Une extension qui meta-press.es à ta disposition

La veille sur la presse en ligne est laborieuse et exigeante, mais une extension pour Firefox peut la rendre plus légère, rapide et efficace… et plus éthique que Google News.

Nous rencontrons aujourd’hui Simon Descarpentries pour lui poser des questions sur le module Meta-Press.es qu’il a créé.

 

Bonjour Simon, pourrais-tu nous dire par quels chemins tu es arrivé à Meta-press.es…

photo noir et blanc de Simon DescarpentriesCommençons par le début : je suis né en 1984 comme la FSF et comme elle, je préfère mes logiciels avec de l’éthique en plus d’un code source accessible (pour reprendre cette belle formule de Pouhiou). J’ai découvert GNU+Linux en l’an 2000, ai adhéré à l’April en 2002, terminé mes études en 2007 et travaillé pour Framasoft de 2009 à 2011. J’ai ensuite rejoint Sopinspace1 jusqu’à sa mise en sommeil 4 ans plus tard et mon entrée dans Acoeuro.com2.

Très tôt j’ai décidé de ne pas pousser le monde dans la mauvaise direction le jour en essayant de compenser les dégâts bénévolement la nuit. Je me suis donc efforcé de gagner ma vie en faisant directement ce qui me semble éthique et via Acoeuro.com j’ai une grande liberté de choix dans mes clients, qui ne sont que des associations, clubs sportifs ou collectivités locales3.

Mais ce n’est pas tout d’en vivre, j’ai aussi toujours eu envie de contribuer au Logiciel Libre en retour. J’ai commencé par des traductions (avec la formidable équipe Framalang), puis me suis attelé à la comptabilité de FDN.fr (pendant 5 ans), j’ai fait un peu de JavaScript pour lancer un widget de campagne de LQDN.fr ou aider à éplucher les 5000 réponses d’une consultation de la Commission Européenne… Mais ça me démangeait toujours.

Je me suis donc également occupé de la revue de presse de La Quadrature du Net pendant 5 ans, et c’est là que m’est venue l’envie de développer une alternative à Google News, afin de libérer l’association de sa dépendance envers un acteur qu’elle critique à juste titre le reste du temps. À la faveur d’un inter-contrats en 2017, j’ai repris mes prototypes précédents de méta-moteur de recherche pour la presse et j’ai exploré sérieusement cette piste.

…tu en arrives ainsi à Meta-Press.es ?

Voilà, j’ai réservé un nom de domaine dès que j’ai eu une preuve de concept fonctionnelle.

Alors c’est quoi exactement ?

Meta-Press.es est un moteur de recherche pour la presse sous forme d’une extension pour Firefox.

Directement depuis notre navigateur, il interroge un grand nombre de journaux4. L’extension récupère les derniers résultats de chaque journal et permet de…

  • trier ces résultats,
  • mener notre recherche dedans,
  • sélectionner ceux qui nous intéressent,
  • exporter cette sélection suivant plusieurs formats (JSON, RSS ou ATOM, bientôt CSV aussi).

Et comment ça marche au juste ?

Eh bien il faut bien sûr installer l’extension depuis sa page officielle.
Tu ouvres ensuite l’onglet de l’extension en cliquant sur l’icône petite icône de l’extension meta-press.estu saisis les termes de ta recherche, tu précises les sources dans lesquelles chercher : journaux, radios, agrégateurs de publications scientifiques… par défaut tu choisis celles qui sont dans ta langue, et tu lances la recherche.

boutohn d elancement de la rceherche

Meta-Press.es va alors interroger les sources choisies et afficher les résultats.

Quelles différences avec un agrégateur RSS ou une poche-kangourou comme Wallabag ?
Contrairement à un agrégateur de flux RSS, Meta-Press.es donne accès aux contenus qui existaient avant qu’on s’abonne aux flux, puisque Meta-Press.es utilise la fonctionnalité de recherche des journaux. L’extension s’emploie à propager la requête de l’utilisateur auprès de chaque source pour agréger tous les résultats et les trier dans l’ordre chronologique. Google News ne fait pas beaucoup plus en apparence, or ça, n’importe quel ordinateur peut le faire.

Ensuite, Meta-Press.es intègre déjà un catalogue de sources connues (principalement des journaux, mais aussi des radios ou des agrégateurs de publications scientifiques), et est directement capable de chercher dans toutes ces sources, alors qu’un agrégateur de flux RSS doit être configuré flux par flux.

Actuellement, la base contient un peu plus de 100 sources (de 38 pays et en 21 langues), dont déjà 10 % ont été ajoutées par des contributeurs. Ces sources sont organisées par un système d’étiquettes pour les thèmes abordés, la langue ou d’autres critères techniques. Ce système permet d’accueillir toutes les contributions et l’utilisateur choisira ensuite dans quoi il veut chercher.

Apparemment c’est surtout pour faire de la veille sur la presse, est-ce que ça peut intéresser tout le monde ou est-ce un truc de « niche » pour un nombre limité de personnes qui peuvent y trouver des avantages ?

L’extension a été développée avec le cas d’usage de la revue de presse de la Quadrature du Net en tête. On est toujours plus efficace en grattant soi-même là où ça démange.

Mais les journalistes auxquels j’ai présenté Meta-Press.es se sont également montrés enthousiastes, car l’outil renvoie toujours les mêmes résultats quand on fait les mêmes recherches (même si on change d’ordinateur ou de connexion internet). Ce n’est pas le cas quand ils utilisent Google News, car l’entreprise traque leur comportement (historique des recherches, articles consultés) pour renvoyer ensuite des résultats de recherche « personnalisés » (donc différents d’une fois sur l’autre), et surtout, pour vendre aux annonceurs de la publicité ciblée.

Et puis un Mastonaute a récemment trouvé un autre moyen de se servir de Meta-Press.es :

un internaute a testé l’extension pour comparer le nombre de résultats de recherche pour "référendum ADP" et "le grand débat" (le deuxième l’emporte largement.

Au-delà des recherches, ce que permet Meta-Press.es, c’est d’exporter les résultats d’une recherche dans un fichier. On peut ainsi :

• archiver les résultats ;
• les reprendre plus tard (même hors-connexion) ;
• les envoyer à un ami.

On peut également sélectionner les résultats que l’on souhaite exporter. Une sélection exportée au format RSS peut ensuite facilement être ajoutée au flux RSS de la revue de presse d’une association (comme c’est le cas pour LQDN).
Cela épargne les deux-tiers du travail dans ce domaine, qui consistait sinon à copier chaque information (titre, date, source, extrait…) de la page du journal à l’outil générant le flux de la revue de presse.

D’ailleurs, pendant mes années de revue de presse à LQDN, plusieurs associations amies nous ont demandé quels outils on utilisait de notre côté. On a répondu à chaque fois qu’on utilisait plusieurs outils faits main (la nuit par l’un des cofondateurs) emboîtés les uns dans les autres sans documentation technique et que l’essentiel du travail restait fait à la main. C’était frustrant pour tout le monde.

Aujourd’hui, l’outil est là, revenez les amis, nous pouvons désormais tous nous partager Meta-Press.es !

logo de l’extension meta-press.es par Elisa de Guerra-Castro
Logo de l’extension par Elisa de Guerra-Castro

 

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Bon, pendant que les plus impatients sont déjà en train de tester l’extension et de s’en servir, nous avons d’autres lecteurs et lectrices un peu plus techniques qui veulent savoir comment ça se passe dans les coulisses, et pour commencer avec quelles briques tu as travaillé…

Techniquement, c’est fait en JavaScript moderne (ECMAScript6/7) avec tous les meilleurs exemples trouvés sur StackOverflow, developer.mozilla.org et surtout les API récentes comme : async/await, <script type= »module »>, fetch, crypto, domParser, XPathEvaluator

Je suppose que certain⋅es vont vouloir ajouter des « sources »…

Le processus de contribution des sources a été simplifié au maximum.

D’ailleurs, la première contribution à Meta-Press.es en a détourné l’usage pour y intégrer une dizaine de sources de publications scientifiques. C’est un cas auquel je n’avais pas pensé en développant Meta-Press.es, mais la contribution s’est facilement intégrée au reste du projet, on a juste eu à y mettre l’étiquette de thème : « science ».

  • Si la source propose des résultats de recherche sous la forme d’un flux RSS, il suffit en gros de préciser le nom de la source et l’adresse du flux (en remplaçant les termes de recherche par : {}) dans le champ d’exemple de source des paramètres de l’extension. La plupart des journaux qui utilisent le moteur WordPress fournissent ce flux (sûrement sans même le savoir), ce qui représente un tiers des sources de Meta-Press.es à l’international. En revanche en France, beaucoup de journaux utilisent SPIP comme moteur de site web, or SPIP n’intègre pas cette fonctionnalité par défaut… Une mise à jour serait très bienvenue ! En proportion, les flux RSS représentent donc environ 30% des sources actuelles, contre 1% de flux ATOM (la bataille est moins serrée qu’entre vim et emacs).
  • Si la source ne propose pas de résultats en RSS, l’exercice peut se résumer à rassembler une URL et 4 sélecteurs CSS. Toutefois, il faut donc parler HTML et CSS couramment, et bien souvent RegEx aussi pour arriver à ses fins. J’ai listé des documentations synthétiques dans le README.adoc du projet sur Framagit.

Une source est donc décrite par un objet JSON dans lequel on détaille comment accéder à chaque information dans la page de résultats (par des sélecteurs CSS donc pour pointer les éléments) et éventuellement en ajoutant un retraitement du texte obtenu par motif de remplacement en expression rationnelle. Pour s’exercer, l’ajout d’une source peut se faire directement depuis les paramètres de l’extension (où vous trouverez des conseils et les sources fournies en exemples). Si vous avez un résultat fonctionnel, vous pouvez vous contenter de me l’envoyer simplement par courriel, je m’occuperai de l’intégrer au projet.

J’avais testé en 2013 plusieurs solutions pour voir ce qui était le plus rapide dans le rapatriement et l’analyse des pages web listant les résultats de recherche de chaque source. Entre autres, les pages de résultat sont analysées par Firefox dans ce qu’on appelle un fragment de HTML. Ce dernier n’est pas complètement interprété par le navigateur web (pas de rendu graphique). Entre autres, les images et les feuilles de style de la page ne sont pas chargées. Il n’y en a pas besoin. En se contentant du HTML les choses se passent bien plus rapidement que s’il fallait charger les mégaoctets d’images et de traqueurs des journaux.

En puisant les résultats dans des flux RSS, le traitement devrait aller encore plus vite car la structure XML d’un flux RSS est minimaliste. Mais les serveurs web priorisent mal ces requêtes, alors les flux RSS mettent facilement plus de 10 secondes à arriver.

Une autre question épineuse, liée au JavaScript est celle de l’analyse des dates en format non américain. De nombreuses bibliothèques de fonction existent pour parer aux déficiences de la norme, mais elles sont généralement volumineuses et lentes. Je propose ma propre solution dans ce domaine, avec la fonction JavaScript `month_nb` qui se contente de transformer un nom de mois en son numéro, mais sait le faire pour 69 langues et n’a même pas besoin de connaître la langue du mois à convertir. J’en ai parlé plus longuement sur le site de Meta-Press.es notamment pour détailler l’aspect minimaliste et ré-utilisable de mon approche :  il fallait là aussi « faire rentrer le monde dans un fichier JSON » mais ça c’est bon, c’est fait.

Mais pourquoi avoir choisi une extension pour Firefox plutôt qu’une appli pour Android ou une appli standalone à installer sur son ordinateur… ?

Je faisais tenir mes premiers prototypes dans un unique fichier HTML. Je trouvais ça élégant d’avoir tout dans un seul fichier : le code, l’interface graphique, les données… Et puis un fichier HTML c’est facile à distribuer (par clé USB, en pièce jointe d’un courriel, directement sur le web…). Toutefois, comme je l’ai expliqué dans le billet « Motivations » du blog du projet, une contrainte technique empêchait ce modèle de fonctionner pour Meta-Press.es : on ne peut pas accéder au contenu d’une iframe depuis le JavaScript d’une simple page web.
Et puis j’ai compris qu’avec une extension pour Firefox la contrainte pouvait être levée. J’ai donc tout naturellement continué mon travail dans cette direction, en m’appuyant sur les technologies que je manipule au quotidien : le Web.
Avec un peu de recul, je considère que c’était une excellente idée. Firefox est probablement l’analyseur de HTML le plus rapide au monde, en cours de ré-écriture, par morceaux, en Rust. Piloter cette fusée via un langage de script se révèle à la fois plaisant et efficace.

Si j’avais voulu faire une application à part, j’aurais probablement utilisé le langage Python (dont je préfère la syntaxe, surtout édité avec vim et des tabulations !), mais j’aurais forcément eu à manipuler un analyseur de page web moins rapide et probablement moins à jour.

Ensuite, en tant qu’extension de Firefox, Meta-Press.es est aussi utilisable avec le navigateur web Tor, qui est taillé pour la protection de votre vie privée et installable en quelques clics sur n’importe quel ordinateur et quasiment n’importe que système d’exploitation.
Le navigateur Tor a été inventé en grande partie pour lire la presse en ligne sans être suivi, ni laisser de traces. Les deux font donc la paire. Avec le navigateur Tor les journaux ne savent pas qui vous êtes, et avec Meta-Press.es vous n’avez plus besoin de Google pour les trouver. Retour au modèle du bon vieux journal lu dans le fauteuil du salon, sans autres conséquences, ni à court, ni à long terme.

En ce qui concerne Android, l’extension fonctionne parfaitement une fois installée sur Firefox pour Android (ou la version IceCatMobile en provenance de la logithèque libre pour Android : F-Droid.org).

Mozilla offre l’avantage de fournir l’infrastructure de distribution du programme et un référencement (l’extension est facile à retrouver via le moteur de recherche d’addons.mozilla.org avec les mots-clés « meta presse »). Mozilla gère les mise à jour, des retours utilisateurs rapides ou complets via les commentaires, la notation par étoiles et même une porte de collecte de dons pour soutenir le projet — qui fonctionne très bien ;-).

Si l’on ajoute la documentation et les recommandations suite à l’analyse du code (automatique mais aussi effectuée par des humains), c’est une plateforme très accueillante.

Dans l’actualité récente les éditeurs de presse en ligne français étaient en conflit avec Google et son moteur de recherche. Est-ce que de nouvelles contraintes légales ne vont pas impacter Meta-Press.es ?

Oui, j’ai suivi ce feuilleton, et non ça ne devrait avoir de conséquence pour Meta-Press.es.
Pour reprendre un peu le sujet, tout se joue autour de la directive européenne sur les éditeurs de presse en ligne, que les élites du gouvernement se sont empressées de transposer en droit français, pour l’exemple et avec de grandes annonces.
Cet épisode a donné lieu en septembre à de savoureux échanges entre Google et les éditeurs. Le fond du problème était que les éditeurs, déjà sous perfusion de l’État, ont cru qu’ils pourraient taxer Google aussi (en améliorant la rente de leur situation, plutôt qu’en s’adaptant à un monde qui change), au moins pour un montant proportionnel à l’extrait d’article que Google republie chez lui, à côté de ses publicités, et dont de plus en plus de lecteurs se contentent (comme je l’ai détaillé dans ce commentaire sur LinuxFR.org).

Ça m’a fait bizarre, mais c’est Google que j’ai trouvé de bonne foi pour le coup : aucune raison de payer la rançon. Le géant américain a d’ailleurs simplement répliqué en retirant les extraits visés, en publiant des stats sur la faible consultation des résultats de Google News sans extrait, et en indiquant que pour un retour aux affaires il suffisait de préciser son accord via un fichier hébergé par chaque journal (une directive du fameux robot.txt).
En deux semaines la moitié des éditeurs avaient autorisé Google à reprendre gratuitement les extraits, au bout d’un mois tous avaient rejoint le rang. Tout ce travail législatif international pour en arriver là : un communiqué de presse du moteur de recherche et des redditions sans condition de la presse.

Aujourd’hui c’est facile à dire, mais je pense que les éditeurs n’ont pas pris le bon chemin… Au lieu d’essayer de jouer au plus malin et de perdre magistralement5, ils devraient chercher à s’émanciper de cet intermédiaire qui valorise sa pub avec leurs contenus. Un moyen de se débarrasser de cet intermédiaire, ce serait de développer eux-mêmes un Meta-Press.es, rien ne l’empêche techniquement. Après, j’ai quelques années d’avance, mais rien ne les empêche non plus de me soutenir.

Je me suis logiquement fait quelques sueurs froides, inquiet de voir bouger l’horizon juridique d’un projet sur lequel je me suis attelé depuis plusieurs années. Mais je vais pouvoir laisser les extraits de résultats de recherche dans Meta-Press.es, car cet outil n’entre pas dans le périmètre d’application de la loi, qui ne vise que les plateformes commerciales, ce que n’est pas Meta-Press.es. De plus, Meta-Press.es ne publie rien, tout se passe entre le navigateur d’un internaute et les journaux, pas d’intermédiaire.

Pas d’intermédiaire, mais plein d’idées pour continuer le développement de l’outil ?

Ça oui ! À commencer par l’indispensable mise en place d’un cadriciel (framework) de test automatisé des sources, pour tenir toute la collection à jour en détectant celles dont la présentation des résultats a changé et doit être revue.
Ensuite, j’ai déjà évoqué l’ajout d’un format d’export CSV ou la présentation de l’extension sur écran de téléphone, mais l’outil pourrait par exemple également être internationalisé pour en diffuser plus largement l’usage.
Une grande idée serait d’implémenter un test de rapidité de réponse des sources, pour ne retenir que les sources qui répondent rapidement chez vous.
La possibilité de récupérer plus que les 10 derniers résultats de chaque source est également sur les rails, et en fait malheureusement, la TODO-list du projet ne fait que s’agrandir au fur et à mesure que je travaille à la réduire…

Comment vois-tu la suite pour Meta-presse.es ?

Meta-Press.es n’est pas une grande menace pour Google, mais c’est une alternative techniquement viable.

Il faut maintenant faire l’inventaire des journaux du monde6 et mettre cet index en commun dans le dépôt des sources de Meta-Press.es. Je n’y arriverai pas seul, mais je suis bien déterminé à faire cette part de dé-Google-isation de l’internet7 et à la faire bien, dans la plus pure tradition Unix (une chose à la fois, mais bien faite).

Cela fait déjà des années que je travaille sur Meta-Press.es et je porterai ce projet le plus loin possible. Avec moi une contribution n’est jamais gaspillée. Alors je compte sur vous pour m’aider à indexer la presse en ligne.

Je vous encourage à bidouiller votre source préférée et à me l’envoyer si elle fonctionne ou si vous avez besoin d’un coup de pouce pour terminer. Indiquez-moi par courriel les sources à flux RSS que vous avez trouvées car elles sont très rapides à intégrer, et normalement stables dans le temps8.

Cet inventaire, réalisé pour un projet libre et fait dans un format standard (JSON) sera réutilisable à volonté. C’est une autre garantie qu’aucune contribution ne sera perdue.

D’autres malices dans ta boîte à projets ?

Avec les connaissances acquises en développement d’extension pour Firefox, il y a d’autres problèmes auxquels j’aimerais proposer des solutions… Je pense par exemple au paiement en ligne sur le Web. C’est parce qu’il n’y a pas de moyen simple de payer en un clic que la plupart des éditeurs de contenus s’empressent de grever leurs œuvres de publicité, parce que ça, au moins, ça rapporte, et sans trop d’efforts.

Une solution pourrait être proposée sous la forme d’une extension de Firefox. Une extension qui lirait le contenu des liens affublés du protocole payto: (comme il existe déjà le mailto:), ouvrirait une fenêtre de sélection de banque, proposerait de vous loguer sur votre compte via le site officiel de votre banque, et vous avancerait en lecture rapide jusqu’à la validation d’un virement bancaire, pour le destinataire précisé dans le lien payto:, pour le montant, le libellé et la devise précisée.

Dans l’idéal, les banques proposeraient une interface pour faire ça facilement, mais elles ne le font pas, et on n’en a pas forcément besoin pour que ça marche, il suffit d’arpenter leur interface web comme on le fait pour les résultats de recherche des journaux avec Meta-Press.es.

Coupler cette idée avec les virements rapides que les banques sont en train de concéder pour faire face au Bitcoin, et voilà, le Web serait réparé…

S’il y a des financeurs que ça intéresse, moi je sais faire…

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« On veut que le boulanger du coin puisse facilement utiliser les services de Nubo »

Si vous lisez ces lignes, vous êtes en théorie déjà familier avec le collectif CHATONS initié en 2016. Aujourd’hui, direction la Belgique pour découvrir Nubo, une coopérative qui propose des services en ligne respectueux de la vie privée.

Interview réalisée par TKPX

NUBO est un regroupements d’acteurs (associations à but non lucratif et coopérative belges) actifs depuis des années dans Internet et les logiciels libres. En plus d’avoir des services libres et éthiques (boite mail et stockage cloud, avec carnet d’adresses et calendriers), en achetant des parts, les coopérateurs et coopératrices seront copropriétaires de l’infrastructure technique. Nubo, ce sera un abonnement à partir de de 2,5 € par mois pour 5 Go d’espace (prix prévu à ce jour)

photo de Stijn, cofondateur de la coopérative NuboBonjour Stijn, peux-tu te présenter ?
Je suis développeur web depuis plus de 20 ans, et j’ai toujours travaillé pour des projets à dimension sociale ou environnementale. J’ai aussi travaillé un peu dans la communication. Cela fait maintenant quelques années que je suis actif dans le noyau dur de Nubo où je suis le seul néerlandophone. J’ai quatre enfants.

Tu es un des fondateurs de la Coopérative Nestor, une des structures fondatrices de Nubo…
Oui, c’est là que je fais mon travail de développement web, et qu’on propose de mettre en place des services pour se libérer des GAFAM. Nestor utilise des logiciels libres et lutte pour la protection de la vie privée et un Internet libre. On propose du Matomo, du Nextcloud, CiviCRM, ce genre d’outils à nos clients. La création de sites web est notre cœur de métier mais nous essayons de trouver de nouveaux moyens de proposer des services en lien avec nos valeurs. La question de la vie privée est aussi centrale, bien que certains clients demandent parfois des choses que nous ne voulons pas mettre en place. Nestor répond surtout à des entreprises, ce qui est différent chez Nubo, dont le public cible est les particuliers.Logo de Nubo, coopérative numérique qui fédère des assos belges

Comment s’est faite la création de Nubo ? Comment le rapprochement avec les autres structures (comme Neutrinet) s’est-il fait ?
En 2017 avec Nestor nous avons entendu parler d’un groupe à Bruxelles, qui à cette époque s’appelait encore Chatons Bxl. Pas mal de gens étaient intéressés par ce groupe et il y a eu plusieurs rencontres avant que nous y arrivions. Comme nous avions aussi travaillé en amont sur la question d’une telle coopérative, lorsque nous avons rencontré Chatons Bxl, ça a tout de suite accroché. Ensemble nous sommes devenus le projet Nubo : un groupe de travail de 6 personnes venant chacune d’une association/coopérative. On a travaillé longtemps sur le projet et nous avons été accompagnés pendant environ 9 mois par un programme de lancement d’entreprise sociale chez Coopcity. Nous y avons trouvé notamment de l’aide au niveau légal, sur la façon de concevoir les statuts pour une coopérative, d’établir un plan financier… ce genre de choses. C’était une grande période intense avec beaucoup de réunions.

Pourquoi un statut de coopérative et pas simplement d’association ?
L’idée de base a toujours été que les utilisateurs deviennent propriétaires de l’infrastructure. C’est le modèle économique qui nous convient. Il est possible de faire des dons à Nubo mais on souhaite vraiment créer un modèle viable et montrer aux gens que ce n’est pas obscur, que c’est faisable.
Nous savons qu’il existe d’autres coopératives numériques, je pense à ma collègue Agnez qui est assez active dans le réseau des LibreHosters  (le petit cousin anglophone des CHATONS). Et nous sommes tous plus au moins affiliés aux CHATONS : l’association Domaine Public, une des structures fondatrices de Nubo, est un CHATONS. Concrètement, nous avons vu qu’il existe beaucoup d’ASBL (Associations Sans But Lucratif) ou de fondations, mais on pense que la coopérative est plus durable. Bien sûr, s’il y a des projets qui fonctionnent autrement, je leur souhaite le meilleur.

Tu penses quoi des CHATONS en France ? Il y a beaucoup d’associations dans le lot.
J’aime bien ! Si ça marche, c’est super pour les gens. Pour nous, le but est d’arriver à 2000 coopérateurs. Si on y arrive, la coopérative devient viable. Mais je ne sais pas si par rapport à la France, 2000 membres équivaut à un gros CHATONS.
Pour nous, le plus important est de trouver le moyen que les non-geeks puissent utiliser des services libres. Les logiciels sont là, les moyens techniques sont présents, il reste encore à rendre ces services accessibles à tous. On veut que le boulanger du coin puisse facilement utiliser les services de Nubo.

Et toi, tu as toujours été libriste ?
Ma carrière professionnelle a commencé sur Windows comme graphiste, donc avec la suite Adobe. J’ai ensuite switché sur Mac. J’ai encore toujours certains projets de travail que je fais sous Mac, mais clairement je préfère le libre. J’ai toujours cherché des solutions conformes à mes valeurs et l’enfermement que propose Apple ou Adobe ne me convient pas. L’idée de coopération et de choix est quelque chose d’important. Mais ce n’est pas toujours facile de remplacer les logiciels professionnels par du libre.

Tu essaies aussi de sensibiliser tes enfants au libre ?
Pour le moment, ils ne sont pas intéressés. J’ai un enfant gamer donc il veut que ça marche sur Windows. Quand je parle du sujet avec eux, ils sont d’accord, ils écoutent, mais ils retournent utiliser Facebook et Instagram. Néanmoins j’ai installé pour ma famille un serveur Nextcloud, notamment pour synchroniser les fichiers et les agendas.

Y a t il d’autres associations ou coopératives néerlandophones qui se posent ces questions-là ?

Je dois avouer qu’en Flandre, c’est difficile. Il n’y a pas trop de mouvement. Depuis peu, je suis entré dans un groupe de travail qui va faire de la sensibilisation auprès des organisations. Donc ça commence à bouger, et je suis curieux de voir cette évolution. On commence enfin à avoir des évènements autour de la vie privée. Mais on n’est clairement pas aussi actif qu’en France.

Est-ce que vous souhaitez faire connaître Nubo en France ?
L’idée est que l’entreprise reste locale et soit proche des utilisateurs, des coopérateurs, avec des moments d’entraide et des temps de rencontres. Notre base sera donc toujours la Belgique. Via l’ancrage de nos associations fondatrices nous voulons accompagner le public sur des tâches simples, comme l’envoi de mail ou comment synchroniser ses appareils par exemple, car ça reste difficile pour de nombreuses personnes. Et nous pensons que c’est nécessaire pour favoriser l’émancipation des gens.

Des coopérateurs français sont évidemment les bienvenus, mais la base des utilisateurs doit rester belge. Nous voulons aussi aider d’autres coopératives à se monter, en France pourquoi pas. Dans l’idéal, si c’est permis de rêver, il y aurait une coopérative comme Nubo par commune, ville ou quartier. Mais pour l’instant nous créons une coopérative qui s’adresse au gens partout en Belgique. Bon, les germanophones sont malheureusement laissés à l’écart… nous n’avons actuellement pas la force d’ajouter encore une langue.

Vous allez chercher des bénévoles ou bien les fondateurs vont rester un petit noyau dur ?
Le but est d’avoir les 50 000 euros pour pouvoir lancer les services. Nous devons créer l’interface pour gérer facilement son abonnement. Mais l’objectif n’est pas que les fondateurs restent là avec une position de chef. On a intégré dans nos statuts une finalité sociale qui sera très difficile à modifier. Les fondateurs ont les mêmes droits que les coopérateurs (qu’importe le nombre de parts possédées) et donc tout sera dans les mains des coopérateurs s’ils veulent faire des modifications.
Nous travaillons déjà avec de l’aide de bénévoles pour la traduction par exemple et nous en avons encore besoin pour faire connaître le projet et créer un réseau d’entraide. (Nous-mêmes du « noyau dur » avons été ou sommes encore bénévoles pour Nubo.)

papa passe avec un panier de linge et demande à sa fille qui tripote son smartphone vautrée sur un fauteuil si elle n’a pas ses devoirs à faire. Si, dit-elle mais je regarde le photos de Mamie sur Nubo. Ah bon mamie utilise Nubo ? Oui répond la gamine, d’ailleurs elle se démerde vachement mieux que toi.
Illustration de Lucie Castel

Il manque encore 10 000 euros pour arriver à l’objectif mais ça avance plutôt vite. Une date de lancement à nous communiquer ?
On espère arriver à l’objectif avant la fin de l’année mais rien n’est garanti. On estime avoir ensuite besoin de 3 à 4 mois pour préparer les services, finir la documentation, acheter des serveurs, et tester tout ça.
On préfère évidemment lancer un service stable plutôt que démarrer trop vite.

En plus du mail et du cloud, d’autres services sont-ils à prévoir ?
Et bien ça sera aux coopérateurs de décider. Ce choix de proposer du mail et du cloud est le résultat d’une enquête que nous avons menée il y a 2 ans. On demandait aux gens le type de services qu’ils souhaitaient si une coopérative se montait, et c’est clairement le mail et le cloud qui ont été les plus demandés.

Sur le site Nubo, vous avez rédigé en utilisant l’écriture inclusive. Un petit mot là-dessus ?
L’idée est d’avoir une coopérative inclusive. Nous voulons que ce soit accessible pour tout le monde, qu’il s’agisse du message que nous portons que des services que nous allons proposer. Il existe déjà assez de barrières physiques dans le monde, nous voulons vraiment ouvrir le monde du libre pour les non-geeks.

Pour plus de détails, vous pouvez retrouver toutes les informations sur https://nubo.coop/fr/faq/

discussion de deux femmes en terrasse à propos de Nubo : l’une émet des doutes sur la pérennité du truc "une coppérative comme des fermiers, tu crois que ça va durer autant que l’URSS". l’autre l’envoie promener en évoquant le statut de coopérateur de chaque membre.
Illustration de Lucie Castel




Let’s De-frama-tify the Internet !

Wait up before you yell at us! but yeah, we are here to announce the gradual closing down, spanning several years, of some services from the De-google-ify Internet campaign. We want to achieve this goal in a spirit of cooperation, so that we can focus on more decentralization and efficiency for people who are aiming to make a positive change in the world, no matter how small .

This article is quite long. Our complex thinking can’t be reduced to a tweetable soundbite. We recommend you read this article from start to finish, but you will find its key points at the end. And the original French blogpost is here.

What’s going on?

We’ve said it time and time again: Framasoft is -and wishes to remain- a human scale organization, a team of enthusiasts DIY-ing their way through changing the world, one byte at a time. Our organization is made of 9 employees and about thirty members and every year, 700 to 800 volunteers help us (whether it be for one hour or throughout the year). Over 4000 patrons fund our projects (thank you <3), and every month, hundreds of thousands people benefit from those.

Yet Framasoft is more than all of this: dozens of blog articles, around a hundred of meetings, conferences & workshops every year, a publishing house for free-libre books, lots of responds to the requests of many media outlets and a collaborative directory of free-libre solutions. We currently develop two important softwares (PeerTube and Mobilizon), and we are working on so many cool partnerships and collaborative projects that we’re going to need three months to introduce you to all of them… (See y’all in October !)

Our pal JCFrog teasing us a bit

One thing is for sure: we, at Framasoft, hold our not-for-profit status close to our hearts. We don’t want to become start-up nor replace Google. We want to preserve our identity without burning ourselves out (we’ll touch on that some more in the following weeks, as we have sometimes overworked ourselves in the past), and keep on experimenting with new things. If we want to achieve all of these goals, we have to reduce our (heavy) workload.

Why are we closing down some services?

From the start, we advertized the De-google-ify Internet project as an experiment, a proof of concept, which was set to stop at the end of 2017. What we had not foreseen was that the discourse about current web centralization (which only nerds like us cared about in 2014) would generate such enthusiasm, and that as a consequence, so many expectations would be placed on us. In plain English: De-google-ify Internet, and all of the services that come with it, was not meant to centralize so many users, nor to lock them up in frama-stuffs that would last to infinity (and beyond).

Apart from our « just for kicks » projects (Framatroll and Framadsense: still love you, fam), there are 38 services on the De-goole-ify Internet servers. That’s a lot. Like, seriously, a lot. This means 35 different softwares (each with its own update pace, active or dormant communities, etc.), written in 11 programming languages (and 5 types of databases), shared on 83 servers and virtual machines, all in need of monitoring, updating, adjusting, backing-up, debugging, promotion and support integration… It’s a lots of care and pampering, in the same vein as keeping hotel rooms visited by thousands of individuals every month.

Actually, even we can’t keep up with the list of the services we offer -_-‘…

Well, some services barely work anymore (Tonton Roger). Other started as experiments that we couldn’t carry on with (Framastory, Framaslides). Some services have such a large technical debt that even when we spent several days of development in them, we are only delaying their inevitable collapse (Framacalc). Other services could, left to their own devices, grow forever, limitless, which is unsustainable (Framasite, Framabag, Framabin, etc.). When you are as known as Framasoft in the French-speaking community (Framalink, Framapic), some service are extremely work-intensive in order to prevent and fight misuse. And don’t get us started on federated social medias (Framapiaf, Framasphere): they require a lot of moderation, and would operate much more fluidly had we not welcomed so many users.

And to top it all off… this is no healthy functioning! We all know how handy it is to be able to say « if you want alternative solutions, just look at Framastuffs! ». It is very reassuring to find everything in the same place, under the same name… We are aware of this phenomenon, and that’s why we decided to use « frama », in a way not dissimilar to a brand -though that is frankly not our cup of tea. Except internet centralization is unhealthy.

Internet centralization is risky, too. Not only was it not meant to become so centralized, but also putting all of our data in the same basket is just how you centralize power in the hands of hosts system administrators. Besides, this is precisely the slippery slope from which Google and Facebook emerged.

Therefore, de-frama-tifying is on the agenda.

Decentralization is one more click away

Let’s take time to exploit one of the great perks of free softwares over proprietary softwares. When (totally random example) Google burries its umpteenth project, the code is usually proprietary: Google deprives us from the freedom to take this code over and install it on our servers.

click on the picture to discover CHATONS

On the contrary, free softwares allow anyone to take the reigns. For example, Framapic doesn’t belong to Framasoft: everyone is legally entitled to install the Lutim software somewhere on their server and let anyone they see fit benefit from it… Actually, this spirit of decentralization is the reason why we have worked with self hosting-easing tools (like Yunohost), as well as with CHATONS (collective of independant, transparent, open, neutral and ethical hosters).

Our goal with this early announcements (concerning, for example, Framapic) is twofold.
Firstly, we hope this will incentivize many hosts to open their Lutim instances, aka the same service (looking at you, fellow CHATONS). Secondly, this gives us time to pick hosting offers and to display them on the Framapic landing page, redirecting you in one click to the same service, except with a different host. All of this will be implemented as soon as we announce Framapic’s close down (one year before it actually happens).

So, what happens next?

Smoothly, and over two years! at the very least. (Might take longer if we stumble on our keyboards and sprain our phalanxes! You never know until you know).

Now that we can all catch our breath, reassured that free and ethical services are SWAG, it is (high) time we start transitionning from the « everything Framasoft » instinct. Less frama services means all of you can explore elsewhere. It’s kinda as if we said:

Our digital CSA is at full capacity, but we are not leaving you with an empty basket: our network of CSAs and other network members will be delighted to welcome you.

We are laying the groundwork for y’all. In a spirit of transparency, you can dowload this spreadsheet [FR] that shows in detail our estimated closing down schedule. And if you prefer to have a general look, here is our we plan this closing down:

If we take a closer look, there’s a similar pattern for each service involved:

0. First things first, we announce today our plan to close down some of our services, allowing everyone to see clearly what’s happening, and to self-manage so as to fill in for this or that service. During all the following months we will attempt, as much as can be, to make the job of migrating towards other service providers easier.
  1. Then, we announce on each concerned service that it will be first restricted, then closed down (1rst column). We will display on the landing page a link to hand-picked alternative hosts (same software or similar one).
  2. Afterwards, we limit the service use (2nd column). The goal here is to close the door to newcomers (they won’t be able to create a new account, a new calc, or to upload a new file). We will advise them on alternatives solutions, all the while giving existing users time to migrate their account and personal data if they still up on our services.
  3. At last, we close down the service whenever possible (last column on the board) or we make it invisible when maintaining a certain amount of continuity is necessary (e.g. existing frama.link will still redirect to the right web address).

We are not closing down everything, and certainly not now (save for one)

Framastory and Framanews pose a lot of technical issues, forcing us to act quickly. They will be the first services impacted. They will be restricted at the start of 2020, and closed down a semester later. For all of the other services we talked about earlier, restrictions will only start during summer 2020 (even summer 2021 for some), and the first closing downs will not happen before 2021 – in some cases, not before 2022!

Simply put, the only exceptions to this rule will be the service we won’t close down, (Framadate, Framapads and MyPads, Framavox, Framagenda, Framatalk, the collaborative Framindmap, Framacarte), as well as those we are just moving to our « free-libre culture » project (Framagames and Framinetest). This includes Framadrive, which now has been on limited access for a while because of how popular it became, with 5000 accounts created. This is the limit we had set from the start, and we intend on keeping things that way.

And then, there’s Framabee, aka good old Tonton Roger, our meta search engine that no longer quite works. Some might say we should just finish it off, other would prefer for the landing page to state « killed by Google » . Indeed, no matter how much we hacked, Google & Co received too many queries from us and started refusing them en masse… which proves further that centralizing uses, even here at Framasoft, just won’t cut it! We’ll let Tonton Roger retire early: next month, we’ll wave him goodbye and gift him a pair of slippers.

That night when we came up with the brilliant idea of picking 3 different domain names for the same search engine

Spring cleaning so we can more forwards together

We have learnt a lot. The “de-google-ify” campaign showed us that users don’t have to follow the « the client is king » model, or to behave like Karen « I wanna speak to the manager » Von Soccer Mom. Yall have gracefully dealt with week-end server crashes (our system administrators don’t have to work on week-ends), slightly less fancy-looking tools, and limitations on service use so as to give space for other users… In short: there is room in our lives for hand-crafted digital tech, aka small techs, in the most noble sense of the term.

Everything we have learnt since 2014 leads us to think we need a change. Clearly, we don’t want to let people (i.e. y’all!) high and dry, or give you the impression that free culture and softwares is an unkept promise. Quite the opposite: we were happy to introduce you to FLOSS solutions and to help you take them on (thanks for your efforts!). Your trust in and craving for for ethical digital tools are precious: we don’t want to make anyone lose their mojo, only to take you all one step further.

dessin de Mobilizon par David Revoy
Mobilizon, illustrated by David Revoy – Licence : CC-By 4.0

And by the way, we are taking the time to do something GAFAMs & Co have never cared to do: announcing way ahead of time our closing down plans and helping our users in the road towards de-google-ifying. We are getting rid of what no longer sparks joy, putting some order in the tools and experiment we have accumulated over the years in our backpacks. This will give space and availability for what’s next.

PeerTube and Mobilizon are proof of our desire to move away from the « just-like-Google-but-with-ethics » software model. Starting this October and spanning three months, we will be reviewing our « Contributopia » roadmap, and y’all will see that there is a lot to talk about. You’ll discover many more projects we hadn’t seen at the bottom of our digital backpack.

We are very excited for the next steps, as we have many announcements and contribution stories to share… see you in mid-October, we can’t wait!

One year to offer you a new proposition

Drawing on what we learnt from De-google-ify Internet, we sense that it’s possible to build a new, simpler, and handier offer for a range of services, both for users and hosts.
Through observing your uses of those services and listening to your expectations, we (along with many other people!) believe that Nextcloud, rich in many applications, is one way to go. We believe this software could fulfill most of the needs of people trying to change the world.

You can do a lot with Nextcloud

We’re giving ourselves a year to contribute (once again) to this software, stir in it, experiment with buddies and offer you a new proposition, which hopefully will make de-google-ifiying even easier… just like de-frama-tifying!

Key points:

  • We refuse to become the « default » solution and to monopolize your uses and attention (that’s how we empowered GAFAM & Co)
  • 38 services, it’s way too complex for you to adopt and for us to host
  • We wish to stay an organization of a human scale, and retain our human warmth… a sort of digital CSA;
  • We propose to take the next step towards data decentralization:
    • By gradually closing-down some frama-services so their landing-pages can become gateways to other hosters
    • By taking the time to offer a new simpler range of services for users (through a single sign-on account for example)



Déframasoftisons Internet !

Ne hurlez pas tout de suite, mais nous annonçons ici la fermeture progressive, sur plusieurs années, de certains services de « Dégooglisons Internet ». Nous voulons le faire en bonne intelligence, afin de concentrer nos énergies vers plus de décentralisation et d’efficacité pour les actrices et les acteurs de la contribution.

Cet article est long. Notre réflexion, complexe, ne peut pas se réduire à un tweet. Nous vous recommandons de lire cet article dans son intégralité, mais nous avons essayé d’en extraire les points principaux, que vous retrouverez en bas de cette page.
Mise à jour (janvier 2021) :

Nous avons complètement remis à jour notre plan de « déframasoftisation ». Nous avons pris en compte de nombreux paramètres (vos usages, l’évolution de certains logiciels, la disponibilité d’alternatives, les conséquences des événements de 2020…) et décidé de poursuivre en 2021 le maintien de certains services, le temps d’y voir plus clair.

Si les raisons exposées ici restent valables, merci de ne pas tenir compte des annonces dans les textes et images de cet article.

Le calendrier mis à jour se trouve sur la page Alt.framasoft.org.

Qu’est-ce qui se passe ?

On le répète à l’envi : Framasoft est, et souhaite rester, une association à taille humaine, un groupe de passionné·es qui expérimentent pour tenter de changer le monde (un octet à la fois). Il y a 9 salarié⋅es, dans une association qui compte une trentaine de membres depuis plusieurs années. Des membres qui, chaque année, maintiennent des actions auxquelles contribuent 700 à 800 bénévoles (pour une heure ou tout au long de l’année), des actions financées par plus de 4 000 donatrices et donateurs (merci <3), et qui bénéficient à des centaines de milliers de personnes chaque mois…

Or Framasoft, c’est aussi des dizaines d’articles blogs, une centaine de rencontres, conférences et ateliers par an, une maison d’édition de livres libres, de nombreuses réponses aux médias qui nous sollicitent, l’animation d’un annuaire collaboratif de solutions libres, deux gros logiciels en développement (PeerTube et Mobilizon), et des contributions/partenariats tellement cools et nombreux qu’il va nous falloir trois mois pour tout vous présenter… (rendez-vous en octobre !)

Des parodies complices créées par l’ami JCFrog

Une chose est sûre, à Framasoft : nous tenons à notre modèle associatif, nous ne voulons pas croître en mode « la start up qui veut se faire plus grosse que Google ». Si nous voulons garder notre identité sans nous épuiser à la tâche (et là aussi, on en reparlera dans les semaines qui viennent, mais on s’est parfois surmené·es), et si nous voulons continuer d’expérimenter de nouvelles choses, il faut que nous réduisions la charge qui pèse sur nos épaules.

Pourquoi fermer certains services ?

Dès le départ, Dégooglisons Internet a été annoncé comme une expérimentation, une démonstration, qui devait s’achever fin 2017. Nous n’avions pas prévu que parler de la centralisation du web (qui n’intéressait que les passionné·es, en 2014) susciterait une telle adhésion, et donc autant d’attentes. En clair : Dégooglisons Internet, et l’ensemble des services qui y sont proposés, n’a pas été pensé pour centraliser autant d’utilisateurs et d’utilisatrices, ni pour les enfermer dans des framachins qui dureraient à l’infini (et au delà).

Si on exclut les services « pour la vanne » (mais on vous aime, Framatroll et Framadsense !), il y a 38 services sur les serveurs de Dégooglisons Internet. C’est beaucoup. Vraiment beaucoup. Cela signifie 35 logiciels différents (chacun avec son rythme de mise à jour, ses communautés qui s’activent ou s’épuisent, etc.), écrits dans 11 langages (et 5 types de bases de données), répartis sur 83 serveurs et machines virtuelles, qu’il faut surveiller, mettre à jour, régler, sauvegarder, déboguer, promouvoir, intégrer à notre support… bref qu’il faut bichonner, comme on nettoie et prépare les chambres d’un hôtel disparate visité par des centaines de milliers de personnes chaque mois.

Même nous nous n’arrivons pas à tenir à jour la liste de tous les services que nous proposons -_-‘…

Or il y a des services qui ne marchent quasiment plus (Tonton Roger). Des services qui étaient des expérimentations que nous n’avons pas pu poursuivre (Framastory, Framaslides). Des services dont la dette technique est si lourde que même en y investissant plusieurs jours de développement dessus, on ne fait que retarder leur inévitable effondrement (Framacalc). Il y a aussi des services qui, si on les laisse faire, peuvent croître de manière illimitée et infinie, ce qui n’est pas tenable (Framasite, Framabag, Framabin, etc.). Il y a des services qui demandent beaucoup, beaucoup d’efforts si on veut éviter les utilisations frauduleuses, quand on est aussi visible que Framasoft (Framalink, Framapic). Ne parlons pas du cas des médias sociaux fédérés (Framapiaf, Framasphere), qui demandent un lourd travail de modération et fonctionneraient de façon bien plus fluide si nous n’avions pas accueilli autant d’inscriptions.

Sans compter que… ce n’est pas sain ! On le sait, c’est hyper pratique de pouvoir dire « tu veux une alternative, va voir les Framachins ! ». C’est rassurant d’avoir tout dans un même endroit, sous un même nom… On le sait, et c’est même pour cela qu’on a utilisé cette technique de la marque « frama », qui pourtant, n’est vraiment pas notre tasse de thé.

Mais centraliser des trucs sur Internet, ce n’est pas une bonne idée : non seulement ce réseau n’a pas été pensé pour créer des points de centralisation, mais surtout c’est en mettant toutes nos données dans le même panier que l’on concentre les pouvoirs entre les mains des personnes qui gèrent les serveurs, et c’est sur cette pente glissante que se sont créés des géants du web tels que Google ou Facebook.

Il faut donc nous déframasoftiser.

Mettre la décentralisation à portée de clic

Nous allons prendre le temps d’exploiter un des grands avantages du logiciel libre sur le logiciel propriétaire. Quand (au hasard) Google met un énième projet dans son cimetière, la plupart du temps, le code est privé : Google prive alors chacun·e d’entre nous de la liberté de reprendre ce code et de l’installer sur nos serveurs.

cliquez sur l’image pour découvrir le collectif CHATONS

Le logiciel libre, au contraire, permet à d’autres de prendre le relais. Par exemple, Framapic n’est pas exclusif à Framasoft : n’importe qui a le droit d’installer le logiciel Lutim sur un coin de serveur et d’en faire profiter qui bon lui semble… C’est d’ailleurs dans cette optique de décentralisation que nous avons travaillé sur des outils facilitant l’auto-hébergement (tel que Yunohost), ainsi qu’avec le collectif d’hébergeurs alternatifs qu’est CHATONS.

Notre objectif, en annonçant longtemps à l’avance des fermetures de services comme Framapic, par exemple, est double. Premièrement, nous espérons que cela motivera de nombreux hébergeurs à ouvrir leur instance du logiciel Lutim, donc du même service (nous pensons aux camarades du collectif CHATONS). Et ensuite, cela nous donne le temps de repérer des offres d’hébergement et de les afficher sur la page d’accueil de Framapic. Ainsi, cette page d’accueil vous emmènera, d’un clic, vers le même service, chez un autre hébergeur… et ce, dès l’annonce de la fermeture de Framapic (un an avant qu’il ne ferme).

Comment ça va se passer ?

En douceur, et sur deux ans ! Enfin deux ans… au moins. (Non parce que si on trébuche sur nos claviers et qu’on se foule une phalange, ça peut prendre plus longtemps !)

Maintenant que nous nous sommes rassuré·es ensemble, et assuré·es du fait que les services libres et éthiques, c’est chouette… Il est temps de lancer un mouvement de transition pour sortir du réflexe « tout Framasoft ». Mettre les frama-services en retrait pour que vos usages rebondissent ailleurs, c’est un peu comme si nous vous disions :

Notre AMAP du numérique est au maximum de sa capacité, mais on ne va pas vous laisser comme ça avec votre cabas : nous faisons partie d’un réseau d’AMAPs et d’autres membres du réseau seront ravis de vous accueillir.

On va vous préparer le terrain. Afin d’agir en toute transparence, nous vous proposons de télécharger un tableur détaillé du calendrier prévisionnel des fermetures. Et pour les personnes qui veulent juste avoir un regard global, voici un tableau résumant la manière dont nous envisageons ce plan de fermetures.

Si on regarde de plus près, le schéma est le même pour tous les services concernés :

Étape 0. D’abord, nous annonçons notre plan de fermeture d’une partie des services (ça, c’est aujourd’hui). Cela permet à chacun·e d’y voir clair, de prendre les devants et de s’auto-gérer pour prendre le relais sur tel ou tel service. Tout au long des mois à venir, nous essaierons, tant que faire se peut, de faciliter la migration vers d’autres hébergeurs de services ;
  1. Ensuite, on annonce sur chaque service concerné qu’il va bientôt être restreint, puis fermé (1ère colonne du tableau). On affiche alors sur la page d’accueil un lien vers des hébergements alternatifs (d’un même logiciel ou équivalent) que nous aurons repérés et sélectionnés ;
  2. Après, on restreint l’usage du service (2e colonne). L’idée est de fermer la porte aux nouveaux venus (ne plus pouvoir créer un nouveau compte, un nouveau calc, ou uploader un nouveau fichier) en les redirigeant vers des alternatives disponibles… tout en donnant le temps de pouvoir migrer son compte et ses données aux personnes qui sont encore inscrites sur nos services ;
  3. Enfin, on ferme le service lorsque c’est possible (dernière colonne du tableau) ou alors on l’invisibilise lorsqu’il est nécessaire d’assurer la continuité de ce qui y a été fait (par exemple, les frama.link existants continueront de rediriger vers la bonne adresse web).

On ne ferme pas tout, et certainement pas tout de suite (sauf un)

Framastory et Framanews, dont les lourdes contraintes techniques nous forcent à agir rapidement, seront les premiers à suivre cette route avec une restriction début 2020 et une fermeture un semestre plus tard. Pour tous les autres services concernés, les restrictions ne débuteront qu’à l’été 2020 (voire l’été 2021 pour certains), et les premières fermetures n’interviendront pas avant 2021 ; voire, pour certains services, pas avant 2022 !

Les seules exceptions à cette façon de faire sont, tout simplement, les services que nous ne fermerons pas (Framadate, les Framapads et MyPads, Framavox, Framagenda, Framatalk, le Framindmap collaboratif, Framacarte), auxquels s’ajoutent ceux que nous déplaçons juste dans notre axe « Culture Libre » (Framagames et Framinetest), ainsi que Framadrive (qui, lui, a très vite atteint la restriction des 5000 comptes que nous nous étions imposés… ce qui va rester ainsi).

Ah, oui…. et puis il y a Framabee, aussi connu sous le nom de Tonton Roger, le méta-moteur de recherche qui ne marche vraiment plus. D’aucuns disent qu’il faut l’achever, d’autres pensent qu’il faut lui faire dire que « Google m’a tuer », car malgré nos bidouillages, Google (et ses collègues) recevait trop de requêtes de notre part et s’est mis à les refuser en masse… comme quoi centraliser les usages, même chez Framasoft, ça ne marche vraiment pas ! Nous, on pense lui offrir une retraite anticipée : dès le mois prochain on dit bye bye à Framabee et on offre des charentaises à Tonton Roger !

Cliquez pour lire le document historique retraçant la soirée où nous avons eu la brillante idée d’avoir 3 noms de domaines pour un moteur de recherche.

Ranger le sac à dos, pour mieux avancer ensemble

Nous avons beaucoup appris. L’expérience de « Dégooglisons Internet » a démontré que lorsqu’on ne vous traite pas de consommatrices-ménagères et de clients-rois, vous savez accepter avec grâce qu’un serveur reste planté durant le week-end (parce qu’on n’impose pas d’astreintes à nos admin-sys), qu’un outil soit parfois un poil moins joli ou qu’il faille limiter son utilisation du service afin de partager l’espace avec d’autres… bref : qu’il y a une place, dans vos vies, pour du numérique artisanal, au sens noble du terme.

Toutes ces leçons, que nous récoltons depuis 2014, nous mènent à penser qu’il faut entamer une transition. Nous ne voulons certainement pas laisser les gens (vous !) le bec dans l’eau, et donner l’impression que le Libre est une promesse non-tenue. Au contraire, nous avons eu la joie d’attirer votre attention vers des solutions libres et de vous avoir aidé à les adopter (merci pour ces efforts !). Cette confiance, cette appétence pour des outils numériques pensés de manière éthique est précieuse : nous ne voulons pas la décevoir, juste l’accompagner un pas de plus sur le chemin.

dessin de Mobilizon par David Revoy
Mobilizon, illustré par David Revoy – Licence : CC-By 4.0

Vous noterez au passage que nous prenons le soin de faire ce que les géants du web n’ont jamais fait : annoncer longtemps à l’avance un plan de fermetures et travailler pour vous accompagner encore plus loin dans votre dégooglisation. Ce grand remue-ménage nous permet aussi de ranger l’ensemble des outils et expériences que nous avons accumulé dans nos sac-à-dos ces dernières années… car cela fera plus de place, plus de disponibilité à ce qui arrive.

PeerTube et Mobilizon montrent combien nous souhaitons nous éloigner du modèle de logiciels « pareils-que-google-mais-en-libre ». A partir d’octobre, nous allons prendre trois mois pour faire le point sur nos explorations de la feuille de route « Contributopia », et vous verrez qu’il y a de nombreuses choses à dire, de nombreux projets qu’on n’avait pas vus, là, tout au fond du sac à dos…

C’est un moment très excitant qui s’approche, car nous avons de nombreuses annonces et histoires de contribution à vous partager… rendez-vous mi-octobre, nous, on a hâte !

Un an pour construire une nouvelle proposition

Fort·es de ce que ces années à Dégoogliser Internet nous ont enseigné, nous avons l’intuition qu’il est possible de construire une nouvelle proposition de service moins complexe, et plus pratique, pour les usager⋅es comme pour les hébergeur⋅ses. À force d’observer vos usages et d’écouter vos attentes, nous pensons que Nextcloud, riche de ses nombreuses applications, est une piste (et on n’est pas les seul·es !). Nous croyons que ce logiciel peut répondre à a majorité des besoins des gens qui contribuent à changer le monde.

Une illustration des nombreuses utilisations possibles du logiciel Nextcloud

Nous nous donnons un an pour y contribuer (à nouveau), touiller dedans, expérimenter avec les copines et les copains afin de vous faire une autre proposition qui, nous l’espérons, facilitera encore mieux les dégooglisations…. comme les « déframasoftisations » !

Pour résumer :

  • Nous ne voulons pas devenir la « solution par défaut », et centraliser vos usages et vos attentions (c’est comme ça qu’on a créé des géants du web) ;
  • 38 services c’est une trop grande diversité et complexité de logiciels à aborder (pour vous) ainsi qu’à maintenir et promouvoir (pour nous) ;
  • Nous voulons rester une association à taille humaine, à chaleur humaine… une espèce d’AMAP du numérique ;
  • Nous proposons donc une nouvelle étape dans la décentralisation des données :
    • Fermer progressivement des frama-services pour en faire des portes qui vous renvoient vers d’autres hébergeurs ;
    • Prendre le temps de mettre en place une autre proposition simplifiée pour les usager·es (qui offrira par exemple un compte unique).



Un manifeste des données utilisateurs, aujourd’hui ?

Le User Data Manifesto a été initié par Frank Karlitschek un militant du logiciel libre qui a fondé Nextcloud et Owncloud et participé à d’autres projets open source.
La source de cette traduction française figure sur ce dépôt Github, la dernière traduction que je reprends ici avec quelques modifications mineures date de 2015 et semble essentiellement due à Hugo Roy. Le dernier contributeur en date est Philippe Batailler.

[EDIT] Hugo Roy nous apporte cette précision :
hello – la traduction est bien de moi, mais le texte en anglais aussi 😉 la version actuelle du manifeste est une œuvre collaborative avec Frank et @jancborchardt

À la lecture on est frappé de la pertinence des propositions, cependant malgré quelques avancées du côté des directives de l’Union européenne, certains droits revendiqués ici sont encore à conquérir ! Et après 4 ans il faudrait peut-être ajouter d’autres éléments à ce manifeste : le droit d’échapper au pistage publicitaire, le droit d’anonymiser vraiment sa navigation, le droit de ne pas fournir ses données biométriques etc.

Mais c’est plutôt à vous de dire ce qui manque ou est à modifier dans ce manifeste pour qu’il soit solidement inscrit dans les lois et les usages. Comme toujours, le commentaires sont ouverts et modérés.

Manifeste des données utilisateur

Ce manifeste a pour but de définir les droits fondamentaux des utilisateurs sur leurs données à l’ère d’Internet. Chacun devrait être libre sans avoir à faire allégeance aux fournisseurs de service.

 

Par données utilisateur, on entend les données envoyées par un utilisateur ou une utilisatrice pour son propre usage.

Par exemple, les données utilisateur comprennent :

  • les fichiers qu’un utilisateur ou qu’une utilisatrice synchronise entre plusieurs appareils ou qu’il ou elle partage avec un⋅e proche
  • une bibliothèque d’albums photos, de livres ou d’autres fichiers qu’un utilisateur envoie depuis son appareil afin de pouvoir lire, voir, et modifier tout cela en ligne
  • les données générées par un appareil de l’utilisateur (comme un thermostat ou une montre connectée) et envoyées vers un serveur
  • les requêtes d’un utilisateur à un moteur de recherche, si de telles requêtes sont enregistrées comme telles

 

Ainsi, les utilisateurs devraient pouvoir…

1. Maîtriser leur accès à leurs données

Les données explicitement et volontairement envoyées par une utilisatrice devraient être sous la pleine maîtrise de l’utilisatrice. Les utilisateurs devraient être capables de décider à qui accorder un accès direct à leurs données et avec quelles permissions et licences cet accès devrait être accordé.

Lorsque les utilisateurs maîtrisent l’accès aux données qu’ils envoient, les données censées restées privées ou partagées à un cercle restreint ne devraient pas être rendues accessibles au fournisseur du service, ni divulguées aux États.

Cela implique que le droit d’utiliser le chiffrement ne devrait jamais être bafoué.

Cela implique également que lorsque des utilisateurs n’ont pas la pleine maîtrise sur l’envoi de leurs données (par exemple s’ils n’utilisent pas le chiffrement avant l’envoi) un fournisseur de service ne doit pas :

  • forcer les utilisateurs à divulguer des données privées (ce qui inclut la correspondance privée) pour eux, ni
  • imposer des conditions de licence (ex. : de droit d’auteur ou d’exploitation des données personnelles) qui vont au-delà de ce qui est nécessaire pour l’objectif du service.

Lorsque les utilisateurs rendent des données accessibles à d’autres, qu’il s’agisse d’un groupe de gens restreint ou d’un groupe plus large, ils devraient pouvoir décider sous quelles permissions l’accès à leurs données est autorisé. Cependant, ce droit n’est pas absolu et ne devrait pas empiéter sur le droit des tierces personnes à utiliser et exploiter ces données une fois qu’elles leur ont été rendues accessibles. Qui plus est, cela ne signifie pas que les utilisateurs devraient avoir le droit d’imposer des restrictions injustes à d’autres personnes. Dans tous les cas, les systèmes techniques ne doivent pas être conçus pour faire appliquer de telles restrictions (par exemple avec des DRM).

Les données reçues, générées ou collectées à partir de l’activité des utilisateurs dans l’utilisation du service (ex. : les métadonnées ou les données du graphe social) devraient leur être rendues accessibles et être également sous leur maîtrise. Si cette maîtrise n’est pas possible, alors ce type de données devrait être anonyme ou bien ne pas être stockée pour une période plus longue que nécessaire.

Certains services permettent aux utilisateurs de soumettre des données avec l’intention de les rendre publiquement accessibles à toutes et à tous. Y compris dans ces cas de figure, quelques données utilisateur restent privées (ex. : les métadonnées ou les données du graphe social). L’utilisatrice et l’utilisateur devraient pouvoir contrôler aussi ces données.

2. Savoir comment les données sont stockées

Quand les données sont envoyées à un fournisseur de service particulier, les utilisateurs et utilisatrices devraient être informé⋅e⋅s du lieu de stockage des données du fournisseur de service, de la durée, de la juridiction dans laquelle le fournisseur de service particulier opère et des lois qui s’y appliquent.

Lorsque les utilisateurs utilisent des services centralisés pour envoyer leurs données à un fournisseur de stockage particulier plutôt que de reposer sur des systèmes pair à pair, il est important de savoir où les fournisseurs pourraient stocker ces données car ils pourraient être obligés par les États à divulguer ces données qu’ils ont en leur possession.

Ce point est sans objet si les utilisateurs sont capables de stocker leurs propres données sur leurs appareils (ex. : des serveurs) dans leur environnement personnel et sous leur contrôle direct ou bien s’ils font confiance à des systèmes sans contrôle centralisé (ex. : le pair à pair).

Les utilisateurs ne devraient pas reposer sur des services centralisés. Les systèmes pair à pair et les applications unhosted sont un moyen d’y arriver. À long terme, tous les utilisateurs devraient être capables d’avoir leur propre serveur avec des logiciels libres.

3. Être libres de choisir une plateforme

Les utilisatrices devraient toujours être en mesure d’extraire leurs données d’un service à tout moment sans subir l’enfermement propriétaire.

Les utilisateurs ne devraient pas être bloqués par une solution technique particulière. C’est pourquoi ils devraient toujours être capables de quitter une plateforme et de s’installer ailleurs.

Les formats ouverts sont nécessaires pour garantir cela. Évidemment, sans le code source des programmes utilisés pour les données utilisateurs, cela n’est pas pratique. C’est pourquoi des programmes devraient être distribués sous une licence libre.

Si les utilisateurs ont ces droits, ils ont la maîtrise de leurs données plutôt que d’être sous la coupe des fournisseurs de service.

De nombreux services qui gèrent les données utilisateur à ce jour sont gratuits, mais cela ne signifie pas qu’ils soient libres. Plutôt que de payer avec de l’argent, les utilisateurs font allégeance aux fournisseurs de services pour que ceux-ci puissent exploiter les données utilisateurs (par ex. en les vendant, en offrant des licences ou en construisant des profils pour les annonceurs publicitaires).

Abandonner ainsi la maîtrise de sa vie privée et d’autres droits semble être un acte trivial pour de nombreuses personnes, un faible prix à payer en échange du confort que ces services Internet apportent.

Les fournisseurs de service ont ainsi été obligés de transformer leurs précieux services Internet en systèmes massifs et centralisés de surveillance. Il est crucial que chacun réalise et comprenne cela, puisqu’il s’agit d’une menace importante pour les libertés de l’humanité et le respect de la vie privée de chacun.

Enfin, pour assurer que les données utilisateurs soient sous la maîtrise des utilisateurs, les meilleurs conceptions techniques incluent les systèmes distribués ou pair-à-pair, ainsi que les applications unhosted. Juridiquement, cela signifie que les conditions générales d’utilisation devraient respecter les droits des utilisateurs et leur donner la possibilité d’exercer leurs droits aux données définis dans ce manifeste.

 

un jeune homme demande à maîtriser ses données, à savoir comment elles sont stockées et à pouvoir choisir sa plateforme. Le pdédégé aux lunettes teintées de dollars lui répond que bien sûr c’est garanti dans les CGU et que nous prenons très au sérieux votre vie privée etc. (habituel bullshit)
Illustration réalisée avec https://framalab.org/gknd-creator/




C’est Qwant qu’on va où ?

L’actualité récente de Qwant était mouvementée, mais il nous a semblé qu’au-delà des polémiques c’était le bon moment pour faire le point avec Qwant, ses projets et ses valeurs.

Si comme moi vous étiez un peu distrait⋅e et en étiez resté⋅e à Qwant-le-moteur-de-recherche, vous allez peut-être partager ma surprise : en fouinant un peu, on trouve tout un archipel de services, certains déjà en place et disponibles, d’autres en phase expérimentale, d’autres encore en couveuse dans le labo.

Voyons un peu avec Tristan Nitot, Vice-président Advocacy de Qwant, de quoi il retourne et si le principe affiché de respecter la vie privée des utilisateurs et utilisatrices demeure une ligne directrice pour les applications qui arrivent.

Tristan Nitot, autoporttrait juillet 2019
Tristan Nitot, autoportrait (licence CC-BY)

Bonjour Tristan, tu es toujours content de travailler pour Qwant malgré les périodes de turbulence ?
Oui, bien sûr ! Je reviens un peu en arrière : début 2018, j’ai déjeuné avec un ancien collègue de chez Mozilla, David Scravaglieri, qui travaillait chez Qwant. Il m’a parlé de tous les projets en logiciel libre qu’il lançait chez Qwant en tant que directeur de la recherche. C’est ce qui m’a convaincu de postuler chez Qwant.

J’étais déjà fan de l’approche liée au respect de la vie privée et à la volonté de faire un moteur de recherche européen, mais là, en plus, Qwant se préparait à faire du logiciel libre, j’étais conquis. À peine arrivé au dessert, j’envoie un texto au président, Eric Léandri pour savoir quand il m’embauchait. Sa réponse fut immédiate : « Quand tu veux ! ». J’étais aux anges de pouvoir travailler sur des projets qui rassemblent mes deux casquettes, à savoir vie privée et logiciel libre.

Depuis, 18 mois ont passé, les équipes n’ont pas chômé et les premiers produits arrivent en version Alpha puis Bêta. C’est un moment très excitant !

Récemment, Qwant a proposé Maps en version Bêta… Vous comptez vraiment rivaliser avec Google Maps ? Parce que moi j’aime bien Street View par exemple, est-ce que c’est une fonctionnalité qui viendra un jour pour Qwant Maps ?

Rivaliser avec les géants américains du capitalisme de surveillance n’est pas facile, justement parce qu’on cherche un autre modèle, respectueux de la vie privée. En plus, ils ont des budgets incroyables, parce que le capitalisme de surveillance est extrêmement lucratif. Plutôt que d’essayer de trouver des financements comparables, on change les règles du jeu et on se rapproche de l’écosystème libre OpenStreetMap, qu’on pourrait décrire comme le Wikipédia de la donnée géographique. C’est une base de données géographiques contenant des données et des logiciels sous licence libre, créée par des bénévoles autour desquels viennent aussi des entreprises pour former ensemble un écosystème. Qwant fait partie de cet écosystème.
En ce qui concerne les fonctionnalités futures, c’est difficile d’être précis, mais il y a plein de choses que nous pouvons mettre en place grâce à l’écosystème OSM. On a déjà ajouté le calcul d’itinéraires il y a quelques mois, et on pourrait se reposer sur Mapillary pour avoir des images façon StreetView, mais libres !

Dis donc, en comparant 2 cartes du même endroit, on voit que Qwant Maps a encore des progrès à faire en précision ! Pourquoi est-ce que Qwant Maps ne reprend pas l’intégralité d’Open Street Maps ?

vue du centre de la ville de La Riche avec la requête "médiathèque la Riche" par OpenStreetMap
vue du centre de la ville de La Riche avec la requête « médiathèque la Riche » par OpenStreetMap

vue du centre de la ville de La Riche avec la requête "médiathèque la Riche" par QwantMaps. La médiathèque est clairement et mieux signalée visuellement (efficacité) mais la carte est moins détaillée (précision) que la version OSM
vue du centre de la ville de La Riche avec la requête « médiathèque la Riche » par QwantMaps

 

En fait, OSM montre énormément de détails et on a choisi d’en avoir un peu moins mais plus utilisables. On a deux sources de données pour les points d’intérêt (POI) : Pages Jaunes, avec qui on a un contrat commercial et OSM. On n’affiche qu’un seul jeu de POI à un instant t, en fonction de ce que tu as recherché.

Quand tu choisis par exemple « Restaurants » ou « Banques », sans le savoir tu fais une recherche sur les POI Pages Jaunes. Donc tu as un fond de carte OSM avec des POI Pages Jaunes, qui sont moins riches que ceux d’OSM mais plus directement lisibles.

Bon d’accord, Qwant Maps utilise les données d’OSM, c’est tant mieux, mais alors vous vampirisez du travail bénévole et libre ? Quelle est la nature du deal avec OSM ?

au bas d el arcehrceh "tour eiffel" se trouve le lien vers Open Street MapsNon, bien sûr, Qwant n’a pas vocation à vampiriser l’écosystème OSM : nous voulons au contraire être un citoyen modèle d’OSM. Nous utilisons les données et logiciels d’OSM conformément à leur licence. Il n’y a donc pas vraiment de deal, juste un respect des licences dans la forme et dans l’esprit. Par exemple, on met un lien qui propose aux utilisateurs de Qwant Maps d’apprendre à utiliser et contribuer à OSM. En ce qui concerne les logiciels libres nécessaires au fonctionnement d’OSM, on les utilise et on y contribue, par exemple avec les projets Mimirsbrunn, Kartotherian et Idunn. Mes collègues ont écrit un billet de blog à ce sujet.

Nous avons aussi participé à la réunion annuelle d’OSM, State Of the Map (SOTM) à Montpellier le 14 juin dernier, où j’étais invité à parler justement des relations entre les entreprises comme Qwant et les projets libres de communs numériques comme OSM. Les mauvais exemples ne manquent pas, avec Apple qui, avec Safari et Webkit, a sabordé le projet Konqueror de navigateur libre, ou Google qui reprend de la data de Wikipédia mais ne met pas de lien sur comment y contribuer (alors que Qwant le fait). Chez Qwant, on vise à être en symbiose avec les projets libres qu’on utilise et auxquels on contribue.

Google Maps a commencé à monétiser les emplois de sa cartographie, est-ce qu’un jour Qwant Maps va être payant ?

En réalité, Google Maps est toujours gratuit pour les particuliers (approche B2C Business to consumer). Pour les organisations ou entreprises qui veulent mettre une carte sur leur site web (modèle B2B Business to business), Google Maps a longtemps été gratuit avant de devenir brutalement payant, une fois qu’il a éliminé tous ses concurrents commerciaux. Il apparaît assez clairement que Google a fait preuve de dumping.

Pour le moment, chez Qwant, il n’y a pas d’offre B2B. Le jour où il y en aura une, j’espère que le un coût associé sera beaucoup plus raisonnable que chez Google, qui prend vraiment ses clients pour des vaches à lait. Je comprends qu’il faille financer le service qui a un coût, mais là, c’est exagéré !

Quand j’utilise Qwant Maps, est-ce que je suis pisté par des traqueurs ? J’imagine et j’espère que non, mais qu’est-ce que Qwant Maps « récolte » et « garde » de moi et de ma connexion si je lui demande où se trouve Bure avec ses opposants à l’enfouissement de déchets nucléaires ? Quelles garanties m’offre Qwant Maps de la confidentialité de mes recherches en cartographie ?

C’est un principe fort chez Qwant : on ne veut pas collecter de données personnelles. Bien sûr, à un instant donné, le serveur doit disposer à la fois de la requête (quelle zone de la carte est demandée, à quelle échelle) et l’adresse IP qui la demande. L’adresse IP pourrait permettre de retrouver qui fait quelle recherche, et Qwant veut empêcher cela. C’est pourquoi l’adresse IP est salée  et hachée  aussitôt que possible et c’est le résultat qui est stocké. Ainsi, il est impossible de faire machine arrière et de retrouver quelle adresse IP a fait quelle recherche sur la carte. C’est cette méthode qui est utilisée dans Qwant Search pour empêcher de savoir qui a recherché quoi dans le moteur de recherche.

Est-ce que ça veut dire qu’on perd aussi le relatif confort d’avoir un historique utile de ses recherches cartographiques ou générales ? Si je veux gagner en confidentialité, j’accepte de perdre en confort ?
Effectivement, Qwant ne veut rien savoir sur la personne qui recherche, ce qui implique qu’on ne peut pas personnaliser les résultats, ni au niveau des recherches Web ni au niveau cartographique : pour une recherche donnée, chaque utilisateur reçoit les mêmes résultats que tout le monde.

Ça peut être un problème pour certaines personnes, qui aimeraient bien disposer de personnalisation. Mais Qwant n’a pas dit son dernier mot : c’est exactement pour ça que nous avons fait « Masq by Qwant ». Masq, c’est une application Web en logiciel libre qui permet de stocker localement dans le navigateur (en LocalStorage)9 et de façon chiffrée des données pour la personnalisation de l’expérience utilisateur. Masq est encore en Alpha et il ne permet pour l’instant que de stocker (localement !) ses favoris cartographiques. À terme, nous voulons que les différents services de Qwant utilisent Masq pour faire de la personnalisation respectueuse de la vie privée.

formulaire d’enregistrement de compte masq, avec de nombreux critères nécessaires pour le mot de passe
Ouverture d’un compte Masq.

Ah bon alors c’est fini le cloud, on met tout sur sa machine locale ? Et si on vient fouiner dans mon appareil alors ? N’importe quel intrus peut voir mes données personnelles stockées ?

Effectivement, tes données étant chiffrées, et comme tu es le seul à disposer du mot de passe, c’est ta responsabilité de conserver précieusement ledit mot de passe. Quant à la sauvegarde des données, tu as bien pensé à faire une sauvegarde, non ? 😉

Ah mais vous avez aussi un projet de reconnaissance d’images ? Comment ça marche ? Et à quoi ça peut être utile ?
C’est le résultat du travail de chercheurs de Qwant Research, une intelligence artificielle (plus concrètement un réseau de neurones) qu’on a entraînée avec Pytorch sur des serveurs spécialisés DGX-1 en vue de proposer des images similaires à celles que tu décris ou que tu téléverses.

copie d’écran de Qwant Qiss (recherche d’images)
On peut chercher une image ou bien « déposer une image » pour en trouver de similaires.

 Ah tiens j’ai essayé un peu, ça donne effectivement des résultats rigolos : si on cherche des saucisses, on a aussi des carottes, des crevettes et des dents…

C’est encore imparfait comme tu le soulignes, et c’est bien pour ça que ça n’est pas encore un produit en production ! On compte utiliser cette technologie de pointe pour la future version de notre moteur de recherche d’images.

Comment je fais pour signaler à l’IA qu’elle s’est plantée sur telle ou telle image ? C’est prévu de faire collaborer les bêta-testeurs ? Est-ce que Qwant accueille les contributions bénévoles ou militantes ?
Il est prévu d’ajouter un bouton pour que les utilisateurs puissent valider ou invalider une image par rapport à une description. Pour des projets de plus en plus nombreux, Qwant produit du logiciel libre et donc publie le code. Par exemple pour la recherche d’image, c’est sur https://github.com/QwantResearch/text-image-similarity. Les autres projets sont hébergés sur les dépôts https://github.com/QwantResearch : les contributions au code (Pull requests) et les descriptions de bugs (issues) sont les bienvenus !

Bon je vois que Qwant a l’ambition de couvrir autant de domaines que Google ? C’est pas un peu hégémonique tout ça ? On se croirait dans Dégooglisons Internet !

 

Effectivement, nos utilisateurs attendent de Qwant tout un univers de services. La recherche est pour nous une tête de pont, mais on travaille à de nouveaux services. Certains sont des moteurs de recherche spécialisés comme Qwant Junior, pour les enfants de 6 à 12 ans (pas de pornographie, de drogues, d’incitation à la haine ou à la violence).

Comment c’est calculé, les épineuses questions de résultats de recherche ou non avec Qwant Junior ? Ça doit être compliqué de filtrer…

échec de rceherche avec Qwant Junior : un petit dino dit "oups, je n’ai pas trouvé de résultats qui te conviennent"
Qwant Junior ne montre pas d’images de sexe masculin, tant mieux/tant pis ?

Nous avons des équipes qui gèrent cela et s’assurent que les sujets sont abordables par les enfants de 6 à 12 ans, qui sont notre cible pour Junior.
Ça n’est pas facile effectivement, mais nous pensons que c’est important. C’est une idée qui nous est venue au lendemain des attentats du Bataclan où trop d’images choquantes étaient publiées par les moteurs de recherche. C’était insupportable pour les enfants. Et puis Junior, comme je le disais, n’a pas vocation à afficher de publicité ni à capturer de données personnelles. C’est aussi pour cela que Qwant Junior est très utilisé dans les écoles, où il donne visiblement satisfaction aux enseignants et enseignantes.

Mais euh… « filtrer » les résultats, c’est le job d’un moteur de recherche ?

Il y a deux questions en fait. Pour un moteur de recherche pour enfants, ça me parait légitime de proposer aux parents un moteur qui ne propose pas de contenus choquants. Qwant Junior n’a pas vocation à être neutre : c’est un service éditorialisé qui fait remonter des contenus à valeur pédagogique pour les enfants. C’est aux parents de décider s’ils l’utilisent ou pas.
Pour un moteur de recherche généraliste revanche, la question est plutôt d’être neutre dans l’affichage des résultats, dans les limites de la loi.

Tiens vous avez même des trucs comme Causes qui propose de reverser l’argent des clics publicitaires à de bonnes causes ? Pour cela il faut désactiver les bloqueurs de pub auxquels nous sommes si attachés, ça va pas plaire aux antipubs…

En ce qui concerne Qwant Causes, c’est le moteur de recherche Qwant mais avec un peu plus de publicité. Et quand tu cliques dessus, cela rapporte de l’argent qui est donné à des associations que tu choisis. C’est une façon de donner à ces associations en faisant des recherches. Bien sûr si tu veux utiliser un bloqueur de pub, c’est autorisé chez Qwant, mais ça n’a pas de sens pour Qwant Causes, c’est pour ça qu’un message d’explication est affiché.

Est-ce que tous ces services sont là pour durer ou bien seront-ils fermés au bout d’un moment s’ils sont trop peu employés, pas rentables, etc. ?

Tous les services n’ont pas vocation à être rentables. Par exemple, il n’y a pas de pub sur Qwant Junior, parce que les enfants y sont déjà trop exposés. Mais Qwant reste une entreprise qui a vocation à générer de l’argent et à rémunérer ses actionnaires, donc la rentabilité est pour elle une chose importante. Et il y a encore de la marge pour concurrencer les dizaines de services proposés par Framasoft et les CHATONS 😉

Est-ce que Qwant est capable de dire combien de personnes utilisent ses services ? Qwant publie-t-elle des statistiques de fréquentation ?
Non. D’abord, on n’identifie pas nos utilisateurs, donc c’est impossible de les compter : on peut compter le nombre de recherches qui sont faites, mais pas par combien de personnes. Et c’est très bien comme ça ! Tout ce que je peux dire, c’est que le nombre de requêtes évolue très rapidement : on fait le point en comité de direction chaque semaine, et nous battons presque à chaque fois un nouveau record !

Bon venons-en aux questions que se posent souvent nos lecteurs et lectrices : Qwant et ses multiples services, c’est libre, open source, ça dépend ?

Non, tout n’est pas en logiciel libre chez Qwant, mais si tu vas sur les dépôts de Qwant et Qwant Research tu verras qu’il y a déjà plein de choses qui sont sous licence libre, y compris des choses stratégiques comme Graphee (calcul de graphe du Web) ou Mermoz (robot d’indexation du moteur). Et puis les nouveaux projets comme Qwant Maps et Masq y sont aussi.

La publicité est une source de revenus dans votre modèle économique, ou bien vous vendez des services à des entreprises ou institutions ? Qwant renonce à un modèle économique lucratif qui a fait les choux gras de Google, mais alors comment gagner de l’argent ?
Oui, Qwant facture aussi des services à des institutions dans le domaine de l’open data par exemple, mais l’essentiel du revenu vient de la publicité contextuelle, à ne pas confondre avec la publicité ciblée telle que faite par les géants américains du Web. C’est très différent.
La publicité ciblée, c’est quand tu sais tout de la personne (ses goûts, ses habitudes, ses déplacements, ses amis, son niveau de revenu, ses recherches web, son historique de navigation, et d’autres choses bien plus indiscrètes telles que ses opinions politiques, son orientation sexuelle ou religieuse, etc.). Alors tu vends à des annonceurs le droit de toucher avec de la pub des personnes qui sont ciblées. C’est le modèle des géants américains.
Qwant, pour sa part, ne veut pas collecter de données personnelles venant de ses utilisateurs. Tu as sûrement remarqué que quand tu vas sur Qwant.com la première fois, il n’y a pas de bannière « acceptez nos cookies ». C’est normal, nous ne déposons pas de cookies quand tu fais une recherche Qwant !

Personnane de Geektionerd : "Qwant avance, ta vie privée ne recule pas". intrelocuteur l’air sceptique fait : mmmmmh…
L’équipe Qwant’Comm en plein brainstorming…

Quand tu fais une recherche, Qwant te donne une réponse qui est la même pour tout le monde. Tu fais une recherche sur « Soupe à la tomate » ? On te donne les résultats et en même temps on voit avec les annonceurs qui est intéressé par ces mots-clés. On ignore tout de toi, ton identité ou ton niveau de revenu. Tout ce qu’on sait, c’est que tu as cherché « soupe à la tomate ». Et c’est ainsi que tu te retrouves avec de la pub pour du Gaspacho ou des ustensiles de cuisine. La publicité vaut un peu moins cher que chez nos concurrents, mais les gens cliquent dessus plus souvent. Au final, ça permet de financer les services et d’en inventer de nouveaux tout en respectant la vie privée des utilisateurs et de proposer une alternative aux services américains gourmands en données personnelles. On pourrait croire que ça ne rapporte pas assez, pourtant c’était le modèle commercial de Google jusqu’en 2006, où il a basculé dans la collecte massive de données personnelles…

Dans quelle mesure Qwant s’inscrit-il dans la reconquête de la souveraineté européenne contre la domination des géants US du Web ?
Effectivement, parmi les deux choses qui différencient Qwant de ses concurrents, il y a la non-collecte de données personnelles et le fait qu’il est français et à vocation européenne. Il y a un truc qui me dérange terriblement dans le numérique actuel, c’est que l’Europe est en train de devenir une colonie numérique des USA et peut-être à terme de la Chine. Or, le numérique est essentiel dans nos vies. Il les transforme ! Ces outils ne sont pas neutres, ils sont le reflet des valeurs de ceux qui les produisent.

Aux USA, les gens sont considérés comme des consommateurs : tout est à vendre à ou à acheter. En Europe, c’est différent. Ça n’est pas un hasard si la CNIL est née en France, si le RGPD est européen : on a conscience de l’enjeu des données personnelles sur la citoyenneté, sur la liberté des gens. Pour moi, que Qwant soit européen, c’est très important.

Merci d’avoir accepté de répondre à nos questions. Comme c’est la tradition de nos interviews, on te laisse le mot de la fin…

Je soutiens Framasoft depuis toujours ou presque, parce que je sais que ce qui y est fait est vraiment important : plus de libre, moins d’hégémonie des suspects habituels, plus de logiciel libre, plus de valeur dans les services proposés.
J’ai l’impression d’avoir avec Qwant une organisation différente par nature (c’est une société, avec des actionnaires), mais avec des objectifs finalement assez proches : fournir des services éthiques, respectueux de la vie pivée, plus proches des gens et de leurs valeurs, tout en contribuant au logiciel libre. C’est ce que j’ai tenté de faire chez Mozilla pendant 17 ans, et maintenant chez Qwant. Alors, je sais que toutes les organisations ne sont pas parfaites, et Qwant ne fait pas exception à la règle. En tout cas, chez Qwant on fait du mieux qu’on peut !

Vive l’Internet libre et ceux qui œuvrent à le mettre en place et à le défendre !

De Gaulle au balcon de Québec, bras en V, image de 1967 détournée en "Vive l’Internet Libre !" en rouge
D’après une image d’archive, De Gaulle s’adressant aux Québecois en 1967 (© Rare Historical Photos)

 




C’est quoi, l’interopérabilité, et pourquoi est-ce beau et bien ?

Protocole, HTTP, interopérabilité, ça vous parle ? Et normes, spécifications, RFC, ça va toujours ? Si vous avez besoin d’y voir un peu plus clair, l’article ci-dessous est un morceau de choix rédigé par Stéphane Bortzmeyer qui s’est efforcé de rendre accessibles ces notions fondamentales.


Protocoles

Le 21 mai 2019, soixante-neuf organisations, dont Framasoft, ont signé un appel à ce que soit imposé, éventuellement par la loi, un minimum d’interopérabilité pour les gros acteurs commerciaux du Web.

« Interopérabilité » est un joli mot, mais qui ne fait pas forcément partie du vocabulaire de tout le monde, et qui mérite donc d’être expliqué. On va donc parler d’interopérabilité, de protocoles, d’interfaces, de normes, et j’espère réussir à le faire tout en restant compréhensible (si vous êtes informaticien·ne professionnel·le, vous savez déjà tout cela ; mais l’appel des 69 organisations concerne tout le monde).

Le Web, ou en fait tout l’Internet, repose sur des protocoles de communication. Un protocole, c’est un ensemble de règles qu’il faut suivre si on veut communiquer. Le terme vient de la communication humaine, par exemple, lorsqu’on rencontre quelqu’un, on se serre la main, ou bien on se présente si l’autre ne vous connaît pas, etc. Chez les humains, le protocole n’est pas rigide (sauf en cas de réception par la reine d’Angleterre dans son palais, mais cela doit être rare chez les lectrices et lecteurs du Framablog). Si la personne avec qui vous communiquez ne respecte pas exactement le protocole, la communication peut tout de même avoir lieu, quitte à se dire que cette personne est bien impolie. Mais les logiciels ne fonctionnent pas comme des humains. Contrairement aux humains, ils n’ont pas de souplesse, les règles doivent être suivies exactement. Sur un réseau comme l’Internet, pour que deux logiciels puissent communiquer, chacun doit donc suivre exactement les mêmes règles, et c’est l’ensemble de ces règles qui fait un protocole.

Un exemple concret ? Sur le Web, pour que votre navigateur puisse afficher la page web désirée, il doit demander à un serveur web un ou plusieurs fichiers. La demande se fait obligatoirement en envoyant au serveur le mot GET (« donne », en anglais) suivi du nom du fichier, suivi du mot « HTTP/1.1 ». Si un navigateur web s’avisait d’envoyer le nom du fichier avant le mot GET, le serveur ne comprendrait rien, et renverrait plutôt un message d’erreur. En parlant d’erreurs, vous avez peut-être déjà rencontré le nombre 404 qui est simplement le code d’erreur qu’utilisent les logiciels qui parlent HTTP pour signaler que la page demandée n’existe pas. Ces codes numériques, conçus pour être utilisés entre logiciels, ont l’avantage sur les textes de ne pas être ambigus, et de ne pas dépendre d’une langue humaine particulière. Cet exemple décrit une toute petite partie du protocole nommé HTTP (pour Hypertext Transfer Protocol) qui est le plus utilisé sur le Web.

Il existe des protocoles bien plus complexes. Le point important est que, derrière votre écran, les logiciels communiquent entre eux en utilisant ces protocoles. Certains servent directement aux logiciels que vous utilisez (comme HTTP, qui permet à votre navigateur Web de communiquer avec le serveur qui détient les pages désirées), d’autres protocoles relèvent de l’infrastructure logicielle de l’Internet ; vos logiciels n’interagissent pas directement avec eux, mais ils sont indispensables.

Le protocole, ces règles de communication, sont indispensables dans un réseau comme l’Internet. Sans protocole, deux logiciels ne pourraient tout simplement pas communiquer, même si les câbles sont bien en place et les machines allumées. Sans protocole, les logiciels seraient dans la situation de deux humains, un Français ne parlant que français, et un Japonais ne parlant que japonais. Même si chacun a un téléphone et connaît le numéro de l’autre, aucune vraie communication ne pourra prendre place. Tout l’Internet repose donc sur cette notion de protocole.

Le protocole permet l’interopérabilité. L’interopérabilité est la capacité à communiquer de deux logiciels différents, issus d’équipes de développement différentes. Si une université bolivienne peut échanger avec une entreprise indienne, c’est parce que toutes les deux utilisent des protocoles communs.

Une prise électrique
Un exemple classique d’interopérabilité : la prise électrique. Kae [CC BY-SA 3.0 (https://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0)], via Wikimedia Commons
 

Seuls les protocoles ont besoin d’être communs : l’Internet n’oblige pas à utiliser les mêmes logiciels, ni à ce que les logiciels aient la même interface avec l’utilisateur. Si je prends l’exemple de deux logiciels qui parlent le protocole HTTP, le navigateur Mozilla Firefox (que vous êtes peut-être en train d’utiliser pour lire cet article) et le programme curl (utilisé surtout par les informaticiens pour des opérations techniques), ces deux logiciels ont des usages très différents, des interfaces avec l’utilisateur reposant sur des principes opposés, mais tous les deux parlent le même protocole HTTP. Le protocole, c’est ce qu’on parle avec les autres logiciels (l’interface avec l’utilisateur étant, elle, pour les humain·e·s.).

La distinction entre protocole et logiciel est cruciale. Si j’utilise le logiciel A parce que je le préfère et vous le logiciel B, tant que les deux logiciels parlent le même protocole, aucun problème, ce sera juste un choix individuel. Malgré leurs différences, notamment d’interface utilisateur, les deux logiciels pourront communiquer. Si, en revanche, chaque logiciel vient avec son propre protocole, il n’y aura pas de communication, comme dans l’exemple du Français et du Japonais plus haut.

Babel

Alors, est-ce que tous les logiciels utilisent des protocoles communs, permettant à tout le monde de communiquer avec bonheur ? Non, et ce n’est d’ailleurs pas obligatoire. L’Internet est un réseau à « permission facultative ». Contrairement aux anciennes tentatives de réseaux informatiques qui étaient contrôlés par les opérateurs téléphoniques, et qui décidaient de quels protocoles et quelles applications tourneraient sur leurs réseaux, sur l’Internet, vous pouvez inventer votre propre protocole, écrire les logiciels qui le parlent et les diffuser en espérant avoir du succès. C’est d’ailleurs ainsi qu’a été inventé le Web : Tim Berners-Lee (et Robert Cailliau) n’ont pas eu à demander la permission de qui que ce soit. Ils ont défini le protocole HTTP, ont écrit les applications et leur invention a connu le succès que l’on sait.

Cette liberté d’innovation sans permission est donc une bonne chose. Mais elle a aussi des inconvénients. Si chaque développeur ou développeuse d’applications invente son propre protocole, il n’y aura plus de communication ou, plus précisément, il n’y aura plus d’interopérabilité. Chaque utilisatrice et chaque utilisateur ne pourra plus communiquer qu’avec les gens ayant choisi le même logiciel. Certains services sur l’Internet bénéficient d’une bonne interopérabilité, le courrier électronique, par exemple. D’autres sont au contraire composés d’un ensemble de silos fermés, ne communiquant pas entre eux. C’est par exemple le cas des messageries instantanées. Chaque application a son propre protocole, les personnes utilisant WhatsApp ne peuvent pas échanger avec celles utilisant Telegram, qui ne peuvent pas communiquer avec celles qui préfèrent Signal ou Riot. Alors que l’Internet était conçu pour faciliter la communication, ces silos enferment au contraire leurs utilisateurs et utilisatrices dans un espace clos.

La situation est la même pour les réseaux sociaux commerciaux comme Facebook. Vous ne pouvez communiquer qu’avec les gens qui sont eux-mêmes sur Facebook. Les pratiques de la société qui gère ce réseau sont déplorables, par exemple en matière de captation et d’utilisation des données personnelles mais, quand on suggère aux personnes qui utilisent Facebook de quitter ce silo, la réponse la plus courante est « je ne peux pas, tou·te·s mes ami·e·s y sont, et je ne pourrais plus communiquer avec eux et elles si je partais ». Cet exemple illustre très bien les dangers des protocoles liés à une entreprise et, au contraire, l’importance de l’interopérabilité.

La tour de Babel, peinte par Pieter Bruegel
« La tour de Babel  », tableau de Pieter Bruegel l’ancien. Domaine public (Google Art Project)

 

Mais pourquoi existe-t-il plusieurs protocoles pour un même service ? Il y a différentes raisons. Certaines sont d’ordre technique. Je ne les développerai pas ici, ce n’est pas un article technique, mais les protocoles ne sont pas tous équivalents, il y a des raisons techniques objectives qui peuvent faire choisir un protocole plutôt qu’un autre. Et puis deux personnes différentes peuvent estimer qu’en fait deux services ne sont pas réellement identiques et méritent donc des protocoles séparés, même si tout le monde n’est pas d’accord.

Mais il peut aussi y avoir des raisons commerciales : l’entreprise en position dominante n’a aucune envie que des acteurs plus petits la concurrencent, et ne souhaite pas permettre à des nouveaux entrants d’arriver. Elle a donc une forte motivation à n’utiliser qu’un protocole qui lui est propre, que personne d’autre ne connaît.

Enfin, il peut aussi y avoir des raisons plus psychologiques, comme la conviction chez l·e·a créat·eur·rice d’un protocole que son protocole est bien meilleur que les autres.

Un exemple d’un succès récent en termes d’adoption d’un nouveau protocole est donné par le fédivers. Ce terme, contraction de « fédération » et « univers » (et parfois écrit « fédiverse » par anglicisme) regroupe tous les serveurs qui échangent entre eux par le protocole ActivityPub, que l’appel des soixante-neuf organisations mentionne comme exemple. ActivityPub permet d’échanger des messages très divers. Les logiciels Mastodon et Pleroma se servent d’ActivityPub pour envoyer de courts textes, ce qu’on nomme du micro-blogging (ce que fait Twitter). PeerTube utilise ActivityPub pour permettre de voir les nouvelles vidéos et les commenter. WriteFreely fait de même avec les textes que ce logiciel de blog permet de rédiger et diffuser. Et, demain, Mobilizon utilisera ActivityPub pour les informations sur les événements qu’il permettra d’organiser. Il s’agit d’un nouvel exemple de la distinction entre protocole et logiciel. Bien que beaucoup de gens appellent le fédivers  « Mastodon », c’est inexact. Mastodon n’est qu’un des logiciels qui permettent l’accès au fédivers.

Le terme d’ActivityPub n’est d’ailleurs pas idéal. Il y a en fait un ensemble de protocoles qui sont nécessaires pour communiquer au sein du fédivers. ActivityPub n’est que l’un d’entre eux, mais il a un peu donné son nom à l’ensemble.

Tous les logiciels de la mouvance des « réseaux sociaux décentralisés » n’utilisent pas ActivityPub. Par exemple,  Diaspora ne s’en sert pas et n’est donc pas interopérable avec les autres.

Appel

Revenons maintenant l’appel cité au début, Que demande-t-il ? Cet appel réclame que l’interopérabilité soit imposée aux GAFA, ces grosses entreprises capitalistes qui sont en position dominante dans la communication. Tous sont des silos fermés. Aucun moyen de commenter une vidéo YouTube si on a un compte PeerTube, de suivre les messages sur Twitter ou Facebook si on est sur le fédivers. Ces GAFA ne changeront pas spontanément : il faudra les y forcer.

Il ne s’agit que de la communication externe. Cet appel est modéré dans le sens où il ne demande pas aux GAFA de changer leur interface utilisateur, ni leur organisation interne, ni leurs algorithmes de sélection des messages, ni leurs pratiques en matière de gestion des données personnelles. Il s’agit uniquement d’obtenir qu’ils permettent l’interopérabilité avec des services concurrents, de façon à permettre une réelle liberté de choix par les utilisateurs. Un tel ajout est simple à implémenter pour ces entreprises commerciales, qui disposent de fonds abondants et de nombreu·ses-x programmeur·e·s compétent·e·s. Et il « ouvrirait » le champ des possibles. Il s’agit donc de défendre les intérêts des utilisateurs et utilisatrices. (Alors que le gouvernement, dans ses commentaires, n’a cité que les intérêts des GAFA, comme si ceux-ci étaient des espèces menacées qu’il fallait défendre.)

Qui commande ?

Mais au fait, qui décide des protocoles, qui les crée ? Il n’y a pas de réponse simple à cette question. Il existe plein de protocoles différents et leurs origines sont variées. Parfois, ils sont rédigés, dans un texte qui décrit exactement ce que doivent faire les deux parties. C’est ce que l’on nomme une spécification. Mais parfois il n’y a pas vraiment de spécification, juste quelques vagues idées et un programme qui utilise ce protocole. Ainsi, le protocole BitTorrent, très utilisé pour l’échange de fichiers, et pour lequel il existe une très bonne interopérabilité, avec de nombreux logiciels, n’a pas fait l’objet d’une spécification complète. Rien n’y oblige développeurs et développeuses : l’Internet est « à permission facultative ». Dans de tels cas, celles et ceux qui voudraient créer un programme interopérable devront lire le code source (les instructions écrites par le ou la programmeur·e) ou analyser le trafic qui circule, pour essayer d’en déduire en quoi consiste le protocole (ce qu’on nomme la rétro-ingénierie). C’est évidemment plus long et plus difficile et il est donc très souhaitable, pour l’interopérabilité, qu’il existe une spécification écrite et correcte (il s’agit d’un exercice difficile, ce qui explique que certains protocoles n’en disposent pas).

Parfois, la spécification est adoptée formellement par un organisme dont le rôle est de développer et d’approuver des spécifications. C’est ce qu’on nomme la normalisation. Une spécification ainsi approuvée est une norme. L’intérêt d’une norme par rapport à une spécification ordinaire est qu’elle reflète a priori un consensus assez large d’une partie des acteurs, ce n’est plus un acte unilatéral. Les normes sont donc une bonne chose mais, rien n’étant parfait, leur développement est parfois laborieux et lent.

Manuscrit médiéval montrant un moine écrivant
Écrire des normes correctes et consensuelles peut être laborieux. Codex Bodmer – Frater Rufillus (wohl tätig im Weißenauer Skriptorium) [Public domain]
 

Toutes les normes ne se valent pas. Certaines sont publiquement disponibles (comme les normes importantes de l’infrastructure de l’Internet, les RFC – Request For Comments), d’autres réservées à ceux qui paient, ou à ceux qui sont membres d’un club fermé. Certaines normes sont développées de manière publique, où tout le monde a accès aux informations, d’autres sont créées derrière des portes soigneusement closes. Lorsque la norme est développée par une organisation ouverte à tous et toutes, selon des procédures publiques, et que le résultat est publiquement disponible, on parle souvent de normes ouvertes. Et, bien sûr, ces normes ouvertes sont préférables pour l’interopérabilité.

L’une des organisations de normalisation ouverte les plus connues est l’IETF (Internet Engineering Task Force, qui produit notamment la majorité des RFC). L’IETF a développé et gère la norme décrivant le protocole HTTP, le premier cité dans cet article. Mais d’autres organisations de normalisation existent comme le W3C (World-Wide Web Consortium) qui est notamment responsable de la norme ActivityPub.

Par exemple, pour le cas des messageries instantanées que j’avais citées, il y a bien une norme, portant le doux nom de XMPP (Extensible Messaging and Presence Protocol). Google l’utilisait, puis l’a abandonnée, jouant plutôt le jeu de la fermeture.

Difficultés

L’interopérabilité n’est évidemment pas une solution magique à tous les problèmes. On l’a dit, l’appel des soixante-neuf organisations est très modéré puisqu’il demande seulement une ouverture à des tiers. Si cette demande se traduisait par une loi obligeant à cette interopérabilité, tout ne serait pas résolu.

D’abord, il existe beaucoup de moyens pour respecter la lettre d’un protocole tout en violant son esprit. On le voit pour le courrier électronique où Gmail, en position dominante, impose régulièrement de nouvelles exigences aux serveurs de messagerie avec lesquels il daigne communiquer. Le courrier électronique repose, contrairement à la messagerie instantanée, sur des normes ouvertes, mais on peut respecter ces normes tout en ajoutant des règles. Ce bras de fer vise à empêcher les serveurs indépendants de communiquer avec Gmail. Si une loi suivant les préconisations de l’appel était adoptée, nul doute que les GAFA tenteraient ce genre de jeu, et qu’il faudrait un mécanisme de suivi de l’application de la loi.

Plus subtil, l’entreprise qui voudrait « tricher » avec les obligations d’interopérabilité peut aussi prétendre vouloir « améliorer » le protocole. On ajoute deux ou trois choses qui n’étaient pas dans la norme et on exerce alors une pression sur les autres organisations pour qu’elles aussi ajoutent ces fonctions. C’est un exercice que les navigateurs web ont beaucoup pratiqué, pour réduire la concurrence.

Jouer avec les normes est d’autant plus facile que certaines normes sont mal écrites, laissant trop de choses dans le vague (et c’est justement le cas d’ActivityPub). Écrire une norme est un exercice difficile. Si on laisse beaucoup de choix aux programmeuses et programmeurs qui créeront les logiciels, il y a des risques de casser l’interopérabilité, suite à des choix trop différents. Mais si on contraint ces programmeuses et programmeurs, en imposant des règles très précises pour tous les détails, on empêche les logiciels d’évoluer en réponse aux changements de l’Internet ou des usages. La normalisation reste donc un art difficile, pour lequel on n’a pas de méthode parfaite.

Conclusion

Voilà, désolé d’avoir été long, mais les concepts de protocole et d’interopérabilité sont peu enseignés, alors qu’ils sont cruciaux pour le fonctionnement de l’Internet et surtout pour la liberté des citoyen·ne·s qui l’utilisent. J’espère les avoir expliqués clairement, et vous avoir convaincu⋅e de l’importance de l’interopérabilité. Pensez à soutenir l’appel des soixante-neuf organisations !

Après

Et si vous voulez d’autres informations sur ce sujet, il y a :




Imago TV, la plateforme gratuite de streaming dédiée à la transition

Il y a quelques mois, une personne nous a demandé dans un commentaire sous un de nos billets de blog de parler d’Imago TV. On s’est dit que c’était une bonne idée que de rendre visible cette plateforme auprès de notre communauté alors on a contacté les deux créateurs Nicolas et Felipe pour qu’ils répondent à nos questions.

Bonjour Nicolas, pouvez-vous vous présenter ?
Bonjour, je suis Nicolas, l’un des 2 co-créateurs d’Imago TV. Avec Felipe, originaire du Chili et travaillant dans le secteur des énergies renouvelables, nous avons lancé le projet Imago TV début 2018. À l’époque je venais juste de quitter mes activités professionnelles dans le domaine du streaming vidéo et je travaillais avec Felipe sur le web magazine Les Gens Qui Sèment, l’émission des alternatives.

Imago TV, c’est quoi ?
Imago TV est une plateforme dédiée à la diffusion et à la valorisation de vidéos engagées dans la transition. À ce jour, Imago TV propose aux internautes de visionner plus de 2000 contenus très diversifiés (émissions, documentaires, podcasts, courts-métrages) leur permettant d’aborder des sujets aussi variés que l’écologie, les énergies, les ressources, la démocratie, l’économie, ou encore les monnaies. Notre objectif était dès le départ d’offrir une vitrine la plus belle possible (aussi bien d’un point de vue esthétique qu’en termes d’audience) aux contenus audiovisuels engagés dans la transition, que ceux-ci produisent une analyse critique des modèles dominants ou qu’ils mettent en lumière des modèles alternatifs à ces modèles dominants.

Qui peut diffuser des contenus sur Imago TV ?
Sur le principe, n’importe qui peut diffuser des contenus sur Imago TV. Pour le moment, un comité de visionnage valide les contenus qui nous sont suggérés par mail. Mais à terme, nous envisageons que ce travail soit coopératif et réalisé de manière collégiale par l’ensemble des utilisateur⋅ices d’Imago TV. La majorité des contenus nous ont d’ailleurs été suggérés par des utilisateur⋅ices et il s’agissait souvent des créateur⋅ices de ces vidéos.

Quels sont les critères de sélection des contenus sur Imago TV ?
Les contenus validés par le comité de visionnage doivent être :
– conformes à la ligne éditoriale
– conformes à la charte
– cohérents avec l’offre existante

En quoi Imago TV porte les valeurs du libre ?
À plusieurs niveaux. Tout d’abord Imago TV est un projet associatif et bénévole, entièrement développé en open-source. Imago TV est accessible sans abonnement et fonctionne sans publicité, sur un modèle uniquement coopératif. Pour le financement, nous venons tout juste de mettre en place un compte en G1 (June) pour recevoir des dons en monnaies libres.

Sur le plan technique, notre site web n’intègre aucune librairie Google Analytics, Facebook ou Twitter ; ainsi, le tracking est limité au maximum. D’une manière générale, la seule librairie extérieure que nous utilisons est jquery et nous n’utilisons pas de framework. Notre future application pour smartphone sera sous Android et l’apk sera disponible en téléchargement depuis notre site web ainsi que sur f-droid.

Nous faisons également la promotion de productions placées sous licences Creative Commons (comme Data Gueule ou Thinkerview) et des plateformes open-source (comme PeerTube ou Wetube pour l’hébergement et Captain Fact pour le fact checking). Les contenus eux-mêmes traitent des questions d’open-source, d’open-access, d’open data, de neutralité du net ou d’hacktivisme (We are legion ou The Internet’s own boy).

Copie d’écran qui idique la diversité "militante" des films disponibles proposés par la plateforme IMAGO

Enfin, la plateforme a été pensée dans l’esprit d’Aaron Swartz et de ses écrits relatifs à la création de Wikipédia. Sur la plateforme, nous avons d’ailleurs une page dédiée à son Manifeste de la guérilla pour le libre accès.