Allongement des droits de 50 à 95 ans : bon pour les artistes, les Majors, l’Europe ?

Gisela Giardino - CC by-sa« La Commission européenne, par la voix du libéral-rigide Charlie McGreevy, veut allonger la durée des droits des artistes-interprètes à 95 ans contre 50 ans aujourd’hui. Champagne chez Charles Aznavour, Johnny Hallyday et autres chanteurs dont la carrière a débuté à un époque où la télévision était encore un objet de luxe. Leurs premiers tubes, encore vendus aujourd’hui, ne tomberont pas dans le domaine public, selon l’expression dépréciative commune. Ils ne pourront circuler sur des CD pressés par tout un chacun ou être téléchargés sur le Net sans qu’ils puissent réclamer leur dîme. Sur le papier, ce n’est que justice : pourquoi Charles Aznavour devrait-il ne plus toucher un centime de la vente de ses premiers enregistrements ?[1] Comme bien souvent en matière de propriété intellectuelle, les bons sentiments masquent de mauvaises arrière-pensées. »

C’est ainsi que début un éclairant (et édifiant) article de Florent Latrive Qui veut la peau du domaine public pour faire plaisir à Aznavour ? paru il y a près d’un an sur le site des Écrans. Deux autres articles ont suivi sur le même site permettant d’affiner encore la question et son décryptage : Pétition : Contre l’allongement des droits des artistes-interprètes et Musique : 95 ans de droits pour les interprètes.

Quant à nous, dans la mesure où il n’est pas encore trop tard, nous avons décidé de relayer cet appel à mobilisation de l’Electronic Frontier Foundation en traduisant non seulement le récent communiqué ci-dessous mais en sous-titrant également une vidéo expliquant bien de quoi il en retourne et pourquoi il est important de manifester notre réprobation.

Faites passer et n’oubliez pas de visiter le site Sound Copyright pour signer la pétition !

Prolongement des droits d’auteur dans l’UE : aidez les eurodéputés à entendre un autre son de cloche

EU Copyright Extension: Help MEPs Hear the Other Side

Danny O’Brien – 20 janvier 2009 – Electronic Frontier Foundation
(Traduction et sous-titrage Framalang : Olivier, Don Rico, Xavier et Yostral)

À la lecture de la documentation officielle de la Commission européenne sur la directive prévoyant l’allongement du copyright, on pourrait croire que porter la durée des droits des artistes à 95 ans au lieu de 50 en Europe est une décision généreuse sans aucun effet néfaste. C’est sans doute l’image que souhaite en donner le membre de la commission Charlie McCreevy, lui qui incite le Parlement à mettre au vote cette directive au mois de mars de cette année.

Mais les législateurs de Bruxelles n’entendent qu’un seul son de cloche de la part de ce commissaire. C’est pourquoi, dans le cadre de la campagne contre l’allongement de la durée des droits d’auteur, une réunion va être organisée à Bruxelles où vous et vos eurodéputés êtes cordialement conviés.

Les experts en droits d’auteur européens les plus réputés affirment eux-mêmes que la Commission induit en erreur les Conseil et Parlement européens. Nul n’a encore expliqué aux eurodéputés en quoi cette mesure coûterait des milliards d’euros aux consommateurs européens, alors qu’elle ne rapporterait à la plupart des artistes concernés guère plus de trente euros par an, le plus gros des bénéfices revenant aux plus grosses maisons de disques, les majors. Ils ne se sont pas non plus inquiété des dégâts qu’elle infligerait à un domaine public solide et à l’accès démocratique à l’héritage culturel des pays membres.

En tant qu’acteur de la campagne Sound Copyright, l’Open Rights Group organise une réunion publique le 27 janvier à Bruxelles pour fournir aux eurodéputés des informations objectives sur l’allongement de la durée des droits d’auteur. Écrivez à votre eurodéputé pour lui demander d’y assister, ou mieux encore, faites le déplacement et venez donner vous-même votre avis sur la question.

Si vous désirez connaître davantage de détails sur les dangers de l’allongement de la durée des droits d’auteur, rendez-vous sur le site Sound Copyright, ou regardez le guide vidéo ci-après. Envoyez ensuite ces liens à vos amis européens, et écrivez sans plus tarder à votre eurodéputé.

—> La vidéo au format webm

Notes

[1] Crédit photo : Gisela Giardino (Creative Commons By-Sa)




Logiciel libre : idée fausse, quand tu nous tiens !

Skpy - CC by-sa On le sait, les préjugés ont la peau dure, et le logiciel libre a bien du mal à se débarrasser de ceux qu’il traîne derrière lui. Quels que soient ces préjugés, d’où qu’ils viennent, il est assez aisé d’y répondre et de les corriger lorsqu’on s’intéresse un tant soit peu au monde du libre, mais la méconnaissance du « grand public » et les efforts des adversaires du libre pour le dénigrer ont ancré ces idées dans l’esprit de pas mal de gens[1].

Il faut croire que les campagnes de FUD de Microsoft et consorts ont porté leurs fruits, même si heureusement des acteurs du libre tels que Firefox, Wikipédia, OpenOffice.org et Ubuntu, entre autres, contribuent à faire connaître davantage les logiciels libres et à transformer les mentalités. Cependant, malgré les progrès accomplis depuis quelques années, la visibilité croissante et l’image positive qu’est en train de gagner le libre, certaines idées fausses perdurent et constituent sans doute un frein à une adoption plus vaste des logiciels et systèmes d’exploitation libres.

Voici donc un article synthétique[2] qui dresse la liste des cinq idées fausses les plus répandues concernant le Libre, et les arguments à y opposer lorsqu’au détour d’une conversation sur Internet ou chez vos amis un vilain troll pointe le bout de son nez…

Comment mal comprendre le Logiciel Libre

How to Misunderstand Free Software

27 juin 2008 – GetGNULinux.org
(Traduction Framalang : Thomas P., Vincent L., Daria et Yostral)

Cinq idées fausses à propos du Logiciel Libre, avec leurs corrections.

1. L’industrie du logiciel ne peut plus fonctionner si les programmeurs ne sont pas payés.

Commençons par un simple fait: les programmeurs de Logiciel Libre aiment être payés, et ils ont tous besoin d’acheter un déjeuner à un moment ou à un autre. Lorsque nous parlons de Logiciel Libre, nous faisons référence à la liberté, pas au prix. En réalité, vous pouvez payer pour obtenir du Logiciel Libre (ou du logiciel à « source ouverte »), que vous pouvez ensuite étudier, modifier et copier à volonté.

Comment est-ce que cela fonctionne ? Vous pouvez voir cela de cette manière : le logiciel est seulement du code, le code est seulement des mathématiques. Lorsque vous voyez le logiciel comme des mathématiques utiles, un langage élaboré, pas comme de la propriété ordinaire, alors il n’y a pas de raison de limiter son utilisation par d’autres.

Comme pour les mathématiques (où personne ne revendiquerait la propriété d’une équation), le logiciel requiert des connaissances avancées pour être adapté, amélioré, appliqué correctement. C’est là que les programmeurs génèrent des revenus : de nombreux clients, en particulier les entreprises, sont prêtes à payer pour des mises à jour de sécurité régulières et des améliorations de logiciel.

Les entreprises du Logiciel Libre bénéficient d’un système de développement très décentralisé avec un grand nombre de contributeurs bénévoles. Les revenus dans l’industrie du Logiciel Libre sont peut-être plus minces que dans sa contrepartie propriétaire, mais ils ne sont en aucun cas négligeables. Au final, les particuliers finissent généralement par utiliser du Logiciel Libre gratuitement.

Le Logiciel Libre n’a pas pour objet de supprimer les motivations des programmeurs. Il s’agit de voir le code comme de la connaissance qui ne doit pas être cachée à l’utilisateur. Cela fonctionne avec un modèle économique différent, grâce auquel de nombreuses entreprises fonctionnent déjà bien.

2. L’innovation est tuée dans le Logiciel Libre.

Une croyance répandue est que si n’importe qui peut copier des idées, l’innovation va être étouffée.

En réalité, la liberté est souvent la clé d’un logiciel innovant et à succès :

  • N’importe qui est autorisé et encouragé à travailler dessus;
  • De nombreuses personnes sont prêtes à participer;
  • Il n’est pas nécessaire de tout ré-inventer, les idées peuvent être améliorées directement.

Les logiciels non-propriétaires apparaissent dans de nombreux domaines, prenons juste quelques exemples :

  • Applications : Firefox (navigateur web), Inkscape (logiciel de dessin vectoriel).
  • Systèmes complets : Apache (serveur web), OpenBSD (système d’exploitation), et bien sûr GNU/Linux.
  • Formats et protocoles : HTML (pages web), BitTorrent (partage de fichiers), ODF (documents bureautiques).
  • Applications serveur : Drupal (Système de gestion de contenu), WordPress (blog).

3. Tout ce qu’on attend d’un logiciel, c’est que ça fonctionne (qui se soucie du code source ?)

Tout le monde devrait se préoccuper de savoir si son logiciel est libre. Imaginez que vous achetez une voiture dont vous avez interdiction d’ouvrir le capot. Peu importe que vous sachiez comment fonctionne une voiture – le fait est que personne ne sera en mesure de vérifier le moteur. Comment pouvez-vous avoir confiance dans votre voiture, si personne ne peut s’assurer qu’elle est fiable, qu’elle ne fuit pas, qu’elle n’est pas nuisible à la société et à l’environnement ?

L’idée est la même avec le logiciel – excepté que le code fait bien plus que de bouger des voitures. Le logiciel fait tourner nos ordinateurs, téléphones, TV, lecteurs multimédia et bien plus encore, transportant de l’information et notre culture.

Le logiciel libre est aussi important que l’expression libre, que le libre marché. Si le logiciel est libre, les utilisateurs en ont le contrôle tout en gardant leur indépendance vis-à-vis de lui.

Bonnes nouvelle : en plus de tout, le logiciel libre aussi, « Ça fonctionne ». Et en fait, bien souvent, il fonctionne mieux. Démarrez votre PC sur un live-CD GNU/Linux, pour essayer un système bien organisé, tout compris, sans installation, afin de vous en rendre compte par vous-même.

4. Le logiciel libre ne respecte par les droits d’auteurs et les logiciels brevetés.

Pour répondre correctement à ceci, nous devons faire une nette distinction entre le droit d’auteur et les brevets. Le droit d’auteur est un droit attribué à l’auteur sur sa création (par exemple le texte d’un livre, ou le code source d’un programme). Un brevet, quant à lui, est un contrôle exclusif enregistré, payé, sur un processus ou l’application d’une idée.

Les droits d’auteur sont très importants dans le logiciel libre. C’est le mécanisme même, central à la GNU General Public License, qui assure que le logiciel demeure libre, et que les auteurs voient leur travail crédité. Les programmes sont sujets à droits d’auteur, qu’ils soient libres ou propriétaires.

N’importe quel auteur de logiciel propriétaire peut facilement vérifier que son droit d’auteur n’a pas été violé dans une application du logiciel libre, puisque son code source est facilement disponible.

Les brevets logiciels, d’un autre côté, sont un concept très controversé. Pour faire bref : il n’y a rien de tel qu’un « logiciel breveté ». En enregistrant un brevet, toutefois, quelqu’un peut revendiquer sa propriété d’un processus. Le brevet s’applique alors à tous les logiciels qui utilisent ce processus, qu’ils soient propriétaires ou libres. Les brevets logiciels :

  • Sont onéreux et sont délivrés seulement quelques semaines après leur application;
  • Sont limités géographiquement (un brevet délivré aux USA est inutile en Europe);
  • Ont une longue durée de vie (souvent 20 ans) dans une industrie qui bouge vite;
  • Sont souvent complètement triviaux (c’est à dire sans innovation réelle).

En tant que tel, ils sont rarement utilisés pour bénéficier aux innovateurs (et en fait, rarement utilisés par les innovateurs eux-mêmes).

On peut dire sûrement que n’importe quelle partie de taille moyenne d’un logiciel viole des brevets, dans plusieurs pays, qu’il soit libre ou non. En fonction de la capacité de la société détentrice à couvrir de lourds frais juridiques et à se défendre contre des actions légales vengeresses, des royalties et des restrictions peuvent être appliquées grâce à ces brevets.

5. Le logiciel libre est comme le communisme.

Les partisans de cette idée soutiennent qu’il ne peut y avoir de propriété privée avec le logiciel libre (ou « Open Source »). Répondons à ceci avec un exemple.

Supposons que vous utilisez une application qui est du logiciel libre, chez vous et dans votre société. Vous trouvez une belle façon de l’améliorer, de telle manière que maintenant avec votre version modifiée, votre ordinateur fonctionne mieux, et vos usines tournent deux fois plus vite !

Cette version modifiée est votre propre version. Vous n’êtes pas obligés d’en parler à quiconque, ni de partager aucun profit que vous avez fait en l’utilisant. Vous exercez simplement votre liberté à utiliser et modifier le logiciel libre.

Ce que demande la licence sur le logiciel libre est que si vous redistribuez le logiciel, alors vous devez le laissez libre. A savoir, si vous vendez des CD avec votre logiciel, ou commencez à laisser des personnes en dehors de chez vous ou de votre société l’utiliser, alors vous devez :

  • Soit donner à chacun les mêmes droits que lorsque vous aviez obtenu le logiciel original, c’est-à-dire, la liberté d’inspecter, modifier et redistribuer la version modifiée;
  • Ou, séparer clairement le logiciel original et vos ajouts secrets (c’est-à-dire que vos ajouts ne doivent rien contenir de l’oeuvre originale).

Vous « possédez » donc davantage un logiciel libre qu’un logiciel propriétaire, dont le concepteur décide de ce que vous pouvez ou ne pouvez pas en faire.

Le logiciel libre n’a rien à voir avec un système politique. Vous pouvez faire tourner du logiciel libre au-dessus de logiciel propriétaire, aussi bien que l’inverse. La licence sur le logiciel libre est simplement un contrat éthique entre le programmeur et l’utilisateur final.

Notes

[1] Crédit photo : Skpy (Creative Commons By-Sa)

[2] Nous avons traduit cet article l’été dernier en ignorant qu’il en existait déjà une version française sur la très intéressante initiative Passer à Linux (dont nous devrions parler plus souvent d’ailleurs). Du coup cela donne deux versions pour le prix d’une !




L’informatique doit-elle rester un simple outil à l’école ?

Laihiu - CC byIl y a un réel débat actuellement qui traverse l’Éducation Nationale autour de la « culture informatique » à transmettre à nos enfants. Pour les uns, on donne une culture à travers l’utilisation des outils (savoir se servir de la messagerie, du traitement de texte…) et c’est ce qui est proposé actuellement, notamment avec le B2i. Pour les autres cela ne suffit pas et il faut un enseignement en tant que tel, comme il y a un cours de français ou de mathématiques. J’en suis,(même si après il convient de voir avec précision ce que l’on met dedans).

Jean-Pierre Archambault, que le monde du libre éducatif français connait bien, fait clairement partie lui aussi de la deuxième catégorie comme en témoignent les deux articles que nous avons choisi de reproduire ci-dessous[1].

Rappelons que Xavier Darcos a dans l’intervalle finalement reporté sa réforme du lycée. Le module informatique dont il est question dans ces deux articles se trouve donc lui aussi suspendu aux futures décisions.

L’acquisition par les lycéens des fondements de la science informatique…

URL d’origine : Médialog (décembre 2008)

Le Ministre de l’Éducation nationale, Xavier Darcos, a annoncé le 21 octobre dernier, lors d’un point d’étape sur la réforme du lycée, qu’un module « Informatique et société numérique » sera proposé en classe de seconde à la rentrée 2009. Nous nous félicitons de cette initiative qui correspond à un besoin profond de la société du XXIème siècle dans laquelle l’ordinateur, l’informatique et le numérique sont omniprésents.

L’informatique irrigue la vie quotidienne de tout un chacun. Elle modifie progressivement, et de manière irréversible, notre manière de poser et de résoudre les questions dans quasiment toutes les sciences expérimentales ou théoriques qui ne peuvent se concevoir aujourd’hui sans ordinateurs et réseaux. Juristes, architectes, écrivains, musiciens, stylistes, photographes, médecins, pour ne citer qu’eux, sont tout aussi concernés.

L’informatique s’invite également au Parlement. Ainsi, on s’en souvient, en 2006, la transposition de la directive européenne sur les Droits d’auteur et les droits voisins dans la société de l’information (DADVSI), suscitait des débats complexes dans lesquels exercice de la citoyenneté rimait avec technicité et culture scientifique. S’il fut abondamment question de copie privée, de propriété intellectuelle, ce fut sur fond d’interopérabilité, de DRM (Digital rights management), de code source… La question est posée des représentations mentales, des connaissances incontournables qui permettent d’être un citoyen à part entière.

Par ailleurs, il y a de plus en plus d’informatique dans la société, mais les entreprises ont du mal à recruter les informaticiens qualifiés dont elles ont besoin, et cela vaut pour l’ensemble des pays développés. Le Syntec, la chambre syndicale des sociétés de service en informatique et des éditeurs de logiciels, se plaint du manque d’attractivité chez les jeunes pour les métiers de l’informatique.

Il y a donc pour le système éducatif, au nom de ses missions traditionnelles, un enjeu fort de culture générale scientifique et technique qui passe par une discipline scolaire en tant que telle, en complémentarité avec l’informatique outil pédagogique, de plus en plus présente dans les autres disciplines.

Répondant à une commande du Recteur Jean-Paul de Gaudemar, qui pilote la mission sur la réforme du lycée, le groupe « Informatique et TIC » de l’ASTI (Fédération des Associations françaises des Sciences et Technologies de l’Information) et l’EPI (Enseignement public et informatique) ont élaboré, pour ce module « Informatique et société numérique », une proposition de programme qui se veut contribution constructive. Elle comprend de l’algorithmique et de la programmation, la représentation des informations, l’architecture des ordinateurs et des réseaux, et vise également à ce que les élèves aient une idée plus globale de ce qu’est l’informatique.

Un chantier institutionnel majeur s’ouvre qui vise l’acquisition par les lycéens des fondements de la science informatique au service de leur compréhension et de leur action dans la société numérique : une ardente obligation !

Maurice Nivat
membre correspondant de l’Académie des Sciences
Jean-Pierre Archambault
président de l’EPI

Culture informatique et culture numérique

URL d’origine : EPI (décembre 2008)


L’année 2008 se termine qui a vu l’EPI prendre de nombreuses et diverses initiatives en faveur d’un enseignement disciplinaire de l’informatique au lycée. Nous pouvons donc exprimer notre satisfaction de la création à la rentrée 2009 d’un module « informatique et société numérique » en classe de seconde. Cette décision, annoncée le 21 octobre dernier par le Ministre de l’Éducation nationale, Xavier Darcos, correspond aux exigences de la société dans laquelle nous vivons. Elle s’inscrit dans une vision globale de l’informatique éducative. L’enjeu est clair, conforme aux missions traditionnelles de l’École : former l’homme, le travailleur et le citoyen de la société numérique.

Sur le plan économique, le défi est majeur. Lors de la table ronde organisée par notre association à l’occasion du salon Educatice 2008, Gérard Berry a souligné la différence essentielle qui existe entre la « consommation » et la « création » d’informatique. Il a rappelé que, dans le monde, plus de 30 % de la R&D était consacré à l’informatique (la France est en deçà). Il a posé la question de savoir si notre pays se destinait à utiliser des produits conçus et réalisés par d’autres. Dans cette même table ronde, Gilles Dowek a rappelé que les sciences physiques étaient devenues une matière scolaire car elles sous-tendaient les réalisations de la société industrielle (mécanique, électricité…). Or le monde moderne « se numérise » à grands pas. Ce qui a valu, et vaut toujours pour la physique, vaut aujourd’hui pour l’informatique (et ses fondamentaux : algorithmique, programmation, théorie de l’information, architecture des matériels et réseaux). Lors du récent Forum Mondial du libre, Roberto Di Cosmo indiquait qu’« écrire un programme » et « bien écrire un programme » étaient deux choses fort différentes ! Or l’on sait que le lycée est à la fois un moment de la vie et un lieu où naissent bien des vocations…

Il est bien connu que nous avons toujours considéré qu’un enseignement de l’informatique en tant que tel était indispensable et complémentaire de l’utilisation de l’informatique dans les autres disciplines. L’informatique est objet d’enseignement et outil pédagogique, mais aussi facteur d’évolution des autres disciplines, dans leur « essence », leurs objets et leurs méthodes, comme dans les enseignements techniques et professionnels ou dans les sciences expérimentales avec la simulation. L’informatique est aussi bien sûr outil de travail personnel et collectif de la communauté éducative dans son ensemble, par exemple avec les ENT. Ces différents statuts loin de s’opposer se renforcent mutuellement.

La culture informatique, scientifique et technique, est une composante nécessaire de la culture numérique.

Le citoyen éclairé participe aux débats de société sur le nucléaire ou les OGM. Pour cela il dispose d’un appareillage conceptuel que les enseignements des sciences de la vie et de la terre et des sciences physiques lui ont donné. Dans la société numérique, il doit pouvoir intervenir pleinement dans des problématiques comme les « droits d’auteurs et droits voisins dans la société de l’information » ou droits et libertés. Ce sont des domaines compliqués (interopérabilité, DRM, code source, adresse IP…), inaccessibles si l’on ne s’est pas approprié le noyau de connaissances stables et transmissibles qui sous-tendent la société numérique, si l’on ne s’en ait pas fabriqué une représentation mentale opérationnelle. Cela vaut également pour les usages des objets du quotidien qui intègrent de plus en plus des ordinateurs et de l’information numérique.

Répétons-le, en matière de formation solide et durable, la simple utilisation « spontanée » d’outils ne suffit pas. Il ne faut pas faire un sort particulier à l’informatique. Maîtriser sa langue maternelle, acquérir la culture mathématique nécessaire sont des processus longs où les élèves apprennent des notions que l’humanité a mis des siècles à élaborer. Les notions de lettre, mot ou nombre sont des abstractions difficiles pour un jeune enfant. Et pourtant… La culture scolaire au lycée est aussi faite de probabilités, de fonctions… et d’algorithmique, programmation, information, réseaux. Et, bien entendu, faut-il le répéter, la pédagogie impose de s’appuyer sur l’environnement des élèves, leurs pratiques du numérique, pour mieux les dépasser.

L’on entend parfois dire que, l’informatique ayant beaucoup changé en vingt ans, des concepts enseignés il y a vingt ans n’auraient plus cours aujourd’hui. Bizarre. Le monde bouge plus vite que les fondamentaux de la connaissance scolaire. C’est la nécessaire loi du genre. Le théorème de Pythagore est vieux de 25 siècles, ce qui n’empêche pas les collégiens d’encore l’étudier de nos jours ! Socrate et Platon n’ont pas été rendus caducs par Descartes et Kant. Molière est toujours très actuel car universel et « éternel ». La programmation est partie intégrante de l’informatique, moyen irremplaçable pour comprendre l’intelligence de la science informatique et outil pertinent pour les autres disciplines. Si elle s’enrichit en permanence, pour autant, du point de vue de la culture scolaire en classe de seconde, elle n’a pas vieilli.

L’EPI a été auditionnée par le groupe d’experts ministériel pour l’élaboration du module « Informatique et société numérique » pour la classe de seconde. La rencontre a donné lieu à des échanges riches et approfondis. L’EPI, association d’enseignants, se propose d’« accompagner », à sa manière et avec sa spécificité, la mise en œuvre du module de seconde. Avec l’objectif qu’il soit une « belle » réussite pérenne.

En attendant, bonnes fêtes de fin d’année à toutes et à tous.

Jean-Pierre Archambault
Président de l’EPI

Notes

[1] Crédit photo : Laihiu (Creative Commons By)




Les drôles de conseils du site Educnet

Zara - CC by-saNous le savons, et n’ayons pas peur de paraphraser les Beatles pour appuyer notre propos (et montrer toute l’étendue de notre culture), « logiciel libre » et « éducation » sont des mots qui vont très bien ensemble.

Voici ce qu’en disait récemment le Département de l’instruction publique du canton de Genève : « Dans sa volonté de rendre accessibles à tous les outils et les contenus, le libre poursuit un objectif de démocratisation du savoir et des compétences, de partage des connaissances et de coopération dans leur mise en œuvre, d’autonomie et de responsabilité face aux technologies, du développement du sens critique et de l’indépendance envers les pouvoirs de l’information et de la communication. »

En France pourtant cette association ne va pas de soi. Nouvelle illustration avec le site Educnet, portail TICE du Ministère de l’Éducation Nationale et du Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (autrement dit c’est ici que l’on traite des Technologies de l’information et de la communication pour l’éducation ou TICE).

Sur ce site donc, dans la catégorie juridique Légamédia[1], on trouve, et l’intention est louable, une page consacrée non pas aux logiciels libres mais aux logiciels « Open Source » : L’utilisation et le développement de logiciels issus de l’Open Source.

Il est difficile pour un site qui aborde tant de sujets d’être « expert en tout » mais dans la mesure où il s’agit d’un canal officiel de l’Éducation Nationale, je n’ai pu m’empêcher de réagir[2] et d’en faire ici une rapide lecture commentée.

1- Définition technique et pratique : L’Open Source est le nom donné à leur mouvement en 1998 par les acteurs du logiciel libre. Fruit de la mouvance libertaire de l’Internet, les bases de l’Open Source ont été jetées en 1984 par Richard Stallman avec son projet GNU (GNU’s not Unix). Ce projet consistait à créer un système d’exploitation aussi performant qu’Unix et complètement compatible avec lui. Est ainsi né le premier système d’exploitation dit « libre », car son utilisation, sa copie, sa redistribution voire sa modification étaient laissées au libre arbitre de l’utilisateur. Sous le nom d’Open Source, sont fédérées toutes les expériences d’accès libre au code source des logiciels.

Le site Educnet s’adresse à la communauté éducative dont en tout premier lieu aux enseignants. Expliquer rapidement ce qu’est un logiciel libre n’est pas chose aisée mais on aurait tout de même pu s’y prendre autrement, à commencer par privilégier l’expression « logiciel libre » à celle d’« Open Source ». Par exemple en empruntant la première phrase de l’article dédié de Wikipédia : « Un logiciel libre est un logiciel dont la licence dite libre donne à chacun (et sans contrepartie) le droit d’utiliser, d’étudier, de modifier, de dupliquer, et de diffuser (donner et vendre) le dit logiciel ».

Une fois ceci posé et compris, on aura bien le temps par la suite d’entrer plus avant dans le détail et d’aborder les choses plus finement en évoquant le code source ou les différences d’approche entre « logiciel libre » et « Open Source ». Quant à la « mouvance libertaire de l’Internet » je n’évalue pas l’effet produit sur le lecteur mais elle oriente assurément le propos.

1.1- Les principes de l’Open Source : En réaction au monopole d’exploitation reconnu par le droit d’auteur ou le Copyright, la finalité de l’Open Source est la promotion du savoir et sa diffusion auprès d’un public le plus large possible. Il est proposé aux internautes utilisant et développant les logiciels issus de l’Open Source de créer un fonds commun de logiciels en ligne. Concrètement, l’utilisation de logiciels issus de l’Open Source permet le libre accès au code source du logiciel, sa copie et sa libre redistribution.

Je continue à me mettre à la place d’un enseignant qui découvrirait ici le logiciel libre et cela demeure complexe à appréhender ainsi présenté. Reprendre la traditionnelle introduction de Richard Stallman (« je peux résumer le logiciel libre en trois mots : liberté, égalité, fraternité  ») aurait eu certainement plus de sens et d’impact. Retenons cependant que la finalité est « la promotion du savoir et sa diffusion auprès d’un public le plus large possible », ce qui tombe plutôt bien quand on s’intéresse à l’éducation, non ?!

1.2- Les conditions d’utilisation : Afin de développer à un moindre coût un projet informatique, des élèves et leur enseignant peuvent utiliser des logiciels « Open Source », les modifier ou les améliorer afin de les adapter à leurs besoins. En revanche, les améliorations effectuées sur le logiciel initial doivent être versées dans le fond commun mis en ligne. Il est possible de puiser gratuitement dans le fond des logiciels libres, à condition qu’à son tour on enrichisse le fond de ses améliorations en permettant à d’autres de les exploiter gratuitement…

Qu’est-ce que c’est alambiqué ! Et faux par dessus le marché : nulle obligation d’enrichir le fond des logiciels libres pour les utiliser ! On voudrait nous faire croire que les logiciels libres sont réservés aux informaticiens que l’on ne s’y prendrait pas autrement.

2- Les points de vigilance : En utilisant des logiciels issus de l’Open source, les élèves comme leurs enseignants doivent avoir conscience des conditions d’utilisation particulières de ce type de logiciel. Cela permet d’avoir des outils logiciels performants à moindre coût, mais son apport dans l’amélioration du logiciel n’est nullement protégé. Il faut au contraire le mettre en libre accès en rappelant sur le site de téléchargement du logiciel les principes de l’Open Source.

Là ce n’est plus alambiqué c’est carrément de parti pris ! La tournure et le champ lexical adopté (« vigilance », « avoir conscience », « conditions », « mais », « nullement protégé », « au contraire »…) ne peuvent que conduire à inspirer une certaine méfiance au lecteur alors même qu’on devrait se féliciter de l’existence du logiciel libre, véritable facilitateur de vie numérique en milieu scolaire !

Et pour finir en beauté, l’ultime conseil, dans un joli cadre pour en signifier toute son importance (les mises en gras sont d’origine) :

Conseils : Il est donc déconseillé d’utiliser ce type de logiciel si les élèves, leurs enseignants, voire l’établissement scolaire souhaitent garder un monopole d’utilisation des travaux de développement du logiciel libre. Les principes de l’Open Source obligent les développeurs à garantir un accès libre aux améliorations du code source du logiciel libre.

La cerise sur le gâteau, pour définitivement convaincre le lecteur que non seulement le logiciel libre c’est compliqué mais qu’il est en fait à déconseiller alors même qu’il ne viendrait jamais à l’idée des élèves, enseignants et établissements scolaires de « garder un monopole d’utilisation des travaux de développement du logiciel libre ». Sommes-nous sur Educnet ou sur un site du Medef ?

Que l’Institution souhaite conserver un positionnement neutre vis-à-vis du logiciel libre, je le déplore et le conteste mais je peux le comprendre. Personne ne lui demande en effet de sauter sur sa chaise comme un cabri en criant : logiciel libre, logiciel libre, logiciel libre ! Mais de là à présenter les choses ainsi…

Soupir… Parce qu’on avait déjà fort à faire avec Microsoft et ses amis.

Et ce n’est malheureusement pas terminé parce que, autre intention louable, il y a également une page consacrée (nouvel emprunt à l’anglais) à « l’Open Content » : L’utilisation de contenus issus de l’Open Content.

1- Définition technique et pratique : Dans le prolongement du mouvement Open Source qui concernait que les logiciels, l’Open Content reprend les mêmes principes de libre accès à la connaissance en l’appliquant cette fois à tout type de contenus en ligne (content). Sur l’Internet, des auteurs mettent en libre accès leurs créations musicales, photographiques, littéraires, etc. … Ils choisissent ainsi de contribuer à l’enrichissement d’un fonds commun de savoir mis en ligne. Lors de l’élaboration d’un site web ou de tout autre travail, les élèves ou les enseignants peuvent utilement puiser dans ce fonds et intégrer ces contenus issus de l’Open Content dans leurs propres travaux. Enfin, à leur tour, les élèves et leurs enseignants peuvent aussi verser leurs propres travaux dans le fonds commun de l’Open Content. Il faut pourtant garder à l’esprit quelques règles à respecter.

Cela commençait fort bien mais, comme précédemment, un bémol final : « il faut pourtant garder à l’esprit quelques règles à respecter ». C’est tout à fait juste au demeurant, il y a bien des règles à respecter, celles de la licence accolée à la ressource. Amusez-vous cependant à comparer par exemple la licence (« Open Content ») Creative Commons By-Sa avec les directives (non « Open Content ») concernant les usages des « œuvres protégées à l’Éducation Nationale, effet garanti !

2- Les points de vigilance : L’Open Content est un choix conscient et maîtrisé par l’auteur, comme le démontrent les licences d’utilisation de ce type de « contenus libres ». Les conditions d’utilisation sont claires.

Là encore, il faut que le lecteur soit « vigilant » en ayant la « maîtrise » des « conditions d’utilisation » et la « conscience » de ses choix. Faites mille fois attention avant d’adopter de telles licences ! Dois-je encore une fois renvoyer à cet article pour illustrer des conditions d’utilisation bien moins claires que n’importe quelle ressource sous licence libre ?

2.1- Les prérogatives morales : Tout d’abord, les licences sont l’occasion de rappeler aux futurs utilisateurs, élèves et enseignants les prérogatives morales de l’auteur : le respect de la paternité et de l’intégrité de l’œuvre. En utilisant ces contenus, le nom de l’auteur doit être mentionné et aucune modification à l’œuvre originale doit être apportée sauf si elle est mentionnée avec l’accord de l’auteur.

Avec l’accord de l’auteur… sauf dans le cas où la licence choisie confère d’office certains droits à l’utilisateur qui n’a alors rien à demander à l’auteur pour jouir de ces droits. C’est justement le positionnement adopté par les licences libres et les licences de types Creative Commons (voir ce diaporama à ce sujet), licences de la plus haute pertinence à l’ère du numérique surtout en… milieu scolaire. Imaginez-vous en effet devoir demander à chaque auteur les autorisations d’usage pour chaque œuvre que vous souhaitez utiliser et étudier en classe !

Et n’oublions pas non plus l’existence du domaine public qui n’est pas mentionné ici.

2.2- Les prérogatives patrimoniales : De même, la licence précise les conditions d’exercice des prérogatives patrimoniales de l’auteur : les droits de reproduction et de représentation. Sur ces points, selon le principe de libre accès, la licence permet la copie et la redistribution de l’œuvre à condition que les copies soient faites dans une finalité non commerciale. Il s’agit d’une cession à titre gratuit limitée. Les contenus issus de l’Open Content peuvent donc être utilisés sans restriction dans le cadre de l’activité scolaire à la condition de respecter les prérogatives morales des auteurs initiaux et en rappelant sur les pages où se trouvent les contenus « libres » les conditions des licences « Open Content ».

Encore du jargon juridique qui n’est pas de nature à être véritablement compris par l’enseignant, qui plus est sujet à caution puisque les licences libres autorisent généralement aussi bien la modification que l’exploitation commerciale d’une œuvre soumise à cette licence.

Et comme pour l’article précédent, un (étrange) conseil à suivre pour conclure :

Conseil : Il est par contre déconseillé au milieu scolaire d’utiliser ce type de contenus si on envisage de valoriser ses travaux en s’associant avec un partenaire privé pour une exploitation commerciale.

S’agit-il de « valoriser » ou de « monétiser » les travaux ? Et là encore, vous en connaissez beaucoup vous des enseignants qui envisagent de s’associer à un partenaire privé pour une exploitation commerciale ? De plus il n’y a aucune antinomie, on peut très bien adopter des licences libres et s’associer à un partenaire commercial pour exploiter (avec succès) ses travaux, Sésamath et ses manuels scolaires libres en vente chez l’éditeur Génération 5 nous en donne un parfait exemple.

Résumons-nous. Avec les licences libres appliquées aux logiciels et aux ressources, on tient de formidables instruments favorisant l’échange, le partage et la transmission de la connaissance en milieu scolaire (c’est ce que je tente de dire modestement au quotidien sur ce blog en tout cas). Mais de cela nous ne saurons rien si ce n’est que consciemment ou non tout est fait pour dissuader l’enseignant de les évaluer sérieusement en le noyant sous la complexité et les mises en garde avec des considérations économiques qui viennent parasiter un discours censé s’adresser à la communauté éducative.

Ces deux pages, non retouchées depuis un an, mériteraient je crois une petite mise à jour. Qu’il me soit alors permis de suggérer à leurs auteurs la lecture de ces quelques articles qui ne viennent pas d’un illégitime électron libre et « libriste » (comme moi) mais qui émanent du sérail : Les Creative Commons dans le paysage éducatif de l’édition… rêve ou réalité ? (Michele Drechsler, mars 2007), Un spectre hante le monde de l’édition (Jean-Pierre Archambault, septembre 2007) et Favoriser l’essor du libre à l’école (Jean-Pierre Archambault, juin 2008). Peut-être y trouveront-ils alors matière à quelque peu modifier le fond mais aussi la forme du contenu tel qu’il se présente actuellement.

Sur ce je souhaite une bonne rentrée à tous les collègues et à leurs élèves, ainsi qu’une bonne année à tous les lecteurs du Framablog. Il serait tout de même étonnant que l’année qui vient ne voit pas la situation évoluer favorablement pour le logiciel libre et sa culture, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’école.

Notes

[1] On notera par ailleurs, bien mise en évidence dès l’accueil de la rubrique Légamédia, un « conseil de prudence aux agents publics souhaitant bloguer » qui doivent avoir le souci « d’éviter tout propos susceptible de porter atteinte à la fois à la dignité des fonctions qu’ils exercent et aux pouvoir publics  ». C’est bien de le rappeler mais on retrouve le même climat de méfiance voire de défiance, cette fois-ci vis-à-vis des blogs. J’espère que critiquer comme ici le contenu d’un site officiel ou s’interroger sur la pertinence des accords sur l’usage des « œuvres protégées » n’entrent pas dans ce cadre sinon je crains que ce billet soit l’un des derniers du Framablog.

[2] Crédit photo : Zara (Creative Commons By-Sa)




Quand un collège décide de favoriser le logiciel libre à l’unanimité

e3000 - CC by-saYves tient un blog au titre sympathique mais trompeur. Sympathique puisqu’il s’appelle Ubuntu en salle des profs… mais trompeur dans la mesure où la célèbre distribution GNU/Linux ne s’est pas contentée de cet unique lieu (non fréquenté par les élèves) et se trouve désormais installée sur près de cent ordinateurs de son collège.

On lira d’ailleurs avec grand intérêt le petit bilan qu’il a dressé dans ce qui pourrait bien devenir un futur Framabook[1] : L’expérience GNU/Linux d’un collège. Et sinon bien sûr il y a la lecture quotidienne du blog qui se lit un peu comme un roman d’aventure (qui se finit bien)[2].

Outre Ubuntu, son établissement scolaire utilise aussi Mozilla Firefox, OpenOffice.org, SambaEdu3, Geogebra, Scribus, VLC, Gimp, Audacity, et Mathenpoche. Du coup lorsque j’ai évoqué, ici-même en octobre dernier, l’initiative originale de Raphaël Neuville proposant de faire voter en conseil d’administration une motion en faveur des logiciels libres, Yves a emboité le pas et vient tout juste, avec ses collègues, de concrétiser cela, et à l’unanimité s’il vous plaît !

Le début d’une longue série ?

Espérons-le. Nous pourrions d’ailleurs envisager plus tard de tenir à jour une sorte de carte de France (et de Navarre) des établissements scolaires ayant adoptés ce texte. Soit dit en passant c’est également une excellente et positive réponse à d’autres pratiques pas forcément frappées du même bon sens.

2008 fut malgré tout un bon cru, 2009 sera meilleure encore.

Notes

[1] J’espère que ce petit billet et vos éventuels encouragements dans les commentaires participeront à le motiver encore davantange 😉

[2] Crédit photo : e3000 (Creative Commons By-Sa)




La campagne d’Obama et l’Open Source

Marcn - CC byLe sujet du jour c’est Obama et, j’ouvre les guillemets, « l’Open Source ».

Nombreux sont les observateurs qui ont en effet remarqué l’usage pointue des nouvelles technologies réalisé à cette occasion par le candidat victorieux. Certains allant même jusqu’à se demander dans quelle mesure cela n’a pas été un atout déterminant dans la campagne (contre McCain mais également contre Clinton). Déterminant aussi bien pour créer la dynamique, communiquer, faire adhérer au projet, coordonner les manifestations sur le terrain et, last but not least, lever des fonds.

Il y a souvent confusion entre Open Source et Web 2.0 mais il nous a semblé tout de même intéressant de solliciter Framalang pour d’abord un petit sous-titrage vidéo faisant une originale référence à l’un des ouvrages les plus célèbres du logiciel libre, la Cathédrale et le Bazar de Eric S. Raymond, puis ensuite un article plus détaillé au cœur des équipes techniques de la campagne[1].

La Cathédrale, le Bazar, et Obama

Le journaliste Alex Castellanos sur CNN le 5 novembre dernier :

—> La vidéo au format webm

(Sous-tirage : Xavier et Yostral)

La dynamique Open Source derrière la campagne d’Obama

The Open Source Force Behind the Obama Campaign

Doc Searls – 24 novembre 2008 – Linux Journal
(Traduction Framalang : Olivier et Yostral)

JFK a dit un jour « La victoire à cent pères, mais la défaite est orpheline ». Je viens donc aujourd’hui réclamer moi aussi la paternité du succès de la campagne d’Obama au nom de tous les fans de Linux. Les geeks n’étaient pas seuls évidemment, mais ils ont joué un rôle majeur.

J’étudie ce rôle depuis que j’ai couvert la campagne présidentiel d’Howard Dean en 2003-2004 pour le Linux Journal. Pour vous rafraichir la mémoire je vous conseille les lectures suivantes : Saving the Net, The Syndication Solution, Letters from the Campaign Pressure Cooker, Hacking Democracy, Lessons on Open Source Politics from the Campaign Forge, dans cet ordre.

Quand on s’est aperçu que les geeks étaient sérieusement impliqués dans la campagne d’Obama, une mission m’a été confiée : assurer la couverture de l’évènement pour le numéro de novembre 2008 du Linux Journal. Ce numéro devait sortir fin octobre, donc juste avant les élections.

Je m’y suis donc attelé. Après un intense travail de recherche et d’écriture et après avoir réduit ma prose à 3000 mots, nous nous sommes rendus compte que nous avions déjà largement assez d’articles traitant de Linux pour ce numéro et mon article a donc été mis de côté pour après les élections… et nous voici donc maintenant après les élections.

Plutôt que de mettre à jour l’article avec des données ou des citations plus récentes j’ai décidé de le publier tel que je l’avais écrit en août. A ma grande surprise son contenu n’est pas périmé. Je crois même qu’il touche à quelque chose d’important, une chose parmi tant d’autres, alors que l’Histoire était en marche. On s’en doutait à l’époque. On le sait maintenant.

Voici l’article :

Le 11 août 2008

Depuis l’avènement des médias de masse, le point crucial des campagnes politiques, surtout pour les campagnes présidentielles, a été de donner une image aux candidats. Vous dépeignez de vous-même un portrait flatteur tandis que vous dépréciez l’image de votre opposant. Durant le « cycle » de campagne présidentielle de 2008 (comme les professionnels le nomme), le candidat qui a réussi à se forger la meilleure image jusqu’à maintenant (au moment de l’écriture à la mi-août) est certainement Barack Obama. Advertising Age dit dans « What Obama can teach you about millenial marketing » (NdT : Une leçon de marketing ciblant la génération connectée par Obama) : « …la dévotion vouée à certaines marques par la génération connectée, que l’on parle de technologie, de boisson ou encore de mode, a fait de cette décennie un âge d’or du marketing pour ceux qui savent ce qu’ils font ». Et : « …concernant le marketing, la campagne de Barack Obama sait ce qu’elle fait. Le gestion de la marque Obama, du jamais vu lors d’une campagne présidentielle, montre une compréhension parfaite des rouages pour attirer les jeunes votants… Ce sont à la fois le produit à vendre et la manière de le vendre qui sont à l’origine de ce succès. »

Et c’est là que me revient à l’esprit la distinction que fait Isaac Asimov (dans le deuxième volet de la trilogie Fondation) entre « la réponse qui satisfait » et « la réponse qui était vraie ». Le succès de la campagne d’Obama jusqu’à maintenant ne repose pas entièrement sur la création d’une marque, sur la démographie ou même sur la politique telle que nous l’avons connue pendant trop longtemps, loin s’en faut. Il repose principalement sur l’usage de la technologie pour permettre à la démocratie de fonctionner.

L’histoire commence en 2001, quand un conseiller politique du nom de Joe Trippi s’est engagé en tant que conseiller de la firme Progeny, une entreprise dirigée par Ian Murdock donc le prénom est la deuxième moitié de Debian. Deux ans plus tard Joe dirigeait la campagne de Howard Dean. Le succès de cette campagne est largement dû a l’utilisation intelligente (et bon marché) d’Internet… et aussi à beaucoup de trucs open source de geeks. « Je me suis toujours demandé comment on pourrait transposer cette collaboration qui fait avancer Linux et l’open source pour l’appliquer ici », confiait Joe à Larry Lessig en 2003 au cours d’une interview. « Qu’est ce que cela donnerait si l’on pouvait y parvenir et qu’on implique tout le monde dans une campagne présidentielle ? » Quand Larry demanda à Joe si cela faisait de la campagne de Dean un campagne open source Joe répondit « Oui… je suppose qu’elle est aussi ouverte que peut l’être une campagne dans le monde politique actuel. »

Dans son blog, Ian Murdock écrit de Joe : « Après juste une heure de discussion avec lui, Joe comprenait le mouvement open source aussi bien que moi et il a aussi réussi à me faire voir des choses que je n’avais pas vues en 8 ans. »

La première fois que j’ai rencontré Joe c’était par vidéo interposée lors d’une session de chat. Le visage de Joe est apparu sur l’écran de mon portable en Californie tandis que le mien était sur le portable de Britt Blaser, l’ordinateur qu’il trimballait dans les couloirs et les salles de conférences du quartier général de campagne de Dean à Burlington dans le Vermont, un peu comme s’il était un serveur, mais avec un plateau qui parle. Cette visite a été si efficace que je me sentais déjà à l’aise dans le bâtiment quand j’y suis arrivé au plus profond de l’hiver, quand l’énergie de la campagne était à son paroxysme : mi-janvier 2004, la veille du caucus de l’Iowa.

Je garde en mémoire quelques souvenirs en particulier de cette visite. Par exemple celui de Nicco Mele qui s’occupait des racks de serveurs et d’autres appareils électroniques tournant sous LAMP et qui pestait contre le bordel que c’était de faire cohabiter les différents groupes au niveau des états et au niveau local sachant que chaque groupe possédait son propre système informatique créé de toute pièce, ce qui s’avéra être plus un problème qu’une solution. Je me souviens également de Zack Rosen, assis sur une boîte dans le coin d’un bureau avec trois ou quatre autres geeks entrain de hacker quelque chose dans Drupal. Zack s’est lancé dans la campagne avec le site HackersForDean (les hackers en faveur de Dean), qu’il a créé avec Josh Koenig. Un autre souvenir est celui de Daver Winer, il travaillait sur ce qu’il appelle « un projet de flux RSS très intéressant qui doit être lancé juste à temps pour les résultats du caucus de l’Iowa lundi soir ». Dans un message daté du même jour (le 17 janvier), Dave ajoute « Je reste neutre quant aux candidats à l’élection présidentiel. J’ai mes opinions, mais elles n’ont rien à faire dans mon travail technique. Je crois que les outils politiques doivent rester agnostiques. »

Maintenant que j’y repense je pense que j’ai assisté à l’équivalent en politique d’un club d’adeptes de trains miniatures ou d’un club de programmation maison. C’est là qu’est né un nouveau mouvement où l’on met vraiment la main à la pâte. Pour Britt Blaser c’est même « la première campagne dirigée comme un service Web plutôt que comme une campagne marketing disproportionnée ».

Dean s’est retiré de la course après avoir perdu l’Iowa, mais ce ne sont pas les techniciens ou leur code qui se présentaient. C’est à ce moment là que la « Diaspora Dean » s’est attelée à améliorer la démocratie grâce à des technologies libres et ouvertes.

L’un des membres de cette diaspora était Jascha Franklin-Hodge. « De retour à Boston j’ai commencé à reprendre contact avec des amis que j’avais ignoré pendant 6 mois » me racontait Jascha. « Et les gens n’arrêtaient pas de me dire : Ah, tu as travaillé pour Howard Dean, c’est super ! Je me suis rendu à des réunions et je suis devenu volontaire de l’antenne régional du partie démocratique. J’ai fait du porte à porte.. Ce sont des gens qui ne se sont pas contentés de supporter un candidat. Ils voulaient aussi trouver leur propre opinion politique, leur propre talent civique. »

Jasha a donc monté un petit groupe avec trois autres vétérans de la campagne pour Dean ; Clay A. Johnson, Joe Rospars, and Ben Self ; et il a lancé Blue State Digital. Dans un article paru dans le numéro de juin 2008, Business Week voyait Blue Stat Digital comme « l’arme secrète d’Obama ». En juillet, les efforts de Blue State étaient déjà à l’origine de plus de 200 millions de dollars de dons faits en ligne, de 75 000 évènements de campagne et comptaient plus d’un million d’utilisateurs. D’ici à ce que vous lisiez cet articles ces chiffres auront encore largement augmenté.

J’ai pris connaissance du travail réalisé par Blue State Digital pour la campagne Obama le 3 juin dernier par le biais d’un e-mail me redirigeant vers une publicité MyBO intitulée techinterest?foo. Cette publicité visait le recrutement de « développeurs Web exceptionnellement talentueux » possédant « une bonne connaissance des processus de développement LAMP et de leur bonne utilisation, expérience dans le déploiement à grande échelle d’applications Lamp, expérience requise dans la mise au point d’applications en PHP et MySQL et une bonne connaissance des performances de MySQL et de l’optimisation des requêtes » et enfin « utilisateur avancé voir expert en CSS, Javascript et Ajax ». L’e-mail précisait également que le site de campagne de McCain tournait sous Windows.

Mais Blue State n’avait pas vraiment besoin de cette publicité. Jasha me l’explique en ces termes : « Le travail que nous réalisons nous confère un énorme avantage lorsque nous sommes à la recherche de talents. Ce que nous faisons est bien plus important aux yeux de nombreux développeurs que de créer un logiciel pour une banque. Nous souhaitons que des geeks soient heureux en se réveillant le matin et qu’ils se disent Je construis aujourd’hui quelque chose que des millions de personnes utiliseront demain pour aider à changer le monde. »

La campagne Obama ne s’appuie pas trop sur les « réseaux sociaux » comme Facebook ou MySpace. Mais elle excelle dans l’utilisation du réseau pour rendre la campagne sociale dans le monde réel.

Quand je me rends sur MyBO et que je recherches les évènements qui ont lieu dans un rayon de 40 km autour de chez moi je reçois 64 réponses. On y retrouve : des groupes organisant des rencontres, des concerts, des soirées discours, des réunions aux marchés du terroir et aux fêtes foraines, des levées de fonds auxquelles participent des grands noms, des pique-niques ou des barbecues paroissiaux, des marches pour s’enregistrer sur les listes de vote, du co-voiturage, des rallyes de groupes de jeunes, des cafés organisés par des anciens de l’école… la liste est interminable. Et tout ceci juste pour le mois à venir. Chaque évènement est repéré par un petit symbole sur une carte en ligne. Trois boutons surplombent la liste et la carte : un bouton KML vert pour Google Earth, un bouton XML orange pour les flux RSS et un bouton iCAL vert pour ajouter ces dates à votre calendrier.

À droite de la carte se trouve la colonne my.BarackObama. Du haut vers le bas on retrouve Mon tableau de bord, Mon quartier, Amis, Évènements, Messages, Groupes, Levée de fonds et Mon Blog. Les six derniers sont des menus accompagnés d’un petit « + ». Déroulez ces menus et vous découvrirez 18 façons d’entrer en contact avec d’autres personnes ou de vous engager dans la campagne… voire les deux. Et malgré tout il reste encore beaucoup d’espace inutilisé. La page est conçue pour être rapide, agréable, simple et propre.

Si je me rends sur le site Web de campagne de McCain et que je recherches les évènements se déroulant dans le même rayon de 40 km autour de chez moi je reçois 16 réponses : 13 enjoignent les gens à s’engager dans des centres d’appels ou par d’autres manières et 3 concernent des fêtes organisées par des individus pour le même « jour national », chacune construite sur le même modèle.

Évidemment ces résultats sont très partiaux car le Massachusetts est non seulement un état très bleu mais c’est aussi là qu’est basé Blue State Digital.

J’ai donc refait le test pour le 85018, le code postal d’un quartier en plein centre de Phoenix : le cœur même du pays McCain. J’obtiens 23 réponses pour des évènements pour Obama et 16 pour McCain. On y retrouve la même variété pour Obama que dans les environs de Boston. Pour McCain on dirait qu’ils ont utilisé un tampon. 13 fêtes sont organisées (principalement par les gens eux-mêmes) pour le même « jour national » qu’à Boston. On dirait qu’ils sont tous sortis du même moule. Trois sont prévus à d’autres dates, parmi ceux-ci deux concernent les vétérans.

Quel est le secret de Blue State alors ? Et quelle est la part de Linux et de l’Open Source dans tout ça ? Voici la réponse de Jascha :

« Nos outils donnent la parole à la créativité des utilisateurs. Si on prend les systèmes d’organisation d’évènements par exemple. Par le passé ils étaient conçus pour qu’une association puisse mettre en ligne son calendrier officiel. C’est très bien, mais c’est loin d’être aussi intéressant que de permettre à vos supporteurs de créer leurs propres calendriers. Nous avons donc mis au point des outils dont la priorité première est d’aider les visiteurs du site à organiser une soirée, un grand ramassage d’ordures le long des routes en portant un t-shirt pour leur camp : de l’évènement le plus mondain au plus innovant. Nous voulions faciliter la création de manifestations, leur planification, augmenter leur visibilité, permettre la gestion des réponses et aider les gens à organiser leurs propres levées de fond.

Les deux services dont nous faisons le plus usage pour les évènements sont les cartographies de Google et de Yahoo ainsi que leurs API de géolocalisation. Nous utilisons votre adresse pour vous géolocaliser grâce à la longitude et la lattitude et nous mettons ces informations à profit pour vous communiquer les évènements proches de chez vous.

Nous possédons beaucoup de bases de données d’informations géographiques. Comme par exemple le centre d’un ZIP+4 désigné par sa longitude et sa lattitude. Nous rentrons également les congressional districts (NdT : zone électorale qui désigne un membre du congrès) pour y regrouper les codes postaux, les informations concernant les sondages, les tracts de sondages, les numéros des pâtés de maison… Si vous remplissez un formulaire d’inscription nous ne vous demandons pas de renseigner toutes ces informations. Si vous faites un don plus tard nous aurons votre adresse à ce moment là si vous ne souhaitez pas la donner tout de suite.

Nous travaillons avec LAMP : Linux, Apache, MySQL, PHP. Nous utilisons beaucoup de librairies et d’outils Open Source comme par exemple YUI et Ext qui sont des librairies d’interfaces utilisateur en javascript. Nous comptons parmi nous le créateur du projet Horde qui est un gros cadre de développement PHP Open Source.

On ne cherche pas à ré-inventer la roue. Par exemple, nous n’écrivons pas notre propre librairie de connexion à la base de données. Nous nous servons de ADOdb, l’une des librairies les plus populaires pour PHP, et de Python aussi. Nous utilisons PEAR, qui est la librairie d’outils PHP. Les modules PEAR nous rendent un fier service pour tout, depuis l’envoi d’e-mail à la mise en cache… On se sert aussi d’outils comme memcached et des utilitaires de surveillance Open Source.

Chez nous les flux RSS sont omniprésents : évènements, blogs… ils nous sont également utiles pour relier en interne des parties de notre propre système, comme par exemple partager des informations entre deux systèmes clients ou entre deux parties de notre système. A chaque fois que c’est possible nous tentons de construire ces points d’échange en respectant les standards. S’ils doivent être ouverts, ou si un client demande un accès direct, nous répondons : pas de problème, utilisez la librairie RSS de votre choix.

Si nous travaillons avec un outil et que nous y ajoutons une fonctionnalité importante ou que nous corrigeons un bogue, nous le partageons évidemment avec les développeurs du projet.

L’interface d’utilisation est, quant à elle, entièrement construite sur-mesure pour des organismes politiques ou à but non lucratif… ou n’importe-qui désirant s’engager dans un projet avec un but en tête. »

Alors que la campagne Obama monopolise l’attention, d’autres hackers de l’équipe initiale, celle de Dean, s’affèrent à travailler sur quelque chose que Obama et McCain ont tous les deux défendus en tant que sénateurs : une gouvernance transparente et responsable. Témoignage de Greg Elin, spécialiste des données à la Sunlight Foundation et pour tous les organismes qu’elle supporte (OpenCongress.org, Congresspedia.org, FedSpending.org, OpenSecrets.org, EarmarkWatch.org, LOUISdb.org…) :

« Presque tous nos projets sont Open Source, mais il arrive qu’on modifie un peu le code et ça prend du temps pour le publier. On n’est pas loin d’avoir convertit tous nos groupes à l’Open Source : MySQL, PostgreSQL, Apache, … La structure est rapidement adoptée : Rails, Django, Symfony…

Dernièrement je m’intéresse plus particulièrement aux scripts dynamiques, ce que j’appellerai des ensembles de données “débiter et terminer” en opposition à ce que Jeff Jonas appelle des ensembles de données entreposer et empiler. Les scripts dynamiques c’est ce qui fait Unix ! C’est à dire que chaque application a des données d’entrée et des données de sortie. Nous laissons derrière nous le monde des bases de données-créer-rapport pour entrer dans le monde des RSS en entrée et RSS en sortie.

Voici deux exemples de flux. Une base de données Sunlight, LouisDB.com, épluche le Congressional Daily Record quotidiennement, transformant son contenu en un fichier XML. Garrett Schure (développeur chez Sunlight Labs) et Josh Ruihley ont mis au point un algorithme de comptage de mot pour présenter le Mot du Jour du Congress et le microsite http://capitolwords.org, site qui date de 2001 et qui dispose d’un flux RSS, d’API et d’un widget que les gens peuvent incorporer à leur site. Louisdb.com facilite la recherche du contenu du Congressional Record. Un script est même disponible maintenant pour en faire du contenu pour Tweeter que d’autres peuvent utiliser aussi. Le deuxième exemple vient de MySociety: TheyWorkForYou. En analysant les archives quotidiennes du parlement et les votes il dresse un portrait de qui fait quoi au parlement. Et enfin, de nombreux sites s’appuient sur le travail de Josh Tauber http://govtrack.us b/c. Josh rassemble toutes les données qui ont trait aux lois votées au Congrès et les transforme en XML. Les données de Josh sont ouvertes, tout comme son code. C’est une contribution énorme. »

Et que devient Howard Dean ? Tout va bien pour lui, en 2005 il est devenu président du comité national démocratique. Son ancien site de campagne, DeanForAmerica, s’est doucement transformé en DemocracyForAmerica, qui soutient de nombreux candidats et non plus un seul. Jascha nous raconte : « Il a rassemblé toutes ces personnes, dont certaines avaient pris les rênes de leur antenne locale du parti démocrate, et les a aidé à canaliser cette énergie et cet esprit citoyen dans le but de faire élire les candidats défendant la démocratie et le progrès dans tout le pays. Ils ont fait des levées de fond. Ils ont mis en marche le bouche à oreille, coordonné les volontaire. Ici même à Boston un conseiller municipal, Sam Yoon, a emporté son siège haut la main grâce au formidable support de DFA. Tous ceux qui ont fait campagne pour Dean sont devenus des supporteurs de Yoon. »

Britt Blaser :

« Avant Dean, les hommes politiques ne savaient pas qu’Internet avait été créé par des “makers” et non pas par des “machers”, terme politique qui désigne ces personnes qui naviguent en politique grâce à leur influence, l’argent et l’intimidation. L’équipe de campagne de Dean, ses “makers”, est la graine d’une nouvelle classe d’experts en politique, une nouvelle classe qui se concentre sur les moyens et non sur la fin. Tout comme les hackers de Linux, les makers de Dean ont agi comme un guilde plutôt que comme des partisans et de la même manière ils se sentaient plus proches des personnes qui ne participaient pas à la campagne que de leurs supérieurs. Puisqu’ils sont tous volontaires, l’idée de supérieur ne signifiait pas grand chose à leurs yeux. Ils étaient à la recherche de collaborateurs en dehors de la campagne avec un objectif politique en tête. Mais les outils qu’ils ont élaborés s’accordent particulièrement bien avec les objectifs gouvernementaux puisque tout problème devient une loi après une campagne réussie pour les cœurs et les esprits et l’argent. »

Ce qui est très bien, mais est-ce suffisant. De tous les contacts que j’ai eu avec des anciens de la campagne de Dean, il y en a un qui se démarque des autres, celui avec Liza Sabater. Elle se plaignait du dernier né : CivicSpaceLabs (une création de Zack Rosen et d’autres personnes) et elle n’était pas la seule. Sa synergie avec Drupal a fait des merveilles et ce n’est pas tout.

« La vérité est qu’il n’existait aucun autre projet Open Source dont les promesses arrivaient à la cheville de celles de CivicSpaceLabs » nous dit Liza. « Et c’est là, à mes yeux, la différence fondamentale entre les élections de 2004 et de 2008. Malgré tout ce qu’on peut dire à propos de la campagne Obama, qu’elle s’appuie sur le net et qu’elle est avant-gardiste, le code du site est quand même propriétaire. Et je ne prédis pas d’ouverture du code pour que n’importe qui puisse répliquer ce qu’ils ont créé. Il en va de même d’ailleurs pour MoveOn.org, Democracy For America et même des outils d’organisations créés par le DNCC. »

Aucune des deux campagnes ne laissent une bonne impression à Phil Windley, ancien président de Utah : « Ce que je vois, c’est que le Net est perçu comme un grande média de diffusion de masse avec une tirelire intégrée. »

Greg Elin met ce déséquilibre en perspective :

« Les programmeurs et technologues qui ont grandit avec le Web et l’Open Source ont commencé à entrer dans l’arène politique, ou e-politique, ces dernières années et ils amènent avec eux les outils et les pratiques de l’Open Source et du Web 2.0. Ils collaborent, et des fois font concurrence, des technologues déjà en place qui était souvent des activistes qui ont appris à se servir d’abord des feuilles de calculs, des bases de données et de la publication et ensuite du Web pour faire passer leurs messages. Nous assistons donc à une geek-i-fication générale, des campagnes aux groupes gouvernementaux et même du gouvernement lui-même. Plus d’Open Source. Plus de structure. Plus de communication entre les développeurs. C’est encore loin d’être beau et lisse, mais une chose est sûr, on y arrive progressivement. Le point de non retour a été atteint maintenant en politique, la seule question qui reste en suspend concerne l’impact que cela aura. »

Dans une démocratie les candidats ne devraient pas être vendus comme des produits ou des marques. L’image compte, mais elle reste superficielle. La substance de la démocratie est ce que les hackers ont appris sur la durée : la liberté de faire, la liberté d’être, l’ouverture, la générosité et la responsabilité constructive. Le meilleur code n’est pas celui qui gagne, c’est celui qui marche. Il nous faut poursuivre cet effort maintenant et il nous faut l’enseigner aussi.

Notes

[1] Crédit photo : Marcn (Creative Commons By)




L’influence de Microsoft à l’école n’est-elle pas disproportionnée ?

Lettre aux enseignants - Offre Microsoft Office 2007Les enseignants doivent se sentir flattés d’un tel intérêt. En effet, en moins de six mois voici la troisième lettre qui leur est adressée par la société américaine Microsoft, et comme les précédentes missives nominativement dans leurs casiers de la salle des professeurs (vous en trouverez une image scannée en fin d’article).

Quel que soit son enrobage pédagogique cautionné par des associations d’enseignants complices de la manœuvre, le fond du sujet est toujours le même : la suite bureautique Microsoft Office 2007. On ne s’en cache pas du reste puisque l’objet de la lettre est texto : « Téléchargez Office 2007 chez vous sans frais ! ».

À croire que malgré la véritable machine de guerre déployée elle peine à être adoptée. Il faut dire qu’il n’y a pas que cette suite en jeu. Tapis derrière elle, c’est le nouveau système d’exploitation Windows Vista que Microsoft voudrait voir massivement installé dans les établissements scolaires (jackpot financier à la clé), alors que, répétons-le, absolument rien ne le justifie. Et encore plus loin c’est d’un véritable choix « culturel » qu’il s’agit. Souhaitez-vous que vos logiciels, formats, ressources, pratiques, échanges… soient majoritairement libres ou propriétaires ?

Vous connaissez notre réponse. Voici celle de Microsoft et ses acolytes avec cette nouvelle lettre aux enseignants qui a le mérite de synthétiser et d’exposer au grand jour toute la stratégie Microsoft en la matière. Nous vous proposons ci-dessous une petite lecture décryptée commentée. Pour finir pour nous demander en guise de conclusion si nous devons ou pouvons y faire quelque chose.

En route vers le B2i !

Dans la famille « Microsoft à l’Éducation Nationale », j’ai nommé la justification pédagogique…

C’est par ce slogan lancé par une charmante jeune femme que s’ouvre la lettre. Il est à noter que le Brevet Informatique et Internet (B2i) existe depuis plus de sept ans déjà mais qu’à cela ne tienne, allons vers… et allons-y gaiement et en confiance puisque Microsoft est justement là pour nous accompagner et nous faciliter la vie numérique.

Il y aurait beaucoup à dire d’ailleurs sur ce B2i, véritable fausse bonne idée de l’Éducation Nationale. Moins on a d’élèves et plus il est vanté, jusqu’à se montrer dithyrambique lorsque l’on a n’a plus d’élèves du tout ! Quitte au passage à donner mauvaise conscience aux collègues qui se permettraient de montrer quelques signes de perplexité quant à sa mise en application effective, accusés alors un peu vite de faire de la « résistance au changement ».

Il n’empêche que le B2i est là, qu’il y a désormais obligation de le valider, par exemple pour obtenir son Brevet en fin de collège, et qu’on doit donc faire avec et en l’état pour le moment. Et c’est plutôt bien vu de la part de Microsoft que de choisir cet angle d’attaque.

Depuis le mois de juin, vous avez le droit de télécharger sans frais Microsoft Office 2007 sur www.officepourlesenseignants.fr, comme tous les membres du corps enseignant des écoles, des collèges et des lycées, conformément à l’Accord cadre signé entre Microsoft et le Ministère de l’Éducation Nationale.

Dans la famille « Microsoft à l’Éducation Nationale », j’ai nommé la justification contractuelle…

Tout ce passage est rédigé en gros et gras. On notera qu’on prend bien soin de ne pas prononcer le mot gratuit, le droit conféré est un « droit pour une installation sur votre PC à domicile pour votre usage professionnel ». Drôle de licence que voilà, quid d’un ordinateur portable qui sortirait du domicile et quid d’un enseignant qui souhaiterait ponctuellement en faire un usage non professionnel ?

En tout cas après le B2i, et c’est toujours aussi bien vu de la part de Microsoft, on va s’appuyer sur ce fameux Accord cadre contracté en décembre 2003 et reconduit depuis. Je vous invite à le parcourir dans son ensemble mais si l’on devait n’en retenir qu’une phrase ce pourrait être la suivante, qui apparait à même le très officiel site Educnet : « L’Accord cadre a pour objectif de rendre plus homogènes et d’actualiser les systèmes d’exploitation du parc de PC des écoles, collèges et lycées, en favorisant l’accès à la dernière version de la suite bureautique Microsoft Office. » On ne peut être plus clair, la mise à jour vers Vista trouvant ici un magnifique alibi. Et tant pis pour le logiciel libre.

Rapport Becta en main, il pourrait être facile de critiquer cette prise de position discutable et arbitraire du Ministère de l’Éducation Nationale. Sauf qu’on ne peut l’accuser frontalement de favoritisme puisqu’il existe d’autres Accord cadres (Apple, IBM, Intel, Sun…) dont un très particulier que l’AFUL présentait ainsi dans un récent communiqué : « Le 28 octobre 1998, le Ministère de l’Éducation nationale signait un accord avec l’Association Francophone des Utilisateurs de Linux et des Logiciels Libres (AFUL), accord cadre permettant le développement de l’usage des technologies de l’information et de la communication auprès de l’ensemble des établissements d’enseignement français et des enseignants en ce qui concerne l’emploi des ressources informatiques libres et la disponibilité de ressources commerciales liées à l’informatique libre. Depuis dix ans, conséquences directes de l’accord cadre ou souvent simplement facilitées par son existence, de très nombreuses réalisations ont vu le jour dans ce secteur capital qu’est l’éducation, et les logiciels et les ressources libres y sont désormais bien présents, à tous les niveaux. »

Soit. L’AFUL met en valeur et c’est bien normal ce qui à l’époque constituait symboliquement une magnifique reconnaissance pour le logiciel libre à l’école. Il n’empêche qu’on se retrouve selon moi dix ans plus tard quelque peu piégé par la co-présence de ces deux Accord cadres que Microsoft fait bien plus fructifier que l’AFUL. Si ce constat est partagé, il conviendrait de voir ce que l’on peut faire ensemble pour remédier à cela.

Mais poursuivons la lecture de la lettre…

L’association d’enseignants Projetice vous propose plus de 120 formations réparties dans les Académies pour échanger et prendre en main des applications pratiques d’usages pédagogiques des TICE autour notamment des nouvelles fonctionnalités offertes par Microsoft Office 2007.
http://www.projetice.fr/formations/formations_office.aspx

Dans la famille « Microsoft à l’Éducation Nationale », j’ai nommé l’association d’enseignants qui prêchent la bonne parole sur le terrain…

Et revoici l’association d’enseignants Projetice. J’en avais parlé l’année dernière sans que personne ne vienne m’apporter la contradiction sauf… Thierry de Vulpillières, directeur des partenariats éducation chez Microsoft France ! Mes hypothèses non encore infirmées étaient les suivantes : Projetice a été créée sous l’impulsion de Microsoft, Projetice est quasi exclusivement financée par Microsoft, et les prestations de ses membres ne sont pas bénévoles et donnent lieu à rémunération et couvertures de frais par l’association et donc indirectement par Microsoft.

Et parmi les prestations il y a donc désormais ces « plus de 120 formations ». Quelle force de frappe ! Un véritable réseau parallèle au très officielle plan de formation continue de l’Education Nationale. Une aubaine pour le Ministère qui cherche à faire des économies à tous les étages (dont celui de la formation continue justement). Et comme ce n’est pas Microsoft qui entre dans les établissements scolaires mais de vrais collègues, les portes se trouvent être bien entendu grandes ouvertes.

J’aimerais beaucoup recueillir ici-même quelques témoignages d’enseignants qui ont eu l’honneur d’assister à l’une des ces formations. Parce que là encore on mélange allègrement dans le libellé les « pratiques d’usages pédagogiques des TICE » avec les « nouvelles fonctionnalités offertes par Microsoft Office 2007 ». On va finir par croire que l’un ne va pas sans l’autre ! La confusion venant de fait que les formateurs endossent simultanément leurs habits d’enseignants et de « VRP Microsoft ». Alors réelle formation pédagogique ou « publi-information » qui ne veut pas dire son nom ?

Les éditions Nathan vous propose l’ouvrage « Maîtriser les fonctions indispensables d’Office 2007 » qui permet une prise en main rapide et simplifiée de la nouvelle suite bureautique Office 2007. Nathan s’associe également à une offre très attractive d’équipement des établissements disponible sur le site www.nathan.fr/Office2007

Dans la famille « Microsoft à l’Éducation Nationale », j’ai nommé le partenaire éditeur scolaire…

Il fallait bien aussi un grand éditeur. Je note au passage qu’avec le titre proposé, « Maîtriser les fonctions indispensables d’Office 2007 », le rôle de Nathan ici est bien moins celui d’un éditeur scolaire que celui d’un éditeur informatique. Sachant que pour l’un comme pour l’autre, nous avons d’autres modèles à proposer comme par exemple Génération 5 pour le scolaire et… Framabook pour l’informatique 😉

Nathan nous offre lui aussi son petit service autour du B2i. Pas très conforme à son esprit du reste puisqu’il nous est proposé en ligne « d’évaluer et valider les connaissances de vos élèves » pour au final « délivrer l’attestation de réussite à chaque élève ». On se retrouve en fait avec une sorte de QCM que le Café Pédagogique devrait tout particulièrement apprécier. On remarquera par ailleurs que le site n’est pas non plus très conforme avec les standards du Web puisque « Attention, le site B2i est consultable uniquement sur PC et utlisant le navigateur Explorer ».

Curiosphere.tv (la web educative de France 5) vous propose désormais plus d’une centaine de vidéos à usage pédagogique et notamment à travers le site thématique consacré au B2i « tutoriels vidéos, se former au B2i »
http://www.curiosphere.tv/ressource/19636-tutoriels-video-se-former-au-b2i

Dans la famille « Microsoft à l’Éducation Nationale », j’ai nommé le partenaire institutionnel…

J’ai eu également déjà l’occasion de consacrer un billet (puis un deuxième) à Curiosphere.tv. La principale critique venant du fait qu’à parcourir les vidéos proposées, on hésitait entre formation B2i et formation aux logiciels Microsoft, l’un servant un peu de couverture à l’autre.

Comprenez-vous pourquoi par exemple la vidéo titrée « Tutoriel Word : modifier un schéma » se trouve être placée dans la catégorie « B2i > Adopter une attitude responsable » ? Et tout est à l’avenant. On participe à la réalisation de vidéos de promotion des produits Microsoft et après on les place aux forceps, un peu n’importe comment, dans les « cases B2i ». À trop vouloir tirer sur la corde de la justification pédagogique, elle finit par casser…

Mais arrêtons-nous quelques instants plus en détail sur ces vidéos. Si vous avez huit minutes, prenez le temps de regarder « Tutoriel Word : créer une frise chronologique » où un virtuose de Word vient nous montrer effectivement comment réaliser de but en blanc un tel objet. C’est franchement spectaculaire (et je ne crois pas qu’OpenOffice.org 3.0 dispose d’une telle fonctionnalité).

Le problème est double. D’abord on peut légitimement se demander si le jeu en vaut la chandelle pour un enseignant qui, si il se met à la tâche, passera certainement plus de temps que notre virtuose. Sans oublier que peut-être, après tout, notre enseignant était satisfait des frises qu’il proposait à ses élèves « du temps d’avant Microsoft Office 2007 ». Il s’agit donc déjà de faire la part des choses entre le gadget aussi clinquant soit-il et ses réels besoins.

Mais admettons qu’il estime que cette « frise qui fait jolie » mérite d’être insérée dans ses cours. On se retrouve alors face à un nouveau problème et non des moindres. En effet, il n’a pas, me semble-t-il, été prévu de mutualiser, échanger, éditer, modifier… collaborativement les ressources « pédagogiques » ainsi produites. Et ce n’est malheureusement guère étonnant car Microsoft n’a ni expérience ni culture en la matière. Ses formats de fichiers sont fermés et non interopérables, ses produits et ses ressources ne sont pas sous licences libres, et surtout la société ne s’est jamais appuyée sur des communautés d’utilisateurs pour « créer ensemble ». Elle n’a que des clients, et c’est aussi pour cela qu’elle se trouve parfois mal à l’aise voire parfois carrément en porte-à-faux lorsqu’elle aborde les rives du secteur éducatif.

Il n’y qu’à visiter les sites de Projetice et du Café Pédagogique, tous deux réalisés avec le concours de Microsoft, pour s’en convaincre. Les possibilités d’interactions avec le visiteur y sont minimales. Le plus emblématique étant le site du fameux Forum des enseignants innovants de Rennes qui « visait à faire connaître et à valoriser les nombreux projets pédagogiques innovants ». Que reste-t-il aujourd’hui sur le site de la centaine de projets sélectionnés ? Rien. Personne n’a pensé qu’il pouvait être a posteriori opportun de les mettre à disposition des collègues internautes qui n’ont pu se rendre à la manifestation.

Parce que c’est bien gentil mais pourquoi devrais-je réinventer la roue et créer de A à Z ma propre « frise qui fait jolie » ? Pourquoi ne me propose-t-on pas le document qui a permis de réaliser cette frise ? Cela me permettrait de ne pas démarrer à vide, de mieux comprendre comment le virtuose s’y est pris et surtout de pouvoir la modifier pour l’adapter à mes besoins. En lien et place on trouve sous la vidéo le texte suivant : « Extrait de : Office pour les enseignants – Word 2007 © 2008 Microsoft Corporation. Tous droits réservés. » qui n’invite pas forcément à la collaboration.

On remarquera que le site de Microsoft dédiée à l’opération propose lui aussi la même vidéo. La seule différence c’est la possibilité de télécharger la vidéo (au format fermé .wmv) mais aussi de… « l’envoyer à un ami » ! Que la dimension collective se résume à prévenir un ami en dit long sur l’état d’esprit du projet.

J’ajoute que la mise à disposition du document source ayant permis de créer la « frise qui fait jolie » est une condition nécessaire mais non suffisante à une collaboration optimale. Il conviendrait en effet d’en proposer un format ouvert et pérenne (ce qui n’est malheureusement pas encore le cas du .docx) et de placer le tout sous une licence qui favorise le partage. Et puis, si l’on veut vraiment bien faire les choses, pourquoi ne pas regrouper toutes ces ressources sur un site dédié permettant aux enseignants de réellement communiquer avec leurs pairs ? Vous verrez qu’alors des synergies apparaîtront spontanément entre les collègues et des projets insoupçonnés se mettront en place.

C’est toute la différence entre la culture du logiciel libre et celle du logiciel propriétaire. Et c’est ici je crois que le logiciel libre a beaucoup à apporter à l’école. Ce que la société Microsoft, malgré sa pléthore de moyens et ses alliés de circonstance, est bien incapable d’imaginer, enfermée qu’elle est par son modèle économique traditionnel. Aujourd’hui, en l’absence de toutes ces considérations, la « frise qui fait jolie » demeure au niveau de la pure poudre aux yeux. Ce n’est plus de la pédagogie, c’est du simple marketing.

Réalisé par un collectif d’enseignants, le Café Pédagogique publie chaque jour « l’Expresso », un flash d’information sur l’éducation. Le « Café Mensuel » partage entre profs les « bonnes pratiques » et les ressources pédagogiques nouvelles dans votre discipline. Vous êtes déjà plus de 180.000 abonnés à ces éditions. Le « Guide de Web pédagogique » vous donne les clés pour faire entrer les TICE dans la classe. Le « Guide du BAC et du Brevet » aidera vos élèves dans leurs révisions.
http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/Entrezlestice.aspx

Dans la famille « Microsoft à l’Éducation Nationale », j’ai nommé l’association d’enseignants qui prêchent massivement la bonne parole sur internet…

Je me demande si parmi « les clés pour faire entre les TICE dans la classe », on ne trouve pas aussi celles de Microsoft.

Toujours est-il que le Café Pédagogique a lui aussi fait l’objet d’un billet dédié tout récemment. Je n’y reviens pas si ce n’est pour dire que la seule réponse obtenue fut un mail privé. La porte est fermée, le débat public refusé et je le regrette.

En vous souhaitant une bonne prise en main de ces offres, nous vous prions d’agréer, Madame, Monsieur, l’expression de nos respectueuses salutations. Eric le Marois, Directeur Éducation et Recherche, Microsoft France.

Avec en bas de page, les logos de tous les partenaires (dont celui de Microsoft qui joue ici les modestes en se fondant avec les autres).

Voilà. Qu’ai-je voulu dire ici quitte à radoter pour la énième fois et irriter le lecteur avec mes idées fixes ?

Tout d’abord montrer la solidité et l’intelligence de la toile tissée par Microsoft au sein de l’Éducation Nationale. Je félicite sincèrement Thierry de Vulpillières pour cette politique d’entrisme menée de main de maître en fort peu de temps. L’école ayant de nombreux chats à fouetter, des difficultés budgétaires et peu d’expérience en matière « d’intelligence économique », elle ne pouvait clairement et momentanément pas lutter, surtout si l’on se permet de montrer patte blanche via un réseau de partenaires et d’associations d’enseignants financièrement dépendants du bailleur de fonds. Franchement, et n’en déplaisent à mes détracteurs, il est difficile, quand on regarde l’envergure et l’ambition de l’opération, de considérer Microsoft comme une société commerciale comme les autres. Et puis d’abord quelle est sa réelle légitimité pour venir nous parler de pédagogie ?

Mais je tenais également à témoigner, et ceci n’engage que moi, de la faiblesse actuelle de ceux qui souhaitent faire une plus juste place aux logiciels libres à l’école (« culture du libre » incluse !). Oui, comme le dit l’AFUL, et ce n’est pas le réseau Framasoft qui va la contredire, « de très nombreuses réalisations ont vu le jour dans ce secteur capital qu’est l’éducation, et les logiciels et les ressources libres y sont désormais bien présents, à tous les niveaux ». Mais oui aussi ces réalisations, aussi nombreuses soient-elles, sont éparses, pas encore assez structurées et organisées, et faiblement soutenues par l’Institution. Oui encore cette trop forte présence et prégnance de Microsoft à l’école freine non seulement le logiciel libre mais une certaine idée que l’on se fait des TICE. Et oui surtout nous ne sommes pas capable aujourd’hui de proposer des actions similaires d’une telle cohérence et d’une telle dimension. Non pas, comme certains aimeraient le croire, pour « bouter Microsoft hors de l’école », mais simplement pour faire entendre notre voix et, parce que l’indifférence amène l’ignorance, offrir ainsi à une majorité d’enseignants les conditions du choix. Un choix qui, nous le savons, va bien au delà de la praticité d’usage de tel ou tel logiciel.

Pouvons-nous adresser un courrier personnalisé dans le casier de chaque enseignant ? Pouvons nous proposer plus de cent formations non pas aux nouvelles fonctionnalités de la dernière version d’OpenOffice.org mais plutôt à l’utilisation pédagogique d’une suite bureautique illustrée par exemple avec OpenOffice.org ? (formations que l’Accord cadre avec l’AFUL autorisent pleinement du reste) Pouvons-nous, comme on nous y invite, réaliser plus d’une centaine de vidéos didactiques ? Pouvons-nous enfin communiquer d’un coup avec des centaines de milliers d’enseignants comme peut le faire le Café Pédagogique avec les produits de son partenaire ? (ce qui serait pratique par exemple pour diffuser le rapport Becta).

Malheureusement non. Rien nous oblige bien entendu à vouloir reproduire à l’identique cette manière de faire. Mais force est de constater qu’aujourd’hui nous ne pouvons rivaliser. On peut bien sûr décider de ne rien faire de plus que ce l’on fait actuellement (ne serait-ce que parce qu’on ne peut en faire plus) et s’en remettre à la sagesse et à la clairvoyance de nos collègues en se disant que jour après jour, dans l’ombre du terrain, le logiciel libre et son état d’esprit avancent et finiront par atteindre une telle masse critique qu’on ne pourra plus feindre de les ignorer.

Certes, mais on peut aussi être plus volontariste, surtout si l’on accepte le fait que ce qui est exposé dans cet article est potentiellement à même de nous faire reculer de dix bonnes nouvelles années ! Ce recul étant bien moins celui des logiciels que celui des mentalités. Si cela ne tenait qu’à moi, et si j’avais la moindre légitimité pour le faire, j’irai même jusqu’à convoquer d’urgence un… « Grenelle du Logiciel Libre dans l’Éducation » !

C’est une boutade, mais je crois sincèrement que, la balle étant dans notre camp, il y a là prétexte à se mettre en mouvement et unir nos quelques forces. Partout ailleurs dans l’administration publique, le logiciel libre est évalué et bien souvent adopté. Pourquoi en irait-il autrement à l’Éducation Nationale ? Parce qu’avec la complicité passive du Ministère, Microsoft aura fait acte héroïque de résistance en compagnie de quelques enseignants que le court terme aveugle ?

Je ne puis m’y résoudre et vous pose pour conclure la question suivante : Ce billet n’est-il qu’une nouvelle déclinaison de l’obsession paranoïaque d’un adepte de la théorie du complot ou bien au contraire sommes-nous face à un réel problème qui nécessite de réelles réponses ?




De l’usage des « œuvres protégées » à l’Éducation Nationale

MK Media - CC byD’un côté vous avez le « copyright », qui donne à l’auteur un droit exclusif d’exploitation sur son œuvre (texte, image, musique, cinéma, logiciel, etc.) et qui s’applique par défaut en l’absence de toute autre mention.

C’est ce qu’a toujours connu l’Éducation Nationale avant l’apparition des nouvelles technologies, et mis à part le problème du « photocopillage qui tue le livre », tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. D’autant que l’on ne pouvait pas avoir conscience qu’il pouvait en être autrement. Et puis, il suffisait d’être patient et d’attendre que certaines œuvres tombent dans le domaine public.

Puis est arrivé le « copyleft », c’est-à-dire la possibilité donnée par l’auteur d’un travail soumis au droit d’auteur (texte, image, musique, cinéma, logiciel, etc.) de copier, d’utiliser, d’étudier, de modifier et de distribuer son œuvre dans la mesure où ces possibilités restent préservées.

Ce copyleft ouvre la voie aux Open Educational Ressources. Nous en avons un bel exemple chez nous avec Sésamath et ses « manuels libres », et rien que cette semaine j’ai noté deux nouvelles ressources scolaires dans la sphère anglophone : Collaborative Statistics, un manuel sous licence Creative Commons By-Sa et Chemical Process Dynamics and Controls édité à même un wiki et sous la même licence[1].

Question : Qui du copyright ou du copyleft est plus adapté aux situations d’enseignement à l’ère du numérique ?

Pour nous aider à répondre nous allons nous appuyer sur les accords issus du texte toujours en vigueur paru au Bulletin Officiel n°5 du 1er février 2007 concernant l’usage en situation scolaire de l’écrit, de la presse, des arts visuels, de la musique et de l’audiovisuel.

L’un des problèmes de ces accords c’est qu’il y a confusion et collusion entre « œuvres protégées » et « œuvres protégées sous le classique copyright ». Le copyleft, qui n’est à aucun moment mentionné, protège lui aussi les œuvres, par exemple en garantissant toujours la paternité des auteurs, mais pas de la même façon et pas dans le même but.

Toujours est-il que voici donc nos enseignants confrontés uniquement à des œuvres protégées sous copyright. Et là, tout petit hiatus, on ne peut a priori strictement rien faire avec de telles œuvres puisque l’auteur (ou les ayant-droits) en détient les droits exclusifs d’exploitation. Pour lever l’interdit il faudrait en théorie demander au cas par cas les autorisations. Vous imaginez un professeur d’histoire et géographie contactant tous les ayant-droits des illustrations qu’ils comptent montrer à ses élèves pendant toute l’année avec toutes ses classes ? Ce n’est pas réaliste.

Dans la mesure où « l’exception pédagogique » n’est parait-il qu’un mythe sans le moindre fondement juridique, l’Institution se devait de faire quelque chose et c’est ce qui fut fait avec ce texte officiel du BO, conséquence directe des négociations avec les ayant-droits de « l’industrie culturelle ».

En voici quelques extraits (évidemment choisis et commentés à dessein, donc je vous invite à le lire en intégralité, histoire de vous en faire une meilleure idée, c’est un peu indigeste mais juridiquement et aussi « culturellement » c’est fort instructif et pas seulement si vous faites partie de la maison).

Accrochez-vous et ayez une pensée compatissante pour nos enseignants qui doivent en connaître les détails sur le bout des doigts et ne surtout pas commettre d’erreurs dans leurs applications.

Mise en œuvre des accords sectoriels sur l’utilisation des œuvres protégées à des fin d’enseignement et de recherche

C’est l’accord général qui fixe le cadre et donne le modèle.

Le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche a conclu, avec les titulaires des droits d’auteur et en présence du ministre de la culture et de la communication, cinq accords sur l’utilisation des œuvres protégées à des fins d’enseignement et de recherche, à raison d’un accord pour chacun des grands secteurs de la propriété littéraire et artistique : l’écrit, la presse, les arts visuels, la musique et l’audiovisuel.

Louable intention.

Le champ de ces accords recoupe dans une large mesure celui de la clause introduite au e) du 3° de l’article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle par la loi n° 2006-961 du 1er août 2006 relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information.

Droit d’Auteur et Droits Voisins dans la Société de l’Information parfois appelé aussi DADVSI.

Conformément aux principes fondamentaux du droit de propriété intellectuelle, constamment rappelés par la législation française, l’utilisation collective d’une œuvre protégée est soumise en principe au consentement préalable du titulaire des droits d’auteur. Pour répondre aux besoins du service public de l’enseignement et favoriser la diversification des supports pédagogiques, les cinq accords sectoriels proposent un cadre général pour les utilisations les plus usuelles. Les utilisations qui entrent dans le champ de ces accords et qui en respectent les clauses sont réputées autorisées sans que les établissements ou les personnels n’aient à effectuer de démarches particulières.

C’est ce que j’évoquais plus haut. L’idée c’est d’obtenir une sorte de passe-droit pour ne plus avoir à demander d’autorisations. Bien entendu, comme nous le verrons plus bas, il y a quelques compensations.

La représentation dans la classe d’œuvres protégées est couverte de façon générale dès lors qu’elles illustrent le cours. Il en va ainsi de la projection d’une image, d’un document audiovisuel ou de la diffusion d’une chanson qui éclaire un point de l’enseignement ou qui en constitue l’objet principal. Cette représentation collective peut également intervenir pour illustrer le travail qu’un élève ou un étudiant présente à la classe.

Cette couverture est pleine de bon sens sauf si c’est le seul cas de couverture possible.

Les accords autorisent la représentation d’extraits d’œuvres lors de colloques, conférences ou séminaires organisés à l’initiative et sous la responsabilité des établissements d’enseignement supérieur ou de recherche. Les accords exigent que le colloque, la conférence ou le séminaire soit destiné aux étudiants ou aux chercheurs. Dans le cas contraire, la représentation d’œuvres sera subordonnée à l’accord préalable des titulaires de droit.

Le supérieur n’est pas très gâté. On lui fixe un cadre très précis et dans le cas contraire c’est interdit (sauf accord préalable…).

Les dimensions des œuvres qui peuvent être numérisées et incorporées dans un travail pédagogique ou de recherche mis en ligne sont précisées pour chaque catégorie :
– pour les livres : 5 pages par travail pédagogique ou de recherche, sans coupure, avec reproduction en intégralité des œuvres des arts visuels qui y figurent, dans la limite maximum de 20% de la pagination de l’ouvrage. Dans le cas particulier d’un manuel scolaire, l’extrait ne peut excéder 4 pages consécutives, par travail pédagogique ou de recherche, dans la limite de 5% de la pagination de l’ouvrage par classe et par an ;
– pour la presse : deux articles d’une même parution sans excéder 10% de la pagination ;
– pour les arts visuels : le nombre d’œuvres est limité à 20 œuvres par travail pédagogique ou de recherche mis en ligne. Toute reproduction ou représentation numérique de ces œuvres doit avoir sa définition limitée à 400×400 pixels et avoir une résolution de 72 DPI.

Arbitraire et pour le moins alambiqué tout ça ! Limite ubuesque ! Rappelons, pour mémoire, qu’avec le copyleft il n’y aucune contrainte d’utilisation.

La mise en ligne de thèses sur le réseau internet est admise en l’absence de toute utilisation commerciale et, le cas échéant, après accord de l’éditeur de la thèse. La mise en ligne devra utiliser un procédé empêchant celui qui consulte la thèse sur internet de télécharger les œuvres qui y sont incorporées.

Nouvelle barrière.

La reproduction numérique d’une œuvre doit faire l’objet d’une déclaration pour permettre d’identifier les œuvres ainsi reproduites. Cette déclaration consiste à compléter le formulaire mis en ligne à l’adresse suivante.

Il y a donc obligation de déclarer chaque œuvre utilisée ! Ce qui, pour notre professeur d’histoire-géographie, peut prendre un certain temps. Mais ayez la curiosité de vous rendre sur le site de la déclaration. Aucune identification n’est demandée, je me suis imaginé renseignant une photographie et me suis retrouvé avec deux uniques champs : « Auteur » et « Nbre estimé d’élèves/étudiants destinataires ». On clique sur valider et c’est tout. Est-ce ainsi que l’on va redistribuer équitablement les droits ?

Accord sur l’utilisation des livres et de la musique imprimée à des fins d’illustration des activités d’enseignement et de recherche

Le cas particulier des livres (et des partitions musicales). Accord entre le ministère et Le Centre français d’exploitation du droit de copie (CFC), agissant également au nom de la société de perception et de répartition de droits suivante AVA, sur mandat exprès de ces dernières, La Société des éditeurs et auteurs de musique (SEAM) ci-après dénommés « les représentants des ayants droit ».

Le ministère réaffirme son attachement au respect des droits de propriété littéraire et artistique. Il partage le souci des ayants droit de mener des actions coordonnées pour sensibiliser l’ensemble des acteurs du système éducatif – enseignants, élèves, étudiants et chercheurs – sur l’importance de ces droits et sur les risques que la contrefaçon fait courir à la vitalité et la diversité de la création littéraire et artistique.

J’ai déjà entendu cela quelques part…

Pour ce qui concerne les œuvres musicales visées par l’accord : de parties d’œuvres musicales visées par l’accord dont la longueur sera déterminée d’un commun accord entre les Parties, en fonction des œuvres concernées et des usages appliqués ; à défaut d’accord particulier, l’extrait ne peut excéder 20 % de l’œuvre musicale concernée (paroles et/ou musique) par travail pédagogique ou de recherche, par classe et par an, dans la limite maximale de 3 pages consécutives d’une même œuvre musicale visée par l’accord ; pour les ouvrages de formation ou d’éducation musicales et les méthodes instrumentales, l’extrait ne peut excéder 5 % d’une même œuvre musicale visée par l’accord (paroles et/ou musique) par travail pédagogique ou de recherche, par classe et par an, dans la limite maximale de 2 pages consécutives d’une même œuvre musicale visée par l’accord.

Bienvenue dans le monde de la complexité…

En ce qui concerne les œuvres musicales visées par l’accord, sont autorisées exclusivement les reproductions numériques graphiques temporaires exclusivement destinées à la représentation en classe par projection collective. Les reproductions d’œuvres musicales par reprographie ne sont en aucune manière autorisées par le présent accord ainsi que rappelé à l’article 4.2 ci-après. Il est précisé que le présent article n’autorise pas les reproductions numériques temporaires des œuvres musicales visées par l’accord disponibles uniquement à la location auprès des éditeurs concernés.

Un vrai terrain miné…

L’accord n’autorise pas la distribution aux élèves, étudiants ou chercheurs de reproductions intégrales ou partielles d’œuvres visées par l’accord.

C’est bien dommage parce qu’avec le copyleft l’élève peut tranquillement repartir de l’école avec l’œuvre numérique dans sa clé USB.

Les moteurs de recherche des intranets et extranets des établissements permettront l’accès aux travaux pédagogiques ou de recherche, ou aux communications faites lors de colloques, conférences ou séminaires, mais ne comporteront en aucune manière un mode d’accès spécifique aux œuvres visées par l’accord ou aux extraits d’œuvres visées par l’accord ou une indexation de celles-ci.

De la recherche bridée en somme.

Le ministère informera les établissements du contenu et des limites de l’accord. Il s’engage également à mettre en place dans l’ensemble des établissements des actions de sensibilisation à la création, à la propriété littéraire et artistique et au respect de celle-ci. Ces actions, définies en liaison avec les représentants des ayants droit, interviendront au moins une fois par an et par établissement. Elles pourront prendre des formes diverses en partenariat avec des auteurs, des compositeurs, des éditeurs de livres ou de musique ou des artistes plasticiens.

Je veux bien participer 😉

En contrepartie des autorisations consenties dans l’accord et compte tenu des engagements pris par le ministère à l’article 6, celui-ci versera au CFC et à la SEAM une somme de :
– 1 146 000 euros sur l’exercice budgétaire 2007 ;
– 1 146 000 euros sur l’exercice budgétaire 2008.
Cette somme sera répartie par le CFC et la SEAM entre les titulaires de droits ou leur représentant qui leur ont donné mandat pour conclure l’accord.

C’est précis et non négligeable.

Dans l’hypothèse où il apparaîtrait que, dans le cours de l’application de l’accord, les utilisations numériques d’œuvres visées par l’accord augmenteraient de façon significative, la rémunération définie ci-dessus devra être révisée en conséquence. Les Parties se rapprocheront pour fixer la rémunération adaptée.

Je suis curieux de savoir comment on peut réellement se rendre compte de cela. Via le formulaire de renseignement mentionné plus haut ? Je n’ose à peine le croire !

Les représentants des ayants droit pourront procéder ou faire procéder à des vérifications portant sur la conformité des utilisations d’œuvres visées par l’accord au regard des clauses de l’accord. Les agents assermentés de chaque représentant des ayants droit auront la faculté d’accéder aux réseaux informatiques des établissements afin de procéder à toutes vérifications nécessaires. Ils pourront contrôler notamment l’exactitude des déclarations d’usage et la conformité de l’utilisation des œuvres visées par l’accord avec chaque stipulation de l’accord.

Quand les « agents assermentés » des ayant-droits sont autorisés à pénétrer dans le sanctuaire scolaire… Je ne sais pas trop (ou trop bien) comment qualifier cela.

Accord sur l’utilisation des publication périodiques imprimées à des fins d’illustration des activités d’enseignement et de recherche

Le cas de la presse. Accord entre le ministère et Le Centre français d’exploitation du droit de copie (CFC) agissant au nom des éditeurs de publications périodiques imprimées.

En contrepartie des autorisations consenties par le présent accord, le ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche versera au CFC une somme de :
– 291 000 euros sur l’exercice budgétaire 2007 ;
– 291 000 euros sur l’exercice budgétaire 2008.
Cette somme sera répartie par le CFC entre les titulaires de droits qui lui ont donné mandat pour conclure le présent accord.

Accord sur l’utilisation des œuvres des arts visuels à des fins d’illustration des activités d’enseignement et de recherche

Passons aux œuvres des arts visuels (images, photos, illustrations, etc.). Accord signé entre le ministère et l’AVA, société de perception et de répartition de droits, agissant au nom des sociétés de perception et de répartition de droits suivantes sur mandat exprès de ces dernières : ADAGP, SACD, SAIF et SCAM, l’ensemble de ces sociétés étant ci-après dénommées « les sociétés de perception et de répartition de droits ».

En contrepartie des autorisations consenties dans l’accord et compte tenu des engagements pris par le ministère à l’article 6, celui-ci versera à AVA une somme de :
– 263 000 euros sur l’exercice budgétaire 2007 ;
– 263 000 euros sur l’exercice budgétaire 2008.
Cette somme sera répartie par AVA aux titulaires de droits ou leur représentant.

Accord sur l’interprétation vivante d’œuvres musicales, l’utilisation d’enregistrements sonors d’œuvres musicales et l’utilisation de vidéomusiques à des fins d’illustration des activités d’enseignement et de recherche

Quant à la musique… Accord entre le ministère et La SACEM, société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, agissant pour elle- même et au nom des sociétés de perception et de répartition suivantes sur mandat exprès de celles-ci : ADAMI, SACD, SCPP, SDRM, SPPF, SPRE, SPEDIDAM, l’ensemble de ces sociétés, y compris la SACEM, étant ci-après dénommées « les sociétés de perception et de répartition de droits ».

En contrepartie des autorisations consenties par l’accord et compte tenu des engagements pris par le ministère à l’article 5, le ministère versera à la SACEM une somme de :
– 150 000 euros sur l’exercice budgétaire 2007 ;
– 150 000 euros sur l’exercice budgétaire 2008.
Cette somme sera répartie par la SACEM entre les sociétés de perception et de répartition de droits.

Accord sur l’utilisation des œuvres cinématographiques et audiovisuelles à des fins d’illustration des activités d’enseignement et de recherche

Et pour finir le cinéma. Accord entre le ministère et la PROCIREP, société des producteurs de cinéma et de télévision, agissant au nom des sociétés de perception et de répartition de droits assurant la gestion des droits sur les œuvres audiovisuelles et cinématographiques, ci- dessous désignées : ARP, ADAMI, SACD, SACEM, SCAM, SPEDIDAM, l’ensemble de ces sociétés, y compris la PROCIREP, étant ci-après dénommées « les sociétés de perception et de répartition de droits ».

Est autorisée par l’accord la représentation dans la classe, aux élèves ou étudiants, de toute œuvre cinématographique ou audiovisuelle diffusée par un service de communication audiovisuelle hertzien non payant (…) L’utilisation d’un support édité du commerce (VHS préenregistrée du commerce, DVD vidéo, etc.) ou d’une œuvre cinématographique ou audiovisuelle diffusée sur un service de communication audiovisuelle payant, tel que, par exemple, Canal+, Canalsatellite, TPS, ou un service de vidéo à la demande (VOD ou S-VOD), n’est pas autorisée par l’accord, sauf dans le cas prévu à l’article 3.2.

Ne reste plus, si j’ai bien compris, que nos chères chaînes de télévision généralistes à voir uniquement en direct live.

En contrepartie des autorisations consenties par l’accord et compte tenu des engagements pris par le ministère à l’article 5, le ministère versera à la PROCIREP une somme de :
– 150 000 euros sur l’exercice budgétaire 2007 ;
– 150 000 euros sur l’exercice budgétaire 2008.
Cette somme sera répartie par la PROCIREP entre les sociétés de perception et de répartition de droits.

Je prends ma calculette… ce qui nous donne pour les seules années 2007 et 2008… quatre millions d’euros tout rond pour toutes « les sociétés de perception et de répartition de droits ». C’est pas mal, surtout si l’on se souvient des nombreuses clauses restrictives qui parsèment les accords (et puis, au risque de m’égarer, n’oublions pas également la taxe sur la copie privée, qui certes s’applique à tout le monde mais qui participe de la même logique).

Voilà. Dans un monde où n’existerait que le copyright, on se retrouve à négocier ainsi avec les ayant-droits de l’industrie culturelle pour le résultat que vous avez donc aujourd’hui sous les yeux. Reconnaissons que ce n’est pas toujours évident pour les enseignants (et leurs élèves) de s’y retrouver !

Il est à noter qu’à l’époque de la discussion de ces accords, c’est-à-dire en 2006 au fameux temps de l’examen de la loi DADVSI, certains enseignants n’avaient pas hésité à carrément prôner la « désobéissance civile ». Avec une pétition à le clé ayant regroupée pas moins de 5000 signataires.

Il y a cependant une bonne nouvelle. Tous ces accords se terminent le 31 décembre 2008. Nous attendons donc avec impatience (et fébrilité) les nouvelles directives 2009. Peut-être que cette fois-ci le copyleft aura doit de cité ? Dans le cas contraire, cela n’empêchera nullement les enseignants de s’y intéresser toujours davantage, pour finir par lentement mais sûrement construire ensemble les bases d’un nouveau paradigme.

Notes

[1] Crédit photo : MK Media (Creative Commons By)