de contribuer à PeerTube est de développer des plugins : il y en a des centaines ! Parmi eux, il y a le chat en direct (pour obtenir un chat pendant les diffusions en direct), des plugins pour s’authentifier auprès de plateformes d’authentification externes, des annotations à ajouter dans le lecteur vidéo, un plugin de transcription pour créer automatiquement des sous-titres pour vos vidéos ou encore des plugins pour ajouter de la monétisation aux vidéos de PeerTube.

Les contributeurs et contributrices ont également aidé en traduisant PeerTube dans plus de 36 langues (rejoignez-les ici), en fournissant des réponses sur notre forum, en mettant à jour notre documentation officielle, ou en partageant des idées sur notre outil de demandes améliorations PeerTube (en anglais).

Il y a maintenant plus d’un millier de plateformes PeerTube dans le monde (à notre connaissance ^^), hébergeant près d’un million de vidéos. Nous avons créé un index d’instances qui alimente SepiaSearch, notre moteur de recherche pour les vidéos, chaînes et listes de lecture PeerTube. Nous le modérons selon nos termes et conditions, mais chacun⋅e est libre d’utiliser le code que nous développons pour créer son propre index et son propre moteur de recherche.

Heureusement, d’autres personnes travaillent à la promotion et à la modération du contenu de PeerTube, en créant des annuaires, des fils de recommandations (en anglais), des outils de modération, des extensions Firefox, et toutes sortes de contenus étonnants.

Nous promouvons PeerTube avec un site officiel Joinpeertube.org, où les dernières nouvelles sont partagées sur le blog et la newsletter. Il y a également un compte Mastodon (et un compte – presque abandonné – sur Twitter). Nous passons également de nombreuses heures à discuter avec les médias, les chercheuses, les innovateurs, les communautés, les contributeurs et contributrices, etc.

Combattre les dragons avec des cure-dents

Alors, comment estimer le coût de ces 6 années de travail ? Doit-on considérer uniquement le temps de développement et la gestion de la communauté de développement (problèmes, revue de code, support) ?

Faut-il aussi compter le travail effectué sur les articles de blog, les illustrations et le matériel de promotion, l’établissement des feuilles de route, le travail avec les designers, l’échange d’expérience avec les chercheur·euses, les vidéastes, et les projets étonnants, dont certains que nous avons soutenus financièrement ? Qu’en est-il du temps consacré à la modération de notre moteur de recherche ou à la lutte contre les spammeurs sur notre outil de proposition ?

Même si nous ne pouvons pas préciser le budget exact que Framasoft a consacré à PeerTube depuis 2017, notre estimation prudente se situerait autour de 500 000 €. Sur six ans. Comme nous avons obtenu deux subventions de la Commission européenne (via les programmes NGI0 Search & Discovery et Entrust) pour un total de 132 000 €, cela signifie que 73,6 % du budget de PeerTube provient de dons.

Maintenant, surestimons le coût de PeerTube à 600 000 € sur 6 ans, pour nous assurer que nous avons couvert toutes les dépenses.

Même dans ce cas, le coût total de PeerTube représenterait 22 millionièmes (0,0022 %) des recettes publicitaires de YouTube l’année dernière. Oui, nous avons fait le calcul.

(source – 29.243 B USD // 632 853 USD)

Nous nous battons – au sens figuré – contre des dragons avec des cure-dents. C’est pourquoi nous pensons que PeerTube ne peut pas rivaliser et ne rivalisera pas avec YouTube ni avec Twitch (et encore moins avec TikTok qui présente une toute autre expérience).

Mais, en tant qu’alternative, PeerTube est déjà un succès.

Dessin dans le style d'un jeu vidéo de combat, où s'affronte le poulpe de PeerTube et le monstre de YouTube, Twitch et Viméo.
Cliquez pour soutenir Sepia contre le Videoraptor – illustration David Revoy – Licence : CC-By 4.0

Un succès à nos yeux

Aujourd’hui, nous connaissons plus de 1000 instances (serveurs sur lesquels PeerTube est installé et fonctionne), partageant près d’un million de vidéos.

N’étant pas limité par la mécanique de captation d’un modèle basé sur la publicité et l’attention, PeerTube offre des fonctionnalités qui ne sont pas disponibles chez les géants de la technologie :

  • compatibilité avec d’autres outils sociaux via ActivityPub (Imaginez que vous puissiez tweeter un commentaire sur une vidéo YouTube : avec Mastodon et PeerTube, c’est possible)
  • partager une vidéo d’un timecode de départ à un timecode d’arrêt (YouTube nous a rattrapés, depuis)
  • un accès chronologique ininterrompu à votre flux d’abonnements (pas besoin de « cliquer sur la cloche » en plus de l’abonnement)
  • vidéos protégées par un mot de passe (indisponibles sur YouTube, payantes sur Vimeo)
  • remplacer une vidéo par une version actualisée

Nous avions l’intention de créer PeerTube spécifiquement pour les personnes qui ont besoin (et veulent) partager leurs vidéos en dehors du modèle du capitalisme de surveillance. Il est évident que nous connaissons tous⋅tes (et apprécions) certains vidéastes Youtube et Twitch, mais iels ne représentent que la partie visible de l’iceberg du partage de vidéos en ligne.

Les institutions, les éducateurs, les médias indépendants, les citoyens et même les créateurs devraient avoir la liberté de partager des vidéos en ligne sans contribuer au monopole d’une entreprise, sans avoir à accepter des publicités forcées ou sans sacrifier les données et la vie privée de leur public. La bonne nouvelle, c’est que certains d’entre eux ont déjà trouvé cette liberté, et nous en sommes fiers :

    • Institutions
    • Education
    • Médias indépendants
      • Blast (Média en ligne français indépendant de gauche)
      • Howlround (Theater Commons media situé à l’Emerson College, Boston)
    • Citoyens et citoyennes
      • Urbanists.video (vidéos sur les lieux où l’on peut marcher et vivre)
      • S2S (espace sécurisé pour les personnes sourdes et malentendantes, vidéos sur la langue des signes française)
      • Live it live (concerts de musique en direct)
    • Créateurs et créatrices
      • Skeptikon (collectif français, vidéos sur l’esprit critique et le scepticisme)
      • TILvids (TIL = Today I Learned (aujourd’hui j’ai appris), vidéos ludo-éducatives en anglais, avec miroir autorisé et officiel de YouTube)
      • Bunseed (initiative française, alternative à Patreon basée sur le logiciel libre, par et pour les créateurs, basée sur PeerTube)

Nous voulons tirer parti de la reconnaissance dont jouit PeerTube, c’est pourquoi nous avons prévu beaucoup de travail pour 2024 !

La feuille de route de PeerTube vers la v7, en 2024

Les fonctionnalités que nous avons prévues pour la prochaine année de développement de PeerTube ont toutes le même objectif : faciliter l’adoption en améliorant la facilité d’utilisation de plusieurs façons. Comme pour la version 6, la plupart de ces fonctionnalités ont été choisies à partir des idées que vous avez partagées et pour lesquelles vous avez voté sur notre outil de proposition.

Nous prévoyons de :

  • Ajouter un système d’export/import des données d’un compte (avec ou sans fichiers vidéo), afin que les utilisateurs et utiliastrices puissent facilement changer d’instance.
  • Réaliser un audit d’accessibilité complet, afin de faciliter l’utilisation pour les personnes ayant des besoins spécifiques, et compléter le travail effectué cette année (voir la version 6). S’il nous reste du temps pour intégrer les recommandations du rapport, nous verrons si et comment nous pourrions ajouter la transcription de l’audio en texte.
  • Ajouter un outil de modération des commentaires utilisable à la fois par les administratrices d’instances et les vidéastes.
  • Créer un nouvel outil de modération pour trier le contenu en fonction de listes de mots-clés prédéfinies (« mots-clés de l’extrême droite en allemand », « injures queerphobes en anglais », etc.). Cet outil présentera les contenus correspondants aux administrateurs et modératrices des instances, qui détermineront alors s’ils correspondent à leur politique de modération.
  • Organiser la séparation (technique) des flux audio et vidéo. Cette amélioration permettra, à l’avenir, de développer et d’obtenir des vidéos à pistes audio multiples (par exemple, en plusieurs langues), ou des vidéos à pistes multiples avec le même flux audio (par exemple, sous plusieurs angles).
  • Ajouter une nouvelle résolution « audio » (dans le menu « 720p », « 1080p », etc.) pour notre lecteur HLS. Cela permettra aux utilisatrices de ne recevoir que la piste audio, améliorant ainsi la durabilité lorsqu’ils veulent seulement écouter une vidéo et regarder d’autres onglets.
  • Repenser la caractérisation du contenu sensible. À l’heure actuelle, vous ne pouvez étiqueter les vidéos que comme « Safe for work » / « Not Safe For Work ». Or, le terme « contenu sensible » peut recouvrir de nombreux cas : violence, nudité, jurons, etc. Nous travaillerons avec des designers pour réfléchir à la manière appropriée de catégoriser et de traiter ces cas.
  • Réorganiser l’espace de gestion des vidéos. Nous avons ajouté beaucoup de nouvelles fonctionnalités au fil des ans (direct et rediffusion, studio d’édition de vidéo, etc.)… c’est bien, mais les onglets et les menus se sont accumulés. Nous travaillerons avec des designers pour repenser le système de A à Z et le rendre plus facile à utiliser.
  • Procéder à un examen complet et mettre en œuvre une refonte de l’expérience et de l’interface de PeerTube. Même si nous avons reçu beaucoup d’aide en cours de route, PeerTube n’a pas bénéficié d’un suivi en design dès le départ. Nous voulons considérer ce chantier comme une remise à plat, où tout (même la couleur orange ?) peut être remis en question, si cela aide à l’adoption et à la facilité d’utilisation.

 

Illustration de Videoraptor, un monstre insectoïde dont les trois têtes sont ornées des logos de YouTube, Viméo et Twitch

Aidez-nous à repousser le Videoraptor – Illustration CC-By David Revoy

 

Doubler l’équipe de développement pour plus de résilience…

D’accord, quand on passe d’un à deux développeurs, c’est facile de « doubler »… mais c’était quand même une grande question pour nous.

D’abord parce que Framasoft est une association à but non lucratif financée principalement par des dons. Jusqu’à présent, nous avons eu l’honneur et le privilège d’obtenir suffisamment de soutien pour financer nos dépenses, la principale étant de rémunérer nos 10 employé·es. Mais les modèles économiques basés sur les dons sont, par définition, hautement imprévisibles. C’est particulièrement vrai dans une économie où l’inflation, les coûts de l’énergie, etc. poussent la plupart de nos donateurs et donatrices à revoir leur budget.

Une autre raison réside dans nos valeurs fondamentales : nous croyons à la décentralisation et aux réseaux de petites actrices (plutôt qu’à la croissance des géants et des monopoles). Nous pensons également que donner la priorité à l’humain et au soin implique de rester dans une petite équipe à taille humaine, où nous nous connaissons vraiment les uns les autres.

Or nous pensons que la manière dont nous avons appliqué ces valeurs dans notre association est une des clés de l’efficacité, de la créativité et des talents exprimés par nos membres (bénévoles et employé·es). C’est pourquoi nous avons travaillé à limiter la croissance de Framasoft, en nous fixant une limite symbolique de « dix salarié⋅es maximum ».

Au cours des années 2022 et 2023, ce sujet a fait l’objet de nombreuses discussions au sein de Framasoft. D’une part, on ne peut pas continuer à développer PeerTube avec un seul développeur (même si c’est un développeur aussi talentueux que Chocobozzz), qui peut gagner au loto, partir, ou tout simplement changer de carrière. D’autre part, si nous embauchions un deuxième développeur, quel serait son profil ? Comment pouvons-nous nous assurer qu’elle s’intégrera ? Pouvons-nous lui assurer un emploi durable ?

Fin 2022, Chocobozzz nous a demandé de publier une offre de stage. Il s’agissait à la fois de tester si, après 5 ans de développement en solo sur PeerTube, le travail en équipe lui revenait facilement (c’est le cas) ; mais aussi de former quelqu’un au code de PeerTube, de voir comment il peut être appréhendé par une nouvelle personne, et comment améliorer sa documentation.

Wicklow nous a rejoint pour un stage entre février et août 2023, et a produit la fonctionnalité de protection de vidéos par mot de passe, publiée dans la version 6 de PeerTube. Nous n’avions pas prévu de l’embaucher : nous avions alors d’autres profils en tête, et pensions ne pas pouvoir lancer un processus d’embauche avant 2024. Nous le lui avons dit expressément, pour ne pas lui donner de faux espoirs… Mais au même moment où nous apprenions pouvoir bénéficier d’une extension de bourse du programme NGI0, nous avons réalisé qu’il s’intégrait parfaitement au projet, à l’équipe et à notre association.

Bref : nous avons embauché Wicklow en septembre 2023, alors qu’il venait d’obtenir son diplôme, pour un contrat d’un an (que nous espérons pérenniser avec votre soutien !).

…et pour créer une application mobile iOS/Android !

Cette nouvelle embauche a deux objectifs. Tout d’abord, nous voulons qu’un autre développeur, ou qu’une autre développeuse, se familiarise avec le code de base de PeerTube, et réduise le « bus factor ». Wicklow devrait également devenir progressivement capable d’aider Chocobozzz dans la gestion de la communauté de développement.

Au fur et à mesure que la communauté grandit (et nous en sommes ravies), la charge de travail d’animation augmente également : répondre aux issues et aux demandes d’assistance sur notre forum, examiner les contributions en code, etc. Bien qu’il soit important d’être présent pour la communauté, cela prend jusqu’à la moitié du temps de Chocobozzz, ce qui signifie encore moins de temps pour développer de nouvelles fonctionnalités.

Le deuxième et principal objectif pour Wicklow en 2024 serait, avec l’aide de designers, de créer et de publier une application mobile PeerTube officielle. Le visionnage mobile est devenu le principal moyen de regarder des vidéos. Même s’il existe déjà des applications mobiles permettant de lire des vidéos sur PeerTube, nous pensons qu’une application officielle pourrait contribuer à l’adoption et à l’attractivité de PeerTube.

Pour 2024, l’application se limiterait à la recherche et au visionnage de vidéos. Nous voulons que les utilisatrices puissent utiliser un moteur de recherche fédéré, regarder des vidéos et des directs, se connecter à leur compte sur leur instance PeerTube, accéder à leurs notifications, abonnements, listes de lecture, etc. En cas de succès, cette première version de l’application pourrait être étendue à d’autres cas d’usage et fonctionnalités à l’avenir.

Nous prévoyons de publier cette application à la fois sur iOS (ce qui dépendra aussi d’Apple, connue pour être tatillonne avec le fediverse) et sur Android… et, en tant qu’objectif bonus (donc « si tout se passe bien »), sur Android TV également.

Dessin de Sepia, læ poulpe mascotte de PeerTube. Iel est en position de méditation et entouré d'une aura de force, évoquant le super sayans.
Sepia, la mascotte de PeerTube, forte de votre soutien – illustration David Revoy – Licence : CC-By 4.0

Promouvoir l’écosystème PeerTube

PeerTube, c’est plus que du code, et nous voulons mettre en lumière l’incroyable communauté qui se développe autour de ce projet.

Nous voyons souvent des plugins étonnants, des instances et des chaînes intéressantes, de nouvelles initiatives et expériences… que nous aimerions partager. Mais il est rare que nous ayons et prenions le temps de le faire.

En attendant, nous voyons aussi beaucoup de gens qui se demandent si PeerTube permet la diffusion en direct (c’est le cas !), s’il y a un chat pour les lives (oui : c’est un plugin génial !), ou s’il y a des sites web pour trouver du contenu sur PeerTube (encore une fois : oui !).

Nous prévoyons de travailler à la promotion de l’écosystème PeerTube, grâce au blog et à la newsletter de notre site Joinpeertube, avec notre compte Mastodon, et en travaillant sur une instance vitrine Peer.tube.

Pour inaugurer ce travail, nous répondrons en Anglais et en direct à toutes vos questions sur PeerTube lors d’un livestream animé par Laurens du blog et de la newsletter Fediverse Report, sur notre chaîne Peer.Tube ! Vous pouvez déjà aller sur Mastodon et poser vos questions (en Anglais aussi) avec le hashtag #PeerTubeAMA.

Cet AMA ( » Ask Me Anything « ) aura lieu demain, 13 décembre, de 18h à 20h (CET), sur ce lien.

La vignette indique
Cliquez sur l’image pour accéder au live

(et si tout se passe bien, nous publierons le replay sur la même chaîne)

Si vous êtes résolument francophones, on vous donne rendez-vous le 19 décembre au matin, où nous passerons Au Poste! pour une PeerTube Party organisée par le journaliste David Dufresne.

Financé par l’Europe… et par vous !

Comme nous l’avons déjà dit dans ce (long) billet, nous avons eu la chance d’obtenir des bourses du programme NGI (Next Generation Internet) de la Commission Européenne, par l’intermédiaire de la fondation NLnet (merci beaucoup à elles et eux !). Les bourses précédentes nous ont permis de financer un quart de nos six années de travail sur PeerTube. Nous sommes heureuses d’annoncer que nous avons obtenu une nouvelle bourse pour 2024, qui couvrira les coûts de développement prévus.

Cela signifie que, comme cela a été le cas pour 75 % du travail jusqu’à présent, le financement de tout le reste du projet repose sur les dons. Communiquer sur PeerTube et son écosystème, les partages d’expérience avec divers acteurs, les prestations en design, le soutien et la gestion de la communauté, etc. Tous ces coûts seront, comme d’habitude, financés par… certaines d’entre vous !

Notre campagne de dons actuelle déterminera le budget de Framasoft pour 2024. Son succès nous indiquera si nous pourrons assurer un emploi stable à notre second développeur, tout en continuant à mener à bien tous les autres projets et actions que nous entreprenons.

Cette année encore, nous avons besoin de vous, de votre soutien, de vos partages, pour nous aider à reprendre du terrain sur le web toxique des GAFAM, et multiplier les espaces de numérique éthique.

Nous avons donc demandé à David Revoy de nous aider à montrer cela sur notre site « Soutenir Framasoft », qu’on vous invite à visiter (parce que c’est beau) et surtout à partager le plus largement possible :

Barre de dons Framasoft le 12 décembre 2023, à 30 % - 61341 €

Si nous voulons boucler notre budget pour 2024, il nous reste trois semaines pour récolter 138 659 € : nous n’y arriverons pas sans votre aide !

 

Soutenir Framasoft

 




Mobilizon V4 : the maturity stage

5 years after its announcement, Mobilizon, our free, federated alternative to Facebook groups and events, is reaching maturity. We take this opportunity to look back on its history and future.

🦆 VS 😈: Let’s take back some ground from the tech giants!

Thanks to your donations to our not-for-profit, Framasoft is taking action to advance the ethical, user-friendly web. Find a summary of our progress in 2023 on our Support Framasoft page.

➡️ Read the series of articles from this campaign (Nov. – Dec. 2023)

Five years of Mobilizon

As this is the last major version of Mobilizon to be ported by Framasoft (yes, we’re teasing you a bit 😅 ), we’d like to start with a reminder of the various stages that led us to this v4.

2018: an intention and attentions

Remember: in December 2018 (5 years ago already!), we announced (in French) our intention to develop Mobilizon. Our aim was to offer an alternative to Facebook groups and events, which had become the de facto dominant tool as a platform for mobilisation, whether it was organising a birthday party, a free software conference or a climate protest.

To do this, we decided to do things in the right order, starting by asking different audiences about their real needs and expectations (not those we assumed). The aim was to create a tool that was not only practical and welcoming, but also empowering. For example, we decided to reject any form of social gamification (in Mobilizon you follow groups rather than individuals, we banned infinite scrolling in favour of simple pagination, etc.).

 

Illustration of Face Ghoûl, a dripping, clawed monster adorned with the Facebook logo
Click to support us and push back Face Ghoûl – Illustration CC-By David Revoy

2019: Crowdfunding and first beta version

In May 2019, we launched an appeal for donations to fund the development of a first version. Thanks to the mobilisation and generosity of over 1,000 donors, it was a success, with almost €60,000 raised. Less than 6 months later, we announced a beta version of the software.

This version provided a good foundation for creating and publishing events. However, it still lacked « core » functionalities, such as the ability to register anonymously for an event, or federation (i.e. the ability of a Mobilizon instance (in French) to easily exchange data with other Mobilizon instances, or even Mastodon instances).

2020: a pandemic and a V1

In October 2020, after a few months delay due to a worldwide pandemic, the first stable version (« v1 ») of Mobilizon was released!

This v1 already offered what was to become the core of the software: groups (the central element of Mobilizon), articles, resources linked to a group, the possibility of having several profiles for the same account, the possibility of participating in an event without registering, and… the federation.

 

Drawing of Rose, the Mobilizon Fennec mascot. She is in a posture reminiscent of Tai Chi Chuan.
Click to support us and help Rose, the Mobilizon mascot – Illustration CC-By David Revoy

2021: notifications and an app

At the end of 2021, we announced version 2 of Mobilizon. One of the main new features was the eagerly awaited integration of a notification system. But also on the menu: time zone management, « RTL » management (for languages written from right to left, such as Arabic or Hebrew), provision of RSS feeds, the addition of sorting filters, the ability to define an event as « online » (without geographical location), public group tracking, etc. There was even the release of a smartphone application developed by Tom79 (thanks again to him!).

2022: Engines and search

The third major version of Mobilizon was released with the regularity of a Swiss watch, one year after v2.

Its main focus was search. It introduced the possibility of federated searches: a search from the « SOMETHING » instance could return results from events hosted on the Mobilizon « ELSE » instance. As with PeerTube’s SepiaSearch metasearch engine, we designed and implemented a Mobilizon-specific engine that allows searches across multiple instances: https://search.joinmobilizon.org

With this release, we have also redesigned the front page of the software. Our aim is to give you more opportunities to discover events and groups you may not have known existed, and to make the diversity of content published on Mobilizon more visible.

 

Rose, the Mobilizon mascot, with a magnifying glass
Rose search – Illustration by David Revoy – Licence : CC-By 4.0

2023: waiting for v4…

During 2023 we also quietly released two minor versions. These added anti-spam tools, the ability to manage arbitrary addresses (because an address database can never be perfectly up to date), the ability to use external authentication systems, and the ability to define an external website for people who want to manage registrations outside Mobilizon.

They were also the occasion for bug hunting and improvements to the Mobilizon API, paving the way for one of the most eagerly awaited features of v4 (yes, the teasing is unsustainable 😉 ).

Rose, the Mobilizon fennec mascot, plays a backhand tennis game to send back a letter marked "spam".
Rose fights SPAM – Illustration by David Revoy – Licence : CC-By 4.0

What’s new in Mobilizon v4?

We’ve done it! Version 4 is finally here 🙂 And we’re very proud of the new features it brings!

Private Announcements and Conversations

Event organisers can now send private announcements to attendees. This has been a long awaited feature!

Group or event administrators or moderators can now contact people registered in a group or event directly. You can then write to all these people, or select sub-groups, for example only those who have confirmed their attendance, or conversely those who have not confirmed (or declined). It’s even possible to contact people who have registered without creating a Mobilizon account. This opens up some very interesting possibilities, such as the possibility of communicating important information: a change of location or date, for example.

Please note that this is an announcement system and registrants cannot reply (although moderators can add messages). This is not a forum, but a channel for sharing important information in a more top-down way.

As well as this announcement mechanism, we’ve added a conversation system.

This allows you to contact a group or specific people and chat with them live.

For example, an outsider to an event can contact the group administrator from the event page and exchange messages with them. Think of this conversation system as the « DM » (direct message) or « MP » (private message) system you know from other social platforms.

For those who have a Mastodon account (or equivalent), the magic of Fédivers means that you can even use this conversation feature to send private messages from Mastodon, while the person you are contacting can reply from Mobilizon!

Import and synchronise events from other platforms (Facebook, Meetup, etc.)

Once again, this was one of the most eagerly awaited features of Mobilizon.

But it was also one of the most complicated for us to implement in the software. Because these external platforms (yes, Facebook, we’re looking at you!) are the despots of kingdoms of which you are merely the vassal. If they want to raise the drawbridge over which your data passes, they can do so with the snap of a finger, and there is nothing you or we can do about it.

That’s why we’re announcing this feature as present, BUT with a great deal of reserve and caution.

Nevertheless, we’re excited to introduce this new Mobilizon feature to you!

How does it work?

First of all, please understand that everything that follows takes place… outside of Mobilizon. In an external tool modestly called « Mobilizon Import System » (note that we’ve kept it simple 😅 ).

From this tool, you’ll be able to connect to your Mobilizon account and define your profiles or groups on which you authorise external platforms (such as Meetup or EventBrite) to post. These profiles and groups then become « Destinations ».

Then, simply go to the page of the event you want to synchronise (e.g. https://www.eventbrite.fr/e/billets-street-art-feminisme-743545834607), copy and paste this address into Mobilizon’s import system, and the event will be imported.

In addition to the classic import, it is also possible (depending on the platform) to set up the synchronisation of one or more events. Once synchronised, the new events will be published on your selected Mobilizon profile/group. Event updates on the source (for example, if you change the description on Meetup) will automatically update the event republished on Mobilizon (note that deletions are not currently handled).

Important note: iCal (.ics) event feeds are supported! This means you can have events in Framagenda (or Google Calendar, we won’t judge you (too much)) and synchronise them in Mobilizon! Nice, isn’t it?

In addition to the iCal format, the platforms currently supported are Eventbrite, Meetup…

Yes, we can see you now, screaming in your head:

« What about Facebook? 🥺 « 

So Facebook, « It’s complicated » ©

We did all the work on our end and… it works (Yaaaaaaaaay! 🥳)… but only with our « App Developer » account (Oooooooohhh! 😦).

 

We still have to go through several validation steps, and… we have absolutely no hand in it. It’s Facebook’s kingdom, so Facebook decides. Maybe it’ll work for 5 years, 5 months, 5 days. Maybe it won’t work at all. 🤷

Technically, another feature – reserved for developers – that we’ve added is the ability to add « webhooks« , which are internal calls that can also act as « destinations » for sources. Events can then be sent to these webhooks, which will do… well, whatever you want them to do! This might be useful for our friends at Transiscope, for example, so that their tool can also import events from other platforms.

The « Mobilizon Import System » was deliberately developed outside the Mobilizon core. It is therefore a separate piece of software. In fact, we think that this software is likely to need a lot of modifications (for example, to correct bugs or to add new platforms such as Démosphère or Agenda Militant) and that there might be an interest in hosting this application outside Mobilizon instances (for example, to share functionality between several instances, or to manage the legal risks imposed on us by third party platforms). So we’ve made it a separate software project, but of course free and self-hosting.

Other Mobilizon v4 improvements

Don’t go away! We’ve got more great features to share with you!

First of all, we’ve improved compatibility for tracking other federated event instances (one of the most interesting projects is « Event Federation for WordPress« , which would eventually allow the famous WordPress website/blog engine to be used as an event platform. We talked to the people coordinating this project to share our experiences and incorporated their requests in the form of developments in Mobilizon (which they confirmed in their latest blog post).

Secondly, we have improved the formatting of event descriptions when exporting events and in ICS feeds (which now take into account the status « tentative », « confirmed » or « cancelled »).

Also, we changed email registration confirmations for attendees without an account to now include an unsubscribe link.

Finally, Mobilizon is now available on more operating systems and architectures (Debian, Ubuntu, Fedora, arm64, etc.).

Mission accomplished, Framasoft is ready to pass the baton!

Framasoft had announced in March 2023 in the Mobilizon roadmap that this v4 would be the last we would develop.

We still strongly believe in the future of this project.

But we’ve reached our goal: we announced an intention and a vision in 2018 and… we’ve fulfilled our mission!

Of course, software is far from bug-free. But anyone involved in software development knows that there will always be things to fix, features to add… It’s never-ending. And we sincerely believe that it’s also important to be able to step back, say to yourself that you’ve kept your commitment, and hand over a project.

The Framasoft team is small: Mobilizon is a salaried developer (yes, only one!), and not even full-time… He is certainly supported by the rest of the association in terms of communication, project management, fundraising, etc. But after five years, we consider the project a success. But after 5 years, we feel that Mobilizon is stable enough for him to redirect his energy and skills to other projects and missions.

We’re not putting Mobilizon on the shelf!

First of all, Framasoft is committed to maintain this v4 for the next few months (and as long as we can), especially in case of security updates or blocking bugs. We’ll also maintain our public, French-language forum https://mobilizon.fr.

But we won’t be developing any new features.

Secondly, another team (the Kaihuri association, well known to the Mobilizon community as the maintainers of the Keskonfai instance) already has a take-over and contribution project to improve Mobilizon’s handling. They present their project and their ambitions on our forum dedicated to Mobilizon: don’t hesitate to give them your feedback and encouragement (or disagreement, for that matter), but also your desire and ability to contribute.

So, if the community doesn’t mind, in the next few weeks we’ll be handing over all the Mobilizon « keys » to this community (they already have maintainer access to the source code repository, but this also applies to the joinmobilizon.org, mobilizon.org, search.joinmobilizon.org websites, tools, social media accounts, etc.).

Mobilizon seems to have a bright future ahead!

Drawing in the style of a fighting video game, featuring the Mobilizon fennec and the facebook Groups monster.
For five years, thanks to your donations, Rose has been training to fight Faceghoul – Illustration by David Revoy – Licence : CC-By 4.0

Five years of Mobilizon, thanks to you (and your donations)!

Although we’ll be handing over the keys to the project in a few weeks time, all the work done throughout 2023 has come at a significant cost.

If you like this version 4, and it’s possible for you to do so, we encourage you to support Framasoft as a token of our gratitude for all the work we’ve done this year, but also for honouring our original moral contract: to provide you with a free, federated alternative to Facebook groups and events.

Once again this year we need you, your support, your sharing, to help us regain ground on the toxic GAFAM web and multiply ethical digital spaces.

So we’ve asked David Revoy to help us present this on our « Support Framasoft » page, which we invite you to visit (because it’s beautiful) and above all to share as widely as possible:

 

Screenshot of the Framasoft 2023 donation bar at 19% - €37249

If we are to balance our budget for 2024, we have five weeks to raise €162,716 : we can’t do it without your help !

Support Framasoft




Mobilizon V4 : l’étape de la maturité

5 ans après son annonce, Mobilizon, notre alternative libre et fédérée aux groupes et événements Facebook atteint une phase de maturité. L’occasion pour nous de revenir sur son histoire et son avenir.

🦆 VS 😈 : Reprenons du terrain aux géants du web !

Grâce à vos dons (défiscalisables à 66 %), l’association Framasoft agit pour faire avancer le web éthique et convivial. Retrouvez un résumé de nos avancées en 2023 sur le site Soutenir Framasoft.

➡️ Lire la série d’articles de cette campagne (nov. – déc. 2023)

Cinq années de Mobilizon

Comme cette version est la dernière version majeure de Mobilizon qui sera portée par Framasoft (oui, on vous tease un peu 😅 ), nous vous proposons de commencer par un rappel des différentes étapes qui nous ont mené·es à cette v4.

2018 : une intention et des attentions

Souvenez-vous : en décembre 2018 (5 ans déjà !) nous annoncions notre intention de développer Mobilizon. Notre objectif était de proposer une alternative aux groupes et événements Facebook, qui était devenu de facto l’outil dominant comme plateforme de mobilisation, qu’il s’agisse d’organiser un anniversaire, une conférence sur le logiciel libre, ou une manifestation pour le climat.

Pour cela, nous avions choisi de faire les choses dans l’ordre, en commençant par interroger différents publics sur leurs attentes et leurs besoins réels (et non ceux que nous supposions). Le but étant de créer un outil non seulement pratique et accueillant, mais aussi émancipateur. Ainsi, nous avons par exemple assumé le choix de refuser toute gamification sociale (dans Mobilizon, vous suivez des groupes et non des individus, nous nous sommes interdits le scroll infini pour lui préférer une simple pagination, etc.).

Illustration de Face Ghoûl, un monstre dégoulinant et griffu orné du logo de Facebook
Cliquez pour nous soutenir et aider à repousser Face Ghoûl – Illustration CC-By David Revoy

2019 : un crowdfunding et première bêta

En mai 2019, nous avions fait un appel aux dons afin de pouvoir financer le développement d’une première version. Grâce à la mobilisation et la générosité de plus de 1 000 donateur⋅ices, ce fut un succès avec près de 60 000€ récoltés. Moins de 6 mois plus tard, nous annoncions une version bêta du logiciel.

Cette version posait déjà de belles fondations pour la création et la publication d’événements. Cependant, des fonctionnalités « centrales » étaient encore manquantes, comme la possibilité de pouvoir s’inscrire anonymement à un événement, ou la fédération (c’est-à-dire la capacité d’une instance Mobilizon à pouvoir échanger facilement des données avec d’autres instances Mobilizon, ou même des instances Mastodon).

2020 : une pandémie et une V1

En octobre 2020, après quelques mois de « retard » pour cause de pandémie mondiale, la première version stable (« v1 ») de Mobilizon était publiée !

Cette v1 proposait déjà ce qui allait être le cœur du logiciel : les groupes (qui sont l’élément central de Mobilizon), les articles, les ressources liées à un groupe, la possibilité d’avoir plusieurs profils pour un même compte, la possibilité de participer à un événement sans s’inscrire, et… la fédération.

Dessin de Rose, la Fennec mascotte de Mobilizon. Elle est dans une posture évoquant le Tai Chi Chuan.
Cliquez pour nous soutenir et aider Rose, la mascotte de Mobilizon – Illustration CC-By David Revoy

2021 : des notifications et une application

Fin 2021, nous annoncions la version 2 de Mobilizon. L’une des principales nouveautés était l’intégration d’un système de notifications, particulièrement attendu. Mais il y avait aussi au menu : la gestion des fuseaux horaires, la gestion « RTL » (pour les langues s’écrivant de droite à gauche, comme l’arabe ou l’hébreu), la mise à disposition de flux RSS, l’ajout de filtres de tri, la possibilité de définir un événement comme « en ligne » (sans lieu géographique), le suivi public des groupes, etc. Il y a même eu la publication d’une application smartphone, développée par Tom79 (merci encore à lui !).

2022 : des moteurs et de la recherche

La troisième version majeure de Mobilizon fut publiée, avec la régularité d’une horloge suisse, un an après la v2.

Elle était essentiellement tournée autour de la question de la recherche. Ainsi, elle apportait la possibilité de faire des recherches fédérées : une recherche depuis l’instance « TRUC » peut ainsi retourner des résultats d’événements hébergés sur l’instance Mobilizon « MACHIN ». Comme pour PeerTube avec son métamoteur SepiaSearch, nous avons développé et mis en place un moteur spécifique à Mobilizon permettant la recherche sur de multiples instances : https://search.joinmobilizon.org

Cette version a aussi été l’occasion de revoir le design de la page d’accueil du logiciel. Notre objectif : augmenter vos possibilités de découvrir des événements et des groupes dont vous ne soupçonneriez pas l’existence, et de rendre davantage visible la diversité des contenus publiés sur Mobilizon.

Rose, la mascotte de Mobilizon, avec une loupe
Rose Recherche – Illustration de David Revoy – Licence : CC-By 4.0

2023 : en attendant la v4…

Pendant l’année 2023, nous avons aussi publié, plus discrètement, deux versions mineures. Elles ont ajouté des outils permettant de lutter contre le spam, ont donné la faculté de gérer des adresses arbitraires (car une base de données d’adresses ne peut jamais être parfaitement à jour), ouvert la possibilité d’utiliser des systèmes d’authentification externe, et la faculté de définir un site web externe pour les personnes souhaitant gérer les inscriptions en dehors de Mobilizon.

Elles ont aussi été l’occasion d’une chasse aux bugs, et de l’amélioration de l’API de Mobilizon, ce qui a permis de préparer le terrain pour l’une des fonctionnalités les plus attendues de la v4. (oui, le teasing est insoutenable 😉 )

Rose, la fennec mascotte de Mobilizon, fait un revers de Tennis pour renvoier un une lettre marquée "spam"
Rose lutte contre le SPAM – Illustration de David Revoy – Licence : CC-By 4.0

Les nouveautés de Mobilizon v4

Ça y est ! La version 4 est enfin sortie 🙂 Et nous sommes très fier⋅es des nouvelles fonctionnalités qu’elle apporte !

Annonces privées et conversations

Les organisateurices d’événements peuvent dorénavant envoyer des annonces privées aux participant⋅es. C’était une fonctionnalité très attendue !

Ainsi, les adminstrateurices ou modérateurices d’un groupe ou d’un événement peuvent maintenant contacter directement les personnes inscrites à un groupe ou un événement. Vous pourrez donc écrire à toutes ces personnes, ou sélectionner des sous-groupes, par exemple en ne choisissant uniquement que les personnes qui ont confirmé leur participation, ou, au contraire, les personnes qui n’ont pas confirmé (ou celles refusées). Il est même possible de contacter les personnes qui se sont inscrites sans créer de compte Mobilizon. Cela ouvre des perspectives très intéressantes, comme la possibilité de transmettre des informations importantes : un changement de lieu ou de date, par exemple.

Notez qu’il s’agit d’un système d’annonce, les simples inscrit⋅es ne peuvent pas répondre (bien que les modérateur⋅ices pourront, de leur côté, ajouter des messages). Il ne s’agit pas d’un forum, mais bien d’un canal permettant de partager une information importante, de façon plutôt descendante.

capture d'écran d'une annonce privée dans Mobilizon

En parallèle de ce mécanisme d’annonce, nous avons ajouté un système de conversation.

Ce dernier permet d’entrer en contact avec un groupe, ou certaines personnes, et d’échanger avec elle en direct.

Par exemple, une personne extérieure à un événement pourra, depuis la page d’un événement, entrer en contact avec l’administratrice d’un groupe et échanger des messages avec elle. Voyez ce système de conversation comme celui, bien connu, des « DM » (« Direct Message ») ou « MP » (« Message privé ») d’autres plateformes sociales.

capture d'écran des conversations privées dans Mobilizon

Pour les personnes qui ont un compte Mastodon (ou équivalent), la magie du Fédivers fait que vous pouvez même utiliser cette fonctionnalité Conversation en utilisant, de votre côté, des messages privés depuis Mastodon alors que la personne contactée pourra vous répondre depuis Mobilizon !

Import et synchronisation d’événements depuis d’autres plateformes (Facebook, Meetup, etc)

Là encore, il s’agissait d’une des fonctionnalités les plus attendues de Mobilizon.

Mais clairement, c’était l’une des plus compliquées pour nous à implémenter dans le logiciel. Car ces plateformes externes (oui Facebook, c’est toi qu’on regarde !) sont les despotes de royaumes dont vous n’êtes que les vassaux. Si elles veulent relever le pont levis par où passent leurs données, elles peuvent le faire d’un claquement de doigts, et ni vous, ni nous, ne pourront rien y faire.

C’est pourquoi nous annonçons cette fonctionnalité comme présente, MAIS sujette à beaucoup (mais vraiment beaucoup) de réserve et de prudence.

Cependant, ne boudons pas notre plaisir de vous présenter cette nouvelle capacité de Mobilizon !

Comment ça marche ?

D’abord, comprenez bien que tout ce qui suit se passe… en dehors de Mobilizon. Dans un outil externe pudiquement nommé « Système d’Import de Mobilizon » (notez qu’on a fait simple 😅 ).

Depuis cet outil, vous allez pouvoir vous connecter à votre compte Mobilizon, et définir vos profils ou groupes sur lesquels vous autorisez les plateformes externes (type Meetup ou EventBrite) à poster. Ces profils et groupes deviendront alors des « Destinations ».

Ensuite, il suffit d’aller sur la page de l’événement à synchroniser (par exemple https://www.eventbrite.fr/e/billets-street-art-feminisme-743545834607 ) et de copier-coller cette adresse dans le Système d’import de Mobilizon, et l’événement sera importé.

En dehors de l’import classique, il est aussi possible (suivant les plateformes) de mettre en place une synchronisation d’un ou plusieurs événements. Une fois la synchronisation mise en place, les nouveaux événements sont publiés sur votre profil/groupe Mobilizon sélectionné. Les mises à jour d’événements sur la source (par exemple si vous modifiez la description sur Meetup) entraînent automatiquement une mise à jour de l’événement republié sur Mobilizon (attention, pour le moment, les suppressions ne sont pas gérées).

Note importante : les flux iCal (.ics) d’événements sont supportés ! Cela signifie que vous pouvez parfaitement avoir des événements dans Framagenda (ou Google Agenda, on ne vous jugera pas (trop)), et les synchroniser dans Mobilizon ! Classe, non ?

En plus du format iCal, les plateformes supportées pour le moment sont Eventbrite, Meetup…

Oui, on vous voit, là, en train de hurler dans vos têtes :

« Et Facebook ?! 🥺 »

Alors Facebook, « C’est compliqué » ©

On a fait tout le travail de notre côté, et… ça fonctionne (Wouuuuuaiiiis ! 🥳)… mais uniquement avec notre compte « développeur d’applications » (Oooooooohhh ! 😦).

Il nous reste plusieurs étapes de validation à passer, et… nous n’avons absolument pas la main dessus. C’est le royaume de Facebook, c’est donc Facebook qui décide. Peut-être que ça fonctionnera 5 ans, 5 mois, ou 5 jours. Peut-être que ça ne fonctionnera pas du tout. 🤷

Techniquement, une autre possibilité – réservée aux développeur⋅euses – que nous avons ajoutée est celle de pouvoir ajouter des « webhooks », c’est-à-dire des appels internes qui pourront, eux aussi, servir de « Destinations » pour les sources. Les événements pourront donc être envoyés à ces webhooks qui feront… et bien ce que vous déciderez qu’ils doivent en faire ! Par exemple cela pourrait être utile pour nos ami⋅es de Transiscope afin que leur outil puisse aussi importer des événements d’autres plateformes.

capture d'écran animée montrant les étapes d'import d'un événement externe dans mobilizon.

Le « Système d’Import de Mobilizon » est volontairement développé en dehors du cœur de Mobilizon. C’est donc un logiciel à part. En effet, nous estimons d’une part que ce logiciel risque d’avoir besoin de nombreuses modifications (par exemple pour corriger des bugs ou ajouter de nouvelles plateformes, comme Démosphère ou l’Agenda Militant), et d’autre part qu’il peut y avoir de l’intérêt à héberger cette application en dehors des instances Mobilizon (par exemple pour mutualiser la fonctionnalité entre plusieurs instances, ou pour gérer les risques juridiques que nous imposent les plateformes tierces). Nous en avons donc fait un projet logiciel séparé, mais évidemment libre et auto-hébergeable.

Autres améliorations de Mobilizon v4

Ne partez pas ! Nous avons encore d’autres fonctionnalités intéressantes à partager !

Tout d’abord, nous avons amélioré la compatibilité pour suivre d’autres instances d’événements fédérés (l’un des projets les plus intéressants étant « Event Federation for WordPress » qui permettrait à terme d’utiliser le célèbre moteur de sites/blog WordPress comme plateforme d’événements. Nous avons échangé avec les personnes qui coordonnent ce projet afin de partager notre expérience, et intégré leurs demandes sous forme de développements dans Mobilizon (ce qu’ils confirment dans leur dernier billet blog (en anglais)).

Lors des exports d’événements ainsi que dans les flux ICS, nous avons amélioré le formatage de la description des événements (qui prennent maintenant en compte les statuts « provisoire », « confirmé » ou « annulé »).

Ensuite, les confirmations d’inscriptions par mail pour les participant⋅es sans compte contiennent maintenant un lien de désinscription.

Enfin, Mobilizon est maintenant disponible sous davantage de systèmes d’exploitation et architectures (Debian, Ubuntu, Fedora, arm64, etc).

Mission accomplie, Framasoft est prête à faire la passe !

Framasoft avait annoncé en mars 2023 dans la roadmap Mobilizon, que cette v4 serait la dernière que nous développerions.

Nous croyons toujours très fort dans l’avenir de ce projet.

Mais nous avons atteint notre objectif : nous avions annoncé une intention et une vision en 2018 et… nous avons rempli notre mission !

gif "mobilizon mission accomplie" avec le jeune homme de la vidéo "bienvenue sur Internet" qui fait un pouce en l'air

Le logiciel n’est pas exempt de bugs, évidemment, loin de là. Mais quiconque fait du développement logiciel sait pertinemment qu’il y aura toujours des choses à corriger, des fonctionnalités à ajouter… C’est sans fin. Et nous pensons sincèrement qu’il faut aussi savoir prendre du recul, se dire qu’on a tenu notre engagement, et transmettre un projet.

L’équipe de Framasoft est réduite : Mobilizon, c’est un développeur salarié (oui, un seul !), et encore, même pas à temps plein… Il est certes accompagné par le reste de l’association sur la communication, la gestion de projet, la recherche de fonds, etc. Mais au bout de 5 ans nous considérons Mobilizon comme suffisamment stable pour qu’il puisse rediriger son énergie et ses compétences sur d’autres projets et d’autres missions.

Nous ne mettons pas Mobilizon au placard, non plus, hein !

Tout d’abord, Framasoft s’engage, pour les prochains mois (et autant qu’on le pourra) à maintenir cette v4, notamment en cas de mise à jour de sécurité, ou de bugs bloquants. Nous maintiendrons aussi notre instance publique et francophone https://mobilizon.fr

Mais nous ne nous lancerons pas dans le développement de nouvelles fonctionnalités.

Ensuite, une autre équipe (l’association Kaihuri, bien connue de la communauté Mobilizon en tant que mainteneuse de l’instance Keskonfai), a déjà un projet de reprise et de contribution, pour améliorer la prise en main de Mobilizon. Iels vous présentent leur projet et leurs ambitions sur notre forum consacré à Mobilizon : n’hésitez pas à leur partager vos retours et encouragements (ou divergences, d’ailleurs), mais aussi vos envies et capacités de contribution.

Ainsi, si la communauté n’y voit pas d’inconvénient, nous transmettrons dans les prochaines semaines l’ensemble des « clés » de Mobilizon à cette communauté (iels ont déjà un accès Maintainer sur le dépôt du code source, mais cela concerne aussi les sites web joinmobilizon.org, mobilizon.org, search.joinmobilizon.org, les outils et comptes de médias sociaux, etc.).

Mobilizon semble donc avoir de beaux jours devant elle !

Dessin dans le style d'un jeu vidéo de combat, où s'affronte la fennec de Mobilizon et le monstre de facebook Groups.
Pendant cinq ans, grâce à vos dons, Rose s’est entraînée à lutter contre Faceghoul – Illustration de David Revoy – Licence : CC-By 4.0

Cinq années de Mobilizon, c’est grâce à vous (et à vos dons) !

Même si nous transmettrons a priori les clés du projet dans quelques semaines, tout le travail effectué tout au long de l’année 2023 a eu un coût non négligeable.

Si cette version 4 vous plaît, et que c’est possible pour vous, nous vous encourageons donc à soutenir Framasoft en forme de gratitude pour le travail effectué cette année, mais aussi pour avoir respecté le contrat moral de départ : vous fournir une alternative libre et fédérée aux groupes et événements Facebook.

Cette année encore, nous avons besoin de vous, de votre soutien, de vos partages, pour nous aider à reprendre du terrain sur le web toxique des GAFAM, et multiplier les espaces de numérique éthique.

Nous avons donc demandé à David Revoy de nous aider à montrer cela sur notre site « Soutenir Framasoft« , qu’on vous invite à visiter (parce que c’est beau) et surtout à partager le plus largement possible :

Capture d'écran de la barre de dons Framasoft 2023 à 19% - 37284 €

Si nous voulons boucler notre budget pour 2024, il nous reste quatre semaines pour récolter 162 716 € : nous n’y arriverons pas sans votre aide !

 

Soutenir Framasoft

 




Logiciel libre et anarchisme

Par sa volonté de décentralisation, le logiciel libre est présenté comme porteur de valeurs anarchistes, et parfois vilipendé par certaines institutions pour cela. Mais pour autant que les méthodes de travail puissent être reliées à des pratiques libertaires, voire revendiquées comme telles, peut-on réellement considérer qu’il en adopte toutes les valeurs, les ambitions et le message politique ?

Framatophe vous propose ici de retracer un peu la façon dont les mouvements du logiciel libre et des mouvements anarchistes se sont côtoyés au fil des ans et, surtout, comment ils pourraient mieux apprendre l’un de l’autre.

Logiciel libre et anarchisme

À travers le monde et à travers l’histoire, les mouvements anarchistes ont toujours subi la surveillance des communications. Interdiction des discours publics et rassemblements, arrestations d’imprimeurs, interceptions téléphoniques, surveillance numérique. Lorsque je parle ici de mouvements anarchistes, je désigne plutôt tous les mouvements qui contiennent des valeurs libertaires. Bien au-delà des anciennes luttes productivistes des mouvements ouvriers, anarcho-syndicalistes et autres, le fait est qu’aujourd’hui énormément de luttes solidaires et pour la justice sociale ont au moins un aspect anarchiste sans pour autant qu’elles soient issues de mouvements anarchistes « historiques ». Et lorsqu’en vertu de ce « déjà-là » anarchiste qui les imprègne les sociétés font valoir leurs libertés et leurs souhaits en se structurant en organes collectifs, les États et les organes capitalistes renforcent leurs capacités autoritaires dont l’un des aspects reconnaissables est le contrôle des outils numériques.

Cela aboutit parfois à des mélanges qu’on trouverait cocasses s’ils ne démontraient pas en même temps la volonté d’organiser la confusion pour mieux dénigrer l’anarchisme. Par exemple cette analyse lamentable issue de l’École de Guerre Économique, au sujet de l’emploi du chiffrement des communications, qui confond anarchisme et crypto-anarchisme comme une seule « idéologie » dangereuse. Or il y a bien une différence entre prémunir les gens contre l’autoritarisme et le contrôle numérique et souhaiter l’avènement de nouvelles féodalités ultra-capitalistes au nom dévoyé de la liberté. Cette confusion est d’autant plus savamment orchestrée qu’elle cause des tragédies. En France, l’affaire dite du 8 décembre 20201, sorte de remake de l’affaire Tarnac, relate les gardes à vue et les poursuites abusives à l’encontre de personnes dont le fait d’avoir utilisé des protocoles de chiffrement et des logiciels libres est déclaré suspect et assimilable à un comportement dont le risque terroriste serait avéré – en plus d’avoir lu des livres d’auteurs anarchistes comme Blanqui et Kropotkine. Avec de tels fantasmes, il va falloir construire beaucoup de prisons.

caricature suggérant qu'à travers un ordinateur des services secrets "récupèrent" le cerveau éjecté d'un quidam qui est comme étranglé.
Die Hackerbibel, Chaos Computer Club, 1998, illlustration page 15

Le logiciel libre a pourtant acquis ses lettres de noblesses. Par exemple, si Internet fonctionne aujourd’hui, c’est grâce à une foule de logiciels libres. Ces derniers sont utilisés par la plupart des entreprises aujourd’hui et il n’y a guère de secteurs d’activités qui en soient exempts. En revanche, lorsqu’on considère l’ensemble des pratiques numériques basées sur l’utilisation de tels communs numériques, elles font très souvent passer les utilisateurs experts pour de dangereux hackers. Or, lorsque ces utilisations ont pour objectif de ne pas dépendre d’une multinationale pour produire des documents, de protéger l’intimité numérique sur Internet, de faire fonctionner des ordinateurs de manière optimale, ne sont-ce pas là des préoccupations tout à fait légitimes ? Ces projections établissent un lien, souvent péjoratif, entre logiciel libre, activité hacker et anarchisme. Et ce lien est postulé et mentionné depuis longtemps. Le seul fait de bricoler des logiciels et des machines est-il le seul rapport entre logiciel libre et anarchisme ? Que des idiots trouvent ce rapport suspect en fait-il pour autant une réalité tangible, un lien évident ?

Le logiciel libre comporte quatre libertés : celle d’utiliser comme bon nous semble le logiciel, celle de partager le code source tout en ayant accès à ce code, celle de le modifier, et celle de partager ces modifications. Tout cela est contractuellement formalisé par les licences libres et la première d’entre elles, la Licence Publique Générale, sert bien souvent de point de repère. L’accès ouvert au code combiné aux libertés d’usage et d’exploitation sont communément considérés comme les meilleurs exemples de construction de communs numériques et de gestion collective, et représentent les meilleures garanties contre l’exploitation déloyale des données personnelles (on peut toujours savoir et expertiser ce que fait le logiciel ou le service). Quelle belle idée que de concevoir le Libre comme la traduction concrète de principes anarchistes : la lutte contre l’accaparement du code, son partage collaboratif, l’autogestion de ce commun, l’horizontalité de la conception et de l’usage (par opposition à la verticalité d’un pouvoir arbitraire qui dirait seul ce que vous pouvez faire du code et, par extension, de la machine). Et tout cela pourrait être mis au service des mouvements anarchistes pour contrecarrer la surveillance des communications et le contrôle des populations, assurer la liberté d’expression, bref créer de nouveaux communs, avec des outils libres et une liberté de gestion.

Belle idée, partiellement concrétisée à maints endroits, mais qui recèle une grande part d’ombre. Sur les communs que composent les logiciels libres et toutes les œuvres libres (logiciels ou autres), prolifère tout un écosystème dont les buts sont en réalité malveillants. Il s’agit de l’accaparement de ces communs par des acteurs moins bien intentionnés et qui paradoxalement figurent parmi les plus importants contributeurs au code libre / open source. C’est que face à la liberté d’user et de partager, celle d’abuser et d’accaparer n’ont jamais été contraintes ni éliminées : les licences libres ne sont pas moralistes, pas plus qu’elles ne peuvent légitimer une quelconque autorité si ce n’est celle du contrat juridique qu’elles ne font que proposer. On verra que c’est là leur fragilité, nécessitant une identification claire des luttes dont ne peut se départir le mouvement du logiciel libre.

Collaboration sans pouvoir, contribution et partage : ce qui pourrait bien s’apparenter à de grands principes anarchistes fait-il pour autant des mouvements libristes des mouvements anarchistes et du logiciel libre un pur produit de l’anarchie ? Par exemple, est-il légitime que le système d’exploitation Android de Google-Alphabet soit basé sur un commun libre (le noyau Linux) tout en imposant un monopole et des contraintes d’usage, une surveillance des utilisateurs et une extraction lucrative des données personnelles ? En poussant un peu plus loin la réflexion, on constate que la création d’un objet technique et son usage ne sont pas censés véhiculer les mêmes valeurs. Pourtant nous verrons que c’est bien à l’anarchie que font référence certains acteurs du logiciel libre. Cette imprégnation trouve sa source principale dans le rejet de la propriété intellectuelle et du pouvoir qu’elle confère. Mais elle laisse néanmoins l’esprit anarchiste libriste recroquevillé dans la seule production technique, ouvrant la voie aux critiques, entre tentation libertarienne, techno-solutionnisme et mépris de classe. Sous certains aspects, l’éthique des hackers est en effet tout à fait fongible dans le néolibéralisme. Mais il y a pourtant un potentiel libertaire dans le libre, et il ne peut s’exprimer qu’à partir d’une convergence avec les luttes anticapitalistes existantes.

Des libertés fragiles

Avant d’entrer dans une discussion sur le rapport historique entre logiciel libre et anarchie, il faut expliquer le contexte dans lequel un tel rapport peut être analysé. Deux points de repère peuvent être envisagés. Le premier point de repère consiste à prendre en compte que logiciel libre et les licences libres proposent des développements et des usages qui sont seulement susceptibles de garantir nos libertés. Cette nuance a toute son importance. Le second point consiste à se demander, pour chaque outil numérique utilisé, dans quelle mesure il participe du capitalisme de surveillance, dans quelle mesure il ouvre une brèche dans nos libertés (en particulier la liberté d’expression), dans quelle mesure il peut devenir un outil de contrôle. C’est ce qui ouvre le débat de l’implication des mouvements libristes dans diverses luttes pour les libertés qui dépassent le seul logiciel en tant qu’objet technique, ou l’œuvre intellectuelle ou encore artistique placée sous licence libre.

Ce sont des techniques…

Il ne faut jamais perdre de vue que, en tant que supports de pensée, de communication et d’échanges, les logiciels (qu’ils soient libres ou non) les configurent en même temps2. C’est la question de l’aliénation qui nous renvoie aux anciennes conceptions du rapport production-machine. D’un point de vue marxiste, la technique est d’abord un moyen d’oppression aux mains des classes dominantes (l’activité travail dominée par les machines et perte ou éloignement du savoir technique). Le logiciel libre n’est pas exempt de causer cet effet de domination ne serait-ce parce que les rapports aux technologies sont rarement équilibrés. On a beau postuler l’horizontalité entre concepteur et utilisateur, ce dernier sera toujours dépendant, au moins sur le plan cognitif. Dans une économie contributive idéale du Libre, concepteurs et utilisateurs devraient avoir les mêmes compétences et le même degré de connaissance. Mais ce n’est généralement pas le cas et comme disait Lawrence Lessig, « Code is law »3.

Le point de vue de Simondon, lui, est tout aussi acceptable. En effet l’automatisation – autonomisation de la technique (émancipation par rapport au travail) suppose aussi une forme d’aliénation des possédants vis-à-vis de la technique4. Le capital permet la perpétuation de la technique dans le non-sens du travail et des comportements, leur algorithmisation, ce qui explique le rêve de l’usine automatisée, étendu à la consommation, au-delà du simple fait de se débarrasser des travailleurs (ou de la liberté des individus-consommateurs). Cependant la culture technique n’équivaut pas à la maîtrise de la technique (toujours subordonnée au capital). Censé nous livrer une culture technique émancipatrice à la fois du travail et du capital (la licence libre opposée à la propriété intellectuelle du « bien » de production qu’est le logiciel), le postulat libriste de l’équilibre entre l’utilisateur et le concepteur est dans les faits rarement accompli, à la fois parce que les connaissances et les compétences ne sont pas les mêmes (voir paragraphe précédent) mais aussi parce que le producteur lui-même dépend d’un système économique, social, technique, psychologique qui l’enferme dans un jeu de dépendances parfois pas si différentes de celles de l’utilisateur. L’équilibre peut alors être trouvé en créant des chaînes de confiance, c’est-à-dire des efforts collectifs de création de communs de la connaissance (formations, entraide, vulgarisation) et des communs productifs : des organisations à tendances coopératives et associatives capables de proposer des formules d’émancipation pour tous. Créer du Libre sans proposer de solutions collectives d’émancipation revient à démontrer que la liberté existe à des esclaves enchaînés tout en les rendant responsables de leurs entraves.

…Issues de la culture hacker

La culture hacker est un héritage à double tranchant. On a longtemps glorifié les communautés hackers des années 1960 et 1970 parce qu’elles sont à l’origine de l’aventure libératrice de l’ordinateur et des programmes hors du monde hiérarchisé de la Défense et de l’Université. Une sorte de « démocratisation » de la machine. Mais ce qu’on glorifie surtout c’est le mode de production informatique, celui qui a donné lieu aux grandes histoires des communautés qui partageaient la même éthique des libertés numériques et que Steven Lévy a largement popularisé en définissant les contours de cette « éthique hacker »5. Le projet GNU de R. M. Stallman, à l’origine dans les années 1980 de la Licence Publique Générale et de la formulation des libertés logicielles en droit, est surtout l’illustration d’une économie logicielle qui contraint la contribution (c’est la viralité de la licence copyleft) et promeut un mode de développement collectif. Ce qu’on retient aussi de la culture hacker, c’est la réaction aux notions de propriété intellectuelle et d’accaparement du code. On lui doit aussi le fait qu’Internet s’est construit sur des protocoles ouverts ou encore les concepts d’ouverture des formats. Pourtant l’état de l’économie logicielle et de l’Internet des plateformes montre qu’aujourd’hui nous sommes loin d’une éthique de la collaboration et du partage. Les enjeux de pouvoir existent toujours y compris dans les communautés libristes, lorsque par exemple des formats ou des protocoles sont imposés davantage par effet de nombre ou de mode que par consensus6.

 

dessin d'humour sur la couverture du magazine du Chaos Computer Club : un type à casquette à l'envers et en salopette se régale (langue tirée) devant un écran qui demande "qui est là" en allemand, une souris à antenne émet un biiiip sur son bureau. Un verre de coca avec une paille s'y trouve aussi de l'autre côté du clavier. Ordinateur de 1998 donc assez vintage aujourd'hui.
Die Hackerbibel, Chaos Computer Club, 1998, couverture

Comme le montre très bien Sébastien Broca7, l’éthique hacker n’est pas une simple utopie contrariée. Issue de la critique antihiérarchique des sixties, elle a aussi intégré le discours néomanagérial de l’accomplissement individuel qui voit le travail comme expression de soi, et non plus du collectif. Elle a aussi suivi les transformations sociales qu’a entraîné le capitalisme de la fin du XXe siècle qui a remodelé la critique artistique des sixties en solutionnisme technologique dont le fleuron est la Silicon Valley. C’est Fred Tuner qui l’écrit si bien dans un ouvrage de référence, Aux sources de l’utopie numérique : de la contre culture à la cyberculture8. Et pour paraphraser un article récent de ma plume à son propos9 : quelle ironie de voir comment les ordinateurs sont devenus synonymes d’émancipation sociale et de rapprochements entre les groupes sociaux, alors qu’ils sont en même temps devenus les instruments du capitalisme, du nouveau management et de la finance (ce que Detlef Hartmann appelait l’offensive technologique10), aussi bien que les instruments de la surveillance et de la « société du dossier ». C’est bien en tant que « menaces sur la vie privée » que les dépeignaient les premiers détracteurs des bases de données gouvernementales et des banques à l’instar d’Alan Westin11 au soir des années 1960. Tout s’est déroulé exactement comme si les signaux d’alerte ne s’étaient jamais déclenchés, alors que depuis plus de 50 ans de nombreuses lois entendent réguler l’appétit vorace des plateformes. Pourquoi ? Fred Turner y répond : parce que la priorité avait été choisie, celle de transformer le personal is political12 en idéologie néolibérale par le biais d’une philosophie hacker elle-même dévoyée au nom de la liberté et de l’accomplissement de soi.

Des communs mal compris et mal protégés

Ces communs sont mal compris parce qu’ils sont la plupart du temps invisibilisés. La majorité des serveurs sur Internet fonctionnent grâce à des logiciels libres, des protocoles parmi les plus courants sont des protocoles ouverts, des systèmes d’exploitation tels Android sont en fait construits sur un noyau Linux, etc. De tout cela, la plupart des utilisateurs n’ont cure… et c’est très bien. On ne peut pas attendre d’eux une parfaite connaissance des infrastructures numériques. Cela plonge néanmoins tout le monde dans un univers d’incompréhensions.

D’un côté, il y a l’ignorance du public (et bien souvent aussi des politiques publiques) du fait que la majeure partie des infrastructures numériques d’aujourd’hui reposent sur des communs, comme l’a montré N. Egbhal13. Ce fait crée deux effets pervers : le ticket d’entrée dans la « nouvelle économie », pour une start-up dont le modèle repose sur l’exploitation d’un système d’information logiciel, nécessite bien moins de ressources d’infrastructure que dans les années 1990 au point que la quasi-exclusivité de la valeur ajoutée repose sur l’exploitation de l’information et non la création logicielle. Il en résulte un appauvrissement des communs (on les exploite mais on ne les enrichit pas14) et un accroissement de l’économie de plateforme au détriment des infrastructures elles-mêmes : pour amoindrir encore les coûts, on s’en remet toujours plus aux entreprises monopolistes qui s’occupent de l’infrastructure matérielle (les câbles, les datacenter). D’un autre côté, il y a le fait que beaucoup d’organisations n’envisagent ces communs numériques qu’à l’aune de la rentabilité et de la compromission avec la propriété productive, ce qui a donné son grain à moudre à l’Open Source Initiative et sa postérité, reléguant les libristes dans la catégorie des doux utopistes. Mais l’utopie elle-même a ses limites : ce n’est pas parce qu’un service est rendu par des logiciels libres qu’il est sécurisé, durable ou protège pour autant les utilisateurs de l’exploitation lucrative de leurs données personnelles. Tout dépend de qui exploite ces communs. Cela relève en réalité du degré de confiance qu’on est capable de prêter aux personnes et aux organisations qui rendent le service possible.

Les licences libres elles-mêmes sont mal comprises, souvent vécues comme un abandon de l’œuvre et un manque à gagner tant les concepts de la « propriété intellectuelle » imprègnent jusqu’à la dernière fibre le tissu économique dans lequel nous sommes plus ou moins contraints d’opérer. Cela est valable pour les logiciels comme pour les productions intellectuelles de tous ordres, et cela empêche aussi le partage là où il pourrait être le plus bénéfique pour tous, par exemple dans le domaine de la recherche médicale.

Au lieu de cela, on assiste à un pillage des communs15, un phénomène bien identifié et qui connaît depuis les années 2000 une levée en force d’organisations de lutte contre ce pillage, qu’il s’agisse des biens communs matériels (comme l’eau, les ressources cultivables, le code génétique…) ou immatériels (l’art, la connaissance, les logiciels…). C’est la raison pour laquelle la décentralisation et l’autogestion deviennent bien plus que de simples possibilités à opposer à l’accaparement général des communs, mais elles sont aussi autant de voies à envisager par la jonction méthodologique et conceptuelle des organisations libristes, de l’économie solidaire et des mouvements durabilistes16.

Le libre et ses luttes, le besoin d’une convergence

Alors si le Libre n’est ni l’alpha ni l’oméga, si le mouvement pour le logiciel Libre a besoin de réviser sa copie pour mieux intégrer les modèles de développement solidaires et émancipateurs, c’est parce qu’on ne peut manifestement pas les décorréler de quatre autres luttes qui structurent ou devraient structurer les mouvements libristes aujourd’hui.

Une lutte pour imposer de nouveaux équilibres en droit

Les licences libres et leurs domaines d’application, en particulier dans les communs immatériels, ont besoin de compétences et d’alliances pour ne plus servir d’épouvantail, de libre-washing ou, pire, être détournés au profit d’une lucrativité de l’accès ouvert (comme c’est le cas dans le monde des revues scientifiques). Elles ont aussi besoin de compétences et d’alliances pour être mieux défendues : même si beaucoup de juristes s’en sont fait une spécialité, leur travail est rendu excessivement difficile tant le cadre du droit est rigide et fonctionne en référence au modèle économique dominant.

Une lutte pour imposer de nouveaux équilibres en économie

Pouvons-nous sciemment continuer à fermer les yeux sur l’usage d’une soi-disant éthique hacker au nom de la liberté économique sachant qu’une grande part des modèles économiques qui reposent sur des communs immatériels ont un intérêt public extrêmement faible en proportion des capacités d’exploitation lucrative et de la prolétarisation17 qu’ils entraînent. Cela explique par exemple que des multinationales telles Intel et IBM ou Google et Microsoft figurent parmi les grands contributeurs au Logiciel libre et open source18 : ils ont besoin de ces communs19. Et en même temps, on crée des inégalités sociales et économiques : l’exploitation de main-d’œuvre bon marché (comme les travailleurs du clic20) dont se gavent les entreprises du numérique repose elle aussi sur des infrastructures numériques libres et open source. Les communs numériques ne devraient plus être les supports de ce capitalisme21.

Une lutte pour un rééquilibrage infrastructurel

Parce que créer du code libre ne suffit pas, encore faut-il s’assurer de la protection des libertés que la licence implique. En particulier la liberté d’usage. À quoi sert un code libre si je ne peux l’utiliser que sur une plateforme non libre ? à quoi sert un protocole ouvert si son utilisation est accaparée par des systèmes d’information non libres ? À défaut de pouvoir rendre collectifs les câbles sous-marins (eux-mêmes soumis à des contraintes géopolitiques), il est toutefois possible de développer des protocoles et des logiciels dont la conception elle-même empêche ces effets d’accaparement. Dans une certaine mesure c’est ce qui a été réalisé avec les applications du Fediverse22. Ce dernier montre que la création logicielle n’est rien si les organisations libristes ne se mobilisent pas autour d’un projet commun et imaginent un monde numérique solidaire.

Une lutte contre les effets sociaux du capitalisme de surveillance

Qu’il s’agisse du conformisme des subjectivités engendré par l’extraction et l’exploitation des informations comportementales (ce qui dure depuis très longtemps23) ou du contrôle des populations rendu possible par ces mêmes infrastructures numériques dont la technopolice se sert (entre autres), les communautés libristes s’impliquent de plus en plus dans la lutte anti-surveillance et anti-autoritaire. C’est une tradition, assurément, mais ce qu’il manque cruellement encore, c’est la multiplication de points de contact avec les autres organisations impliquées dans les mêmes luttes et qui, bien souvent, se situent sur la question bien plus vaste des biens communs matériels. Combien d’organisations et de collectifs en lutte dans les domaines durabilistes comme l’écologie, le partage de l’eau, les enjeux climatiques, en sont encore à communiquer sur des services tels Whatsapp alors qu’il existe des canaux bien plus protégés24 ? Réciproquement combien d’associations libristes capables de déployer des solutions et de les vulgariser ne parlent jamais aux durabilistes ou autres ? Or, penser les organisations libristes sur un mode solidaire et anti-capitaliste revient à participer concrètement aux luttes en faveur des biens communs matériels, créer des alliances de compétences et de connaissances pour rendre ces luttes plus efficaces.

Le (mauvais) calcul anarchiste

Il y a toute une littérature qui traite du rapport entre librisme et anarchisme. Bien qu’elle ne soit pas toujours issue de recherches académiques, cela n’enlève rien à la pertinence et la profondeur des textes qui ont toujours le mérite d’identifier les valeurs communes tels l’anti-autoritarisme de l’éthique hacker, le copyleft conçu comme une lutte contre la propriété privée, le partage, ou encore les libertés d’usage. Et ces valeurs se retrouvent dans de nombreuses autres sphères inspirées du modèle libriste25 et toutes anticapitalistes. Pour autant, l’éthique hacker ou l’utopie « concrète » du logiciel libre, parce qu’elles sont d’abord et avant tout des formes de pratiques technologiques, ne portent pas per se ces valeurs. Comme je l’ai mentionné plus haut, l’éthique hacker et les utopies plus ou moins issues de la tradition hippie des années 1960 et 1970 sont aussi dépositaires du capitalisme techno-solutionniste exprimé, pour les besoins de la cause, par l’idéologie de la Silicon Valley.

C’est ce point de tension qui a tendance aujourd’hui à causer la diffusion d’une conception binaire du lien entre anarchisme et philosophie hacker. Elle repose sur l’idée selon laquelle c’est l’anarchisme américain qui donne une part fondatrice à la philosophie hacker et qui crée en quelque sorte une opposition interne entre une faction « de gauche » attachée aux combats contre la propriété et une faction « de droite » fongible dans le capitalisme dans la mesure où c’est l’efficacité dans l’innovation qui emporte le reste, c’est-à-dire un anarchisme réduit à être un mode d’organisation de la production et un faire-valoir d’une liberté de lucrativité « décomplexée ».

C’est caricatural, mais la première partie n’est pas inexacte. En effet, nous parlons pour l’essentiel d’un mouvement né aux États-Unis et, qui plus est, dans une période où s’est structurée la Nouvelle Gauche Américaine en phase avec des mouvements libertaires et/ou utopistes issus de la génération anti-guerre des années 1950. Simultanément, les ordinateurs mainframe ont commencé à être plus accessibles dans les milieux universitaires et les entreprises, favorisant la naissance des communautés hackers dans un mouvement d’apprentissage, de partage de connaissances et de pratiques. Par la suite ces communautés se structurèrent grâce aux communications numériques, en particulier Internet, et s’agrandirent avec l’apparition de la microinformatique.

Se reconnaissent-elles dans l’anarchisme ? Même si ses pratiques sont anarchistes, un collectif n’a nul besoin de se reconnaître en tant que tel. Il peut même ne pas en avoir conscience. C’est donc du côté des pratiques et in situ qu’il faut envisager les choses. Les communautés hacker sont issues d’une conjonction historique classique entre la cristallisation des idées hippies et libertaires et l’avènement des innovations techniques qui transforment alors radicalement l’économie (les systèmes d’information numériques). Cela crée par effet rétroactif des communautés qui génèrent elles-mêmes des objets techniques en se réappropriant ces innovations, et en changeant à leur tour le paysage économique en proposant d’autres innovations. On pense par exemple aux Bulletin Board Systems (par exemple le projet Community Memory, premier forum électronique géant et collaboratif), aux systèmes d’exploitation (comment Unix fut créé, ou comment Linux devint l’un des plus grands projets collaboratifs au monde), à des logiciels (le projet GNU), etc. Toutes ces pratiques remettent en cause la structure autoritaire (souvent académique) de l’accès aux machines, provoquent une démocratisation des usages informatiques, incarnent des systèmes de collaboration fondés sur le partage du code et des connaissances, permettent l’adoption de pratiques de prise de décision collective, souvent consensuelles. Couronnant le tout, l’apparition de la Licence Publique Générale initiée par Richard M. Stallman et Eben Moglen avec la Free Software Foundation propose une remise en question radicale de la propriété intellectuelle et du pouvoir qu’elle confère.

Le rapport avec l’anarchisme est de ce point de vue exprimé à maintes reprises dans l’histoire des communautés hacker. On y croise très souvent des références. Dans la biographie de Richard M. Stallman26, par exemple, le AI Lab qui devient le haut lieu de la « Commune Emacs », est décrit ainsi : « La culture hacker qui y régnait et sa politique d’anarchie allaient conférer au lieu l’aura d’éternel rebelle ». Plus loin dans le même livre, E. Moglen se remémore sa rencontre avec R. M. Stallman qu’il décrit comme la rencontre de deux anarchistes. Inversement, R. M. Stallman ne s’est jamais défini comme un anarchiste. Il va même jusqu’à soutenir que le logiciel libre est un mélange de communisme (au sens d’appropriation collective de la production), de capitalisme « éthique » (pouvoir en tirer des avantages lucratifs tant qu’on respecte les libertés des autres), et d’anarchisme (réduit à la liberté de contribuer ou non et d’user comme on veut)27.

Une approche fondée sur une enquête plus solide montre néanmoins que les principes anarchistes ne sont pas considérés comme de simples étiquettes dans les communautés hacker d’aujourd’hui. Menée au cœur des communautés libristes californiennnes, l’enquête de Michel Lallement dans L’âge du faire28 montre une typologie intéressante chez les hackers entre les « pur jus », parmi les plus anciens le plus souvent des hommes au charisme de leader ou de gourous et qui se réclament d’un certain radicalisme anarchiste (sur lequel je vais revenir plus loin) et la masse plus diffuse, plus ou moins concernée par l’aspect politique. Majoritaires sont cependant ceux qui ont tendance à la compromission, jusqu’au point où parfois le travail à l’intérieur de la communauté est valorisé dans l’exercice même de la réussite capitaliste à l’extérieur. J’irais même jusqu’à dire, pour en avoir côtoyé, que certains voient dans le hacking et l’éthique hacker une sorte d’exutoire de la vie professionnelle étouffée par l’économie capitaliste.

Sur l’aspect proprement américain, ce qui est surtout mis en avant, c’est l’opposition entre la bureaucratie (entendue au sens de l’action procédurière et autoritaire) et l’anarchisme. À l’image des anciennes communautés hacker calquées sur l’antique Homebrew Club, ce refus de l’autorité institutionnelle s’apparente surtout à une forme de potacherie corporatiste. Le point commun des communautés, néanmoins, consiste à s’interroger sur les process de prise de décision communautaire, en particulier la place faite au consensus : c’est l’efficacité qui est visée, c’est-à-dire la meilleure façon de donner corps à une délibération collective. C’est ce qui permet de regrouper Noisebridge, MetaLab ou le Chaos Computer Club. Certes, au point de vue du fonctionnement interne, on peut invoquer beaucoup de principes anarchistes. Une critique pointerait cependant que ces considérations restent justement internalistes. On sait que le consensus consolide le lien social, mais la technologie et les savoir-faire ont tendance à concentrer la communauté dans une sorte d’exclusion élective : diplômée, issue d’une classe sociale dominante et bourgeoise, en majorité masculine (bien que des efforts soient menés sur la question du genre).

Si nous restons sur le plan internaliste, on peut tenter de comprendre ce qu’est ce drôle d’anarchisme. Pour certains auteurs, il s’agit de se concentrer sur l’apparente opposition entre libre et open source, c’est-à-dire le rapport que les communautés hacker entretiennent avec le système économique capitaliste. On peut prendre pour repères les travaux de Christian Imhorst29 et Dale A. Bradley30. Pour suivre leur analyse il faut envisager l’anarchisme américain comme il se présentait à la fin des années 1970 et comment il a pu imprégner les hackers de l’époque. Le sous-entendu serait que cette imprégnation perdure jusqu’à aujourd’hui. Deux étapes dans la démonstration.

En premier lieu, la remise en cause de la propriété et de l’autorité est perçue comme un radicalisme beaucoup plus fortement qu’elle ne pouvait l’être en Europe au regard de l’héritage de Proudhon et de Bakhounine. Cela tient essentiellement au fait que la structuration du radicalisme américain s’est établie sur une réverbération du bipartisme américain. C’est ce qu’analyse bien en 1973 la chercheuse Marie-Christine Granjon au moment de l’éveil de la Nouvelle Gauche aux États-Unis : chasser les radicaux du paysage politique en particulier du paysage ouvrier dont on maintenait un niveau de vie (de consommation) juste assez élevé pour cela, de manière à « maintenir en place la structure monopolistique de l’économie sur laquelle repose le Welfare State — l’État des monopoles, des managers, des boss du monde syndical et de la politique —, pour protéger cette Amérique, terre de l’égalité, de la liberté et de la poursuite du bonheur, où les idéologies n’avaient plus de raison d’être, où les radicaux étaient voués à la marginalité et tolérés dans la mesure de leur inaction et de leur audience réduite »31. En d’autres termes, être radical c’est être contre l’État américain, donc soit contre le bien-être du peuple et ses libertés, soit le contraire (et chercher à le démontrer), mais en tout cas, contre l’État américain.

En second lieu, la dichotomie entre anarchisme de droite et anarchisme de gauche pourrait se résumer à la distinction entre libertariens et communautaires anticapitalistes. Ce n’est pas le cas. Mais c’est ainsi que posent les prémisses du problème C. Imhorst comme D. A. Bradley et avec eux beaucoup de ceux qui réduisent la distinction open-source / librisme. Sur ce point on reprend souvent la célèbre opposition entre les grandes figures des deux « camps », d’un côté R. M. Stallman, et de l’autre côté Eric S. Raymond, auteur de La Cathédrale et le bazar, évangéliste du marché libre ne retenant de la pensée hacker que l’efficacité de son organisation non hiérarchique. Cette lecture binaire de l’anarchisme américain, entre droite et gauche, est exprimée par David DeLeon en 1978 dans son livre The American as Anarchist32, assez critiqué pour son manque de rigueur à sa sortie, mais plusieurs fois réédité, et cité de nombreuses fois par C. Imhorst. Dans la perspective de DeLeon, l’anarchisme américain est essentiellement un radicalisme qui peut s’exprimer sur la droite de l’échiquier politique comme le libertarianisme, profondément capitaliste, individualiste-propriétariste et contre l’État, comme sur la gauche, profondément anticapitaliste, communautaire, contre la propriété et donc aussi contre l’État parce qu’il protège la propriété et reste une institution autoritaire. En écho, réduire le mouvement libriste « radical » à la figure de R. M. Stallman, et l’opposer au libertarianisme de E. S. Raymond, revient à nier toutes les nuances exprimées en quarante ans de débats et de nouveautés (prenons simplement l’exemple de l’apparition du mouvement Creative Commons).

Le but, ici, n’est pas tant de critiquer la simplicité de l’analyse, mais de remarquer une chose plus importante : si le mouvement hacker est perçu comme un radicalisme aux États-Unis dès son émergence, c’est parce qu’à cette même époque (et c’est pourquoi j’ai cité deux références de l’analyse politique des années 1970) le radicalisme est conçu hors du champ politique bipartite, contre l’État, et donc renvoyé à l’anarchisme. En retour, les caractéristiques de l’anarchisme américain offrent un choix aux hackers. Ce même choix qui est exprimé par Fred Turner dans son analyse historique : comment articuler les utopies hippies de la Nouvelle Gauche avec la technologie d’un côté, et le rendement capitaliste de l’autre. Si on est libertarien, le choix est vite effectué : l’efficacité de l’organisation anarchiste dans une communauté permet de s’affranchir de nombreux cadres vécus comme des freins à l’innovation et dans la mesure où l’individualisme peut passer pour un accomplissement de soi dans la réussite économique, la propriété n’a aucune raison d’être opposée au partage du code et ce partage n’a pas lieu de primer sur la lucrativité.

Considérer le mouvement pour le logiciel libre comme un mouvement radical est une manière d’exacerber deux positions antagonistes qui partent des mêmes principes libertaires et qui aboutissent à deux camps, les partageux qui ne font aucun compromis et les ultra-libéraux prêts à tous les compromis avec le capitalisme. On peut néanmoins suivre D. A. Bradley sur un point : le logiciel libre propose à minima la réorganisation d’une composante du capitalisme qu’est l’économie numérique. Si on conçoit que la technologie n’est autre que le support de la domination capitaliste, penser le Libre comme un radicalisme reviendrait en fait à une contradiction, celle de vouloir lutter contre les méfaits de la technologie par la technologie, une sorte de primitivisme qui s’accommoderait d’une éthique censée rendre plus supportable le techno-capitalisme. Or, les technologies ne sont pas intrinsèquement oppressives. Par exemple, les technologies de communication numérique, surtout lorsqu’elles sont libres, permettent la médiatisation sociale tout en favorisant l’appropriation collective de l’expression médiatisée. Leurs licences libres, leurs libertés d’usages, ne rendent pas ces technologies suffisantes, mais elles facilitent l’auto-gestion et l’émergence de collectifs émancipateurs : ouvrir une instance Mastodon, utiliser un système de messagerie sécurisée, relayer les informations anonymisées de camarades qui subissent l’oppression politique, etc.

L’anarchisme… productiviste, sérieusement ?

Le Libre n’est pas un existentialisme, pas plus que l’anarchisme ne devrait l’être. Il ne s’agit pas d’opposer des modes de vie où le Libre serait un retour idéaliste vers l’absence de technologie oppressive. Les technologies sont toujours les enfants du couple pouvoir-connaissance, mais comme disait Murray Bookchin, si on les confond avec le capitalisme pour en dénoncer le caractère oppresseur, cela revient à «  masquer les relations sociales spécifiques, seules à même d’expliquer pourquoi certains en viennent à exploiter d’autres ou à les dominer hiérarchiquement ». Il ajoutait, à propos de cette manière de voir : « en laissant dans l’ombre l’accumulation du capital et l’exploitation du travail, qui sont pourtant la cause tant de la croissance que des destructions environnementales, elle ne fait ainsi que leur faciliter la tâche. » 33

Le rapport entre le libre et l’anarchisme devrait donc s’envisager sur un autre plan que l’opposition interne entre capitalistes et communistes et/ou libertaires (et/ou commonists), d’autant plus que ce type de brouillage n’a jusqu’à présent fait qu’accréditer les arguments en faveur de la privatisation logicielle aux yeux de la majorité des acteurs de l’économie numérique34. Ce rapport devrait plutôt s’envisager du point de vue émancipateur ou non par rapport au capitalisme. De ce point de vue, exit les libertariens. Mais alors, comme nous avons vu que pour l’essentiel l’anarchisme libriste est un mode de production efficace dans une économie contributive (qui devrait être néanmoins plus équilibrée), a-t-il quelque chose de plus ?

Nous pouvons partir d’un autre texte célèbre chez les libristes, celui d’Eben Moglen, fondateur du Software Freedom Law Center, qui intitulait puissamment son article : « L’anarchisme triomphant : le logiciel libre et la mort du copyright »35. Selon lui, le logiciel conçu comme une propriété crée un rapport de force dont il est extrêmement difficile de sortir avec les seules bonnes intentions des licences libres. E. Moglen prend l’exemple du très long combat contre la mainmise de Microsoft sur les ordinateurs neufs grâce à la vente liée, et nous n’en sommes pas complètement sortis. Aujourd’hui, nous pourrions prendre bien d’autres exemples qui, tous, sont le fait d’alliances mondialisées et de consortiums sur-financiarisés de fabricants de matériel et de fournisseurs de services. Il faut donc opposer à cette situation une nouvelle manière d’envisager la production et la créativité.

Code source et commentaires désignent le couple entre fonctionnalité et expressivité des programmes. En tant que tels, ils peuvent être considérés comme autant de preuves que le travail intellectuel nécessaire à l’élaboration d’un programme n’est pas uniquement le fait de travailler sur des algorithmes mais aussi en inventer les propriétés. Dès lors, on peut comprendre que le copyright puisse s’appliquer à plein. Dès l’instant que les ordinateurs ont cessé d’être des machines centrales aux coûts extrêmement élevés, et que pour les faire fonctionner les logiciels ont cessé d’être donnés (car le coût marginal de la création logicielle était faible en comparaison du coût de fabrication d’une grosse machine), l’ordinateur personnel a multiplié mécaniquement le besoin de réaliser des plus-values sur le logiciel et enfermé ce dernier dans une logique de copyright. Seulement voilà : lorsqu’une entreprise (par exemple Microsoft) exerce un monopole sur le logiciel, bien qu’elle puisse embaucher des centaines de développeurs, elle ne sera jamais en mesure d’adapter, tester à grande échelle, proposer des variations de son logiciel en quantités suffisantes pour qu’il puisse correspondre aux besoins qui, eux, ont tendance à se multiplier au fur et à mesure que les ordinateurs pénètrent dans les pratiques sociales et que la société devient un maillage en réseau. Si bien que la qualité et la flexibilité des logiciels privateurs n’est jamais au rendez-vous. Si ce défaut de qualité passe souvent inaperçu, c’est aux yeux de l’immense majorité des utilisateurs qui ne sont pas techniciens, et pour lesquels les monopoles créent des cages d’assistanat et les empêche (par la technique du FUD) d’y regarder de plus près. Après tout, chacun peut se contenter du produit et laisser de côté des défauts dont il peut toujours (essayer de) s’accommoder.

En somme, les utilisateurs ont été sciemment écartés du processus de production logicielle. Alors qu’à l’époque plus ancienne des gros ordinateurs, on adaptait les logiciels aux besoins et usages, et on pouvait les échanger et les améliorer en partant de leur utilisation. Or, l’histoire des sciences et des technologies nous apprend que l’avancement des sciences et technologies dépendent d’apprentissages par la pratique, d’appropriations collectives de l’existant, d’innovation par incrémentation et implications communautaires (c’est ce qu’ont montré David Edgerton36 et Clifford Conner37). En ce sens, le modèle économique des monopoles du logiciel marche contre l’histoire.

 

mème en deux images. dans la première, le logiciel libre tend les bras vers l'autogestion des communs, dans la deuxième qui dézoome la première, on voit qu'un gros personnage "les géants du web" retient fermement le logiciel libre qui ne peut atteindre l'autogestion des communs

C’est de ce point de vue que le logiciel libre peut être envisagé non seulement comme la production d’un mouvement de résistance38, mais aussi comme un mode de production conçu avant tout comme une réaction à la logique marchande, devant lutter sans cesse contre la « plasticité du capitalisme » (au sens de F. Braudel39), avec des résultats plus ou moins tangibles. Même si la question de l’écriture collective du code source mériterait d’être mieux analysée pour ses valeurs performatives intrinsèques40.

Comme le dit Eben Moglen racontant le projet GNU de R. M. Stallman : le logiciel libre pouvait « devenir un projet auto-organisé, dans lequel aucune innovation ne serait perdue à travers l’exercice des droits de propriété ». Depuis le milieu des années 1980 jusqu’à la fin des années 1990, non seulement des logiciels ont été produits de manière collective en dehors du copyright, mais en plus de cela, des systèmes d’exploitation comme GNU Linux aux logiciels de serveurs et à la bureautique, leur reconnaissance par l’industrie elle-même (normes et standards) s’est imposée à une échelle si vaste que le logiciel libre a bel et bien gagné la course dans un monde où la concurrence était faussée si l’on jouait avec les mêmes cartes du copyright.

C’est ce qui fait dire à Eben Moglen que « lorsqu’il est question de faire de bons logiciels, l’anarchisme gagne ». Il oppose deux choses à l’industrie copyrightée du logiciel :

  • les faits : le logiciel libre est partout, il n’est pas une utopie,
  • le mode de production : l’anarchisme est selon lui la meilleure « organisation » de la production.

Reste à voir comment il conçoit l’anarchisme. Il faut confronter ici deux pensées qui sont contemporaines, celle d’Eben Moglen et celle de Murray Bookchin. Le second écrit en 1995 que le mot « anarchisme » allait bientôt être employé comme catégorie d’action bourgeoise41 :

«  les objectifs révolutionnaires et sociaux de l’anarchisme souffrent d’une telle dégradation que le mot « anarchie » fera bientôt partie intégrante du vocabulaire chic bourgeois du siècle à venir : une chose quelque peu polissonne, rebelle, insouciante, mais délicieusement inoffensive ».

Bookchin écrivait aussi « Ainsi, chez nombre d’anarchistes autoproclamés, le capitalisme disparaît, remplacé par une « société industrielle » abstraite. »

Mais d’un autre côté, à peine six ans plus tard, il y a cette volonté d’E. Moglen d’utiliser ce mot et d’entrer en confrontation assez directe avec ce que M. Bookchin disait de la tendance new age férue d’individualisme et de primitivisme et qui n’avait plus de rien de socialiste. En fin de compte, si on conçoit avec E. Moglen l’anarchisme comme un mode de production du logiciel libre, alors on fait aussi une jonction entre la lutte contre le modèle du monopole et du copyright et la volonté de produire des biens numériques, à commencer par des logiciels, tout en changeant assez radicalement l’organisation sociale de la production contre une machinerie industrielle. Et cette lutte n’a alors plus rien d’abstrait. La critique de M. Bookchin, était motivée par le fait que l’anarchisme s’est transformé des années 1970 aux années 1990 et a fini par dévoyer complètement les théories classiques de l’anarchisme au profit d’une culture individualiste et d’un accomplissement de soi exclusif. Le logiciel libre, de ce point de vue, pourrait avoir le mérite de resituer l’action anarchiste dans un contexte industriel (la production de logiciels) et social (les équilibres de conception et d’usage entre utilisateurs et concepteurs).

Et l’État dans tout cela ? est-il évacué de l’équation ? Ces dernières décennies sont teintées d’un néolibéralisme qui façonne les institutions et le droit de manière à créer un espace marchand où les êtres humains sont transformés en agents compétitifs. La production communautaire de logiciel libre ne serait-elle qu’un enfermement dans une plasticité capitaliste telle qu’elle intègre elle-même le mode de production anarchiste du libre dans une compétition dont le grand gagnant est toujours celui qui réussit à piller le mieux les communs ainsi produits ? Car si c’est le cas, alors M. Bookchin avait en partie raison : l’anarchisme n’a jamais pu résoudre la tension entre autonomie individuelle et liberté sociale autrement qu’en se contentant de s’opposer à l’autorité et à l’État, ce qu’on retrouve dans la reductio de l’anarchisme des libertariens – et contre cela M. Bookchin propose un tout autre programme, municipaliste et environnementaliste. Or, si on suit E. Moglen, on ne perçoit certes pas d’opposition frontale contre l’État, mais dans un contexte néolibéral, les monopoles industriels ne peuvent-ils pas être considérés comme les nouvelles figures d’opposition d’autorité et de pouvoir ?

Pour ma part, je pense que qu’État et monopoles se contractent dans le capitalisme de surveillance, un Léviathan contre lequel il faut se confronter. Toute la question est de savoir à quelle société libertaire est censé nous mener le logiciel libre. J’ai bien l’impression que sur ce point les libristes old school qui s’autoproclament anarchistes se trompent : ce n’est pas parce que le mouvement du logiciel libre propose une auto-organisation de la production logicielle et culturelle, contre les monopoles mais avec une simple injonction à l’émancipation, que cela peut déboucher sur un ordre social libertaire.

Là où le logiciel libre pourrait se réclamer de l’anarchisme, c’est dans le fait qu’il propose une très forte opposition aux institutions sociales oppressives que sont les monopoles et l’État, mais seulement à partir du moment où on conçoit le mouvement du logiciel libre non comme un mode de production anarchiste, mais comme un moment qui préfigure42 un ordre social parce qu’il s’engage dans une lutte contre l’oppression tout en mettant en œuvre un mode de production alternatif, et qu’il constitue un modèle qui peut s’étendre à d’autres domaines d’activité (prenons l’exemple des semences paysannes). Et par conséquent il devient un modèle anarchiste.

Si on se contente de n’y voir qu’un mode de production, le soi-disant anarchisme du logiciel libre est voué à n’être qu’un modèle bourgeois (pour reprendre l’idée de M. Bookchin), c’est à dire dénué de projet de lutte sociale, et qui se contente d’améliorer le modèle économique capitaliste qui accapare les communs : il devient l’un des rouages de l’oppression, il n’est conçu que comme une utopie « bourgeoisement acceptable ». C’est-à-dire un statut duquel on ne sort pas ou bien les pieds devant, comme un mode de production que le néomanagement a bel et bien intégré. Or, s’il y a une lutte anarchiste à concevoir aujourd’hui, elle ne peut pas se contenter d’opposer un modèle de production à un autre, elle doit se confronter de manière globale au capitalisme, son mode de production mais aussi son mode d’exploitation sociale.

Les limites de l’anarchisme utopique du Libre ont été révélées depuis un moment déjà. L’Electronic Frontier Foundation (où Eben Moglen officie) le reconnaît implicitement dans un article de mai 2023 écrit par Cory Doctorow et publié par l’EFF 43 :

« Alors que les régulateurs et les législateurs réfléchissent à l’amélioration de l’internet pour les êtres humains, leur priorité absolue devrait être de redonner du pouvoir aux utilisateurs. La promesse d’Internet était de supprimer les barrières qui se dressaient sur notre chemin : la distance, bien sûr, mais aussi les barrières érigées par les grandes entreprises et les États oppressifs. Mais les entreprises ont pris pied dans cet environnement de barrières abaissées, se sont retournées et ont érigé de nouvelles barrières de leur côté. Des milliards d’entre nous se sont ainsi retrouvés piégés sur des plateformes que beaucoup d’entre nous n’aiment pas, mais qu’ils ne peuvent pas quitter. »

Il faut donc des alternatives parce que les acteurs qui avaient promis de rendre les réseaux plus ouverts (le Don’t be evil de Google) ont non seulement failli mais, en plus, déploient des stratégies juridiques et commerciales perverses pour coincer les utilisateurs sur leurs plateformes. Dès lors, on voit bien que le problème qui se pose n’est pas d’opposer un mode de production à un autre, mais de tenter de gagner les libertés que le capitalisme de surveillance contient et contraint. On voit aussi que depuis 2001, les problématiques se concentrent surtout sur les réseaux et le pouvoir des monopoles. Là, on commence à toucher sérieusement les questions anarchistes. Dès lors l’EFF propose deux principes pour re-créer un Internet « d’intérêt public » :

  • le chiffrement de bout en bout et la neutralité du Net,
  • contourner les grandes plateformes.

Faut-il pour autant, comme le propose Kristin Ross44, pratiquer une sorte d’évacuation générale et se replier, certes de manière constructive, sur des objets de lutte plus fondamentaux, au risque de ne concevoir de lutte pertinente que des luttes exclusives, presque limitées à la paysannerie et l’économie de subsistance ? Je ne suis pas d’accord. Oui, il faut composer avec l’existant mais dans les zones urbaines, les zones rurales comme dans le cyberespace on peut préfigurer des formes d’organisation autonomes et des espaces à défendre. Le repli individualiste ou collectiviste-exclusif n’est pas une posture anarchiste. Premièrement parce qu’elle n’agit pas concrètement pour les travailleurs, deuxièmement parce que cela revient à abandonner ceux qui ne peuvent pas pratiquer ce repli de subsistance au risque de ce qu’on reprochait déjà aux petits-bourgeois communautaires hippies des années 1970, et troisièmement enfin, parce que je ne souhaite pas vivre dans une économie de subsistance, je veux vivre dans l’abondance culturelle, scientifique et même technique et donc lutter pour un nouvel ordre social égalitaire général et pas réservé à ceux qui feraient un choix de retrait, individuel et (il faut le reconnaître) parfois courageux.

Alors, vers quel anarchisme se diriger ?

Le potentiel libertaire de la technologie

En 1971, Sam Dolgoff publie un article sans concession dans la petite revue Newyorkaise Libertarian Analysis. L’article fut ensuite tiré à part à plusieurs reprises si bien que, sous le titre The Relevance of Anarchism to Modern Society45, le texte figure parmi les must read de la fin des années 1970. Dolgoff y décrit l’état de l’anarchisme dans une société prise dans les contradictions de la contre-culture des années 1960, et dont les effets se rapportent à autant de conceptions erronées de l’anarchisme qui se cristallisent dans un « néo-anarchisme » bourgeois discutable. Ce contre quoi S. Dolgoff avance ses arguments est l’idée selon laquelle l’anarchisme « filière historique » serait dépassé étant donné la tendance mondiale vers la centralisation économique, fruit des récents développements des sciences et des techniques, une sorte de fin de l’histoire (avant l’heure de celle de Fukuyama en 1992) contre laquelle on ne pourrait rien. Le sous-entendu met en avant la contradiction entre le positivisme dont s’inspire pourtant l’anarchisme de Proudhon à Bakounine, c’est-à-dire le développement en soi émancipateur des sciences et des techniques (à condition d’une éducation populaire), et le fait que cet élan positiviste a produit une mondialisation capitaliste contre laquelle aucune alternative anarchiste n’a pu s’imposer. Le réflexe social qu’on retrouve dans le mouvement contre-culturel des années 1960 et 1970, associé à ce que S. Dolgoff nomme le néo-anarchisme (bourgeois)46 (et qui sera repris en partie par M. Bookchin plus tard), amène à penser l’anarchisme comme une réaction à cette contradiction et par conséquent un moment de critique de l’anarchisme classique qui n’envisagerait pas correctement la complexité sociale, c’est-à-dire la grande diversité des nuances entre compromission et radicalisme, dans les rapports modernes entre économie, sciences, technologies et société. Ce qui donne finalement un anarchisme réactionnaire en lieu et place d’un anarchisme constructif, c’est-à-dire une auto-organisation fédéraliste qui accepte ces nuances, en particulier lors de l’avènement d’une société des médias, du numérique et de leur mondialisation (en plus des inégalités entre les pays).

Or, S. Dolgoff oppose à cette idée pessimiste le fait que la pensée anarchiste a au contraire toujours pris en compte cette complexité. Cela revient à ne justement pas penser l’anarchisme comme une série d’alternatives simplistes au gouvernementalisme (le contrôle de la majorité par quelques-uns). Il ne suffit pas de s’opposer au gouvernementalisme pour être anarchiste. Et c’est pourtant ce que les libertariens vont finir par faire, de manière absurde. L’anarchisme, au contraire a toujours pris en compte le fait qu’une société anarchiste implique une adaptation des relations toujours changeantes entre une société et son environnement pour créer une dynamique qui recherche équilibre et harmonie indépendamment de tout autoritarisme. Dès lors les sciences et techniques ont toujours été des alliées possibles. Pour preuve, cybernétique et anarchisme ont toujours fait bon ménage, comme le montre T. Swann dans un article au sujet de Stafford Beer, le concepteur du projet Cybersyn au Chili sous la présidence S. Allende47 : un mécanisme de contrôle qui serait extérieur à la société implique l’autoritarisme et un contrôle toujours plus contraignant, alors qu’un mécanisme inclus dans un système auto-organisé implique une adaptation optimale au changement48. L’optimisation sociale implique la décentralisation, c’est ce qu’ont toujours pensé les anarchistes. En ce sens, les outils numériques sont des alliés possibles.

En 1986, quinze ans après son article de 1971, dans le premier numéro de la revue qu’il participe à fonder (la Libertarian Labor Review), S. Dolgoff publie un court article intitulé « Modern Technology and Anarchism »49. Il revient sur la question du lien entre l’anarchisme et les nouvelles technologies de communication et d’information qu’il a vu naître et s’imposer dans le mouvement d’automatisation de l’industrie et plus généralement dans la société. Les réseaux sont pour lui comme un pharmakon (au sens de B. Stiegler), ils organisent une dépossession par certains aspects mais en même temps peuvent être des instruments d’émancipation.

Cet article de 1986 est quelque peu redondant avec celui de 1971. On y retrouve d’ailleurs à certains endroits les mêmes phrases et les mêmes idées. Pour les principales : il y a un déjà-là anarchiste, et la société est un réseau cohérent de travail coopératif. Pour S. Dolgoff, la technologie moderne a résolu le problème de l’accès aux avantages de l’industrie moderne, mais ce faisant elle a aussi accru significativement la décentralisation dans les entreprises avec la multiplication de travailleurs hautement qualifiés capables de prendre des décisions aux bas niveaux des organisations. S. Dolgoff cite plusieurs auteurs qui ont fait ce constat. Ce dernier est certes largement terni par le fait que cette décentralisation fait écho à la mondialisation qui a transformé les anciennes villes industrielles en villes fantômes, mais cette mondialisation est aussi un moment que l’anarchie ne peut pas ne pas saisir. En effet, cette mise en réseau du monde est aussi une mise en réseau des personnes. Si les technologies modernes d’information, les ordinateurs et les réseaux, permettent d’éliminer la bureaucratie et abandonner une fois pour toutes la centralisation des décisions, alors les principes de coopération et du déjà-là anarchiste pourront se déployer. Faire circuler librement l’information est pour S. Dolgoff la condition nécessaire pour déployer tout le « potentiel libertaire de la technologie ». Mais là où il pouvait se montrer naïf quinze ans auparavant, il concède que les obstacles sont de taille et sont formés par :

« Une classe croissante de bureaucraties étatiques, locales, provinciales et nationales, de scientifiques, d’ingénieurs, de techniciens et d’autres professions, qui jouissent tous d’un niveau de vie bien supérieur à celui du travailleur moyen. Une classe dont le statut privilégié dépend de l’acceptation et du soutien du système social réactionnaire, qui renforce considérablement les variétés « démocratiques », « sociales » et « socialistes » du capitalisme. (…) Tous reprennent les slogans de l’autogestion et de la libre association, mais ils n’osent pas lever un doigt accusateur sur l’arc sacré de l’État. Ils ne montrent pas le moindre signe de compréhension du fait évident que l’élimination de l’abîme séparant les donneurs d’ordres des preneurs d’ordres – non seulement dans l’État mais à tous les niveaux – est la condition indispensable à la réalisation de l’autogestion et de la libre association : le cœur et l’âme même de la société libre. »

Peu d’années avant son décès, et après une longue carrière qui lui avait permis de prendre la mesure de l’automatisation de l’industrie et voir l’arrivée des ordinateurs dans les processus de production et de contrôle, Sam Dolgoff a bien saisi la contradiction entre le « potentiel libertaire de la technologie » et l’apparition d’une classe sociale qui, avec l’aide de l’État et forte de subventions, réussit le tour de force d’accaparer justement ce potentiel dans une démarche capitaliste tout en parant des meilleures intentions et des meilleurs slogans ce hold-hup sur le travail collectif et la coopération.

C’est pourquoi il est pertinent de parler d’idéologie concernant la Silicon Valley, et c’est d’ailleurs ce que Fred Turner avait bien vu50 :

« La promesse utopique de la Valley est la suivante : Venez ici, et construisez-y l’avenir avec d’autres individus partageant les mêmes idées. Immergez-vous dans le projet et ressortez-en en ayant sauvé l’avenir. »

Les nouvelles frontières sociales des utopistes de la Silicon Valley ont été une interprétation du potentiel libertaire de la technologie, faite de néo-communautarisme et de cette Nouvelle Gauche que S. Dolgoff critiquait dès 1971. Mais ces nouvelles frontières ont été transformées en mythe parce que la question est de savoir aujourd’hui qui décide de ces nouvelles frontières, qui décide de consommer les technologies de communication censées permettre à tous d’avoir accès à l’innovation. Qui décide qu’un téléphone à plus de 1000€ est la meilleure chose à avoir sur soi pour une meilleure intégration sociale ? Qui décide que la nouvelle frontière repose sur la circulation de berlines sur batteries en employant une main-d’œuvre bon marché ?

Ouvrir le Libre

Il est temps de réhabiliter la pensée de Sam Dolgoff. Le Libre n’est pas qu’un mode de production anarchiste, il peut être considéré comme un instrument de libération du potentiel libertaire de la technologie.

Scander haut et fort que les hackers sont des anarchistes ne veut rien dire, tant que le modèle organisationnel et économique ne sert pas à autre chose que de développer du code. Rester dans le positivisme hérité des anarchistes de la première moitié du XXe siècle a ce double effet : un sentiment de dépassement lorsqu’on considère combien le « progrès » technologique sert à nous oppresser, et un sentiment d’abandon parce que celleux qui sont en mesure de proposer des alternatives techniques d’émancipation ont tendance à le faire en vase clos et reproduisent, souvent inconsciemment, une forme de domination.

Ce double sentiment a des conséquences qui dépassent largement la question des logiciels. Il est toujours associé à la tendance toujours plus grande de l’État à accroître les inégalités sociales, associé aux conséquences climatiques du système économique dominant qui nous conduit au désastre écologique, associé à la répression toujours plus forte par l’autoritarisme des gouvernements qui défendent les intérêts des plus riches contre les travailleurs et contre tout le reste. Il en résulte alors un désarmement technologique des individus là où il faut se défendre. À défaut, les solutions envisagées ont toujours petit goût pathétique : des plaidoyers qui ne sont jamais écoutés et trouvent encore moins d’écho dans la représentation élective, ou des actions pacifiques réprimées dans la violence.

les quatre vieux dans un salon doré, plus ou moins grimés. L'un dit : "bon, à partir de là, tâchez d'avoir l'air con comme des bourgeois, il s'agit de pas se faire repérer"
Les Vieux Fourneaux, Lupanu et Cauuet, extrait de la BD

 

Le potentiel libertaire du logiciel libre a cette capacité de réarmement technologique des collectifs car nous évoluons dans une société de la communication où les outils que nous imposent les classes dominantes sont toujours autant d’outils de contrôle et de surveillance. Il a aussi cette capacité de réarmement conceptuel dans la mesure où notre seule chance de salut consiste à accroître et multiplier les communs, qu’ils soient numériques ou matériels. Or, la gestion collective de ces communs est un savoir-faire que les mouvements libristes possèdent et diffusent. Ils mettent en pratique de vieux concepts comme l’autogestion, mais savent aussi innover dans les pratiques coopératives, collaboratives et contributives.

Occupy Wall Street, Nuit Debout, et bien d’autres évènements du genre, ont été qualifiés de préfiguratifs parce qu’ils opposaient de nouveaux imaginaires et de nouvelles manières de penser le monde tout en mettant en pratique les concepts mêmes qu’ils proposaient. Mais ce spontanéisme a tendance à se montrer évanescent face à des concrétisations préfiguratives comme les ZAD, la Comuna de Oaxaca, le mouvement zapatiste, et des milliers d’autres concrétisations à travers le monde et dont la liste serait fastidieuse. Rien qu’en matière d’autogestion, il suffit de jeter un œil sur les 11 tomes (!) de l’encyclopédie de l’Association Autogestion (2019)51. Or, dans tous ces mouvements, on retrouve du logiciel libre, on retrouve des libristes, on retrouve des pratiques libristes. Et ce n’est que très rarement identifié et formalisé.

Que faire ? Peut-être commencer par s’accorder sur quelques points, surtout entre communautés libristes et communautés libertaires :

  1. Ce n’est pas parce qu’on est libriste qu’on est anarchiste, et l’éthique hacker n’est pas un marqueur d’anarchisme. De manière générale, mieux vaut se méfier de l’autoproclamation dans ce domaine, surtout si, en pratique, il s’agit de légitimer le pillage des communs. Par contre il y a beaucoup d’anarchistes libristes.
  2. Les pratiques anarchistes n’impliquent pas obligatoirement l’utilisation et/ou la création de logiciels libres ou d’autres productions libres des communs numériques. Le Libre n’a pas à s’imposer. Mais dans notre monde de communication, le Libre en tant qu’outil est un puissant moteur libertaire. Il permet aux libertaires de mettre en œuvre des actions de communication, de coopération et de stratégie.
  3. Proposer le logiciel libre ou les licences libres n’est pas un acte altruiste ni solidaire s’il n’est pas accompagné de discours ou d’actes émancipateurs. Il peut même créer l’inverse par excès, submersion de connaissances et finalement exclusion. Il faut travailler de plus en plus les conditions d’adoption de solutions techniques libres dans les collectifs, mieux partager les expériences, favoriser l’inclusion dans la décision d’adoption de telles ou telles techniques. Elles doivent apporter du sens à l’action (et nous revoici dans la réflexion déjà ancienne du rapport entre travailleurs et machines).
  4. Il vaut mieux privilégier l’émancipation non-numérique à la noyade techno-solutionniste qui résulte d’un manque de compétences et de connaissances.
  5. La solidarité doit être le pilier d’une éducation populaire au numérique. Cela ne concerne pas uniquement l’anarchisme. Mais un collectif ne peut pas seul effectuer une démarche critique sur ses usages numériques s’il n’a pas en même temps les moyens de les changer efficacement. Les collectifs doivent donc échanger et s’entraider sur ces points (combien de groupes anarchistes utilisent Facebook / Whatsapp pour s’organiser ? ce n’est pas par plaisir, sûr !).

Notes


  1. La Quadrature du Net, « Affaire du 8 décembre : le chiffrement des communications assimilé à un comportement terroriste », 5 juin 2023, URL.↩︎
  2. On peut prendre un exemple trivial, celui du microblogage qui transforme la communication en flux d’information. Le fait de ne pouvoir s’exprimer qu’avec un nombre limité de caractère et de considérer l’outil comme le support d’un réseau social (où le dialogue est primordial), fait que les idées et les concepts ne peuvent que rarement être développés et discutés, ce qui transforme l’outil en support de partage d’opinions non développées, raccourcies, caricaturales. Ajoutons à cela le fait que, sur un système de microblogage commercial, les algorithmes visant à générer de la lucrativité attentionnelle, ce sont les contenus les poins pertinents pour la pensée et les plus pertinents pour le trafic qui sont mis en avant. Contrairement à ce qu’annoncent les plateformes commerciales de microblogage, ce dernier ne constitue absolument pas un support d’expression libre, au contraire il réduit la pensée à l’opinion (ou ne sert que de support d’annonces diverses). Un autre exemple concerne la « rédaction web » : avec la multiplication des sites d’information, la manière d’écrire un article pour le web est indissociable de l’optimisation du référencement. Le résultat est que depuis les années 2000 les contenus sont tous plus ou moins calibrés de manière identique et les outils rédactionnels sont configurés pour cela.↩︎
  3. Lawrence Lessig, « Code is Law – On Liberty in Cyberspace », Harvard Magazine, janvier 2000. Trad. Fr sur Framablog.org, 22 mai 2010.↩︎
  4. Aliénation de tout le monde en fait. « L’aliénation apparaît au moment où le travailleur n’est plus propriétaire de ses moyens de production, mais elle n’apparaît pas seulement à cause de cette rupture du lien de propriété. Elle apparaît aussi en dehors de tout rapport collectif aux moyens de production, au niveau proprement individuel, physiologique et psychologique (…) Nous voulons dire par là qu’il n’est pas besoin de supposer une dialectique du maître et de l’esclave pour rendre compte de l’existence d’une aliénation dans les classes possédantes ». G. Simondon, Du mode d’existence des objets techniques, Paris, Aubier, 1989, p. 118.↩︎
  5. Steven Levy, Hackers. Heroes of the Computer Revolution, New York, Dell Publishing, 1994. Steven Lévy, L’éthique des hackers, Paris, Globe, 2013.↩︎
  6. Ainsi on peut s’interroger sur la tendance du protocole ouvert ActivityPub (qui fait fonctionner Mastodon, par exemple) à couvrir de nombreuses applications du Fediverse sans qu’une discussion n’ait été réellement menée entre les collectifs sur une stratégie commune multiformats dans le Fediverse. Cela crée une brèche récemment exploitée par l’intention de Meta de vouloir intégrer le Fediverse avec Threads, au risque d’une stratégie de contention progressive des utilisateurs qui mettrait en danger l’utilisation même d’ActivityPub et par extension l’ensemble du Fediverse. On peut lire à ce sujet la tribune de La Quadrature du Net : « L’arrivée de Meta sur le Fédivers est-elle une bonne nouvelle ? », 09 août 2023, URL.↩︎
  7. Sébastien Broca, Utopie du logiciel libre. Lyon, Éditions le Passager clandestin, 2018.↩︎
  8. Fred Turner, Aux sources de l’utopie numérique : De la contre culture à la cyberculture. Stewart Brand, un homme d’influence, Caen, C&F Editions, 2012.↩︎
  9. Christophe Masutti, « Lire Fred Turner : de l’usage de l’histoire pour préfigurer demain », dans Retour d’Utopie. De l’influence du livre de Fred Turner, Caen, Les cahiers de C&F éditions 6, juin 2023, p. 70-82.↩︎
  10. Detlef Hartmann, Die Alternative: Leben als Sabotage – zur Krise der technologischen Gewalt, Tübingen: IVA-Verlag, 1981. Voir aussi Capulcu Kollektiv, DISRUPT ! – Widerstand gegen den technologischen Angriff, sept. 2017 (URL).↩︎
  11. Alan F. Westin, Privacy and Freedom, New York, Atheneum, 1967.↩︎
  12. C’est le ralliement des mouvements pour les droits et libertés individuels, le lien entre l’expérience personnelle (par exemple les inégalités de race ou de genre dont des individus pourraient faire l’expérience quotidienne) et les structures politiques et sociales qui sont à la source des problèmes et dont il fallait procéder à la remise en question.↩︎
  13. Nadia Eghbal, Sur quoi reposent nos infrastructures numériques ? : Le travail invisible des faiseurs du web. Marseille, OpenEdition Press, 2017. https://doi.org/10.4000/books.oep.1797.↩︎
  14. Dans le cas de communs numériques, qui sont des biens non rivaux, il peut être difficile de comprendre cette notion d’appauvrissement. Comme le montrent Pierre Dardot et Christian Laval dans leur livre Communs, pour un commun, la richesse dépend autant du processus contributif (l’activité collective qui consiste à en faire un commun) que du bien lui-même, même s’il peut être dupliqué à l’infini dans le cas des biens non rivaux. Prenons deux exemples : 1) pour un champ cultivé, si tout le monde se sert et en abuse et personne ne sème ni n’entretient et qu’il n’y a pas d’organisation collective pour coordonner les efforts et décider ensemble que faire du champ, ce dernier reste bien un commun mais il ne donne rien et va disparaître. 2) Pour un logiciel, si personne ne propose de mise à jour, si personne n’enrichit ou corrige régulièrement le code et s’il n’y a pas d’organisation des contributions, ce logiciel aura tendance à disparaître aussi. Voir Pierre Dardot et Christian Laval, Communs. Essai sur la révolution au XXIe siècle, Paris, La Découverte, 2014.↩︎
  15. Pierre Crétois (dir.), L’accaparement des biens communs, Paris, Presses universitaires de Paris Nanterre, 2022.↩︎
  16. On peut voir sur ce point le travail que réalise Laurent Marseault : https://cocotier.xyz/?ConfPompier.↩︎
  17. Au sens où l’entendait Bernard Stiegler, c’est-à-dire la privation d’un sujet de ses savoirs (savoir-faire, savoir-vivre, savoir concevoir et théoriser). Voir Bernard Stiegler, États de choc: bêtise et savoir au XXIe siècle, Paris, France, Mille et une nuits, 2012.↩︎
  18. On peut voir les statistiques sur l’Open Source Contributor Index : https://opensourceindex.io/.↩︎
  19. Simon Butler et al., « On Company Contributions to Community Open Source Software Projects », IEEE Transactions on Software Engineering, 47-7, 2021, p. 1381‑1401.↩︎
  20. Antonio A. Casilli, En attendant les robots: enquête sur le travail du clic, Paris, France, Éditions du Seuil, 2019.↩︎
  21. Et ils sont souvent les dindons de la farce. En Europe, la situation est équivoque. D’un côté, un espace est ouvert grâce aux dispositifs juridiques censés protéger l’économie européenne et les européens contre les effets des multinationales à l’encontre de la vie privée, au nom de la défense des consommateurs, et en faveur de la souveraineté numérique. Les logiciels libres y trouvent quelques débouchés pertinents auprès du public et des petites structures. Mais d’un autre côté, une grande part de la production libre et open source repose sur des individus et des petites entreprises, alors même que les gouvernements (et c’est particulièrement le cas en France) leur créent des conditions d’accès au marché très défavorables et privilégient les monopoles extra-européens par des jeux de partenariats entre ces derniers et les intégrateurs, largement subventionnés. Voir Jean-Paul Smets, « Confiance numérique ou autonomie, il faut choisir », in Annales des Mines, 23, La souveraineté numérique : dix ans de débat, et après ?, Paris, 2023., p. 30-38.↩︎
  22. Même si le protocole ActivityPub pourrait être suffisamment détourné ou influencé pour ne plus assurer l’interopérabilité nécessaire. La communauté du Fediverse doit pour cela s’opposer en masse à Thread, la solution que commence à imposer l’entreprise Meta (Facebook), dans l’optique de combler le manque à gagner que représente le Fediverse par rapport aux média sociaux privateurs.↩︎
  23. Christophe Masutti, « En passant par l’Arkansas. Ordinateurs, politique et marketing au tournant des années 1970 », Zilsel, 9-2, 2021, p. 29‑70.↩︎
  24. On peut se reporter à cette louable tentative issue de It’s Going Down, et que nous avons publiée sur le Framablog. Il s’agit d’un livret d’auto-défense en communication numérique pour les groupes anarchistes. Bien qu’offrant un panorama complet et efficace des modes de communications et rappelant le principe de base qui consiste en fait à les éviter pour privilégier les rencontres physiques, on voit tout de même qu’elle souffre d’un certain manque de clairvoyance sur les points d’achoppement techniques et complexes qu’il serait justement profitable de partager. Voir « Infrastructures numériques de communication pour les anarchistes (et tous les autres…) », Framablog, 14 avril 2023.↩︎
  25. Philippe Borrel, La bataille du Libre (documentaire), prod. Temps Noir, 2019, URL.↩︎
  26. Sam Williams, Richard Stallman et Christophe Masutti, Richard Stallman et la révolution du logiciel libre. Une biographie autorisée, 1re éd., Eyrolles, 2010.↩︎
  27. Richard Stallman (interview), « Is Free Software Anarchist? », vidéo sur Youtube.↩︎
  28. Michel Lallement, L’âge du faire: hacking, travail, anarchie, Paris, France, Éditions Points, 2018.↩︎
  29. Christian Imhorst, Die Anarchie der Hacker, Marburg, Tectum – Der Wissenschaftsverlag, 2011. Christian Imhorst, « Anarchie und Quellcode – Was hat die freie Software-Bewegung mit Anarchismus zu tun? », in Open Source Jahrbuch 2005, Berlin, 2005.↩︎
  30. Dale A. Bradley, « The Divergent Anarcho-utopian Discourses of the Open Source Software Movement », Canadian Journal of Communication, 30-4, 2006, p. 585‑612.↩︎
  31. Marie-Christine Granjon, « Les radicaux américains et le «système» », Raison présente, 28-1, 1973, p. 93‑112.↩︎
  32. David DeLeon, The American as Anarchist: Reflections on Indigenous Radicalism, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 2019.↩︎
  33. Murray Bookchin, Changer sa vie sans changer le monde. L’anarchisme contemporain entre émancipation individuelle et révolution sociale, Marseille, Agone, 2019, pp. 61-63.↩︎
  34. En 2015, c’est ce qui a permis à Bill Gates de caricaturer, sans les citer, des personnes comme Joseph Stiglitz et d’autres partisans pour une réforme des brevets (pas seulement logiciels) en sortes de néocommunistes qui avanceraient masqués. Voir cet entretien, cet article de Libération, et cette « réponse » de R. M. Stallman.↩︎
  35. Eben Moglen, « L’anarchisme triomphant. Le logiciel libre et la mort du copyright », Multitudes, 5-2, 2001, p. 146‑183.↩︎
  36. David Edgerton, « De l’innovation aux usages. Dix thèses éclectiques sur l’histoire des techniques », Annales. Histoire, sciences sociales, 53-4, 1998, p. 815‑837.↩︎
  37. Clifford D. Conner, Histoire populaire des sciences, Montreuil, France, Éditions L’Échappée, 2011.↩︎
  38. Amaelle Guiton, Hackers: au cœur de la résistance numérique, Vauvert, France, Au diable Vauvert, 2013.↩︎
  39. « Le capitalisme est d’essence conjoncturelle. Aujourd’hui encore, une de ses grandes forces est sa facilité d’adaptation et de reconversion », Fernand Braudel, La dynamique du capitalisme, Paris, Flammarion, 2018.↩︎
  40. Stéphane Couture, « L’écriture collective du code source informatique. Le cas du commit comme acte d’écriture », Revue d’anthropologie des connaissances, 6, 1-1, 2012, p. 21‑42.↩︎
  41. Murray Bookchin, Changer sa vie sans changer le monde, op. cit., p. 12 et p. 10.↩︎
  42. Comme je l’ai écrit dans un précédent billet de blog, plusieurs auteurs donnent des définitions du concept de préfiguration. À commencer par David Graeber, pour qui la préfiguration est « l’idée selon laquelle la forme organisationnelle qu’adopte un groupe doit incarner le type de société qu’il veut créer ». Un peu plus de précision selon Darcy Leach pour qui la préfigurativité est « fondée sur la prémisse selon laquelle les fins qu’un mouvement social vise sont fondamentalement constituées par les moyens qu’il emploie, et que les mouvements doivent par conséquent faire de leur mieux pour incarner – ou “préfigurer” – le type de société qu’ils veulent voir advenir. ». David Graeber, Comme si nous étions déjà libres, Montréal, Canada, Lux éditeur, 2014. Darcy K. Leach, « Prefigurative Politics », in The Wiley-Blackwell Encyclopedia of Social and Political Movements, John Wiley & Sons, Ltd, 2013.↩︎
  43. Cory Doctorow, « As Platforms Decay, Let’s Put Users First », 09 mai 2023, URL.↩︎
  44. Kristin Ross, La forme-Commune. La lutte comme manière d’habiter, Paris, La Fabrique Editions, 2023.↩︎
  45. Sam Dolgoff, The relevance of anarchism to modern society, Troisième édition., Tucson, AZ, See Sharp Press, 2001.↩︎
  46. Sam Dolgoff, « Le Néo-anarchisme américain. Nouvelle gauche et gauche traditionnelle », Le Mouvement social, num. 83, 1973, p. 181‑99. « (…) intellectuels petits-bourgeois, des étudiants et des « hippies » qui constituaient l’essentiel de la nouvelle gauche ».↩︎
  47. Thomas Swann, « Towards an anarchist cybernetics: Stafford Beer, self-organisation and radical social movements | Ephemeral Journal », Ephemera. Theory and politics in organization, 18-3, 2018, p. 427‑456.↩︎
  48. En théorie du moins. Si on regarde de plus près l’histoire du projet Cybersyn, c’est par la force des choses que le système a aussi été utilisé comme un outil de contrôle, en particulier lorsque les tensions existaient entre les difficultés d’investissement locales et les rendements attendus au niveau national. En d’autres termes, il fallait aussi surveiller et contrôler les remontées des données, lorsqu’elles n’étaient pas en phase avec la planification. Cet aspect technocratique a vite édulcoré l’idée de la prise de décision collective locale et de la participation socialiste, et a fini par classer Cybersyn au rang des systèmes de surveillance. Hermann Schwember, qui était l’un des acteurs du projet est revenu sur ces questions l’année du coup d’État de Pinochet et peu de temps après. Hermann Schwember, « Convivialité et socialisme », Esprit, juil. 1973, vol. 426, p. 39-66. Hermann Schwember, « Cybernetics in Government: Experience With New Tools for Management in Chile 1971-1973 », In : Hartmut Bossel (dir.), Concepts and Tools of Computer Based Policy Analysis, Basel, Birkhäuser – Springer Basel AG, 1977, vol.1, p. 79-138. Pour une histoire complète, voir Eden Medina, Cybernetic Revolutionaries. Technology and Politics in Allende’s Chile, Boston, MIT Press, 2011. Et une section de mon ouvrage Christophe Masutti, Affaires privées. Aux sources du capitalisme de surveillance, Caen, C&F Éditions, 2020.↩︎
  49. Sam Dolgoff, « Modern Technology and Anarchism », Libertarian Labor Review, 1, 1986, p. 7‑12.↩︎
  50. Fred Turner, « Ne soyez pas malveillants. Utopies, frontières et brogrammers », Esprit, 434, mai 2019, URL.↩︎
  51. Association Autogestion, Autogestion. L’encyclopédie internationale, Paris, Syllepse, 2019, vol. 1-11.↩︎



L’aventure de la modération – épisode 2

Maiwann, membre de l’association, a publié sur son blog une série de cinq articles sur la modération. Nous les reproduisons ici pour leur donner (encore) plus de visibilité.

Voici le deuxième.

Maintenant que je vous ai fait une introduction de six pages, c’est le moment de passer au concret : Comment est-ce que se déroule la modération ?

Les cas simples : les fachos, les mascus, l’extrême-droite

De façon surprenante, j’ai découvert que tout ce qu’il y a de plus délétère sur les réseaux sociaux capitalistes, c’est à dire en résumé : les comptes d’extrême-droite, étaient très simples à modérer.

Nous en avons eu un exemple lors de l’été 2018. Twitter a réalisé une vague de fermeture de comptes de mascus provenant du forum tristement connu de jeuxvideo.com, surnommé le 18-25. Comme souvent, ces personnes crient à la censure (…) et cherchent un réseau social alternatif dont la promesse serait de promouvoir une liberté d’expression leur permettant de dire les atrocités qu’ils souhaitent.

 

Pepper la sorcière et Carrot le chat dorment paisiblement contre un éléphant (un mastodonte) dans une jolie jungle.
My Neighbor Mastodon – CC-BY David Revoy

 

 

Ils débarquent donc sur Mastodon, avec un schéma qui a été le suivant :

1° Première inscription sur le premier Mastodon trouvé

Les 18-25 étant majoritairement francophones, ils se sont retrouvés souvent sur mamot.fr et parfois chez nous en s’inscrivant sur framapiaf.org, parfois sur mastodon.social qui est le Mastodon proposé par le développeur principal.

Nous avons donc pu commencer une première vague de bannissement en suivant les profils des nouveaux inscrits, et leurs premiers contenus qui concourraient au prix de « qui dit les choses les plus atroces ».

Nous avons fermé les inscriptions momentanément pour endiguer le flot, et peut-être avons nous à un moment viré massivement les nouveaux comptes.

 

« Quoi ?! » vous entends-je dire, « mais c’est en opposition totale avec le point 3 de la charte » !

 

Nous différencions personnes et comportements. Nous modérerons les comportements enfreignant notre code de conduite comme indiqué au point 5, mais nous ne bannirons pas les personnes sous prétexte de leurs opinions sur d’autres médias.

Ma réponse est donc « vous avez raison » suivie d’un « et nous sommes humains donc nous faisons ce que nous pouvons, en commençant par nous protéger ».

Je ne me souviens pas vraiment de notre façon de modérer à ce moment là : avons-nous attendu que chacun poste quelque chose de problématique avant de le virer ? Ou avons-nous agi de façon plus expéditive ? Même si nous étions dans le second cas, nous étions sur un grand nombre de compte qui venaient de façon groupée pour revendiquer une « liberté d’expression » leur permettant de dire des horreurs… Il n’y a à mon avis pas besoin d’attendre que chacune de ces personnes indique quel est sa façon de penser alors qu’elles viennent massivement d’un endroit (le forum de jeuxvideo.com) qui porte une vision de la société délétère.

 

Donc peut-être qu’on n’a pas respecté strictement la charte sur ce moment là, et encore une fois, je préfère protéger les membres de l’association et les utilisateurices en faisant preuve d’un peu d’arbitraire, plutôt que de suivre une ligne rigide.

 

2° S’inscrire sur un autre Mastodon

Après leur premier bannissement, des informations sur le fonctionnement décentralisé de Mastodon ont circulé. Les nouveaux arrivants se sont donc inscrits sur une autre instance, et ont plus ou moins rapidement été bannis une nouvelle fois.

 

C’est alors que des personnes du fédiverse ont expliqué à ces personnes qui se plaignaient de la fameuse « censure » qu’ils pouvaient monter leur propre Mastodon, et y appliquer leurs propres règles.

 

3° Monter une instance Mastodon rien que pour les 18-25

Sitôt dit, sitôt fait, les nouveaux arrivants s’organisent, montent leur Mastodon (soit grâce à leurs compétences techniques, soit grâce à un service qui propose de le faire) et s’y inscrivent tous.

 

Victoire ! Leur instance Mastodon, leurs règles, plus personne ne les bannira !

 

Quand à nous, nous n’avions plus qu’à appuyer sur le bouton « Bloquer l’instance » pour nous couper de ce Mastodon dédié au 18-25. Problème réglé.

 

Alors je ne voudrais pas vous faire croire que cette cohue s’est faite sans effet problématique. Déjà parce que je ne connais pas ses effets sur tous les utilisateurices de Mastodon, mais aussi parce que les 18-25 ont eu le temps de poster des contenus très violents, le point culminant étant une photo de la salle du Bataclan le soir du 13 novembre, remplie de cadavres. Je n’ai pas vu cette image mais un ami de l’association oui, et je maudis notre manque d’expérience pour ne pas avoir pu empêcher qu’il soit confronté à cette image horrible.

 

Mais de façon générale, tous les discours de haine sont vraiment aisés à modérer. Juste : Ça dégage. Fin de la discussion.

 

Là où ça devient difficile, se sont sur les cas qui jouent avec les limites.

 

Cas limites : quand une personne est… pénible

Je pense que c’est ce type de cas qui nous a valu une réputation de « mauvaise modération » : certaines personnes qui ne posaient pas de problème légaux, n’étaient pas agressifs au sens strict du terme ou ne partageaient pas de contenu violent, mais qui étaient… relous.

 

Un peu de mansplanning par ci, une discussion sur un sujet d’actualité avec une position moralisante par là… Bref, tout ce qui fait plaisir à lire (non) sans réellement mériter de couperet de la part de la modération.

 

Nous sommes arrivés à un point où les salariés qui faisaient de la modération avaient masqué le compte depuis leur profil personnel, mais ne se sentaient pas légitimes à le virer de notre Mastodon puisque rien de suffisamment répréhensible n’avait été fait.

 

Maintenant que j’ai un peu de recul, je peux dire que nous avons deux postures possibles dans ce cas, chacune nécessitant un travail de contextualisation lié au compte : quelle description du compte ? Quels contenus partagés ? Dans quelle ambiance est la personne ? Ça n’est pas la même chose si la personne écrit dans sa biographie « Mec cis-het et je vous emmerde » que si il est écrit « Faisons attention les un·es aux autres ».

Bien sûr, rien n’est strictement « éliminatoire », mais chaque élément constitue un faisceau d’indices qui nous pousse nous-même à passer plus ou moins de temps à prendre soin de la personne, de façon équivalente au soin que cette personne semble mettre dans ces échanges sur le média social.

 

Si la personne semble globalement prendre soin, mais a été signalée, nous pouvons décider de rentrer en discussion avec elle. C’est une option intensément chronophage. On pourrait se dire que pour trois messages de 500 caractères, pas besoin d’y passer trop de temps… au contraire !

Autant que possible, chaque message est co-écrit, relu, co-validé avant d’être envoyé, afin de s’assurer que le plus de personnes possibles de l’équipe de modération soient en accord avec ce qui y est écrit, le ton donné… et cela dans un temps le plus réduit possible histoire que l’action de modération ne date pas de quinze jours après le contenu (c’est parfois ce qui arrive). Or les membres de l’équipe sont pour beaucoup bénévoles, ou sinon salarié⋅es avec un emploi du temps très chargé.

Il faut aussi pas mal de relecteurices pour éviter LE truc qui fait perdre trois fois plus de temps : se faire mal comprendre par la personne à laquelle on écrit. Et là… c’est le drame !

 

Une autre option, ressemblant à celle-là mais avec moins de précautions de notre part est d’utiliser notre position d’autorité « Nous sommes la Modération » pour signaler aux personnes que nous comptons sévir en cas de récidive.

 

Cependant, si la personne ne semble pas intéressée par le fait de prendre soin des autres personnes, nous avons une astuce pour ne pas retomber dans le cycle infernal du « est-ce qu’on devrait faire quelque chose ou non ? » : le « ça prend trop d’énergie à l’équipe de modération ».

 

Cependant, nous bannirons toute personne ayant mobilisé de façon répétée nos équipes de modération : nous voulons échanger avec les gens capables de comprendre et respecter notre charte de modération.

En effet, c’est un indicateur qui nous permet de ne pas « boucler » trop… si l’on est plusieurs à se prendre la tête sur un signalement, alors que notre énergie serait mieux ailleurs… alors on décide souvent que cela suffit pour mériter un petit message disant en gros « Bonjour, vous prenez trop de temps à l’équipe de modération, merci d’aller vous installer ailleurs ». Cela nous a sorti de maintes situations délicates et c’est une félicité sans cesse renouvelée que de pouvoir citer cette partie de la charte.

 

Cas limites : quand la revendication est légitime

Autre cas compliqué à gérer : les différents moments où les personnes ont une revendication dont le fond est légitime, mais où la forme fait crisser les dents.

 

Par exemple, revenons sur la réputation de Framapiaf d’avoir une mauvaise modération (ou une absence de modération ce qui revient au même).

 

Clarifions un instant les reproches qui me semblent étayées de celles pour lesquelles je n’ai pas eu de « preuve » :

— Il a été dit que nous ne faisions pas de modération, voire que nous ne lisions pas les signalements : c’est faux.

— Par contre, comme expliqué dans le cas au-dessus, nous n’étions pas outillés et expérimentés pour gérer des cas « limites » comme ceux au-dessus qui ont entraine une pénibilité dans les interactions avec de nombreuxses utilisateurices.

 

Nous avions donc bien un manque dans notre façon de faire de la modération. Si vous avez déjà les explications du « pourquoi », je tiens à dire que cela ne nous empêche pas de nous rendre compte que cela a été pénible pour d’autres utilisateurices.

 

Cependant, la façon dont le problème nous a été remonté l’a été de façon souvent agressive, parfois violente car insinuant des choses à propos de nos membres (qui ne seraient que des personnes non concernées par les oppressions… et c’est faux !).

 

Aussi, comment traiter ce sujet, qui porte des valeurs avec lesquelles nous sommes aligné·es (protéger les personnes des relous, facile d’être pour…) mais qui dans le même temps, nous agresse également ? Et comment faire cela sans tomber dans le tone policing, argument bien trop utilisé pour couper court à un débat en tablant sur la forme plutôt que le fond ?

 

Tone-policing : littéralement « modération du ton ». Comportement visant à policer une discussion ou un débat en restreignant ou en critiquant les messages agressifs ou empreints d’une forte charge émotionnelle.

 

Voici mon point de vue : au vu de notre petite taille, nos faibles capacités humaines (des salariés qui font mille choses, des bénévoles), que notre structure est à but non lucratif (donc n’est pas là pour faire du bénéfice pour enrichir quelqu’un) et notre posture d’écoute que nous essayons d’équilibrer avec notre énergie disponible, il n’est pas OK de mal nous parler sauf cas exceptionnel.

Alors bien sûr les cas exceptionnels, ça se discute, ça se débat, mais en gros, à part si nous avons sérieusement blessé quelqu’un de par nos actions, il est possible de nous faire des critiques calmement, sans faire preuve de violence.

 

Et dans un souci d’équité, nous faisons l’effort de creuser les arguments de fond quand bien même la forme ne nous plait pas, afin de vérifier si les reproches que nos recevons sont des critiques avec de la valeur et de l’agressivité, ou seulement de l’agressivité.

 

Cela peut vous sembler étrange de passer du temps là-dessus, mais tant que vous n’êtes pas dans l’association, vous ne vous rendez pas compte de la quantité de gens qui la critiquent. Chaque semaine, des personnes nous signalent par exemple qu’elles sont désespérées par notre utilisation de l’écriture inclusive alors que nous l’utilisons depuis plus de quatre ans. Ou régulièrement parce que nous sommes trop politiques. Alors oui, des reproches agressifs nous en avons régulièrement, mais des critiques constructives, c’est malheureusement bien plus rare.

 

Donc que faire face à cela ? Eh bien mettre le soin au centre pour les personnes qui reçoivent les agressions. Alors encore une fois, je ne parle pas de soutenir les méchants oppresseurs agressifs envers qui on serait en colère, il ne s’agit pas de ça. Il s’agit de réussir à voir chez une personne de notre archipel qu’elle a fait une erreur, tout en prenant soin de l’humain qui a fait cette erreur.

 

Nous voulons prendre soin : de nous, d’autrui, et des Communs qui nous relient

 

Parce que personnellement j’ai vu que se faire agresser alors que l’on fait honnêtement de son mieux n’entraine qu’un repli sur soi, coupant la personne de son désir de contribuer à un monde meilleur, parce qu’elle a été trop blessée.

 

Et bien sûr, l’équilibre entre protéger les personnes blessées et celles qui blessent sans le vouloir est extrêmement difficile à tenir. Il faut donc réussir à faire preuve de franchise : oui, là, tu ou on aurait pu faire mieux. À partir de maintenant, comment on fait pour que se soit possible de faire mieux ?

 

Inutile de dire que non seulement ça prend du temps, mais c’est aussi carrément risqué, car on peut se mettre à dos par effet domino tout le groupe dont les membres exprimaient directement cette agressivité, ou indirectement par du soutien aux contenus en questions. Que du bonheur !

 

Les autres cas…

 

Alors oui il y a des robots, mais ça c’est un peu pénible mais vite résolu.

 

Il y a aussi des spécificités liées à Mastodon : comment gérer des contenus qui sont sur un autre Mastodon, auquel vous êtes connectés, et qui sont illégaux dans votre pays mais légaux dans d’autres ? On prend souvent l’exemple dans ce cas du lolicon : les dessins « érotiques » représentant des mineures sont autorisés et courants au Japon, mais interdits en France. Il faut y penser !

 

Enfin un autre cas que vous avez en tête est peut-être le contenu pornographique. Nous n’en faisons pas grand cas ici : nous demandons à ces comptes de masquer par défaut leurs images (une fonctionnalité de Mastodon qui permet de publier la photo floutée et de la rendre nette sur simple clic) et idéalement de rajouter un #NSFW (Not Safe for Work) pour simplifier leur identification.

 

La suite

 

J’espère que ces cas un peu concrets vous permettent de mieux vous rendre compte des interstices qui complexifient le travail de modération. Mais du coté fonctionnement collectif, comment ça se passe ? Je vous raconte ça dans l’article numéro 3 la semaine prochaine.




L’aventure de la modération – épisode 1

Maiwann, membre de l’association, a publié sur son blog une série de cinq articles sur la modération. Nous les reproduisons ici pour leur donner (encore) plus de visibilité.

Voici le premier.

Il me semble que mon parcours rassemble plusieurs spécificités qui me permettent d’analyser sous un angle particulier les différentes particularités de la modération :

  • Je suis une femme féministe, et une “geek”,
  • Je suis de gauche (= progressiste), et soutiens tous les mouvements pour plus de justice sociale,
  • Je suis conceptrice d’outils numériques, donc je connais le pouvoir que nous avons lorsque nous créons un produit numérique,
  • Je suis critique du numérique, et notamment du numérique capitaliste (de son petit nom, capitalisme de surveillance). J’enrichis cette réflexion grâce aux discussions que nous avons au sein de l’association Framasoft dont je suis membre bénévole.
  • J’ai fait de la modération pour un réseau social et ce réseau social n’était pas capitaliste.

 

Pepper la sorcière et Carrot le chat dorment paisiblement contre un éléphant (un mastodonte) dans une jolie jungle.
My Neighbor Mastodon – CC-BY David Revoy

 

C’est parti !

3615 ma vie : d’où je parle

Un ordi dès l’enfance

J’ai toujours été utilisatrice d’ordinateurs.
J’ai retrouvé récemment des photos d’un Noël où j’avais peut-être 4 ou 5 ans et où j’ai eu le droit à un ordinateur format jouet, le genre de trucs qui doit faire des chansons ou proposer des mini-jeux en répétant les mêmes phrases à voix robotique à longueur de journée. Quand j’ai vu cette image, j’ai tout de suite pensé à cette courbe qui montre que l’intérêt des enfants pour l’informatique est similaire pour les filles et les garçons… jusqu’au moment où l’on offre des ordinateurs aux petits garçons et pas aux petites filles.

La courbe montre le pourcentage de femmes diplômées dans quatre sections : médecine, droit, physique, informatique, qui augmente au fur et à mesure du temps. Mais on observe un décrochage des diplômées en informatique juste après que l’ordinateur soit promu comme un jouet pour les garçons.

Or, j’ai eu la chance d’avoir une petite sœur, aussi pas de compétition genrée au sein de la fratrie. Par la suite en 1999 nous avons déménagé en Polynésie Française et dans notre chambre d’enfants nous avions un ordinateur, un Windows 98 que nous pouvions utiliser pour jouer à de nombreux jeux vidéos avec bonheur.

Internet n’était qu’une possibilité très lointaine, réservée à mon père qui parfois tentait de m’aider à me connecter pour pouvoir accéder aux jeux de réseau… mais ça n’a jamais fonctionné (peut-être dû au décalage horaire de douze heures avec l’hexagone, je ne le saurai jamais !).

Une fois de retour en France hexagonale, mon père qui était le technicien de la maison, décède. Ma mère n’étant absolument pas intéressée par le sujet, je deviens l’informaticienne de la maison : c’est souvent moi qui installe les logiciels (par exemple le Scrabble pour jouer en ligne), qui sait comment libérer de la place sur l’ordinateur en désinstallant des logiciels (parce que je le faisais souvent sur le Windows 98, j’avais donc déjà de la pratique).

Dans mon milieu familial, si personne n’est admiratif de mes bidouilles, personne ne m’empêche de les faire et je deviens assez vite autonome. De plus, le collège porte un projet de numérisation et on offre aux 4ᵉ et aux 3ᵉ un ordinateur portable. Il est difficile de se connecter à Internet, il n’y a pas de Wifi, mais cela me permet déjà de jouer, de regarder des films de façon indépendante, bref encore plus d’autonomie pour moi !

Un début de pratique collective du numérique (forums, skyblogs, réseaux sociaux).

Plus tard au lycée, l’accès internet est plus simple (on a du wifi !) et je traine sur des forums notamment liés aux génériques de dessins animés (oui c’est un de mes trucs préférés de la vie, je ne sais toujours pas pourquoi). J’ai souvenir d’être déjà pas mal méfiante, assez poreuse aux discours de “on ne sait pas qui nous parle sur Internet”. C’est le grand moment des skyblogs, qu’on ouvre en deux clics pour raconter sa vie (quel bonheur !). Et enfin, c’est l’arrivée de Facebook qui devient un outil très répandu.

Si je n’ai pas de souvenirs de harcèlement via les réseaux sociaux, je me souviens déjà d’une pression sociale pour s’y inscrire. Nous organisions toutes nos sorties cinéma, anniversaires, soirées via les évènements Facebook, et l’une de nos amies n’y était pas inscrite… nous oubliions de la prévenir systématiquement. =/

Pour la suite je vous la fais rapide, je vieillis, c’est le temps des études que j’oriente d’abord malgré moi vers le design web (j’avais envie de faire des dessins animés mais j’étais pas assez bonne dessinatrice !).


Le début d’un lien entre politique et numérique

Je prends conscience du pouvoir mêlé à l’enfer de l’instantanéité des réseaux sociaux en 2015, au moment des attentats de Charlie Hebdo : je suis fébrilement l’actualité via le hashtag… avant de voir une vidéo de meurtre et de fermer lentement mon ordinateur, horrifiée par ce que je viens de voir. C’est une période où je fais “connaissance” avec les discours islamophobes qui superposent les raccourcis.

Je ne suis, à l’époque, pas très politisée, mais pas à l’aise avec ces discours… jusqu’à ce que je fasse connaissance avec une personne qui a un discours que je trouve très juste sur ce sujet (il doit me faire découvrir le concept d’islamophobie, ce qui est déjà pas mal). Et il s’avère que cette personne étant également dans la mouvance du logiciel libre : je découvre alors un monde numérique qui a une intention éloignée de celles du capitalisme, et notamment l’association Framasoft.


Alternatif, vous avez dit alternatif ?

Je découvre donc ce monde numérique alternatif, ou “libre” et au bout de quelques années, un réseau social alternatif : début 2018, alors que j’utilise beaucoup Twitter, une alternative nommée Mastodon se lance. Je m’y inscris, et l’utilise peu, avant de m’y constituer un petit réseau qui me fait y rester (autant que sur Twitter).

Les années passent encore, nous sommes en 2019 et on me propose de rejoindre Framasoft, ce que j’accepte ! Je découvre un collectif qui développe une réflexion très poussée sur ce qu’il y a de délétère dans la société et notamment le numérique, et qui propose des alternatives émancipatrices.

Lorsque je rejoins l’association, au printemps 2019, un sujet est brûlant au sein de l’asso comme à l’extérieur : la modération du réseau social Framapiaf.


Framapiaf ? Mastodon ? Kezako ?

En 2017, un réseau social alternatif commence à faire parler de lui : il s’agit de Mastodon.

Ce réseau social a un fonctionnement un peu particulier : il est décentralisé, en opposition a plein d’autres réseaux sociaux, notamment les réseaux capitalistes, qui sont eux tous centralisés : Il y a 1 Facebook, 1 Twitter, 1 Instagram, 1 TikTok… etc.

Pour comprendre en moins de deux minutes le concept, je vous laisse regarder cette petite vidéo, sous-titrée en français :  https://framatube.org/w/9dRFC6Ya11NCVeYKn8ZhiD 

Il y a donc une multitude de Mastodon, proposés par une multitude de personnes, associations ou entreprises différentes.
Mais ces Mastodon sont tous connectés les uns aux autres, ce qui permet que les personnes inscrites sur le Mastodon de Framasoft peuvent tout à fait discuter avec des personnes inscrites sur les Mastodon d’autres associations, exactement comme pour les mails ! (si vous avez un mail en @orange.fr et moi un mail en @laposte.net, nous pouvons nous écrire).

Cette spécificité de fonctionnement a plusieurs intérêts, et une grand influence sur les possibilités de modération. Par exemple :

— Le modèle économique de chaque Mastodon est choisi par la structure qui le porte. Chez Framasoft par exemple, se sont les dons qui permettent de tout faire tourner.

— Les règles de modération de chaque Mastodon sont choisies par la structure qui le porte. Aussi, c’est à elle de définir ce qu’elle accepte ou n’accepte pas, en toute indépendance.

— Si les règles ou le modèle économique d’un Mastodon ne vous conviennent pas, vous pouvez… déménager sur un autre Mastodon, tout simplement !


Quel était le problème avec la modération ?

Il faut savoir que Framasoft, entre 2014 et 2019 lançait en moyenne un service par mois (framapad, framadate, framaforms…). Elle a donc lancé Framapiaf pour participer à la promotion du réseau social, sans prendre particulièrement en compte la nécessité de gérer les interactions qui se dérouleraient sur ce média social.

L’association n’était à l’époque composée que de huit salarié·es pour plus de quarante services proposés, des conférences  réalisées, des interventions médias, des billets de blog, des campagnes de dons et financement participatif… bref, l’existence du réseau social n’était qu’un petit élément de cet univers, et sa modération un sous-élément en plus de l’aspect technique…

Je parle des interactions et non pas de la modération car sur d’autres services, les salariés géraient déjà de la modération de contenu : images violentes, notamment de pédopornographie… Mais cela impactait uniquement les salariés et ne se propageait pas vers l’extérieur, donc restait du travail totalement invisible.

Or, avec Framapiaf, s’il y avait des contenus problématiques qui étaient diffusés, ils n’impactaient pas seulement les salariés qui faisaient la modération mais aussi leurs destinataires, et potentiellement tous les usagers du média social.

Aussi de nombreuses utilisatrices ont signalé à l’association (parfois violemment, j’y reviendrais) que l’état de la modération leur semblait insuffisant, et que des personnes avaient des interactions problématiques avec iels.

Les salariés n’ayant pas la disponibilité pour gérer pleinement ce sujet, ce sont des bénévoles qui s’en sont chargés.


Avant la charte : Un flou qui crée des tensions


Recette pour abimer des modérateurices

En effet, jusqu’à présent quelques salarié·es de l’association géraient la modération avec les moyens du bord, étaient souvent seuls à s’occuper des signalements dans leur coin, alors que cette tâche est particulièrement complexe.

 

Pourquoi complexe ? Parce que lorsque l’on est modérateurice, et qu’on souhaite faire un travail juste, notre notion de ce qui est juste est sans cesse réinterrogée.

 

Déjà dans l’analyse de la situation : Est-ce que la personne qui a posté ce contenu l’a fait en sachant sciemment qu’elle risquait de blesser quelqu’un, ou non ?

 

Dois-je lui donner le bénéfice du doute ? Est-elle agressive ou seulement provocante ? Est-ce qu’on doit agir contre une personne provocante ? Est-ce que ce contenu est vraiment problématique, ou est-ce que c’est moi qui me suis levé·e du mauvais pied ? Qui suis particulièrement sensible à cette situation ?

 

Ensuite dans les actions à effectuer : dois-je supprimer ce contenu ? Supprimer ce compte ? Prévenir la personne pour lui expliquer le pourquoi de mes actions, par transparence ? Comment cela va-t-il être reçu ? Quel est le risque de retour de flammes pour moi ? Pour l’association ?

 

Et le meilleur pour la fin : on se sent seul responsable lorsque des personnes extérieures viennent critiquer, parfois violemment, la façon dont la modération est réalisée.

 

Il n’y a aucune réponse universelle à ces questions. Ce qui simplifie, en général, le processus de modération, c’est :

— un collectif qui permet de prendre une décision collégiale (ce qui évite de faire reposer une décision difficile et ses conséquences sur un seul individu)

— une vision politique qui facilite d’autant ces prises de décisions.

Nous avons une chance immense à Framasoft, c’est que toutes les personnes actives au sein de l’association sont très alignées politiquement (ça se sent dans le manifeste que nous venons de publier). Mais il n’y avait pas de collectif de modérateurices pour traiter ces questions et prendre les décisions qui sont les plus dures : celles pour les situations qui se trouvent “sur le fil”.


Structurer un groupe de modérateurices pour s’améliorer

J’arrive donc à Framasoft avec l’envie d’aider sur le sujet de la modération, qui est instamment priorisé par le directeur de l’association au vu du stress dans lequel étaient plongés les salariés-modérateurs.

Nous sommes un petit groupe (trois personnes) à proposer de rédiger une charte qui transposera notre vision politique en discours lisible, sur laquelle nous pourrons nous appuyer et nous référer pour expliciter nos choix de modération futurs et trancher des situations problématiques qui ont profité d’un flou de notre politique de modération.

Nous n’avons pas de débat majeur, étant assez alignés politiquement ; c’est la rédaction de la charte qui a été la plus complexe, car nous étions deux sur trois à être novices en modération, nous ne savions donc pas précisément ce qui nous
servirait dans le futur. La charte est disponible sur cette page et a été publiée le 8 juillet 2019.


Publication de la charte

Donc une fois la charte réalisée, il a fallu la poster.

Et là.

J’ai déjà raconté en partie ce qui s’est passé sur un précédent billet de blog nommé Dramasoft, du nom du hashtag utilisé pour parler de la vague de réactions suite à cette publication.

Pour résumer, nous avons subit une vague de harcèlement, de la part de personnes directement touchées par des oppressions systémiques (ça fait tout drôle). Il s’agit d’un type particulier de harcèlement donc je reparlerai : il n’était pas concerté. C’est à dire que les personnes ayant contribué au harcèlement ne l’ont pas fait de façon organisée. Mais l’accumulation de reproches et d’accusations a exactement le même effet qu’une vague de harcèlement opérée volontairement.

 

D’ailleurs pour moi, elle était pire qu’une vague de masculinistes du 18-25 que j’avais vécu un an auparavant. Car il est bien plus facile de les mettre à distance, en connaissant les mécanismes utilisés et leurs méthodes d’intimidation. Ce n’est pas la même chose de se faire harceler par des personnes qui sont dans le même camp que nous. Et je n’ai pas réussi à créer de la distance, en tout cas sur le moment (maintenant j’ai compris que les façons de communiquer comptaient !).

La charte

Je reviens sur ses différents articles :

1 — Cadre légal

Nous sommes placé·e⋅s sous l’autorité de la loi française, et les infractions que nous constaterons sur nos médias pourront donner lieu à un dépôt de plainte. Elles seront aussi modérées afin de ne plus apparaître publiquement.

Cela concerne entre autres (sans être exhaustif) :

— l’injure
— la diffamation
— la discrimination
— les menaces
— le harcèlement moral
— l’atteinte à la vie privée
— les appels à la haine
— La protection des mineurs, en particulier face à la présence de contenu à caractère pornographique (Loi n° 98-468 du 17 juin 1998 — Article 227-22-1 et Article 227-23 du code pénal).

Alors respecter la loi, ça peut sembler bête de le rappeler, mais ça nous permet de faire appel à un argument d’autorité qui peut être utile lorsqu’on n’a pas envie de faire dans la dentelle.


2 — Autres comportements modérés

Ici nous avons fait en sorte d’être, autant que possible, “ceinture et bretelles” pour rendre explicites que nous trouvons ces différents comportements problématiques. Et si vous avez l’impression qu’il s’agit parfois de choses évidentes, eh bien sachez que ça n’est pas le cas pour tout le monde.

Nous n’accepterons pas les comportements suivants, qui seront aussi modérés :

— Envoyer des messages agressifs à une personne ou à un groupe, quelles que soient les raisons. Si on vous insulte, signalez-le, n’insultez pas en retour.

Permet de ne pas tomber dans le “mais c’est pas moi c’est lui qui a commencé”.

—  Révéler les informations privées d’une personne. Dévoiler ses pseudonymes et les caractères de son identité est un choix personnel et individuel qui ne peut être imposé.

Ici par exemple, on explicite clairement un comportement qui n’a rien de répréhensible en soi (c’est pas interdit de donner des infos sur une personne !) mais qu’on sait avoir des effets délétères sur les personnes visées (si on donne le numéro de téléphone ou l’adresse d’une personne, même si rien ne se passe ensuite, il y a a minima la peur d’être contacté·e par des inconnus qui est vraiment problématique).

 

— Insister auprès d’une personne alors que cette dernière vous a demandé d’arrêter. Respectez les refus, les « non », laissez les gens tranquilles s’iels ne veulent pas vous parler.

On rappelle la base de la notion de consentement, ce qui permet aussi d’encourager les utilisateurices à poser leurs limites si elles souhaitent arrêter un échange.

 

— Tenir des propos dégradants sur les questions de genre, d’orientation sexuelle, d’apparence physique, de culture, de validité physique ou mentale, etc. et plus généralement sur tout ce qui entretient des oppressions systémiques. Si vous pensiez faire une blague, sachez que nous n’avons pas d’humour sur ces questions et que nous ne les tolérerons pas. Dans le doute, demandez-vous préalablement si les personnes visées vont en rire avec vous.

 

Ici, petit point “oppression systémique” aussi résumable en “on est chez les woke, déso pas déso” ; de plus on coupe court à toute tentative de négocier par un prétendu “humour”.

 

— Générer des messages automatiques de type flood, spam, etc. Les robots sont parfois tolérés, à condition d’être bien éduqués.

Les bots pourquoi pas mais selon ce qui nous semble être “une bonne éducation” et oui c’est totalement arbitraire. 🙂

 

— Partager des émotions négatives intenses (notamment la colère), en particulier à l’égard d’une personne. Les médias sociaux ne sont pas un lieu approprié pour un règlement de compte ou une demande de prise en charge psychologique. Quittez votre clavier pour exprimer les émotions intenses, trouvez le lieu adéquat pour les partager, puis revenez (si nécessaire) exposer calmement vos besoins et vos limites.

Ici on partage notre vision des réseaux sociaux : Ils ne permettent pas d’avoir une discussion apaisée, ne serait-ce que parce qu’ils limitent grandement le nombre de caractères et par là même, la pensée des gens. Donc si ça ne va pas, si vous êtes en colère, éloignez-vous-en et revenez quand ça ira mieux pour vous.

 

— Participer à un harcèlement par la masse, inciter à l’opprobre général et à l’accumulation des messages (aussi appelé dog piling). Pour vous ce n’est peut-être qu’un unique message, mais pour la personne qui le reçoit c’est un message de trop après les autres.

Ici on place la différence entre une action et l’effet qu’elle peut avoir sur les personnes. En effet, si le harcèlement organisé est facile à imaginer, on se rend moins compte de l’effet que peut avoir un flot de messages envoyé à une personne, quand bien même les expéditeur·ices ne se sont pas coordonnés pour générer une vague de harcèlement… le ressenti final est similaire : on reçoit des tonnes de messages propageant de la colère ou des reproches, alors qu’on est seul·e de l’autre coté de l’écran.

 

— Dénigrer une personne, un comportement, une croyance, une pratique. Vous avez le droit de ne pas aimer, mais nous ne voulons pas lire votre jugement.

On conclut avec une phrase plus généraliste, mais qui nous permet d’annoncer que le réseau social n’est pas là pour clamer son avis en dénigrant les autres.


3 — Les personnes ne sont pas leurs comportements

Nous différencions personnes et comportements. Nous modérerons les comportements enfreignant notre code de conduite comme indiqué au point 5, mais nous ne bannirons pas les personnes sous prétexte de leurs opinions sur d’autres médias.

Nous changeons et nous apprenons au fil de notre vie… aussi des comportements que nous pouvions avoir il y a plusieurs années peuvent nous sembler aujourd’hui complètement stupides… Cette phrase est donc là pour annoncer que, a priori, nous aurons une tolérance pour les nouveaux arrivants et nouvelles arrivantes.

Cependant, nous bannirons toute personne ayant mobilisé de façon répétée nos équipes de modération : nous voulons échanger avec les gens capables de comprendre et respecter notre charte de modération.

Cette phrase est parmi celles qui nous servent le plus : à Framasoft, ce qui nous sert de ligne de rupture, c’est l’énergie que nous prend une personne. Quand bien même ce qui est fait est acceptable du point de vue de la charte, si nous sommes plusieurs à nous prendre la tête pour savoir si oui, ou non, les contenus partagés méritent une action de modération… Eh bien c’est déjà trop.

Après tout, nous avons d’autres projets, l’accès à nos services est gratuit, mais il n’y a pas de raison de nous laisser
vampiriser notre temps par quelques utilisateurs qui surfent sur la frontière du pénible.


4 — Outils à votre disposition

Nous demandons à chacun⋅e d’être vigilant⋅e. Utilisons les outils à notre disposition pour que cet espace soit agréable à vivre :

 

Si quelqu’un vous pose problème ou si vous vous sentez mal à l’aise dans une situation, ne vous servez pas de votre souffrance comme justification pour agresser. Vous avez d’autres moyens d’actions (détaillés dans la documentation)

  • fuir la conversation,
  • bloquer le compte indésirable,
  • bloquer l’instance entière à laquelle ce compte est rattaché (uniquement disponible sur Mastodon),
  • signaler le compte à la modération.

Copie d’écran d’un signalement sur Framapiaf

Une partie de l’action des modérateurices est de faire (ce que j’appelle personnellement) “la maîtresse”. J’ai plusieurs fois l’impression de me faire tirer la manche par un enfant qui me dirait “maîtresse, untel est pas gentil avec moi”. J’y reviendrai, mais c’est pour cela que nous listons les façons d’agir : pour que dans les cas mineurs, les personnes puissent agir elles-mêmes. Déjà parce que se sera toujours plus rapide, que cela permet à la personne de faire l’action qu’elle trouve juste, et puis parce que ça permet de ne pas nous prendre du temps pour des cas qui restent des petites prises de bec individuelles.

 

— Si quelqu’un vous bloque, entendez son souhait et ne cherchez pas à contacter cette personne par un autre biais, ce sera à elle de le faire si et quand elle en aura envie.

 

Petit point consentement, ça fait pas de mal.

 

— Si vous constatez des comportements contraires au code de conduite menant des personnes à être en souffrance, signalez-le à la modération afin de permettre l’action des modérateurs et modératrices. Alerter permet d’aider les personnes en souffrance et de stopper les comportements indésirables.

 

Il ne nous est pas possible d’être pro-actif sur la modération, pour deux raisons simples :

1. On a autre chose à faire que passer notre temps à lire les contenus des un·es et des autres.

2. Nous avons nos propres comptes bloqués, masqués, et nous ne sommes pas au sein de toutes les conversations. Aussi il n’est pas possible de tout voir (et de toute façon, ça nous ferait bien trop de boulot !).

 

— S’il n’est pas certain qu’une personne est en souffrance, mais que les comportements à son égard sont discutables, engagez la conversation autour de ces comportements avec chacune des personnes concernées, dans le respect, afin d’interroger et de faire évoluer votre perception commune des comportements en question.

 

Petit point : chacun·e peut être médiateurice, il n’y a pas que les modérateurices qui doivent le faire. J’insiste sur ce point,
car on a tendance à créer une dichotomie entre “les utilisateurs” qui peuvent faire preuve d’immaturité, et les modérateurices qui eux seraient paroles d’évangile ou au moins d’autorité. Il est dommage de ne pas avoir davantage de personnes qui se préoccupent d’un entre deux où elles pourraient ménager les 2 parties afin que chacun·e clarifie pacifiquement sa position, ce qui permettrait sûrement d’éviter les actions de modération.

 

— Dans le cadre du fediverse (Framapiaf, PeerTube, Mobilizon,…), vous pouvez également masquer un compte (vous ne verrez plus ses messages dans votre flux mais vous pourrez continuer à discuter avec la personne). Vous pouvez aussi bloquer un compte ou une instance entière depuis votre compte : à ce moment, plus aucune interaction ne sera possible entre vous, jusqu’à ce que vous débloquiez.

 

Référez-vous à la documentation sur les façons de signaler et se protéger suivant les médias utilisés.

 

Et pour conclure, on donne d’autres indications sur la façon de s’auto-gérer sur une partie de la modération.

5 — Actions de modération

Lorsque des comportements ne respectant pas cette charte nous sont signalés, nous agirons dans la mesure de nos moyens et des forces de nos bénévoles.

Les outils de modération à notre disposition dans Framapiaf

Dans certains cas, nous essayerons de prendre le temps de discuter avec les personnes concernées. Mais il est aussi possible que nous exécutions certaines de ces actions sans plus de justification :
— suppression du contenu (des messages, des vidéos, des images, etc.)

— modification (ou demande de modification) de tout ou partie du contenu (avertissement de contenu, suppression d’une partie)

— bannissement de compte ou d’instance, en cas de non-respect des CGU (usage abusif des services) ou de non-respect de cette charte.

N.B. : dans le cadre du fediverse (Framapiaf, PeerTube, Mobilizon, etc.), nous pouvons masquer les contenus problématiques relayés sur notre instance, voire bloquer des instances  problématiques, mais non agir directement sur les autres instances.

La modération est effectuée par des bénévoles (et humain⋅es !), qui n’ont pas toujours le temps et l’énergie de vous donner des justifications. Si vous pensez avoir été banni⋅e ou modéré⋅e injustement : nous sommes parfois injustes ; nous sommes surtout humain⋅e⋅s et donc faillibles. C’est comme ça.

Utiliser nos services implique d’accepter nos conditions d’utilisation, dont cette charte de modération.

Nous faisons ici un récapitulatif des différents pouvoirs que nous avons et surtout que nous n’avons pas :

— le fonctionnement de Mastodon fait que nous pouvons discuter avec des personnes qui ne sont pas inscrites chez nous : nous ne pouvons donc pas supprimer leurs comptes (mais nous pouvons couper leur communication avec nous) ;

— nous sommes principalement des bénévoles, et de ce fait notre temps et énergie est limitée. Aussi, souvent, alors que nous aimerions discuter posément avec chacun·e pour expliquer les tenants et les aboutissants d’une situation… nous n’en avons simplement pas l’énergie, alors nous allons au plus simple. Et c’est frustrant, c’est injuste, mais c’est l’équilibre que nous avons trouvé.

6 — En cas de désaccord

Si la façon dont l’un de nos services est géré ne vous plait pas :

 

— Vous pouvez aller ailleurs.

— Vous pouvez bloquer toute notre instance.

Framasoft ne cherche pas à centraliser les échanges et vous trouverez de nombreux autres hébergeurs proposant des services similaires, avec des conditions qui vous conviendront peut-être mieux. Que les conditions proposées par Framasoft ne vous conviennent pas ou que vous ayez simplement envie de vous inscrire ailleurs, nous essaierons de faciliter votre éventuelle migration (dans la limite de nos moyens et des solutions techniques utilisées).

J’ai dit plus haut que les personnes qui rejoignaient Mastodon ne s’inscrivaient pas toutes chez nous. Cela nous permet par ailleurs de dire aux personnes qui se sont inscrites chez nous “désolés mais vous nous prenez trop d’énergie, trouvez-vous un autre endroit”. Cela ne prive en rien les personnes car elles peuvent s’inscrire ailleurs et avoir accès exactement aux mêmes contenus… mais nous ne sommes plus responsables d’elles !


7 — Évolution de la Charte

Toute « charte de modération » reste imparfaite car il est très difficile de l’adapter à toutes les attentes. Nous restons à votre écoute afin de la faire vivre et de l’améliorer. Pour cela vous pouvez contacter les modérateurs et modératrices pour leur faire part de vos remarques.

Vous pouvez nous faire vos retours, on est pas des zânes ni des têtes de mules.

La suite

Après ce tour sur mon arrivée dans le monde de la modération, la découverte de ce qu’est Mastodon, et ce par quoi nous avons démarré pour structurer une petite équipe de modération face aux difficultés vécues par les salarié·es, le second article de cette série parle de cas concrets.

 

Si vous voulez savoir comment on fait pour gérer les fachos, ça va vous plaire.

 

Illustration : CC-BY David Revoy




Framasoft 2022 : a casserole cooked up thanks to you, thanks to your donations

Did you know that 98% of Framasoft’s budget is based on donations (86% of which are from individuals). It is therefore thanks to you and your support (thank you!) that all our actions are possible. So we wanted to give you a summary of what we have done in 2022. A look back at 12 months of popular education on the challenges of digital and cultural commons, which we wanted to be rich in flavours to please your (and our!) taste buds.

« Collectivise Internet / Convivialise Internet🦆🦆 » The actions of our new roadmap are funded by your donations, You will find a short presentation of this roadmap on our Support Framasoft website.

➡️ Read all blogposts of this campaign (oct. – déc. 2022, mostly in French)

Illustration CC BY David Revoy

But who is behind the stove?

Behind this little feast, who is there? A small group of 38 people: 28 volunteers and 10 employees, convinced that a world where digital technology allows us to gain freedom is possible! We tell you here what we did, thought about and moved forward in the kitchens. And the ovens are still hot!

Sharing our values, intentions and actions loud and clear

After 3 years of work, workshops guided by Marie-Cécile Godwin and fine-tuning by the association, we published our manifesto in November. This long work made us think a lot and allowed us to highlight very simply the political dimension of our associative project: we want to change the current world for a better one, where the Commons are favoured, where social justice is a fundamental value and where our liberties are preserved.

The second part of this important work was to make sure that our manifesto intentions are understood as soon as they arrive on framasoft.org. We have therefore completely redesigned our main website to make our associative project clear, fluid and easily understandable.

Illustration CC BY David Revoy

Collectivise Internet / Convivialise Internet: our new roadmap 2023-2025

After 5 years on course with Contributopia, we needed to refine our compass and review our direction: where do we want to continue our exploration for the next few years? This is how the new roadmap Collectivise Internet / Convivialise Internet (code name: COIN / COIN – quack in french) was created: we want to address more directly the collectives and associations committed to a better world (without putting aside the thousands of people who use our tools!).

4 projects have been unveiled and will be progressively improved as the months go by thanks to the beneficiaries’ feedback, with the idea of creating more links between the tools and the people:

  • Frama.space: offering liberated cloud to small activist collectives
  • Peer.tube: to promote the PeerTube for which we are working
  • Emancip’Asso: to promote the digital emancipation of the associative world
  • ECHO Network: to understand the needs of popular education in different European countries.

We have detailed the actions of this roadmap and why we are undertaking them on the Framablog (in french…!).

Banquet simple, dans une jardin partagé, où des animaux mascottes du libre sont servis par des canards
Illustration CC BY David Revoy

Seeing each other again and seeing you again: it’s a real boost!

This year 2022 will also have been marked by a more intense resumption of shared moments, in the flesh (with good airing!): GAs, Framacamp, events, fairs, conferences, festivals, film screenings, round tables… Because as much as we love doing all this, seeing you and us motivates us, boosts us and encourages us to continue testing new, ambitious, wacky and funny projects (Remember Proutify? The extension has just been updated by one of our volunteers)… it’s so important to have fun doing all this!

Dessin d'un Canard qui sourie en très gros plan, de manière comique, tandis que derrière lui des canards font la fête dans une kermesse champêtre
Illustration CC BY David Revoy

 

Without you, everything we do would not be possible: 98% of the association’s resources come from donations. Do you think that our reflections are going in the right direction? If you have the means, if you have the desire, we thank you in advance for your support.

 

Support Framasoft

 

As an appetizer: popular education buffet

For us, popular education is the basis for a better world: everyone can share their knowledge and access it, in all simplicity. We present here the different popular education actions carried out this year.

Sharing knowledge and points of view

To begin with, Framasoft intervened, in person or remotely, in various spaces, to talk about digital emancipation, alternative digital, or how to be free online. Our members have made more than 70 interventions, for different structures, associations or groups, in different regions of France. You can watch some of these interventions on our Framatube channel.

Then, Framasoft keeps the pen active on the Framablog. More than 100 articles have been published this year, between presentations of our different actions, translations of Framalang, weekly press review, guest keyboards, interviews of various emancipatory projects, audio articles… The Framablog is a space where we express ourselves without limits.

We also intervened about twenty times in the media when we were asked to share our points of view on digital issues: video interviews, podcasts, articles… You will find the different links accessible on this page.

Illustration CC BY David Revoy

Des Livres en Communs: the publishing house that breaks the rules

Our publishing house, Des Livres en Communs (formerly Framabook), is turning the publishing codes upside down by offering a grant to authors upstream of the writing process, as well as the publication of the work under a free licence, in digital form only.

Following the first call for publication launched in January: « Towards a more contributive, more united, more ethical and more free world: how to equip and organise ourselves together », the project « L’amour en Commun », by Margaux Lallemant and Timothé Allanche was selected. The objective of this publication is to question how the commonality of love, as a means of organisation and a motor of commitment, allows us to build an alternative to capitalist society.

The book is currently being created, between fieldwork and immersions, while being accompanied by our publishing committee.

Des Livres en Communs also participated in the co-editing and proofreading of the « Guide du connard professionnel », a work carried out with PtiloukEditions.

Illustration CC BY David Revoy

UPLOAD: a free university that is growing

The Free, Open, Autonomous and Decentralised Popular University (UPLOAD: standing for Université Populaire Libre, Ouverte, Autonome, et Décentralisée in french) is a large popular education project initiated and coordinated by Framasoft (for the moment), in a decentralised and networked logic. The objective is to contribute (on our scale) to making society more just and our world more liveable, by focusing on the training of citizens by citizens.

This project is largely formed by the LibreCourses, online courses allowing access to different knowledge and skills. Stéph offered us a conference (in french) to present the topic during the Free Software Days.

This year’s Librecourses will have been punctuated by the theme « Low-tech and digital »: a first session between April and June and a second between November and January 2023. Do you also find the exponential growth of digital technology problematic? Are you interested in reducing the technical footprint of a tool? You can find the videos of the courses here.

Illustration CC BY David Revoy

Peer.tube: a showcase for PeerTube that looks like us

With Peer.tube, we want to create a showcase for PeerTube, with quality content selected in advance. It’s our answer to a question we’re often asked: « But where do I find interesting content on PeerTube? The Peer.tube site is already available with a first selection of channels and videos, but the project will only really move forward next year.

Sepia, læ poulple mascotte de PeerTube, est au bord de la mer. Iel nous invite sur un ponton menant à une plein de voiliers. Un film est projeté sur chacune des voiles de ces voiliers.
Illustration CC BY David Revoy

 

Has our popular education buffet piqued your curiosity? Do you think our contributions are going in the right direction? Then we’d like to reiterate that all this was made possible thanks to you and your donations – thank you!

I support Framasoft’s popular education actions

 

Main course: digital empowerment frying pan

Enabling citizens to become digitally empowered and free their practices is the core of our actions. But what is this good pan made of? Liberated ingredients, quality, and a good pinch of love. We tell you all about it.

Online services to do without the digital giants

Our online services are often the reason why people know us: more than 9 out of 10 people told us so during our survey « What you think of Framasoft » launched at the end of May. And to tell the truth, we were not very surprised. To give you some figures, we count more than 50 million visits on all our sites since the beginning of the year, more than 350 surveys are created every day on Framadate, nearly 15,000 forms are created every month on Framaforms, nearly 110,000 collaborative writing pads are active on Framapad. We still find this incredible!

Between 2014 and 2019, our little association has made around 40 free and trusted online services available to Internet users (yes, 40!). For many reasons, this was too much, and we have gradually closed, between 2019 and 2022, a part of these services, while proposing alternatives. This period of closure is now over: our 16 online services are available to anyone who wants to use tools that respect our freedoms. We have therefore decided to update and redesign the degooglisons-internet.org website to make it an easily accessible gateway, to make it reflect our image and above all to reassure our users.

Keeping these services up to date, managing the machines that run them or answering your questions about support, is a daily job, and we try to put our best efforts into it!

Illustration « Quittons la planète GAFAM NATU BATX », CC BY David Revoy
Illustration CC BY David Revoy

 

PeerTube: freeing your videos and channels is getting easier

PeerTube is the software we develop (well, one of our employees, yes, one!) to offer an alternative to video platforms. And 2022 will have been a year rich in evolutions, where we now count more than 1000 active PeerTube platforms.

Let’s go to V5!

To begin with, version 4.1 was released in February, bringing interface improvements, new mobile features, an improved plugin system, new search filters and new instance customization possibilities for admins.

In June, we released version 4.2, which brought a great new feature: the Studio, or the possibility to edit videos directly from the web interface. This version also brought more detailed viewing statistics, the possibility to adjust the latency during a broadcast or the direct editing of subtitles (thanks Lutangar!)

In September, version 4.3 was released, allowing the automatic import of videos from a remote channel (thanks to Florent, one of the administrators of the PeerTube Skeptikón instance) and new improvements to the interface and the integration of live videos (a collaborative effort with a designer from la Coopérative des Internets).

And we can already tell you that the new major version, v5, will be released in a few days with (exclusive information!) two-factor authentication or the possibility to send live files to the cloud for admins…

Edit of December 13th : V5 is released ! Find all the information on this article.

Collecting your ideas to enrich the software

Do you create content on PeerTube? Do you enjoy watching videos on PeerTube? In July, we launched the ideas.joinpeertube.org tool (in english) to collect your needs for the software and help us identify new features to develop to make PeerTube more enjoyable to use.

Please feel free to take a look around, to vote for one of the features already proposed or to propose a new one. A big thank you to everyone who took the time to share their opinion!

joinpeertube.org: easier access to PeerTube

joinpeertube.org is THE site that introduces PeerTube, THE gateway to information about this alternative to centralized video platforms, and we want to leave it wide open!

The previous version of joinpeertube.org was mainly focused on the technical features of PeerTube, and therefore addressed to technical profiles. However, now that there are more than 1,000 PeerTube platforms, we felt that it was necessary to promote the software to a wider audience who may be less digitally literate.

After an audit of the site via user tests carried out by La Coopérative des Internets, the web agency proposed improvements to allow a better understanding of PeerTube. You will find all the details of this version on this article of the Framablog: and we hope that this redesign will be useful and will facilitate the use of PeerTube!

Illustration CC BY David Revoy

Mobilizon: we make it easy for you to search

Mobilizon is the software that Framasoft is developing (well, one of our employees⋅es and not even full time!) to offer an alternative to Facebook events and groups.

Mobilizon Search Index, a search engine in the fediverse

As we did before with Sepia Search (our search engine for discovering content published on PeerTube), we want to offer a gateway to Mobilizon to show its emancipatory potential.

Mobilizon Search Index references the events and server groups that we have approved on instances.joinmobilizon.org (currently a little over 80 instances, and we hope the list will grow!). The search engine then allows you to explore the events and groups of all these servers, and in different ways: search bar (well, it’s rather classic), by categories (interesting, isn’t it?) or even by geolocating yourself to find events nearby (crazy!).

The source code is free-libre : anyone (with some computer skills, anyway…!) can install a Mobilizon Search Index, and adapt it to their needs.

So, does this make you want to test it?

A v3 focused on research

We released the 3rd major version of Mobilizon in November. The software has reached the maturity we wanted it to have, and that is very motivating!

In the new features: many elements of the software have been modified to avoid accumulating technical debt, the design of the homepage has evolved in design, and the search results page has also been revised (hello Mobilizon Search Index!). Increasing the possibilities of discovering events and groups to make the diversity of content published on Mobilizon more visible was also the goal of this v3.

This v3 was able to evolve thanks to the various contributions (thanks to the community!), was partly financed by a grant from NLNet (thanks to them!), and of course by you, and your donations (again a big thank you).

gros plan sur Rose, la fennec mascotte de Mobilizon, qui tient une loupe à la main. En fond, une carte représentant un village où des chemins mènent à un poitn commun. Au dessus d'elle, le symbole d'un lieu estampillé "v3"
Illustration CC BY David Revoy

Frama.space: emancipating small associations and activist collectives

Frama.space is a new service (in french) that we offer to small associations and activist collectives, to allow them to match their strong internal values (of social justice and emancipation) with digital tools in the same direction (free and non-monopolistic tools). We want to empower associations and activist collectives by opening digital spaces for sharing, working and organising (up to 50 accounts per collective, based on the free software Nextcloud with: office suite, 40 GB of storage, synchronisation of diaries and contacts, video tools, etc.).

Announced on 15 October when our roadmap Collectivisons / Convivialisons Internet was released, pre-registration has been open since 18 November. Currently, applications are being reviewed (by real⋅es human⋅es!) to open 250 first spaces by the end of the year. Our ultimate goal (a tad ambitious, yes!) being to make 10,000 Frama.space spaces available by the end of 2025.

Do you want to read more about the political aim of the project? We invite you to read this article or to watch this conference, which provides all the important details.

Une licorne déguisée en cosmonaute (avec une passoire sur la tête) marche sur les nuages et souffle des bulles. Dans ces bulles, on retrouve des cubes symbolisant le travail en commun (dossiers, boite à outils, livres, machine à écrire, boulier, etc.).
Illustration CC BY David Revoy

 

Do you find our actions to empower citizens through digital technology interesting? Do you think we are going in the right direction? All this was possible thanks to you and your donations. Thank you!

 

I support Framasoft’s digital empowerment actions

 

For dessert: farandole of a better world (to share!)

Because a good meal is always better when shared. And because it’s by sharing our know-how that we can go further. We act with other structures, which, like independent islands, bathe in the common waters of the same archipelago (can you also imagine floating islands with a good custard?): we keep our independence while sharing values of social justice. Acting together is obvious!

From the kittens’ side

The CHATONS (kittens in french) collective is a bit like a network of online service CSA(Community Supported Agriculture). Where Google, Facebook or Microsoft would represent the agri-food industry, the members of CHATONS would be computer farmers offering organic online services without GMOs, pesticides, aggressive marketing, in short: without a « race for purchasing power ».

At the end of this year, after already 14 litters of kittens, we count 97 members in the collective, i.e. 97 alternative hosts working in the same direction: resisting the gafamisation of the Internet and proposing alternatives respectful of our private lives.

The collective was present on different events during the year (Free Software Days, Digital Accessibility Workshop, Geek Faeries, Freedom Not Fear, Fête de l’Huma, Capitole du Libre), to present its actions. The second CHATONS camp took place this summer, a great time to meet and to relaunch great collective dynamics. Different working groups were created, in particular the group « An association for the CHATONS collective » aiming at an autonomization of the collective with the aim that we (Framasoft) leave little by little the coordination of the collective to the collective itself.

Illustration CC BY David Revoy

Emancip’Asso: promoting the digital emancipation of the associative world

The aim of Emancip’Asso is to help associations to find support to help their digital practices evolve towards more ethical practices. Designed in partnership with Animafac, 2022 will have been a year of… paperwork (yes, this is often the beginning of ambitious projects!).

We spent some time putting together a steering committee (20 members) that was varied, heterogeneous and representative of the diversity of the associative world. Then, as the project was intended to be financially independent, the first six months of the year were devoted to fundraising, which bore fruit (hurrah!). We currently have four funders (and we hope that the list will continue to grow!): the Charles Léopold Mayer Foundation for the Progress of Humankind, the Crédit Coopératif Foundation, the Un monde par Tous Foundation and the Libérons nos ordis Association.

The first funding allowed us to work on the first stage of the project: a training course for ethical hosts to help them accompany associations in their digital transition. Search for speakers, preparation of the programme and logistics: the training (it’s full!) will take place in Paris, from 16 to 20 January 2023 (the programme in detail is here).

Finally, at the end of this year, we applied to different student programs to set up two working groups: one on the graphic identity of Emancip’Asso (in progress!), and a second one on the realization of the emancipasso.org website (to come).

You can find Angie and Anne-Laure presenting the project on video here.

un chaton patissier qui présente un nuage-gateau fait sur commande, tansdi qu'en arrière plan d'autres chatons cuisinent un autre nuage gâteau au millieu de leur village arbre-à-chats
Illustration CC BY David Revoy

ECHO Network: understanding the digital needs of popular education, here and elsewhere

2022 will also have been the year of the development of the European project « Ethical, Commons, Humans, Open-Source Network » (ECHO Network, it’s a bit easier to remember…). Led by the popular education movement CEMÉA France, the project brings together 7 structures from 5 European countries (France, Belgium, Croatia, Germany, Italy). What do they have in common? The support, each at its own level, of the public in their autonomy and emancipation.

The objective of the project is to exchange on the difficulties, opportunities and ways to accompany the public that our associations serve towards a digital transition. And the background: how to accompany this emancipation in (or even by) a digital world centralised by the web giants?

The first meeting of the exchange will take place in Paris from 14 to 17 January 2023. This opening seminar will allow us to unpack the general theme: supporting the digital transition of associations that train citizens. Read more here.

Dessin de cinq iles en cercle, chacune avec des constructions d'une culture différente. Elles communiquent ensemble en s'envoyant des ondes, des échos.
Illustration CC BY David Revoy

And that’s not all!

Knowledge transfer

With Hubikoop (territorial hub of the New Aquitaine region for an inclusive digital environment) we started in September the animation of the course « Accompaniment to the discovery of ethical digital services » : 8 workshops for the actors of the digital mediation in New Aquitaine. This partnership is starting to give rise to new ideas, which we will tell you about next year!

In the framework of the PENSA project with Aix-Marseille University, we intervened in June for a training of trainers on the theme « Free software and services for the digital emancipation of citizens ». The final objective is to enable teachers to develop their skills for a critical use of digital technology in education.

We have also carried out various actions in connection with AFPA and more specifically the people in charge of the training of Digital Mediation Space Managers, to transmit more knowledge on ethical digital.

Framasoft also became a member of the MedNum. Our ambitions behind this? To raise awareness of free tools among digital mediation actors, to train digital mediators in ethical alternatives and to equip the cooperative itself with free tools.

Finally, you will find us in the booklet « Le temps des conquêtes, les nouveaux horizons de l’ESS » published by ESS France.

Important statements taken

The L.A. Coalition (of which Framasoft is a member) took a position in April on the Republican Commitment Contract: the collective denounced it as a potential source of litigation and abusive sanctions by the administration or public authorities to the detriment of associations and foundations.

The first abuses of the republican commitment contract quickly emerged. We signed the tribune «Civil disobedience is part of the freedom of expression and the repertoire of legitimate actions of associations », published in l’Humanité in September: associative freedoms are essential and currently in danger.

We also signed the tribune « For the digital commons to become a pillar of European digital sovereignty » by Wikimedia France in June. Cultural commons are an integral part of Framasoft’s social purpose, defending them is essential!

Support by conviction

Following the announcement of its very difficult financial situation this summer, we supported the media NextINpact (very qualitative digital watch) by buying « suspended » subscriptions that we drew at random.

We also supported affordance.info (qualitative content on digital and relevant social issues) by migrating its blog from a non-free tool (Typepad) to a free tool (WordPress), all hosted by us.

We proposed a Signal proxy (free messaging) following a call from the structure informing of the blocking of its application by the Iranian regime in the face of the current revolts.

Illustration CC BY David Revoy

 

Did you like our shared dessert? You think that these actions carried out with other islands of our archipelago are to be encouraged? Know that they are also only possible thanks to you and your donations. Thank you again!

 

I support Framasoft’s archipelago actions

 

Framasoft, today, is more than 50 000 € of expenses per month. We closed the 2021 accounting year with a deficit of €60,000 (which donations – more generous during the 2020 confinements – fortunately allowed us to absorb).

At the time of writing, we estimate that we are €127,500 short of our annual budget and can confidently launch our actions in 2023.
If you can (yes, at the moment it is particularly complicated), and if you want to, please support the actions of our association.

I support the actions of Framasoft

 

 




Framasoft 2022 : une tambouille mijotée grâce à vous, grâce à vos dons

Le saviez-vous ? 98 % du budget de Framasoft repose sur des dons (dont 86 % sont des dons de particuliers). C’est donc bien grâce à vous et à votre soutien (merci !) que toutes nos actions sont réalisables. Nous avons ainsi voulu vous faire un résumé de la tambouille concoctée sur cette année 2022. Retour sur 12 mois d’éducation populaire aux enjeux du numérique et des communs culturels, que l’on a voulu riches en saveurs pour le bonheur de vos (et nos !) papilles.

« Collectivisons Internet / Convivialisons Internet 🦆🦆 »Les actions de notre nouvelle feuille de route étant financées par vos dons (défiscalisables à 66 %), vous pouvez en trouver un résumé complet sur le site Soutenir Framasoft.

➡️ Lire la série d’articles de cette campagne (oct. – déc. 2022)

Illustration CC BY David Revoy

Mais qui est derrière les fourneaux ?

Derrière ce petit festin, il y a qui ? Un petit groupe de 38 personnes : 28 bénévoles et 10 salarié⋅es, convaincu⋅es qu’un monde où le numérique nous permet de gagner en liberté est possible ! On vous raconte ici ce qu’on a fait, réfléchi et avancé dans les cuisines. Et les fours sont encore tout chauds !

Partager nos valeurs, nos intentions et nos actions haut et fort

Après 3 ans de travail, d’ateliers guidés par Marie-Cécile Godwin et de peaufinage par l’association, nous avons publié notre manifeste en novembre. Ce travail de longue haleine nous a fait longuement réfléchir et nous a permis de mettre en évidence très simplement la dimension politique de notre projet associatif : nous voulons changer le monde actuel pour un monde meilleur, où les Communs sont favorisés, où la justice sociale est une valeur fondamentale et où nos libertés sont préservées.

La deuxième partie de cet important travail a été de faire en sorte que nos intentions du manifeste se comprennent dès l’arrivée sur framasoft.org. Nous avons ainsi refondu entièrement notre site internet principal pour rendre notre projet associatif clair, fluide et facilement compréhensible.

Illustration CC BY David Revoy

Collectivisons Internet / Convivialisons Internet : notre nouvelle feuille de route 2023-2025

Après 5 ans de cap sur Contributopia, nous avions besoin de réaffiner notre compas et revoir notre direction : vers où voulons-nous poursuivre notre exploration pour les prochaines années ? C’est ainsi qu’a été créée la nouvelle feuille de route Collectivisons Internet / Convivialisons Internet (nom de code : COIN / COIN) : nous souhaitons nous adresser plus directement aux collectifs et associations engagées pour un monde meilleur (sans pour autant mettre de côté les milliers de personnes qui utilisent nos outils !).

4 projets ont ainsi été dévoilés et seront progressivement améliorés aux fils des mois grâce aux retours des bénéficiaires, dans l’idée de créer plus de liens entre les outils et les humain⋅es :

  • Frama.space : proposer du cloud libéré aux petits collectifs militants
  • Peer.tube : mettre en valeur le PeerTube pour lequel nous œuvrons
  • Emancip’Asso : favoriser l’émancipation numérique du monde associatif
  • ECHO Network : comprendre les besoins de l’éducation populaire dans différents pays d’Europe.

Nous avons détaillé les actions de cette feuille de route et pourquoi nous les entreprenons sur le Framablog.

Banquet simple, dans une jardin partagé, où des animaux mascottes du libre sont servis par des canards
Illustration CC BY David Revoy

Se revoir et vous revoir : ça requinque !

Cette année 2022 aura aussi été marquée par la reprise plus intense des moments partagés, en chair et en os (avec de bonnes aérations !) : AG, Framacamp, événements, salons, conférences, festivals, projections de cinéma, tables rondes… Parce que bien que l’on aime faire tout ça, vous voir et nous voir, ça nous motive, ça nous booste et ça nous encourage à continuer à tester de nouveaux projets ambitieux, farfelus et drôles (Vous vous souvenez de Proutify ? L’extension vient d’être mise à jour par un de nos bénévoles)… c’est si important de prendre plaisir à faire tout cela !

Dessin d'un Canard qui sourie en très gros plan, de manière comique, tandis que derrière lui des canards font la fête dans une kermesse champêtre
Illustration CC BY David Revoy

 

Sans vous, tout ce que nous faisons ne serait pas réalisable : 98 % des ressources de l’association sont des dons. Vous trouvez que nos réflexions vont dans la bonne direction ? Si vous en avez les moyens, si vous en avez l’envie, nous vous remercions grandement d’avance de votre soutien.

 

Je soutiens les actions de Framasoft

 

 

En entrée : buffet d’éduc pop’

Pour nous, l’éducation populaire, c’est la base d’un monde meilleur : chacun et chacune peut partager ses connaissances et y accéder, en toute simplicité. On vous présente ici les différentes actions d’éduc pop’ menées cette année.

Partage de connaissances et de points de vue

Pour commencer, Framasoft est intervenue, en présentiel ou à distance, dans divers espaces, pour parler d’émancipation numérique, de numérique alternatif, ou encore de comment se libérer en ligne. C’est plus de 70 interventions que nos membres ont réalisées, pour différentes structures, associations, ou collectifs, dans différentes régions de France. Vous trouverez quelques unes de ces interventions à visionner sur notre chaîne Framatube.

Ensuite, Framasoft garde la plume active sur le Framablog. Plus de 100 articles ont été publiés cette année, entre présentations de nos différentes actions, traductions de Framalang, revue de presse hebdomadaire, claviers invités, interviews de divers projets émancipateurs, articles audio… Le Framablog est un espace où nous nous exprimons sans limite.

Nous sommes aussi intervenues une vingtaine de fois dans les médias lorsque nous avons été sollicité⋅es pour partager nos points de vues sur le numérique : interview vidéos, podcasts, articles… Vous trouverez les différents liens accessibles sur cette page.

Illustration CC BY David Revoy

Des Livres en Communs : la maison d’édition qui chamboule les codes

Notre maison d’édition Des Livres en Communs (anciennement Framabook), chamboule les codes de l’édition en proposant une bourse aux autrices et auteurs en amont de l’écriture, ainsi qu’une publication de l’ouvrage sous licence libre, uniquement en version numérique.

Suite au premier appel à publication lancé en janvier : « Vers un monde plus contributif, plus solidaire, plus éthique et plus libre : comment s’outiller et s’organiser ensemble ? », le projet « L’amour en Commun », de Margaux Lallemant et Timothé Allanche a été sélectionné. L’objectif de cette publication est de questionner comment le commun de l’amour, en tant que moyen d’organisation et moteur d’engagement, permet de construire une alternative à la société capitaliste.

L’ouvrage est actuellement en création, entre travail de terrain et immersions, tout en étant accompagné par notre comité d’édition.

Des Livres en Communs a également participé à la coédition et aux relectures du « Guide du connard professionnel », travail mené avec PtiloukEditions.

Illustration CC BY David Revoy

UPLOAD : une université libre qui se garnit

L’Université Populaire Libre, Ouverte, Autonome, et Décentralisée (UPLOAD) est un grand projet d’éducation populaire initié et coordonné par Framasoft (pour le moment), dans une logique décentralisée et en réseau. L’objectif est de contribuer (à notre échelle) à rendre la société plus juste et notre monde plus vivable, en misant sur la formation des citoyen⋅nes par les citoyen⋅nes.

Ce projet est en grande partie formé par les LibreCours, cours en ligne permettant d’accéder à différents savoirs et connaissances. Stéph nous a proposé une conférence pour présenter le sujet lors des Journées du Logiciel Libre.

Les Librecours de cette année auront été rythmés par la thématique « Low-technicisation et numérique » : une première session entre avril et juin et une seconde entre novembre et janvier 2023. Vous trouvez aussi que la croissance exponentielle du numérique est problématique ? Chercher à réduire l’empreinte technique d’un outil vous intéresse ? Vous pouvez retrouver les vidéos des cours par ici.

Illustration CC BY David Revoy

Peer.tube : une vitrine pour PeerTube qui nous ressemble

Avec Peer.tube, nous souhaitons créer une vitrine de PeerTube, avec du contenu de qualité préalablement sélectionné. C’est notre réponse à une question que l’on peut souvent nous poser : « Mais où est-ce que je trouve du contenu intéressant sur PeerTube ? ». Le site Peer.tube est déjà accessible avec une première sélection de chaînes et vidéos, mais le projet ne va réellement avancer que l’année prochaine.

Sepia, læ poulple mascotte de PeerTube, est au bord de la mer. Iel nous invite sur un ponton menant à une plein de voiliers. Un film est projeté sur chacune des voiles de ces voiliers.
Illustration CC BY David Revoy

 

Notre buffet d’éducation populaire a titillé votre curiosité ? Vous trouvez que nos contributions vont dans le bon sens ? Alors nous vous re-glissons par ici que tout ça nous a été possible grâce à vous et à vos dons – merci !

 

Je soutiens les actions d’éduc pop’ de Framasoft

 

En plat : poêlée d’émancipation numérique

Permettre aux citoyens et citoyennes de s’émanciper par le numérique et de libérer leurs pratiques, c’est le cœur de nos actions. Mais, de quoi est composée cette bonne poêlée ? D’ingrédients libérés, de qualité, et d’une bonne pincée d’amour. On vous détaille tout ça.

Des services en ligne pour se passer des géants du numérique

Nos services en ligne sont souvent la raison pour laquelle on nous connaît : vous êtes plus de 9 personnes sur 10 à nous l’avoir confié lors de notre enquête « Ce que vous pensez de Framasoft » lancée fin mai. Et à vrai dire, nous n’avons pas été très étonné⋅es. Pour vous donner quelques chiffres, nous comptons plus de 50 millions de visites sur l’ensemble de nos sites depuis le début d’année, plus de 350 sondages sont créés chaque jour sur Framadate, près de 15 000 formulaires sont créés chaque mois sur Framaforms, près de 110 000 pads d’écriture collaborative sont actifs sur Framapad. Nous, on trouve toujours ça incroyable !

Entre 2014 et 2019, notre petite association a mis à disposition des internautes une quarantaine de services en ligne libres et de confiance (oui, 40 !). Pour de nombreuses raisons, c’était trop, et nous avons fermé progressivement, entre 2019 et 2022, une partie de ces services, tout en proposant des alternatives. Cette période de fermetures est maintenant terminée : nos 16 services en ligne sont disponibles pour toute personne souhaitant utiliser des outils qui respectent nos libertés. Nous avons ainsi décidé de mettre à jour et refondre le site degooglisons-internet.org pour en faire une porte d’entrée facilement accessible, la mettre à notre image et surtout pour rassurer nos utilisateurs et utilisatrices.

Maintenir ces services à jour, gérer les machines qui les font tourner ou encore répondre à vos questions sur le support, c’est un travail du quotidien, et on essaye d’y mettre nos meilleures énergies !

Illustration « Quittons la planète GAFAM NATU BATX », CC BY David Revoy
Illustration CC BY David Revoy

 

PeerTube : libérer ses vidéos et ses chaînes est de plus en plus facile

PeerTube, c’est le logiciel que nous développons (enfin, un de nos salarié⋅es, oui, un seul !) pour proposer une alternative aux plateformes vidéos. Et 2022 aura été une année bien riche en évolutions, où on compte maintenant plus de 1000 plateformes PeerTube actives.

Cap sur la V5 !

Pour commencer, la version 4.1 est sortie en février, apportant des améliorations de l’interface, de nouvelles fonctionnalités sur mobile, le système de plugins amélioré, de nouveaux filtres pour faire des recherches ou encore de nouvelles possibilités de personnalisation des instances pour les admins.

En juin, nous sortions la version 4.2, qui a amené une grande nouveauté : le Studio, ou la possibilité de modifier des vidéos directement depuis l’interface web. Cette version aura aussi apporté des statistiques de visionnage plus détaillées, la possibilité de régler la latence lors d’une diffusion ou encore l’édition directe de sous-titres (merci Lutangar !)

En septembre, c’est la version 4.3 qui a été publiée, permettant l’import automatique des vidéos d’une chaîne distante (Un grand merci à Florent, l’un des administrateurs de l’instance PeerTube Skeptikón) et de nouvelles améliorations de l’interface et de l’intégration des vidéos en direct (un travail en collaboration avec une designeuse de la Coopérative des Internets).

Et on peut déjà vous dire que la nouvelle version majeure, la v5, sera publiée dans quelques jours avec (attention : exclu !) de l’authentification à double facteur ou encore la possibilité d’envoyer les fichiers lives dans le cloud pour les admins…

Edit du 13 décembre : la V5 est sortie ! Retrouvez toutes les infos sur cet article.

Récolte de vos idées pour enrichir le logiciel

Vous créez du contenu sur PeerTube ? Vous aimez regarder des vidéos sur PeerTube ? En juillet, nous avons lancé l’outil ideas.joinpeertube.org (en anglais) pour récolter vos besoins sur le logiciel et ainsi nous permettre d’identifier les nouvelles fonctionnalités à développer pour rendre PeerTube plus agréable à utiliser.

N’hésitez pas à y faire un tour, pour voter pour une des fonctionnalités déjà proposées ou en proposer une nouvelle. Un grand merci à toutes celles et ceux qui ont pris le temps de partager leur avis !

joinpeertube.org : un accès facilité à PeerTube

joinpeertube.org, c’est LE site qui présente PeerTube, LA porte d’entrée pour s’informer sur cette alternative aux plateformes vidéo centralisatrices et nous, on souhaite la laisser grande ouverte !

La version précédente de joinpeertube.org était surtout axée sur les caractéristiques techniques de PeerTube, et donc adressée à des profils techniques. Hors, maintenant qu’il existe plus de 1 000 plateformes PeerTube, valoriser le logiciel auprès d’un public plus vaste et potentiellement moins à l’aise avec le numérique nous a paru une nouvelle orientation nécessaire.

Après un audit du site via des tests utilisateurs réalisés par La Coopérative des Internets, l’agence web nous a proposé des pistes d’amélioration pour permettre une meilleure compréhension de PeerTube. Vous trouverez tout le détail de cette version sur cet article du Framablog : et on espère que cette refonte vous sera utile et facilitera l’utilisation de PeerTube !

Illustration CC BY David Revoy

Mobilizon : on vous facilite les recherches

Mobilizon, c’est le logiciel que Framasoft développe (enfin, un de nos salarié⋅es et même pas à temps plein !) pour proposer une alternative aux événements et groupes Facebook.

Mobilizon Search Index, un moteur de recherche dans le fédiverse

Comme nous l’avons fait auparavant avec Sepia Search (notre moteur de recherche pour découvrir les contenus publiés sur PeerTube), nous souhaitons proposer une porte d’entrée vers Mobilizon pour montrer son potentiel émancipateur.

Mobilizon Search Index référence les événements et groupes de serveurs que nous avons approuvés sur instances.joinmobilizon.org (aujourd’hui un peu plus de 80 instances, et on espère que la liste s’allongera !). Le moteur de recherche permet ensuite d’explorer les événements et groupes de tous ces serveurs, et de différentes manières : barre de recherche (bon là c’est plutôt classique), par catégories (intéressant, non ?) ou même en se géolocalisant pour trouver des événements à proximité (c’est fou ça !).

Le code source est libre : toute personne (avec un certain bagage informatique tout de même…!) peut installer un Mobilizon Search Index, et l’adapter selon ses besoins.

Alors, ça vous donne envie de tester ?

Une v3 axée sur la recherche

Nous avons publié la 3ème version majeure de Mobilizon en novembre. Le logiciel a atteint la maturité que nous souhaitions lui donner, et ça, c’est très motivant !

Dans les nouveautés : de nombreux éléments du logiciel ont été modifiés pour ne pas accumuler de dette technique, le design de la page d’accueil a évolué dans le design, et la page de résultats de recherche a aussi été revue (coucou Mobilizon Search Index !). Augmenter les possibilités de découvrir des événements et des groupes pour rendre davantage visible la diversité des contenus publiés sur Mobilizon, c’était aussi l’objectif de cette v3.

Cette v3 a pu évoluer grâce aux différentes contributions (merci à la communauté !), a été financée en partie par une bourse de NLNet (merci à eux !), et bien sûr par vous, et vos dons (encore un grand merci).

gros plan sur Rose, la fennec mascotte de Mobilizon, qui tient une loupe à la main. En fond, une carte représentant un village où des chemins mènent à un poitn commun. Au dessus d'elle, le symbole d'un lieu estampillé "v3"
Illustration CC BY David Revoy

Frama.space : émanciper les petites assos et collectifs militants

Frama.space, c’est un nouveau service que nous proposons aux petites associations et collectifs militants, pour leur permettre d’accorder leurs valeurs internes fortes (de justice sociale et d’émancipation) avec des outils numériques allant dans le même sens (outils libres et non monopolistiques). Nous souhaitons ainsi autonomiser les associations et collectifs militants en ouvrant des espaces numériques de partage, de travail et d’organisation (jusqu’à 50 comptes par collectif, basés sur le logiciel libre Nextcloud avec : suite bureautique, 40 Go de stockage, synchronisation d’agendas et de contacts, outils de visio, etc.).

Annoncées le 15 octobre lors de la sortie de notre feuille de route Collectivisons / Convivialisons Internet, les pré-inscriptions sont ouvertes depuis le 18 novembre. Actuellement, les candidatures sont révisées (par des vrai⋅es humain⋅es !) pour ouvrir 250 premiers espaces d’ici la fin d’année. Notre objectif final (un poil ambitieux, oui !) étant de mettre à disposition 10 000 espaces Frama.space d’ici fin 2025.

Vous voulez en lire plus sur la visée politique du projet ? Nous vous invitons à lire cet article ou à visionner cette conférence, apportant tous les détails importants.

Une licorne déguisée en cosmonaute (avec une passoire sur la tête) marche sur les nuages et souffle des bulles. Dans ces bulles, on retrouve des cubes symbolisant le travail en commun (dossiers, boite à outils, livres, machine à écrire, boulier, etc.).
Illustration CC BY David Revoy

 

Nos actions pour permettre aux citoyens et citoyennes de s’émanciper par le numérique vous semblent intéressantes ? Vous pensez que nous allons dans la bonne direction ? Tout cela a été possible aussi grâce à vous et grâce à vos dons. Merci !

 

Je soutiens les actions d’émancipation numérique de Framasoft

 

En dessert : farandole d’un monde meilleur (à partager !)

Parce qu’un bon repas est toujours meilleurs quand on le partage. Et parce que c’est en partageant nos savoirs-faire et savoirs-être que l’on avance plus loin. Nous agissons avec d’autres structures, qui, telles des îles indépendantes, baignent dans des eaux communes d’un même archipel (vous aussi vous imaginez des îles flottantes avec une bonne crème anglaise ?) : nous gardons notre indépendance tout en partageant des valeurs de justice sociale. Agir ensemble est évident !

Du côté des chatons

Le collectif CHATONS, c’est un peu comme un réseau d’AMAP du service en ligne. Là où Google, Facebook ou Microsoft représenteraient l’industrie agro-alimentaire, les membres de CHATONS seraient des paysans informatiques proposant des services en ligne bio sans OGM, sans pesticide, sans marketing agressif, bref : sans une « course au pouvoir d’achat ».

Cette fin d’année, après déjà 14 portées de chatons, nous comptons 97 membres au collectif, soit 97 hébergeurs alternatifs travaillant dans la même direction : résister à la gafamisation d’Internet et proposer des alternatives respectueuses de nos vies privées.

Le collectif a été présent sur différents événements durant l’année (Journées du Logiciel Libre, contrib’atelier sur l’accessibilité numérique, Geek Faeries, Freedom Not Fear, Fête de l’Huma, Capitole du Libre), pour présenter ses actions. Le deuxième camp CHATONS a eu lieu cet été, un temps fort pour se retrouver et relancer de belles dynamiques collectives. Différents groupes de travail ont vu le jour, notamment le groupe « Une asso pour le collectif CHATONS » visant une autonomisation du collectif dans le but que nous (Framasoft) laissions peu à peu la coordination du collectif au collectif lui-même.

Illustration CC BY David Revoy

Emancip’Asso : favoriser l’émancipation numérique du monde associatif

Le but d’Emancip’Asso, c’est d’aider les associations à trouver de l’accompagnement pour faire évoluer leurs pratiques numériques vers des pratiques plus éthiques. Conçu en partenariat avec Animafac, 2022 aura été une année de… paperasse (eh oui, c’est souvent ça le début de projets ambitieux !).

Nous avons passé un moment à constituer un comité de pilotage (20 membres) varié, hétérogène et , représentatif de la diversité du monde associatif. Ensuite, le projet se voulant indépendant financièrement, les 6 premiers mois de l’année ont été consacrés à de la recherche de financements, qui a porté ses fruits (hourra !). Nous comptons actuellement quatre financeurs (et on espère que la liste continuera à grandir !) : la Fondation Charles Léopold Mayer pour le progrès de l’Homme, la Fondation Crédit Coopératif, la Fondation Un monde par Tous et l’Association Libérons nos ordis.

Les premiers financements nous ont permis de travailler sur la première étape du projet : une formation à destination des hébergeurs éthiques pour les aider à accompagner des associations dans leur transition numérique. Recherche d’intervenant⋅es, préparation du programme et de la logistique : la formation (c’est complet !) aura lieu à Paris, du 16 au 20 janvier 2023 (le programme en détails est par ici).

Enfin, en cette fin d’année, nous avons postulé à différents programmes étudiants pour constituer deux groupes de travail : un premier sur l’identité graphique d’Émancip’Asso (c’est en cours !), et un second sur la réalisation du site internet emancipasso.org (à venir).

Vous pouvez retrouver Angie et Anne-Laure présentant le projet en vidéo par ici.

un chaton patissier qui présente un nuage-gateau fait sur commande, tansdi qu'en arrière plan d'autres chatons cuisinent un autre nuage gâteau au millieu de leur village arbre-à-chats
Illustration CC BY David Revoy

ECHO Network : comprendre les besoins numériques de l’éduc pop, ici et ailleurs

2022 aura aussi été l’année de l’élaboration du projet européen « Ethical, Commons, Humans, Open-Source Network » (Réseau autour de l’Éthique, les Communs, les Humaines et l’Open-source) (ECHO Network, c’est un peu plus facile à mémoriser…). Mené par le mouvement d’éducation populaire des CEMÉA France, le projet rassemble 7 structures de 5 pays d’Europe (France, Belgique, Croatie, Allemagne, Italie). Leur point commun ? L’accompagnement, chacune à son niveau, des publics dans leur autonomie et leur émancipation.

L’objectif du projet est d’échanger sur les difficultés, les opportunités et les façons d’accompagner vers une transition numérique des publics que nos associations servent. Et la toile de fond : comment accompagner cette émancipation dans (voire par) un monde numérique centralisé chez les géants du web ?

La première rencontre de l’échange aura lieu à Paris du 14 au 17 janvier 2023. Ce séminaire d’ouverture va nous permettre de déblayer la thématique générale : accompagner la transition numérique des associations formant des citoyens et citoyennes. En savoir plus par ici.

Dessin de cinq iles en cercle, chacune avec des constructions d'une culture différente. Elles communiquent ensemble en s'envoyant des ondes, des échos.
Illustration CC BY David Revoy

Et ce n’est pas tout !

Transmission de connaissances

Avec Hubikoop (hub territorial de la région Nouvelle Aquitaine pour un numérique inclusif) nous avons débuté en septembre l’animation du parcours « Accompagnement à la découverte de services numériques éthiques » : 8 ateliers pour les acteurs et actrices de la médiation numérique en Nouvelle Aquitaine. Ce partenariat commence à faire émerger de nouvelles idées, que l’on vous racontera l’année prochaine !

Dans le cadre du projet PENSA avec l’Aix-Marseille Université, nous sommes intervenu⋅es en juin pour une formation de formateurs et formatrices sur la thématique « Logiciels et services libres pour l’émancipation numérique des citoyennes ». L’objectif final est de permettre aux enseignant⋅es de développer leurs compétences pour une utilisation critique du numérique en éducation.

Nous avons aussi mené diverses actions en lien avec l’AFPA et plus spécifiquement les personnes en charge de la formation des Responsables d’Espace de Médiation Numérique, pour transmettre davantage de connaissances sur le numérique éthique.

Framasoft est aussi entrée au sociétariat de la MedNum. Nos ambitions derrière ça ? Sensibiliser les acteurs de la médiation numérique aux outils libres, former les médiateurs numériques aux alternatives éthiques et outiller la coopérative elle-même d’outils libres.

Vous nous retrouverez enfin dans le livret « Le temps des conquêtes, les nouveaux horizons de l’ESS » publié par ESS France.

Des prises de positions importantes

L.A. Coalition (dont Framasoft est membre) s’est positionnée en avril sur le contrat d’engagement républicain : le collectif dénonce une source potentielle de litiges et de sanctions abusives de la part de l’administration ou des collectivités publiques au détriment des associations et fondations.

Les premières dérives du contrat d’engagement républicain ont rapidement vu le jour. Nous avons signé la tribune « La désobéissance civile relève de la liberté d’expression et du répertoire d’actions légitimes des associations », publiée dans l’Humanité en septembre : les libertés associatives sont essentielles et actuellement en danger.

Nous avons aussi signé la tribune « Pour que les communs numériques deviennent un pilier de la souveraineté numérique européenne » de Wikimédia France en juin. Les communs culturels font partie intégrante de l’objet social de Framasoft, les défendre est primordial !

Soutiens par convictions

Suite à l’annonce de sa situation financière très difficile cet été, nous avons soutenu le média NextINpact (veille numérique très qualitative) en achetant des abonnements « suspendus » que nous avons tirés au sort.

Nous avons aussi soutenu affordance.info (contenus qualitatifs sur le numérique et réflexions pertinentes de société) en migrant son blog d’un outil non libre (Typepad) à un outil libre (WordPress), le tout hébergé par nos soins.

Nous avons proposé un proxy Signal (messagerie libre) suite à un appel de la structure informant du blocage de son application par le régime iranien face aux révoltes actuelles.

Illustration CC BY David Revoy

 

Notre dessert partagé vous a plu ? Vous pensez que ces actions réalisées avec d’autres îles de notre archipel sont à encourager ? Sachez qu’elles aussi sont uniquement réalisables grâce à vous et à vos dons. Encore un grand merci !

 

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Framasoft, aujourd’hui, c’est plus de 50 000 € de dépenses par mois. Nous avons clos l’exercice comptable 2021 avec un déficit de 60 000 € (que des dons – plus généreux lors des confiprouts de 2020 – nous ont, heureusement, permis d’absorber).

À l’heure où nous publions ces lignes, nous estimons qu’il nous manque 133 000 € pour boucler notre budget annuel et nous lancer sereinement dans nos actions en 2023.
Si vous le pouvez (eh oui, en ce moment c’est particulièrement compliqué), et si vous le voulez, merci de soutenir les actions de notre association.

 

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