Laissons Google tranquille (mais pas trop)

Evgeny Morozov CC-BY-SA re:publica
Evgeny Morozov CC-BY-SA re:publica

Un article qui « défend » Google sur le framablog… sérieusement ?

Oui : sérieusement. Car ce billet d’Evgeny Morozov ne défend pas Google, ni Facebook ni leurs consorts, mais il incite nos politiques à ne pas céder à la facilité de marteler le colosse de la Silicon Valley en lui imputant tous les maux du monopole actuel, et à s’attaquer au fond du problème : la maîtrise de nos données.

Lionel Maurel (juriste et bibliothécaire connu sous le pseudo Calimaq) parle au travers de son blog des données personnelles, et suit de près les théories qui évoluent d’une vision propriétariste à la perspective de données devenant un commun.

Plutôt que de démanteler les monopoles de GAFAM, la création d’un « commun des données » pourrait couper l’herbe sous les pieds d’argile de ces colosses de manière plus éthique et solidaire.

Et si l’Europe avait le pouvoir politique de rendre cela possible… ?

Pouhiou.

L’Europe a tort de s’attaquer à la hache au géant Google.

par Evgeny Morozov (tumblr).

Traduction : Goofy

C’est le passe-temps favori du continent, et même le Parlement européen ne peut y résister : s’attaquer au moteur de recherche le plus grand du monde. Lors d’un vote récent et largement symbolique, les députés européens ont insisté pour que la recherche Google soit séparée de ses autres services — exigeant, en substance, que l’entreprise soit démantelée.(1)

Ce serait bénéfique pour les détracteurs de Google, mais malheureusement pas pour les citoyens européens. La recherche, comme le secteur du réseautage social dominé par Facebook, semble être un monopole naturel. Plus Google connaît de chaque requête — qui demande quoi, où et et pourquoi — plus ses résultats seront pertinents. Une entreprise qui a organisé, disons, 90 pour cent de l’information du monde fera naturellement mieux que une société qui détient à peine un dixième de cette information.

Mais la recherche n’est qu’une partie du portefeuille tentaculaire d’activités de Google. Les thermostats intelligents et les voitures auto-conduites sont des entreprises d’information, aussi. Tous puisent dans les réservoirs sans fond des données captées par Google, par les capteurs tels que ceux intégrés dans le matériel et les algorithmes. Tous se nourrissent mutuellement.

Les décideurs politiques ne saisissent pas encore le dilemme. Désolidariser la recherche des autres services de Google revient à les couper de leur contexte qui améliore leur précision et leur pertinence. Mais laisser Google opérer comme un monopole naturel revient à lui permettre d’envahir d’autres domaines.

Facebook présente un dilemme similaire. Si vous voulez construire un service autour de votre personnage en ligne — que ce soit pour trouver des musiques nouvelles ou partager des outils électriques avec vos voisins — sa passerelle d’identification est très pratique. Comme il cartographie nos intérêts et nos liens sociaux, Facebook est le gardien de nos réputations et des profils de consommation. Il rend disponible notre identité numérique à d’autres entreprises et lorsque nous interagissons avec ces entreprises, Facebook lui-même en apprend encore plus sur nous.

Étant donné que les données sur notre comportement pourraient détenir la clé pour résoudre les problèmes, de la santé au changement climatique, qui devrait les rassembler ? Et devraient-elles être traitées comme une marchandise et revendues à tous ?

Imaginez que ces données puissent être accumulées par les citoyens qui sont effectivement ceux qui les génèrent, d’une manière qui favorise leur utilisation commune. Donc, une communauté pourrait visualiser ses besoins de voyage précis et organiser des services de bus flexibles et efficaces — ne jamais voyager trop vide ou trop plein – pour rivaliser avec l’entreprise de transport innovante Uber. Les taxis commandés via Uber (dont Google est actionnaire) peuvent maintenant jouer des chansons que les passagers ont déjà « aimées » sur le service de musique en streaming Spotify (Facebook est un allié), une indication de ce qui devient possible une fois que notre identité numérique est au cœur des prestations de services. Mais laisser ces données entre les mains du clan Google-Facebook revient à empêcher les autres de trouver de meilleurs usages.

Nous avons besoin d’un système de données radicalement décentralisé et sécurisé ; personne ne devrait être en mesure d’obtenir vos données sans autorisation, et personne d’autre que vous ne devrait en être propriétaire. Dépouillé de identificateurs de la vie privée compromettants, cependant, ces données devraient être regroupées en une ressource commune. Tout innovateur ou un entrepreneur en herbe — pas seulement Google et Facebook — devrait être en mesure d’accéder à ce pool de données pour construire sa propre application. Cela amènerait une abondance de fonctionnalités et de services jamais vus.

L’Europe a besoin non pas d’un Airbus pour concurrencer le Boeing de Google, mais de milliers d’entreprises agiles qui opèrent sur un pied d’égalité avec les grandes sociétés américaines. Cela n’arrivera pas tant que nous n’aurons pas traité certains types de données dans le cadre d’une infrastructure commune, ouverte à tous. Imaginez le scandale si une grande entreprise achetait tous les exemplaires d’un livre en particulier, n’en laissant aucun pour les bibliothèques. Pourquoi devrions-nous accepter un tel accord avec nos données ?

Water wordscape CC-BY Marius B
Water wordscape CC-BY Marius B.

Les recherches basiques  comme « Qui a écrit Guerre et Paix ? » ne nécessitent pas la sophistication de Google et peuvent être fournies gratuitement. Empêché d’accumuler les données des utilisateurs à des fins publicitaires, Google pourrait toujours fournir des services de recherche de pointe, peut-être de façon payante (pas nécessairement payés par les citoyens). La facture pour trouver des livres ou des articles en rapport avec celui que vous lisez pourrait être acquittée par les universités, les bibliothèques ou même votre employeur.

L’Amérique n’abandonnera pas le modèle actuel de services centralisés, financés par la publicité ; la surveillance d’état a besoin d’eux. La Russie et la Chine ont diminué leur dépendance à Google et Facebook, mais n’ont fait que les remplacer par des équivalents locaux.

L’Europe pourrait mieux faire. Elle dispose d’un minimum de respect de la protection des données. Ses citoyens sont mal à l’aise avec l’avidité de la Silicon Valley. Mais il n’y a aucune raison de revenir à un passé pas si lointain, lorsque les données étaient chères et difficiles à agréger. Les politiciens européens devraient adopter une vision à plus long terme. Le problème avec Google n’est pas qu’il est trop grand, mais qu’il siphonne des données qui ne lui appartiennent pas.

(1) sur la volonté européenne de scinder les activités de recherche du reste lire cet article.

 




Un Internet plus ouvert pour lutter contre le terrorisme.

À l’heure où l’on publie les décrets d’application d’une loi permettant la censure de sites sans passer par le pouvoir judiciaire… À l’heure où le choc émotionnel après les actes barbares est suivi de velléités politiques d’un Patriot Act à la française

…nous avons retrouvé et traduit une déclaration qui date de 2005.

Il y a près de dix ans, 60 chef d’états et le secrétaire général des Nations unies se retrouvaient à Madrid pour un sommet s’inscrivant dans une semaine d’hommages aux victimes des attentats de 2004.

Il y a donc près de dix ans, Kofi Annan, alors secrétaire général de l’ONU y déclarait :

Je dois malheureusement dire que les spécialistes des droits de l’homme, y compris ceux du système des Nations unies, considèrent tous, sans exception, que nombre de mesures qu’adoptent actuellement les États pour lutter contre le terrorisme constituent une atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales.

Il y a près de dix ans, le sous-groupe Internet de ce sommet formulait une série de recommandations pour lutter contre le terrorisme en tenant compte de ce formidable outil d’expression et d’interconnexion qu’est Internet.

C’était il y a près de dix ans : une éternité en « temps Internet »… Et ce n’a jamais été autant d’actualité.

Pouhiou.

madrid summit on democracy - CC-BY Wendy Seltzer
Madrid summit on democracy – CC-BY Wendy Seltzer

L’infrastructure de la démocratie.

Renforcer l’ouverture d’Internet pour un monde plus sûr.

Source.

Traduction framalang : Narcisse, Tim, Monsieur Tino, audionuma et les anonymes…

Recommandations proposées par le groupe de travail sur Internet du Sommet international sur la démocratie, le terrorisme et la sécurité.

I. Au XXIe siècle, Internet fait partie des piliers d’une société démocratique, parce que les valeurs au cœur d’Internet et de la démocratie sont très proches.
  1. Les fondements d’Internet sont : ouverture, participation et liberté d’expression pour tous, ce qui augmente la diversité et la portée des informations et idées diffusées.
  2. Internet permet de communiquer et de collaborer entre différents pays et différentes croyances.
  3. Internet rapproche des familles et des cultures dispersées à travers le monde, met les citoyens en relation et les aide à créer des sociétés civiles
  4. Internet peut favoriser le développement économique en connectant ses utilisateurs à l’information et à des marchés.
  5. Internet présente des idées et des points de vue différents aux personnes isolées qui pourraient être séduites par la violence politique.
  6. Internet n’échappe pas à la loi et les principes législatifs qui sont appliqués dans le monde réel doivent l’être également aux activités humaines sur Internet.
II. Les systèmes décentralisés — le pouvoir du nombre — peuvent vaincre un adversaire centralisé.
  1. Les réseaux terroristes sont très décentralisés et distribués. Une action centralisée ne peut donc en elle-même lutter contre le terrorisme.
  2. Le terrorisme est l’affaire de tous. Internet nous relie tous. Des citoyens connectés sont la meilleure défense contre la propagande terroriste.
  3. Comme nous l’avons vu à la suite des attaques du 11 mars, la réponse a été spontanée et rapide car les citoyens ont pu utiliser Internet pour s’organiser entre eux.
  4. Comme nous pouvons le constater sur les blogs et les autres médias citoyens, ce sont des discussions ouvertes, entre interlocuteurs dont les avis divergent, qui font émerger la vérité.
III. La meilleure sanction contre l’abus d’ouverture : plus d’ouverture.
  1. Les environnements ouverts et transparents sont plus sûrs et plus stables que ceux qui sont fermés et opaques.
  2. Même si certains services en ligne peuvent être interrompus, Internet est un système planétaire très résistant aux attaques, même les plus sophistiquées et les plus distribuées.
  3. Les interconnexions humaines qui ont lieu via Internet mettent en échec les divisions que les terroristes essayent de susciter.
  4. Le fait qu’Internet soit ouvert peut être exploité par les terroristes, mais tout comme dans les gouvernements démocratiques, l’ouverture réduit les risques d’actes terroristes et augmente l’efficacité des réponses au terrorisme.
IV. La régulation bien intentionnée de l’Internet dans les démocraties en place pourrait menacer le développement des démocraties émergentes.
  1. Le terrorisme ne peut détruire Internet, mais une réponse législative trop zélée face au terrorisme le pourrait. Les gouvernements devraient faire preuve d’une extrême prudence avant d’imposer des modifications des fonctionnalités au cœur d’Internet.
  2. Certaines initiatives gouvernementales qui pourtant semblent raisonnables violent les principes de base qui ont fait le succès d’Internet.
  3. Certains prônent par exemple la fin de l’anonymat, ce qui n’arrêtera certainement aucun terroriste déterminé, mais aura un effet dissuasif sur les actions politiques ce qui aura pour conséquence de réduire la liberté et la transparence. Ainsi par un effet boule de neige inattendu, la restriction de l’anonymat menacera la liberté d’expression, en particulier dans les pays en pleine transition démocratique.
V. En conclusion, nous prions l’ensemble des délégués réunis ici à Madrid de :
  1. Soutenir la cause d’un Internet ouvert, pilier de la démocratie du XXIe siècle et outil essentiel à la lutte contre le terrorisme
  2. Considérer Internet comme un moyen de communication indispensable et investir dans sa consolidation contre les attaques et sa capacité à refonctionner rapidement en cas de dégâts.
  3. Favoriser un accès plus large et plus égalitaire à Internet, en s’employant à réduire la fracture numérique.
  4. Protéger la liberté d’expression et d’association, soutenir la mise à disposition pour tous de moyens communication anonymes.
  5. Résister aux tentatives de gouvernance internationale d’Internet, qui pourraient avoir des conséquences indésirables et vont à l’encontre de la nature démocratique d’Internet : privilégier les initiatives qui partent de la base.



Une voix pour la neutralité du Net

…et pas n’importe quelle voix ! Vous le savez sans doute, le combat pour la neutralité du Net est mené avec constance et détermination par la Quadrature du Net qui lui consacre une section entière et des dossiers très fouillés sur son site.

Aujourd’hui les institutions européennes sont la proie des groupes de pression très puissants qui s’activent ouvertement pour remettre en cause le principe de neutralité pourtant acté clairement par le Parlement européen en avril de l’année dernière.

Qu’appelle-t-on au juste la neutralité du Net ? En quoi est-ce important pour chaque citoyen ?

Pour comprendre simplement l’enjeu, nous vous proposons ici une claire et brève intervention de celui qui a inventé le Web.

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La neutralité du Net est un enjeu décisif pour l’avenir de l’Europe.

par Sir Tim Berners-Lee, fondateur et directeur de la fondation World Wide Web

Article original publié sur le blog d’Andrus Ansip, membre du Parlement européen.
Traduction Framalang : Simon, Goofy, r0u, Framasky, panini, Narcisse, audionuma

En tant qu’inventeur du World Wide Web, on me demande souvent : « Et ensuite ? Quelle sera la prochaine révolution sur le Web ? »
Eh bien la vérité c’est que je n’en sais rien. Pourquoi ? Lorsque j’ai créé le Web, je l’ai conçu intentionnellement pour qu’il soit un espace neutre de création et de collaboration, qui repose sur l’ouverture offerte par Internet. Selon la vision que j’en avais, n’importe qui n’importe où dans le monde pourrait partager des connaissances et des idées sans avoir besoin d’acheter une licence ni de demander la permission, ni à moi ni à un quelconque PDG, ministère ou comité. Cette ouverture a déclenché un raz de marée d’innovations et continue de provoquer de nouvelles percées dans les sciences, le commerce, la culture et bien d’autres domaines encore.

Pourtant, aujourd’hui, un élément clé de l’ouverture qui sous-tend le Web et plus largement Internet, est menacé. Je suis en train de parler de la « neutralité d’Internet » — le principe suivant lequel chaque paquet de données doit être traité équitablement par le réseau. En pratique, cela signifie qu’il ne devrait pas y avoir de censure : l’État ne devrait pas restreindre le contenu légal créé par les citoyens, comme le garantit l’article 11 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE. Cela veut dire aussi qu’il ne devrait pas y avoir de restrictions motivées par des intérêts économiques. Un paquet de données — un courriel, une page web ou un appel vidéo — doit être traité de la même manière, peu importe qu’il soit envoyé par une petite ONG à Ljubljana ou une entreprise londonienne cotée au FTSE 100.

Maintenir la neutralité du Net est crucial pour l’avenir du Web et celui des droits humains, de l’innovation et du progrès en Europe. Une étude commandée par le gouvernement des Pays-Bas en juin 2013 a montré que la neutralité du Net stimule un cercle vertueux entre plus de compétitivité, des prix plus bas, une meilleure connexion et de plus grandes innovations, bénéficiant à tous les citoyens, ainsi qu’aux petites et grandes entreprises d’Internet.

Et pourtant, certaines entreprises et gouvernements prétendent que l’on devrait abandonner le principe de neutralité du Net. Jusqu’à maintenant, on a largement pu se passer de lois explicites pour protéger la neutralité du Net, mais comme Internet évolue, la situation a changé. Si on veut maintenir et développer Internet comme un moteur pour la croissance, on doit s’assurer que les fournisseurs d’accès ne soient pas capables de bloquer, étrangler ou restreindre le contenu légal et les services en ligne de leurs utilisateurs, que ce soit pour des raisons politiques ou économiques. Bien entendu, il ne s’agit pas seulement du blocage et du ralentissement réseau. Il s’agit aussi de d’arrêter la « discrimination positive », comme lorsque un opérateur Internet favorise un service particulier par rapport à un autre. Si nous n’interdisons pas explicitement cela, nous laissons un immense pouvoir entre les mains des opérateurs téléphoniques et fournisseurs de services en ligne. En effet, il pourront devenir des gardiens vigiles — capables de choisir les gagnants et les perdants du marché et de favoriser leurs propres sites, services et plateformes par rapport à tous les autres. Cela supprimera la compétition et éliminera de nouveaux services avant même qu’ils n’aient vu la lumière du jour. Imaginez qu’une nouvelle start-up ou un fournisseur de services doive demander la permission ou payer une redevance à un concurrent avant d’avoir pu attirer des clients ! Cela ressemble fort à de la corruption ou à de l’abus de position dominante — mais il s’agit exactement du type de scénario qui nous attend si nous abandonnons la neutralité du Net.

Ces inquiétudes ne sont pas imaginaires — la neutralité du Net est déjà attaquée. La Web Foundation a récemment sorti son Web Index 2014, une étude portant sur 86 pays. 74 % des pays répertoriés par le Web Index manquent de règles claires et efficaces sur la neutralité du Net ou montrent une discrimination tarifaire. Dans 95 % des pays étudiés où il n’existe pas de lois sur la neutralité du Net, on voit émerger des signes de discrimination du trafic — signe que la tentation pour les entreprises ou les gouvernements d’interférer semble irrésistible.
Le paysage actuel de la neutralité du Net dans les pays de l’Union européenne est assez hétéroclite. Certains états membres, comme les Pays-Bas (qui obtiennent le score élevé de 8 sur les 10 points possibles du Web Index), ont déjà inscrit ce principe dans leur législation. La République Tchèque, la Norvège et le Danemark sont également bien placés dans l’Index, avec un score de 7, alors que d’autres, comme la Pologne ou l’Italie, atteignent seulement 2 sur 10. Sanctuariser la neutralité du Net dans l’Union européenne tout entière pourrait augmenter le niveau de performance des pays de rang secondaire, pour finalement permettre à l’Europe de récolter le plein potentiel de l’Internet ouvert comme moteur de croissance et de progrès social.
Soumettre des règles fixant la neutralité du Net aux délibérations de l’Union européenne (dans le cadre d’un bouquet de propositions de lois intitulé Telecoms Single Market Regulation (Marché unique des télécommunications) permettrait de faire exactement cela. Le Parlement européen a pris clairement position en faveur de la neutralité du Net dans sa version de la loi du printemps 2014. C’est maintenant au tour du Conseil de l’Union européenne de déterminer sa position.

Le Conseil a prévu de conclure la phase de débats vers le mois de mars 2015, mais seulement si elle reste une priorité dans l’ordre du jour de la prochaine présidence lettonne. Pour que la neutralité du Net demeure une priorité haute sur l’agenda politique, tweetez-le à la présidence lettonne (@eu2015lv) et dites-leur que les citoyens et le monde des affaires de l’Union européenne ont besoin de la neutralité du Net maintenant, avant que la discrimination en ligne ne devienne la norme.

* * * * * * * *

Pour voir une excellente animation vidéo (de 3 minutes trente) sur la neutralité du Net, cliquez sur cette image :


Vidéo « Neutralité, j'écris ton nom » sur Youtube

Crédit photo




L’open source avec des mots simples.

Wrapped gifts, CC-BY Steven Depolo
Wrapped gifts, CC-BY Steven Depolo

Ah… il n’est pas si loin, le temps des réveillons et des repas de famille. Les retrouvailles, les dîners où l’on découvre sa belle-famille, les conversations qui défont et refont le monde… Seulement voilà, quand on travaille dans l’open source il est une question que l’on redoute particulièrement : « Mais dis-moi, ça consiste en quoi, ton travail, en fait ? »

Quelques fourchettes se posent, quelques nuques se tendent, l’oreille aux aguets. Il faut dire que, chez les Dupuis-Morizeau (notre sympathique famille-témoin qui a pris le relais des « Michus » depuis leur Normandie natale) l’open source relève de la charade…

On sait qu’il s’agit d’informatique. D’une informatique plutôt… « bien », comme ces légumes des AMAP qui ont meilleure presse que ceux des supermarchés. Mais… en quoi est-ce un métier ? Comment peut-on y gagner sa vie ? Est-ce réaliste dans notre monde où l’économie fait loi…?

Voici donc un petit guide pour expliquer le logiciel libre à votre belle-famille, lors de vos prochaines vacances.

Pouhiou.

Comment impressionner sa belle famille

L’open source pour les non-techniciens.

par Brian Proffitt.

Article original paru sur le blog de RedHat

Traduction Framalang : Simon, sinma, lamessen, McKael, goofy, niilos, nilux, Bussy, niilos, r0u, Tim, audionuma, r0u, Diab, et les anonymes…

En repensant à ces dernières vacances, je dois dire qu’au final, c’était plutôt détendu (ce n’est pas toujours acquis lorsque les proches font partie de l’équation.)

Cette année, j’ai passé Noël avec ma belle-famille et c’était la première fois qu’on se voyait vraiment depuis que j’ai commencé à travailler sur le projet oVirt. Tout ce que ma belle-famille savait était que j’avais obtenu un nouveau travail et que je voyageais beaucoup. Ce qui, naturellement, a suscité l’inévitable question : qu’est ce donc que je fais exactement ?

Difficile de répondre à cela aux gens en dehors du monde des TIC. Si je dis à un groupe de confrères, « je suis un animateur de communauté open source », je peux être raisonnablement sûr qu’ils auront au moins compris partiellement. Ils seront certainement encore à côté (de la plaque) dans leurs suppositions (« tu es un de ces hippies ? »), mais au moins on sera sur le terrain de la compréhension.

En-dehors des TIC, non seulement nous ne jouons pas dans la même cour de récré, mais il n’y a même pas une compréhension mutuelle des règles du jeu en cours.

Cette fois, c’est mon beau-père qui a posé la question. Je l’ai aidé à combattre les problèmes de sa machine Windows pendant des années, et il a retenu de nombreuses bonnes pratiques que j’ai essayé de lui transmettre (« ouvre ce genre de courriel et dis adieu à tes données » — ce genre de choses.) Pour expliquer l’open source en général, voilà ce que moi (ainsi que ma femme, par moments) je lui ai dit.

Imagine, ai-je commencé, que tous les logiciels qui tournent sur ton ordinateur sont comme une collection de livres dans une bibliothèque. Certains livres sont neufs, certains sont intéressants, certains ne le sont pas. Mais quels que soient leur sujet, ces livres ont un point commun : ce sont des livres. Ils sont comme ils sont, figés. Les mots inscrits sur les pages sont indélébiles, écrits par les auteurs et ils apparaîtront pour toujours comme ils ont été publiés.

Stockholm Public Library CC-BY Samantha Marx
Stockholm Public Library CC-BY Samantha Marx

De temps en temps, une nouvelle édition du livre peut paraître, en particulier si le livre est populaire. La nouvelle édition contiendra moins de coquilles et peut-être de l’information mise à jour. D’autres auteurs peuvent faire surface et écrire de nouveaux ouvrages, approfondis par rapport aux best-sellers, en complément. Mais tout au long de ce processus, ces livres sont figés à partir du moment où ils sont publiés.

C’est comme ça, disais-je, que la majorité des logiciels sur ton ordinateur fonctionnent. L’ordinateur peut les lire et les utiliser, mais personne, hormis les auteurs ou les éditeurs des logiciels, ne peut les changer.

Maintenant imagine le contenu de ces livres sur un support moins immuable. Par exemple une série de pages web. Le contenu commence de la même manière que pour les livres papiers, mais il est plus simple et plus rapide d’apporter des changements à ce contenu. Pas besoin de ré-imprimer le livre pour corriger « Appelez-moi Iggy ». Maintenant, ajoute à cela que comme tout peut être facilement modifié, tout le monde a le droit de lire un livre, et d’y apporter des changements. Et chacun de ces livres est gratuit.

C’est cela, lui disais-je, le logiciel open source. Il est installé tel quel, mais (si tu le souhaites), tu peux y apporter les modifications qui répondront à tes besoins. Un manuel rassemblant les instructions de réparation de tous les tracteurs au monde peut être réduit en un seul qui concerne seulement les tracteurs qui t’intéressent. Ou bien tu peux corriger toi-même toutes les fautes que tu trouveras dans le livre.

Puis vint l’inévitable question :

« Donc si tu donnes ces livres gratuitement, comment gagnes-tu de l’argent ? »

Eh bien, ai-je répondu, tu te rappelles les livres complémentaires que j’ai mentionnés ? Pense à eux comme des logiciels dont ton entreprise a besoin pour mener à bien son activité. Pour obtenir des logiciels meilleurs, plus efficaces, tu as besoin de les ajuster au logiciel libre de départ. Et ces ajustements, c’est là le plus important, demandent des compétences.

Knowledge experience narrative collaborative CC-BY Howard Lake
Knowledge experience narrative collaborative CC-BY Howard Lake

En effet, même si le logiciel est ouvert, il faut des compétences pour le modifier. De la même manière qu’il en faut pour écrire des livres. Si tu as ces compétences, alors c’est facile : récupérer le logiciel libre, y apporter ses modifications, et c’est parti. Mais ceux qui ont le plus de compétences et de connaissances sont, comme tu t’en doutes, les personnes qui ont écrit ce logiciel en premier lieu. Ainsi elles offriront leur aide à ceux qui en ont besoin. S’il s’agit d’entreprises commerciales, comme Red Hat, SUSE ou Canonical, elles monnaieront leur aide aux clients, ce qui générera un revenu.

Ça a semblé faire tilt.

« Donc toi tu écris les programmes ?»

— Non, étant donné que les gens de la communauté peuvent et vont le faire. Mon travail consiste à rendre le logiciel plus simple à utiliser (comment mieux lire le livre) et à écrire (en aidant à rassembler des procédures et des outils pour écrire des livres plus efficacement). Parce qu’on a besoin d’une certaine forme d’organisation. Donc je trouve des gens intéressés par l’évolution du logiciel et des gens qui trouvent un intérêt à utiliser ce logiciel. Et, comme il y a un intérêt commercial au logiciel, certains me rémunéreront pour faire ça.

De toute évidence, il y a des nuances que je n’ai pas approfondies, comme les licences permissives contre les licences restrictives, la gouvernance et les paramètres. Mais pour le moment, c’est là l’explication la plus efficace que j’ai utilisée pour illustrer l’idée d’open source et de la communauté. Dans cet esprit, n’hésitez pas à l’utiliser ou à l’améliorer.

 




Sensibilité, fraternité, logiciel libre

Le programmeur, et tout particulièrement celui qui se reconnaît dans les valeurs du Libre comme un hacker, est souvent perçu comme l’acteur d’une contre-culture. Il existerait un monde underground où une joyeuse bande de drôles de petits bonhommes (voir ce qu’en aurait dit Paracelse, ci-dessous) s’agiteraient autour de vaines activités plus ou moins gauchistes, idéalistes, utopistes, en tout cas très éloignées des préoccupations de ce bas-monde (du monde sensible, donc). Les assassinats terroristes subis en ce début de janvier 2015 ont montré qu’au contraire les libristes sont non seulement sensibles, mais mettent aussi à l’épreuve des faits les principes de liberté, d’égalité et de fraternité auxquels ils adhèrent.

Tel est le propos, tenu en profondeur par Véronique Bonnet, philosophe, dans le texte que nous publions aujourd’hui[1].

Sensibilité, fraternité, logiciel libre

(ou en quoi une tragique actualité récente en appelle plus que jamais aux valeurs de l’informatique libre)

Une tribune libre de Véronique Bonnet.

« Cerises d’amour aux robes pareilles », tendres proies, chairs à fusil… Abattues par une détermination glacée. La chanson Le Temps des cerises fut dédiée par Jean-Baptiste Clément, en 1871, à une infirmière courageuse, Louise, fusillée pendant la semaine sanglante. « Cerises d’amour aux robes pareilles, tombant sous la feuille en gouttes de sang […] J’aimerai toujours le temps des cerises, c’est de ce temps-là que je garde au cœur une plaie ouverte… ». Clément conjugue synergie citoyenne et sympathie, fruits qui se cueillent, eux aussi, en rêvant. Ni liberté ni égalité sans fraternité.

Toutes proportions gardées, eu égard à la gravité de cette actualité récente, rappelons la centralité, dans l’éthique du logiciel libre, de cette composante fraternelle. Soit de l’appartenance commune à l’humaine condition. Ces jours difficiles ne peuvent que nous donner l’énergie de persévérer dans cette sympathie, la synergie du ressenti, qui caractérise l’idéal du Free Software.

Dans sa déclinaison de la triade de la République, « liberté, égalité, fraternité », Richard Matthew Stallman, fondateur en 1983 du projet GNU, rappelle ce ciment de la communauté des utilisateurs. La fraternité n’y est pas la cinquième roue du carrosse mais l’horizon sensible qui anime l’esprit libriste, partageux. D’aucuns disent datalove, d’autres common data, d’autres encore Commons, patrimoine inaliénable de ce que l’ingéniosité humaine a pu produire de plus beau, lignes de codes, patrimoine intellectuel et esthétique.

La fondation de Richard Stallman, la Free Software Foundation, dont la petite sœur francophone est l’April (Association francophone de promotion et défense du logiciel libre), vise à protéger l’informatique d’appropriations privatrices, et prend toutes dispositions pour laisser à l’utilisateur sa sensibilité cosmopolitique et les moyens informatiques de ses aspirations au partage. Eben Moglen, juriste décisif, concepteur de la GNU GPL, archétype des « gauche d’auteur », côté cœur, a œuvré pour la cause de l’inaliénable.

Rappelons quelques paroles de la chanson du logiciel libre, la Free Software Song, de Richard Stallman lui-même, filk musical, ou copie reconfigurée, d’une chanson bulgare, qui mettent au premier plan le voisin, le prochain :

Join us now to share the software,
and you’ll be free, hackers, you’ll be free […]
Hoarders can get piles of money,
That is true, hackers, that is true.
But they cannot help their neighbors;
That’s not good, hackers, that’s not good.

[« Rejoins-nous pour partager les logiciels, et vous serez libres, hackers, vous serez libres […] Les affairistes peuvent gagner des tas d’argent, c’est vrai, hackers, c’est vrai. Mais ils ne peuvent pas aider leurs voisins ; et c’est pas bon, hackers, c’est pas bon. »]

En ce début de XXIe siècle, les pratiques informatiques peuvent-elles faire l’économie de la fraternité ? Au nom d’un rêve d’autosuffisance, d’auto-fécondité, qui croirait pouvoir se passer de sensibilité ?

L’informatique se présente initialement comme une entreprise audacieuse de mécanisation des opérations de l’être parlant, l’humain. Cherchant à implémenter dans les scripts, les lignes de commande, des instructions mimant les rouages de l’intellect. Sans jamais rencontrer la confusion d’une incarnation. Évacuer le sensible de l’informatique, au seul profit de l’intelligible ? Abstraire, certes, aller du vécu au pensé, pour coder. Mais réintégrer la chair du monde, et de ceux qui l’habitent, pour laisser étudier le code, le copier, l’améliorer, le partager.

Philippe Breton, dans son Histoire de l’informatique[2], souligne déjà l’un des traits de l’évitement de la différence, à travers une symbolique sexuelle qu’il relie au Frankenstein ou le Prométhée moderne de Mary Shelley, et fait remonter à Paracelse : celle de l’économie du féminin, soit, dans des conceptions anté-génétiques, la mise entre parenthèses de l’être pourvoyeur de matière. Pour laisser le champ libre au masculin, être pourvoyeur de formes. Et en faire un programmeur de code, de chaînes abstraites suffisamment complexes pour se reconfigurer elles-mêmes, comme le ferait un vivant. Il fait remonter ce rêve à Paracelse, et à sa théorie des « homoncules », soit des petits humains.

Philippe Breton écrit, p. 35 de son ouvrage : « Les homoncules de Paracelse constituent une tentative intéressante pour constituer des répliques de l’homme sans avoir recours à un utérus féminin. Ces nains monstrueux employés comme agents puissants et connaissant des choses secrètes qu’autrement les hommes ne pourraient pas savoir (conformément au thème de l’imperfection de l’homme) sont formés à partir de sperme et de sang selon l’ancienne croyance (Aristote et Pline, par exemple). Leur fabrication était liée à la théorie spermiste de la préformation qui supposait que toute l’espèce humaine était préformée dans les reins du premier homme et dans les ovaires de la première femme. Le projet de se passer des femmes comme génitrices n’est sans doute pas étranger à toutes les tentatives ultérieures de créer des « intelligences artificielles. »

Nous pourrions compléter cette piste ouverte par Philippe Breton en indiquant que lorsque Mary Shelley écrit, au bord du lac Léman, son Frankenstein, elle est inspirée par les lectures et conversations sur le galvanisme, dispositif dont on espère qu’il ravive. Usage de l’éclair dont elle va imaginer qu’il mette en vie, qu’il érige en organisme homogène des éléments hétérogènes. Ces élaborations sont perpétrées par un cercle d’intellectuels qui compte alors lord Byron. Ce dernier aura pour fille… une certaine Ada, bien connue de la communauté de programmeurs sous son nom d’épouse, Ada Lovelace, mathématicienne, considérée comme la première programmeuse, pour avoir rédigé un algorithme permettant de faire exécuter un calcul des nombres de Bernoulli par la machine analytique de Charles Babbage. Penser alors l’engendrement de l’intelligence artificielle comme formalisme univoque ? Dans l’évitement et du féminin et de la dimension de l’être symboliquement associée au féminin, depuis Aristote, qui s’appelle la sensibilité ?

Il est intéressant qu’une femme écrivain, Mary Shelley, démiurge à sa manière, créatrice autarcique, dans son Frankenstein, représente un homme, le Docteur Frankenstein, donnant vie, par l’énergie de la foudre, à un composé d’hommes, sa créature, pour laquelle il ne parviendra pas à éprouver de sentiment paternel, d’où la suite. Et qu’une mathématicienne, Ada, fille de mathématicienne, Anabella, celle-là même que Lord Byron appelait « la princesse des parallélogrammes », aille plus loin que Babbage lui-même dans la pratique de l’abstraction. L’informatique va-t-elle jusqu’à revendiquer un formalisme désincarné, en plus de neutraliser les aspérités sensibles des langues dans le code ?

Le Libre, l’informatique qui « rend sensible au cœur » l’inaliénabilité des outils logiciels et des créations qu’ils permettent, remet l’humain au centre, dans toutes ses dimensions, contre la brutalité abstraite de ce qui le nie. Douceur, l’autre soir, du dessin de Gee. Chaleur d’une communauté libriste, qui ne fait jamais humanité à part.


[1] En réalité Véronique Bonnet nous a proposé son texte voilà plus d’une semaine. Or Framasoft a connu de grosses difficultés avec les serveurs qui hébergent nos sites et services, ce qui explique ce retard. Nous tenons à nous en excuser ici une nouvelle fois.

[2] Philippe Breton, Histoire de l’informatique, Paris : Seuil, 1990.


Image de l’en-tête : What is art?, par Steve Jurvetson (Licence CC-By).




Framalang

Carte "Framalang" Le groupe de travail Framalang traduit – en toute autogestion – des articles, sites et livres… Le monde du numérique exclut parfois les non-anglophones, c’est pour cela que Framalang publie ses traductions sur le Framablog.

Présentation

Le groupe Framalang a pour objectif de traduire collaborativement des nouvelles du monde du Libre. La plupart du temps, ces traductions sont destinées à être publiées sur le Framablog, mais elles peuvent aussi servir à des projets amis (LQDN, April, etc.) ou viser à traduire un livre pour une édition Framabook.

Un billet spécial du Framablog a été consacré à ce groupe en guise de présentation et remerciement ainsi qu’une interview croisée de plusieurs de ses membres. Dans la joie et la bonne humeur, traductrices et traducteurs se réunissent sur une liste de discussion (voir plus bas pour l’inscription), exercent une veille du « Libre » anglophone, évaluent les travaux potentiels à traduire, puis s’attellent à la tâche !

illustration CC-By David Revoy (sources)

Comment participer ?

Il faut tout d’abord s’inscrire sur la liste de diffusion. Chacun-e peut y répondre et y participer (sans spammer le reste du groupe, bien entendu !)

Ensuite, vous avez les emails et l’outil de suivi des traductions pour retrouver les travaux en cours et leur état d’avancement… donc voir ce que vous pouvez proposer !

Inscription au groupe Framalang

Nous traduisons principalement des articles originellement en Anglais.

Pour s’inscrire, suivre ce lien : http://framalistes.org/sympa/subscribe/framalang

Et parce ce qu’il n’y a pas que l’anglais dans la vie, Framalang a récemment créé une nouvelle liste de traducteurs pour la langue espagnole. Il va sans dire que vous y êtes également les bienvenu⋅e⋅s.

Pour s’inscrire, suivre ce lien : http://framalistes.org/sympa/subscribe/framespagnol

Nous vous remercions par avance de votre éventuelle « candidature » 😉

 

Le chemin d’une traduction

Participer à Framalang, ce n’est pas simplement traduire… En réalité, chaque membre du groupe peut :

Proposer une traduction

Ce travail de veille et de proposition d’article à traduire est très important, et nous sommes toujours avides de nouveaux contenus à traduire ! Nous commençons généralement le sujet de ces email par : [Proposition], avec dans l’email le lien vers la source, l’auteur⋅e et une rapide présentation du propos.

Accepter une proposition

Vous voyez un article sur lequel vous seriez prêt-e à travailler ? Dites-le en répondant à l’email de proposition. En général, à partir de 2, 3 réponses enthousiastes, on lance la traduction.

Contacter l’auteur⋅e d’un article proposé

Si la proposition de traduction n’est pas sous une licence permettant l’adaptation, il faut en contacter l’auteur-e pour demander une autorisation de traduction.

Padifier l’article

Il s’agit simplement de copier l’article original sur un framapad (outil d’écriture collaborative).

Framalang dispose d’un répertoire Mypad spécifique nommé étrangement Framalang. Pour créer un nouveau pad dans ce groupe, il faut demander sur la liste :

  • soit qu’un administrateur/administratrice le fasse pour vous
  • soit  les droits d’administrations pour vous-même.

Pensez à mentionner le titre, l’auteur, la licence et la source, et à sauter 2 lignes entre chaque paragraphe pour que la traduction se fasse aisément. Une fois le pad prêt, il suffit d’envoyer son adresse au groupe dans un nouvel email marqué [Traduction].

Traduire l’article

C’est la partie où on retrouve le plus de monde, souvent les traductions vont vite ! Il suffit d’aller sur le pad et d’écrire (pensez à mettre votre pseudo et à choisir votre couleur dans l’icône en haut à droite). Toutes les traductions en cours ou passées sont disponibles dans notre outil de suivi des pads.

Proposer chapô et illustration

À l’intérieur du pad, vous pouvez rédiger le chapô : une introduction à cet article qui présente l’auteur-e, le propos, et pourquoi le groupe a trouvé important de le partager auprès du public francophone.

Vous pouvez aussi proposer des illustrations (Libres) à l’aide d’un lien et en mentionnant auteur, titre et licence de l’image (vous pouvez aussi partager ces images via notre outil Framapic !)

Relire la traduction

C’est un travail essentiel. N’hésitez pas à imposer vos choix : la traduction de l’autre n’est pas sacrée, et nous sommes dans une dynamique de confiance. On a souvent plus de recul à la relecture qu’à la traduction, donc une meilleure approche de la bonne tournure à choisir.

Ce n’est que lorsque vous n’êtes pas sûr⋅e de votre proposition que vous la signalez à côté /*en la mettant dans ces signes*/ (attention : vous laisserez alors plus de travail aux personnes qui mettront l’article sur le blog !). Une bonne relecture est une relecture où tous les choix de traductions ont été tranchés ;).

Bloguifier la traduction

Certain⋅e⋅s membres de Framalang ont des accès au Framablog. Leur travail consiste à prendre votre traduction, la vider de l’anglais, trancher dans les derniers choix (il faut qu’il y en ait le moins possible, siouplé), l’illustrer, lui écrire un chapô, la mettre en page… Si vous vous sentez assez à l’aise dans le groupe (pour savoir motiver les troupes) et l’envie de faire ce travail-là, n’hésitez pas à le dire au groupe !




Best of

Tigr - CC byLe Framablog a ouvert ses portes en septembre 2006 et dépasse désormais le millier d’articles !

Il y a des billets circonstanciés et directement liés à l’actualité qui perdent de leur acuité avec le temps. Mais il en est d’autres qui conservent selon nous leur intérêt et qu’il nous semble dommage de définitivement ranger dans les limbes des archives et du temps qui passe[1].

Surtout si vous êtes un nouveau lecteur.

En voici une petite sélection non exhaustive. Quelqu’un qui aurait le courage de tous les parcourir bénéficierait d’une formation accélérée en logiciel et culture libres 😉

2012

2011

2010

  • Quand le hacker se découvre parasite ! : À l’intérieur du Net le hacker est pour certains une sorte de héros des temps modernes. Mais que se passe-t-il si on rejette en bloc cette modernité ? Grosse discussion dans les commentaires.
  • Le Loup et le Chien : De la (modeste) poésie sur le Framablog ? Si, si, c’est possible !

2009

2008

2007

2006

  • Framablog is open : Le tout premier billet qui annonce une couleur qui s’est un peu transformée depuis.

Notes

[1] Crédit photo : Tigr (Creative Commons By)




La liberté d’expression dépend de nous

Nous avons choisi aujourd’hui de donner un écho à l’article publié sur son blog par Thierry Crouzet (en savoir plus sur ce geek polygraphe né avant le Minitel). Comme d’autres, avec moins d’acrimonie toutefois, il pointe les limites de nos protestations. Mais il a le mérite de proposer quelques actions concrètes que nous pouvons entreprendre demain matin.

Certains, très remontés contre l’étranglement en cours des libertés numériques, trouveront peut-être ses suggestions trop timorées ou idéalistes… mais la nécessaire réactivité n’empêche pas d’opérer un examen critique de nos propres habitudes sur le Net : défendons-nous la liberté d’expression par notre écoute complaisante des voix dominantes, la somnolence de notre esprit de discernement, la maigreur de notre créativité en ligne au regard de notre consommation démesurée de contenus, notre fréquente incuriosité et notre si rapide lassitude ? — autant de critiques en creux dans la liste des recommandations que vous allez lire.

Lorsqu’il nous enjoint de modifier nos comportements pour réaliser la liberté d’expression, Thierry Crouzet n’est pas loin d’écrire en moraliste. 

Les commentaires sont temporairement ouverts et modérés.

Comment défendre la liberté d’expression sur le Net et ailleurs

Une tribune libre de Thierry Crouzet

C’est bien beau de descendre dans la rue au nom, entre autres, de la liberté d’expression, mais croyez-vous que nous serons demain plus libres de nous exprimer après la démonstration d’unité nationale du 11 janvier 2015 ?

Extase collective. Grande communion. Nécessaire décharge émotionnelle. Vos intentions diverses auront été incapables de défendre ce qui était au cœur du problème, à son origine, le droit de s’exprimer librement sans encourir la peine de mort, l’emprisonnement, les coups de bâton ou la simple censure.

Une nation n’est pas la somme de ses individus, elle est elle-même et possède une volonté propre, celle de se perpétuer. Elle n’existe que par une sorte d’autopoïèse, l’enfermement de ses atomes dans un corps où leur individualité a bien peu d’importance.

La nation exige le contrôle et la liberté d’expression s’oppose au contrôle. Elle est désordre et complexification.

Manifester par millions, s’affirmer comme nation est d’une certaine manière incompatible avec la volonté de maintenir et de développer la liberté d’expression, c’est-à-dire une gigantesque diversité qu’ensevelit le mouvement unitaire d’un jour. Une fois la nation révélée plus puissante que la plupart ne le pensait, ses porte-garants s’en trouvent ragaillardis, leur volonté redouble de maintenir l’entité étrange dont ils sont le fer de lance. Ils n’auront d’autres fins que renforcer sa carapace, que réduire son désordre, que limiter sa complexité, que s’opposer à la liberté d’expression.

Plus une nation est puissante moins on y est libre.

Il est déjà question de serrer la vis sur Internet, d’imposer aux hébergeurs une validation a priori des contenus. Comme nous sommes désormais tous producteurs de textes, photos, vidéos, il faudrait mettre derrière chacun de nous un contrôleur. Vous voyez bien l’absurdité. Finis Facebook, Twitter, les plateformes de blogs… Ces services ne peuvent disposer d’autant de salariés que d’utilisateurs.

Comme l’a démontré Valentin Turchin, un système de supervision pour être efficace doit maintenir un niveau de complexité au moins égal à celui du système à contrôler. Pour contrôler une foule sur le Net, il faut une autre foule, à moins de limiter les pouvoirs de la foule, de lui interdire de s’exprimer librement.

Le contrôle a priori du Net est donc tout simplement impossible à moins de réduire drastiquement le nombre des gens qui ont le droit de s’exprimer.

Dans un monde libre, seule la vigilance de chacun préserve la liberté de tous.

Alors au travail. Et un point de logique maintenant. Notre temps d’attention est limité. Nous ne pouvons pas aujourd’hui écouter, lire, voir plus de contenus que dix ou vingt ans plus tôt, à moins de rester rivé à nos écrans et de renoncer à toute action sur le monde. Si on mesure l’audience en heures d’écoute par individu, elle s’accroît sans doute, mais pas dramatiquement avec la technologie. Notre bande passante en input n’augmente guère.

Si je m’exprime sans que personne ne m’écoute, suis-je réellement libre de m’exprimer ? Oui et non. La liberté d’expression ne peut progresser que si les voix dissidentes ont une chance de se faire entendre, que si le désordre s’accroît dans la nation. Si tout le monde est libre de s’exprimer mais si tout le monde écoute uniquement les médias dominants, la liberté d’expression est bel et bien en danger.

Pour défendre la liberté d’expression, il ne nous suffit donc pas de manifester, de crier notre mépris de la censure et des lois de type Patriot Act. Nous devons diversifier nos sources d’information, de réflexion, de critiques. Nous n’avons pas le droit de nous offusquer de la censure si, au fond, elle n’affecte pas ce que nous lisons et si nous-mêmes sommes des censeurs involontaires.

Se lever pour la liberté d’expression, c’est une bonne intention qui doit se doubler d’un plan d’action concret. Il s’agit de dépenser autrement notre temps d’attention. Plutôt que de le concentrer sur quelques sources quasi officielles, nous devons le répartir entre un plus grand nombre de sources.

  1. S’imposer tous les jours de lire au moins une source nouvelle.
  2. Pousser sur les réseaux sociaux des articles issus des voix indépendantes, par rapport à celle des grands médias.
  3. Ne plus suivre les grands médias qu’avec parcimonie.
  4. Ne pas se focaliser sur la voix de la nation et de ses alliés.
  5. Devenir une voix, participer à la biodiversité.

La liberté d’expression dépend de l’usage que chacun fait de sa liberté d’écouter, de lire, de voir… C’est nous-mêmes qui la mettons en danger par notre fainéantise.

PS : Au moment où la nation se trouve renforcée, les grands journaux voient leur audience augmenter, signe déjà d’une recentralisation de l’audience, signe que de nombreuses autres voix parlent dans le vide.

soleilCrouzet.png

Où est Charlie maintenant ? Tout là-bas dans le bleu.

Billet et image (cc) by-nc-sa, 2005-2015, Thierry Crouzet